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Le Rojava a besoin d’aide contre le coronavirus

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BERLIN – La membre du Bundestag, la députée Ulla Jelpke demande un soutien au Rojava pour faire face à la pandémie du COVID 19.
 
Alors que l’épidémie du coronavirus menace les Kurdes du Rojava, Ulla Jelpke, porte-parole pour la politique intérieure du groupe parlementaire DIE LINKE, demande un soutien à la région autonome de la Syrie du Nord et de l’Est. Jelpke prévient : « Des millions de personnes n’ont pas la possibilité de faire des tests de corona car le seul laboratoire équipé à cet effet dans la ville de Serêkaniyê (Ras al-Aïn) a été occupé par l’armée turque. De plus, il n’y a que quelques dizaines de ventilateurs dans la région. Un déclenchement de la pandémie dans la région ébranlée par la guerre contre l’État islamique (DAECH / ISIS), l’occupation turque et les attaques continues de l’armée turque aurait des conséquences dévastatrices. »
 
Des centaines de milliers de déplacés internes au Rojava
 
« Il y a encore des centaines de milliers de personnes déplacées syriennes qui vivent dans des camps exigus au Rojava. En outre, des dizaines de milliers de combattants des DAECH et leurs proches se trouvent dans de grands camps d’internement sous la responsabilité des autorités autonomes. Tous ces camps seraient de gigantesques pièges mortels si la pandémie devait y éclater », souligne Jelpke.
 
Appel au gouvernement fédéral
 
« J’appelle donc le gouvernement fédéral, en plus de ses efforts contre la propagation de la corona en Allemagne, à assumer sa responsabilité internationale et à soutenir l’administration autonome du Rojava avec du matériel médical, des fournitures et des médicaments pour prévenir les décès en masse. »
 

CORONAVIRUS. TURQUIE. Pétition pour la libération des prisonniers politiques et des non-criminels

« À l’heure actuelle, plus de 50 000 journalistes, écrivains, politiciens, musiciens, universitaires, défenseurs des droits de l’homme, enseignants, médecins, avocats, étudiants, hommes d’affaires et femmes au foyer sont incarcérés pour terrorisme. »

TURQUIE / BAKUR – Des dizaines de milliers de prisonniers politiques, dont des Kurdes comme Selahattin Demirtas, croupissent dans les prisons surpeuplées turques. Avec l’arrivée de l’épidémie COVID – 19, leur vie est sérieusement menacée. Une pétition* appelant à la libération de ces prisonniers ainsi que les non-criminels vient d’être lancée.
 
 
Le texte de la pétition : « Notre pays et le monde traversent une période extraordinaire. Alors qu’un virus qui se propage rapidement a conclu à des massacres, les gouvernements ont pris des mesures sévères visant à assurer la santé publique et à minimiser les pertes de vies. Pour cette raison, il est impératif de prendre des mesures d’urgence pour les prisons turques, où plus de 300 000 prisonniers sont enfermés et où quelque 150 000 agents pénitentiaires travaillent.
 
La population carcérale turque a dépassé de 100 000 personnes la capacité d’accueil du pays. Les installations pénitentiaires manquent de capacités d’isolement, d’hygiène, de nutrition et de traitement adéquates. Cette situation constitue une grave menace pour le droit à la vie de tous les prisonniers, que l’État a l’obligation constitutionnelle de protéger.
 
En premier lieu, tous les prisonniers malades, âgés, femmes et nourrissons devraient être libérés d’urgence. Et le paquet de réformes judiciaires, ainsi que le projet de loi sur l’exécution des peines, qui devraient être mis à l’ordre du jour du Parlement dans les prochains jours, devraient être conçus dans le respect du principe constitutionnel d’égalité.
 
Dans une situation qui exige la libération des prisonniers pour sauvegarder le droit fondamental à la vie, un règlement qui maintient derrière les barreaux des intellectuels, des politiciens, des artistes et d’autres personnes qui ont été emprisonnés pour « terrorisme » pour avoir tweeté, écrit ou fait de la musique, conduira à de nouvelles blessures dans la conscience publique.
 
Comme l’ont mis en garde les organisations internationales, des dizaines de milliers de personnes continuent aujourd’hui à être accusées de terrorisme, ce qui constitue une violation flagrante des principes de légalité, de prévisibilité, de légalité et de non-rétroactivité.
 
Des dizaines de milliers de personnes qui n’ont pas été impliquées dans la coercition et la violence ou qui ne les ont pas encouragées, ont été accusées de diriger, d’être membres ou de soutenir des organisations terroristes.
 
Des dizaines de milliers de personnes qui n’ont rien à voir avec les actions criminalisées ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites simplement sur la base de leurs opinions, au mépris total de l’individualité de la responsabilité pénale.
 
Afin de mettre un terme à cette illégalité, la législation antiterroriste devrait être débarrassée de toute ambiguïté de manière à protéger toutes les personnes qui n’ont pas été impliquées dans des actes de violence contre des accusations liées au terrorisme.
 
Une enseignante a été emprisonnée pour avoir « diffusé de la propagande terroriste » simplement parce qu’elle avait dit : « Les enfants ne devraient pas mourir ! Des centaines d’universitaires connus sous le nom d' »universitaires pour la paix » ont été arrêtés et condamnés à la prison pour avoir exhorté les parties belligérantes du sud-est de la Turquie à mettre fin aux combats. Ils ont signé une déclaration qui disait : « Nous ne serons pas partie à ce crime ». Des milliers de personnes sont toujours détenues derrière les barreaux pour avoir exprimé leurs opinions.
 
À l’heure actuelle, plus de 50 000 journalistes, écrivains, politiciens, musiciens, universitaires, défenseurs des droits de l’homme, enseignants, médecins, avocats, étudiants, hommes d’affaires et femmes au foyer sont incarcérés pour terrorisme.
 
Nous demandons la libération des personnes en détention préventive pour de telles accusations afin de protéger leur droit à la vie, soit par le biais du paquet de réforme judiciaire qui sera examiné par le Parlement, soit par des décisions qui seront directement rendues par les tribunaux. Quant à ceux qui sont condamnés, ils devraient pouvoir bénéficier des amendements. Nous demandons également la suppression des problèmes liés aux lois antiterroristes qui sont à l’origine de toutes ces injustices. »
 

CUISINE. Taboulé à la kurde

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Rojbaş / bonjour les confinés du COVID 19 ! Ne vous laissez pas abattre par ce confinement forcé du au coronavirus. Prenez soin de vous et nourrissez-vous sainement ! Si vous ne savez plus quoi manger, voici une recette de taboulé à la kurde (çig*) idéale pour la saison et surtout facile à faire. (On sait qu’il y a beaucoup de magnifiques paresseux parmi nos abonné-e-s…)
 
Recette pour 4 personnes :
 
2 verres de semoule fine
3 branches de menthe
3 branches de persil plat
3 feuille de basilics frais
1 oignon rouge
1 poivron long vert
2 tomates bien mûres
2 citrons jaunes
2 gousses d’ail 
Huile d’olive
Eau chaude
Sauce de tomate concentrée
Feuilles de salade verte
Sel, piment ou poivre
 
1ère étape:
 
Faire bouillir de l’eau chaude et lorsqu’elle est à ébullition, verser à hauteur de deux bons verre à eau.
 
Ajouter une bonne cuillerée de tomate concentrée dans l’eau, mélanger le tout jusqu’à ce que ce soit liquide. Verser un peu d’huile d’olive puis la semoule dans un récipient creux et  mélanger immédiatement.
 
2 ème étape:
 
Émincez la menthe, le persil, l’oignon le poivron, les tomates. Pressez le citron et les gousses d’ail.

3 ème étape:
 
Ajoutez le tout à la semoule et versez 4 cuillerées à soupe d’huile d’olive.
Vous pouvez toujours ajouter du sirop concentré de grenade (à trouver dans des épiceries orientales).

Dégustez-la en la faisant rouler dans des feuilles de salades bien croquantes pour un voyage au Kurdistan à travers les saveurs culinaires !

 
Nosican be / Bon appétit
 
*Ce taboulé est également connu sous le mon de « kısır » en turc.

GUERRE DE L’EAU. La Turquie empire la pandémie du COVID-19 au Rojava

SYRIE / ROJAVA – Au lieu de lutter contre le COVID-19 sur son sol, la Turquie veut empirer celui qui frappe le Rojava. Alors ne vous etonnez pas si vous entendez les Kurdes parler du virus turc.
 
En pleine pandémie du coronavirus, la Turquie continue d’utiliser l’eau du Kurdistan du Nord (Bakur) comme une arme de guerre contre les Kurdes du Rojava. Une guerre pas comme les autres et dont les conséquences seront dramatiques dans une région déjà saignée à blanc par un conflit vieux de 10 ans… Un acte dénoncé par l’UNICEF* également.
 
Dans son article « La crise hydrique en Syrie : un vecteur croissant de conflits, actuels comme futurs (2/2) : le rôle des variations hydriques et climatologiques dans la crise syrienne », le journaliste Emile Bouvier revient sur cette arme de guerre laissée entre les mains de la Turquie qui menace les Kurdes, la Syrie et l’Irak.
 
A lire sur le site Les clés du Moyen-Orient

*« Une fois de plus, l’approvisionnement en eau de la station d’eau d’Allouk, dans le nord-est de la Syrie, a été interrompu. C’est la dernière d’une série d’interruptions du pompage au cours des dernières semaines.

L’interruption de l’approvisionnement en eau dans le cadre des efforts actuels visant à freiner la propagation de la maladie du coronavirus fait courir un risque inacceptable aux enfants et aux familles. Le lavage des mains au savon est essentiel dans la lutte contre le Covid-19.

La station est la principale source d’eau pour environ 460 000 personnes dans la ville d’al-Hasskeh, Tal Tamer et les camps d’al-Hol et d’Areesha. Un accès ininterrompu et fiable à l’eau potable est essentiel pour que les enfants et les familles de la région n’aient pas à recourir à des sources d’eau insalubres.

UNICEF et ses partenaires aident les familles de la ville d’al-Hassakeh et des camps pour familles déplacées en leur fournissant de l’eau par camion, mais cela couvre à peine les besoins minimums si l’approvisionnement en eau est à nouveau interrompu.

Aucun enfant ne devrait avoir à vivre ne serait-ce qu’un jour sans eau potable. L’eau propre et le lavage des mains sauvent des vies. L’eau et les installations d’eau ne doivent pas être utilisées à des fins militaires ou politiques – quand elles le sont, les enfants sont les premiers et les plus touchés. »

Déclaration de Fran Equiza, représentant d’UNICEF en Syrie

Le coronavirus et le soleil

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Confinement J 8 – Elle est sortie faire ses courses après 3 jours de confinement total, mais croisée le soleil. Le coup de foudre fut immédiat.
 
Elle est rentrée à la maison en oubliant le caddy sur le trottoir, avec l’attestation de sortie à l’intérieur. Manque de bol, les flics l’ont arrêtée, car elle avait un sourire louche aux lèvres, et lui ont demandé ce qu’elle fichait dans la rue.
 
Oy, hawar ! Qui va payer le PV* ? Le soleil ou son cœur ?

Keça Bênav / La fille sans nom (en kurde, Bênav signifie « sans nom » et Keç « fille »)

PS: Ceci est de la fiction, ne vous inquiétez pas pour rien. 🙂

Coronavirus, mon amour

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Le monde post-coronavirus ne sera jamais comme celui qu’on a connu jusqu’à présent. Il est en gestation et c’est encore trop tôt pour le prédire. Mais on peut être sûr que nos vies changeront à jamais. En attendant, l’envie d’aller vers nos semblables se fait de plus en plus pressante à mesure que le confinement se prolonge. Pour vous donner un peu de baume au cœur en ces temps difficiles, voici un petit message de Keça Bênav :
 
« Moi qui étais de nature réservée, voire introvertie, cachant ses sentiments, depuis une semaine, j’ai l’impression que je distribue des morceaux de mon cœur à qui le veut, en le coupant en petits pains qui se démultiplient à l’infinie…
 
Je cris « Tenez, mangez, ceci est mon coeur ! » Celle ou celui qui dit « j’en veux pas » est un-e imbécile à qui mon père aurait dit « Se hingiv naxin (les chiens ne mangent pas de miel) ! »
 
Keça Bênav / La fille sans nom (en kurde, Bênav signifie « sans nom » et Keç « fille »)

CUISINE. Le katmer ou la calzone à la kurde

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Bonjour les confinés du coronavirus. Pour le déjeuner de ce midi, on vous propose une recette kurde. C’est le katmer ou la calzone à la kurde. Une pâte fine que vous remplissez en demie lune avec une farce de votre choix et que vous cuisez au four ou dans une pizza Pan. 
 
Recette pour 4 personnes:
 
500 gr de farine
1 levure du boulanger
Beurre
Huile d’olive
sel
eau
 
1ère étape:
 
Verser la farine, la levure et le sel dans un récipient creux et la pétrir avec de l’eau jusqu’à l’obtention d’une pâte compacte.
 
Former une pâte extensible et élastique. Une fois la pâte pétrie, laissez-la se reposer une demi-heure.
 
2ème étape :
Mettre le çolik, toraq (fromage sec kurde, à chercher dans des épiceries kurdes ou un fromage de chèvre sec ou frais de votre choix) dans un récipient creux également, hacher finement 2 oignons et le persil plat. Mélanger le tout.
 
3 ème etape:
 
Commencer à faire des boules de la pâte préparée, grandeur d’un œuf.
Étaler de la farine sur votre plan de travail. Étalez la pâte à l’aide d’un rouleau à pâtisserie pour obtenir une fine galette.
Étalez la farce déjà préparé en une demie lune avec le dos d’une cuiller à soupe, puis rabattre le côté vide de la pâte comme en demi cercle. (Voir l’image des katmers.)
 
Cuisson:
 
Utiliser une « pizza Pan » sans le couvercle, ou le four. Chauffer le four à 220 degré.
Posez le katmer sur un lèche-fritte huilée ou sur du papier sulfurisé et laissez-le cuire pendant 3 minutes de chaque côté.
 
Nosican be / bon appétit

TURQUIE. « Le virus nommé à 5 mairies kurdes »

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TURQUIE / BAKUR – Hier, pendant que la Terre s’est arrêtée de tourner pour lutter face à un ennemi commun : le Covid-19, le gouvernement turc a ignoré la crise sanitaire à venir et le nombre croissant d’infections sur son territoire. Il a attaqué 5 municipalités kurdes en plein confinement dû au coronavirus.

 
Le gouvernement turc a limogé les maires HDP des municipalités de Batman, Silvan, Lice, Eğil et Ergani, au Kurdistan du Nord. Les co-maires ont été arrêtés et des administrateurs (kayyum) ont été nommés à leur place.
Des membres du HDP, des civils qui voulaient empêcher la prise de contrôle de leur municipalité par une personne nommée par l’AKP, ont été arrêtés par la police turque.
Des membres du HDP, des civils qui voulaient empêcher la prise de contrôle de leur municipalité par une personne nommée par l’AKP, ont été arrêtés par la police turque.
 
Le journal kurde Yeni Ozgur Politika a titré son article au sujet des 5 mairies kurdes HDP saisies hier par le régime turc : « Le virus nommés à 5 mairies », en clin d’œil au coronavirus. 

UNICEF : « La Turquie augmente les risques d’épidémie en Syrie »

SYRIE / ROJAVA – Des centaines de milliers de personnes dans le nord-est de la Syrie en guerre risquent de contracter le nouveau coronavirus (Covid-19) en raison notamment de pénuries d’eau, a averti lundi le Fonds de l’ONU pour l’enfance (Unicef).
 
Depuis plusieurs jours, la station d’approvisionnement en eau d’Allouk à Serê Kaniyê / Ras al-Aïn, une ville située à la frontière syro-turque et contrôlée par la Turquie et ses supplétifs syriens, ne pompe plus d’eau à destination des zones contrôlées par les forces kurdes syriennes, ennemies d’Ankara.
 
Cette interruption a été décidée par la Turquie, a assuré dimanche l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
 
La station d’Allouk fournit habituellement de l’eau à environ 460.000 personnes, dont les habitants de la ville de Hassaké et du camp surpeuplé de déplacés Al-Hol, où vivent des milliers de proches de combattants du groupe jihadiste Etat islamique (EI).
 
« L’interruption de la distribution d’eau, en plein effort face à la propagation du nouveau coronavirus, fait courir des risques inacceptables pour des enfants et des familles », a dénoncé dans un communiqué Fran Equiza, représentante de l’Unicef en Syrie.
 

Kurdî (Kurde): A la recherche d’une langue interdite

« Qui peut dire que dérober sa langue à un peuple est moins violent que la guerre ? »  Ray Gwyn Smith

De nos jours, la probabilité d’entendre un Kurde vous dire « Je suis kurde mais je ne parle pas le kurde. » est très élevé. En effet, depuis la division du Kurdistan au début du XXe siècle, les Etats occupants du Kurdistan ont voulu mettre fin à l’existence du peuple kurde en mettant en place des politiques de génocide linguistique car il était très difficile d’exterminer physiquement des millions d’individus, malgré les nombreux massacres perpétrés, comme à Dersim, Zilan, Halabja… Alors, ces Etats (Turquie, Iran, Irak*, Syrie) ont interdit sévèrement la pratique du kurde dès la deuxième moitiés du XXe siècle.

Les Kurdes ne peuvent recevoir un enseignement en langue kurde, ne peuvent faire leur défense devant la justice, etc. ni même prétendre qu’ils ont une langue qui s’appelle le kurde car la Turquie nie l’existence même de cette langue millénaire et la fait passer dans registres comme « langue X » (X comme pour dire « inconnue ») !  Retour sur un génocide linguistique à travers le regard d’une rescapée.

Ma famille vivait dans une ferme isolée dans la montagne, au Kurdistan du Nord (Bakur) sous occupation turque. Pendant l’hiver, le seul lien qu’on avait avec le monde extérieur était le poste de radio que mon père s’était achetée et de rares invités qui venaient des villages alentour quand il n’y avait pas trop de neige qui bloquait les sentiers menant à la montagne. Un jour, alors que j’étais encore bébé, mon père a déclaré à ma mère que dorénavant tous les enfants devaient parler que le turc, car l’Etat turc avait interdit formellement notre langue, sous peine d’amande et ou de la prison etc.

Cette interdiction de parler notre langue maternelle allait causer des traumatismes insoupçonnés chez les nouvelles générations. Il m’a fallu des années pour que je m’en rende compte de sa gravité. De nombreux flash-backs me rappelle cette lente destruction d’un peuple à travers sa langue bannie.

Notre village, où il y avait une école primaire récente, était à plusieurs km de notre ferme et les mois d’hiver enneigés empêchaient mes frères et sœurs de s’y rendre. Alors, mon père a dû les envoyer dans un internat.

Pour « couper » la langue kurde à la racine, dès les années 1980, l’État turc avait décidé de créer des internats** pour les enfants kurdes. Dès l’âge de 7 ans, les Kurdes passaient leur année scolaire en internat à la merci des enseignants et des surveillants dont la mission était d’inculquer la langue turque à des enfants qui n’en connaissaient pas un mot et de les turquifier en les coupant de leur familles, leur culture, leur langue. Je ne veux même pas m’attarder sur les sévisses psychiques, physiques et sexuels dont étaient victimes de nombreux enfants kurdes dans ces internats de l’horreur…

Quelques années après, on a dû abandonner notre ferme et nous nous sommes rapprochés de la petite ville où mes frères et sœurs étaient internés. Ainsi, ils ont pu quitter l’internat et revenus à la maison. Mais, on parlait tous le turc entre nous et notre père. Le kurde était réservé à notre mère qui parlait très mal le turc.

 

Le fait que les enseignants nous disent à langueur de jour qu’il n’y avaient pas de Kurdes en « Turquie » (car pour la Turquie il n’y avait ni Kurdes, ni Kurdistan), moi, petite fille, je me sentais coupable. Coupable d’exister alors qu’en toute logique, je le devais pas puisque c’est ce que nos enseignants disaient. Coupable aussi de parler, en cachette, une langue qui n’existait pas. Alors, un jour que notre maître a demandé s’il y avait des enfants qui ne savaient pas parler le kurde et qu’il fallait qu’ils lèvent le doigt, je me suis exécutée aussitôt. J’étais la seule et j’étais pas trop fière de moi…

Avec l’école, la télé et la radio turques, on n’avait plus besoin de faire d’effort pour oublier cette langue clandestine. L’Etat turc avait tout prévu pour nous. On n’avait qu’à se laisser faire. Notre vocabulaire du kurde diminuait de jour en jour, remplacé par le turc, jusque dans nos rêves, et ceci sans « aucun » regret. De toute façon, on n’aimait pas cette langue illégale. Qui aime l’illégalité, surtout quand vous êtes un enfant qui veut tout bien faire ?

Moi, la petite fille « sage » et « intelligente », j’étais la chouchoute de mes enseignants et j’avais même eu droit au surnom « la Turque » dans le voisinage pour avoir commencé à parler le turc avant le kurde tandis que les autres enfants avaient plus de difficultés à devenir de parfaits petits Turcs du jour au lendemain. Et que dire de la honte que je ressentais devant ma mère qui ne maîtrisait pas le turc ? Honte d’appartenir à un peuple qui ne devait pas exister, un peuple « arriéré », selon la définition de l’Etat colonialiste qui voulait en finir avec nous en nous turkifiant bien comme il faut.

Une fois adulte et devenue exilée dans un pays occidental (France), dont je ne connaissais pas la langue, j’ai tout de suite voulu apprendre le français pour me défaire du turc car cet exil physique a été le déclic pour un retour mental à mes origines. Soudain, j’ai commencé à avoir les fameux flash-backs qui me rappelaient toutes les humiliations qu’on avait subi en tant que Kurdes et enfants et l’interdiction de parler notre langue sur notre propre terre.

Je passais mes journées à écouter des cassettes d’apprentissage du français, je lisais, je discutais avec des non-kurdes pour apprendre vite le français. La nuit, j’avais le dictionnaire « Le Petit Robert » dans mon lit (je dis toujours que Petit Robert fut mon premier amant français !)  En quelques mois, j’ai réussi a me débrouiller bien et au bout de quelques années, le français est devenue ma première langue. Mais je ne parlais toujours pas correctement ma langue maternelle et mon entourage m’avait surnommée cette fois-ci « la Française » !

Il y a quelques mois, je discutais avec un ami kurde qui m’avait demandé si j’étais née en France car mon français était « très bien ». Je lui ai dit que non, que j’étais venue à l’âge adulte, sans passer par la case école. Il me croyait à peine ! Je lui ai parlé de mes deux surnoms liés aux langues, avant d’ajouter que j’avais réussi à être turque et française et que maintenant, il était temps que je (re)devienne kurde et qu’on m’appelle enfin « Kurdê » (la Kurde) !

Aujourd’hui, je lis et écris le kurde, avec difficulté, sauf quand ce sont des poèmes orphelins qui viennent frapper à ma porte pour m’emmener au pays. Mais, je ne désespère pas, je vais réussir à devenir une « vraie Kurde » qui parle sa langue, même si ça va être difficile, qu’il me faudra trébucher sur les mots, tomber à terre, après tant d’années passées dans une paralysie linguistique imposée et vive la revanche des « vaincus » ! (Keça Bênav)

*Dans les autres parties du Kurdistan, en Irak, Iran et Syrie, on avait à peu près les mêmes interdictions. Aujourd’hui, au Kurdistan autonome d’Irak et au Rojava, on enseigne en langue kurde tandis qu’en Iran, le kurde continue à être criminalisé… C’est pourquoi, aujourd’hui beaucoup de Kurdes, ceux en Turquie essentiellement, ne parlent plus leur langue mais ils sont nombreux à lutter pour avoir le droit de la réapprendre et de la parler; de s’approprier de nouveau leur musique, leurs us et coutumes, pillés et interdits par leurs colonisateurs. Le prix à payer pour les Kurdes, afin d’obtenir ce qu’ils veulent, reste très élevé. Cela coûte souvent des vies mais ils restent déterminés.

 

** Cette décision mise en oeuvre a plutôt réussi, avec des effets dévastateurs qu’on peut facilement deviner sur le plan psychique et/ou socio-culturel chez les enfants kurdes et les adultes qu’ils sont devenus.

Pour finir avec les droits ou interdits concernant les langues, voici une histoire écrite par un écrivain kurde qui relate l’interdiction du kurde et ce qui nous attendait si on la bravait.

« Un pain en turc » ou comment interdire aux Kurdes de parler leur langue maternelle

Nous sommes dans les années 1980, dans une région kurde sous occupation turque. Un paysan court à la boulangerie de son village au retour de son champ et voudrait acheter un pain avant le coucher du soleil qui est proche, car dans cette région kurde, l’Etat turc a décrété un état d’urgence avec couvre-feu au couché du soleil. Le paysan lance à la hâte « ka nanakî, bi tirkî.** » en kurde, qu’on pourrait traduire en « un pain, en turc. » Ce pauvre paysan ne sait pas parler le turc mais il faut bien qu’il achète son pain d’une façon ou d’une autre.

Maintenant, imaginons un instant que cette scène ait lieu en France, pendant l’occupation nazi : Un paysan corrézien de retour de son champ, court à la boulangerie de son village. Le soleil va bientôt se coucher, or, il y a le couvre-feu à la tombée de nuit. Les Nazis ont interdit de parler le français et ont imposé la langue allemande dans tout le pays mais notre paysans corrézien ne parle pas un mot d’allemand. Alors, il dirait, vraisemblablement : « Un pain, en allemand. »

En effet, l’État turc avait interdit le kurde dans tout le pays, y compris dans les régions kurdes et ce, depuis la création de la Turquie en 1923. Même au sein de leurs foyers, les Kurdes ne pouvaient parler leur langue sous peine d’être arrêtés et/ou torturés, en plus de payer une amende. (L’Ėtat turc avait dépêché des fonctionnaires à cet effet dans tout le Kurdistan.)

Encore aujourd’hui, en Turquie, la langue kurde reste interdite, même si dans le cadre de la vie privée on peut la parler…

** « Ka nanakî bi tirkî / Bana türkçe bir ekmek ver » est le nom d’une nouvelle de Cezmi Ersöz, écrivain et journaliste kurde.

 

 

« L’Etat turc est un coronavirus pour le peuple kurde »

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TURQUIE / BAKUR – Pendant que la Terre s’arrête de tourner pour lutter face à un ennemi commun : le Covid-19, le gouvernement turc ignore la crise sanitaire à venir et le nombre croissant d’infections sur son territoire. Il attaque les municipalités kurdes en plein confinement dû au coronavirus.
 
Le gouvernement turc a limogé aujourd’hui les maires HDP des municipalités de Batman, Silvan, Lice et Ergani, au Kurdistan du Nord. Les co-maires ont été arrêtés et des administrateurs (kayyum) ont été nommés à leur place.
 
Des membres du HDP, des civils qui voulaient empêcher la prise de contrôle de leur municipalité par une personne nommée par l’AKP, ont été arrêtés par la police turque.
 
Alors que l’UE continue de crier que les Kurdes doivent faire valoir leurs droits de manière démocratique, chaque politicien qui tente de le faire est arrêté, les maires choisis sont démis de leurs fonctions et remplacé par des administrateurs (kayyum) nommés.

CUISINE. Guacamole à la kurde

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CUISINE. Aujourd’hui, nous sommes un milliards d’humains confinés à cause du coronavirus à travers le monde. Mais on ne va pas arrêter de vivre, ni de manger ! Alors, voici une recette de guacamole originale à la sauce kurde. C’est bon, diététique et nourrissant !

 
Ingrédients :
 
2 avocats murs
Un demi citron
Un demi pot de yaourt 
Une gousse d’ail
Huile d’olive
Sel
piment ou pouvoir

Écrasez à la fourchette les avocats une fois la chair sortie de son écorce avec une cuillère à souper. Ajoutez-y l’ail et le citron pressés, l’huile d’olive, le sel et le piment ou poivre. Vous pouvez la manger en l’étalant sur des tartines de pain ou avec des tortillas en chips.
 
Nosican be / bon appétit !