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Les gardes iraniens tuent un kolbar et en torturent un autre

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IRAN / ROJHILAT – Bénéficiant d’une impunité totale, les gardes-frontières iraniens ont une fois de plus attaqué les kolbars kurdes près de la frontière.
 
Selon Kolbarnews, les forces du régime iranien ont attaqué jeudi des kolbars (porteurs de marchandises entre le Kurdistan du Sud et de l’Est) dans la région frontalière d’Henge Zal, près de la ville de Bane de la province de Sinê (Sanandaj), au Kurdistan oriental.
 
L’attaque a coûté la vie à l’un des kolbars, identifié comme étant Hadi Xizri.
 
Selon Kolbarnews, un autre kolbar a été torturé par les gardes-frontières iraniens le 11 août. Le kolbar, Raza Ebdulahi du village de Tawaguz près de la ville de Salasi, aurait été gravement blessé à la tête.
 
La tragédie des kolbars
 
Le Kurdistan oriental a sombré plus profondément dans la pauvreté au fil des années en raison des politiques délibérées du régime iranien et se distingue comme l’une des régions les plus pauvres d’Iran. Par rapport à d’autres régions, la région a connu beaucoup moins d’investissements et le développement a été délibérément freiné. L’agriculture et l’industrie n’ont pas été autorisées à se développer et, par conséquent, le chômage a atteint le niveau le plus élevé en Iran.
 
Face à des politiques de discrimination, d’oppression et d’appauvrissement, le transport de marchandises de contrebande n’est pas un choix mais une nécessité pour survivre.
 
Kolbar vient des mots kurdes, «kol» (dos) et «bar» (charge). Les Kolbars gagnent leur vie en transportant des charges le long de la périlleuse frontière. Leurs charges comprennent des cigarettes, des téléphones portables, des tissus, des articles ménagers, du thé et rarement de l’alcool. Ils marchent sur des terrains dangereux pour continuer ce commerce entre le Kurdistan méridional et oriental. Les marchandises qu’ils apportent sont vendues à des prix élevés à Téhéran, mais les kolbars qui risquent leur vie pour eux sont payés très modestement.
 
Les intermédiaires qui prennent les livraisons et trouvent des acheteurs dans les villes sont appelés kasibkars.
 
Les kolbars et les kasibkars ont entre 13 et 70 ans. Certains n’ont fréquenté que l’école primaire, tandis que d’autres ont des diplômes universitaires. Ils transportent des charges, car ils ne peuvent trouver aucun autre emploi. Au cours des 5 dernières années, quelque 300 kolbars et kasibkars ont été tués de sang-froid. Il n’y a pas de statistiques précises disponibles concernant le nombre de kolbars morts sur les chemins du kolbarî.
 

Selon l’office de migration d’Allemagne il n’y a pas de torture dans les prisons turques

ALLEMAGNE – L’Agence pour l’immigration et les réfugiés (BAMF) a refusé la demande d’asile du réfugié kurde Idris Isen, prétendant qu’il n’y a pas de torture systématique en Turquie et que le système pénitentiaire est conforme aux normes de l’Union européenne.
 
Idris Isen risquait plus de 6 ans de prison pour sa lutte pacifique pendant ses années universitaires. Il a cherché refuge au Kurdistan du Sud en 2011 après que sa peine a été confirmée par la Cour suprême. Isen, qui travaille comme ingénieur civil depuis de nombreuses années au Kurdistan du Sud, a subi les pressions et le harcèlement exercés par le PDK depuis 2018. Pour fuir le harcèlement, il s’est rendu en Allemagne et a demandé l’asile l’année dernière.
 
L’Agence pour l’immigration et les réfugiés (BAMF) a examiné la demande d’asile d’Isen, qui se trouve toujours dans un camp de réfugiés dans l’État de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et a rejeté sa demande.
 
ANF ​​a pu voir la décision de 18 pages du BAMF qui fait l’éloge du régime Erdogan et affirme que la Turquie est un État de droit. Suite à la décision turque, le BAMF a affirmé qu’Isen avait été condamné à la prison pour «appartenance à une organisation terroriste [PKK]» et n’avait donc pas le droit d’obtenir l’asile.
 
Affirmant qu’Isen avait un procès équitable en Turquie, le BAMF a prétendu qu’il pouvait y être envoyé. La résolution a également allégué qu’il n’y a pas de torture systématique en Turquie selon leurs informations et que le système pénitentiaire est conforme aux normes de l’Union européenne.
 
Réagissant à la décision de l’Agence allemande pour l’immigration et les réfugiés, Isen a déclaré: « J’ai dû quitter le Kurdistan à cause des pressions du PDK, et maintenant je suis confronté à une décision illégale en Allemagne. »
 

« Ils sont tués dans les casernes parce qu’ils sont kurdes, alévis ou arméniens »

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TURQUIE / BAKUR – Alors que les morts suspectes de soldats dans les casernes restent d’actualité, Ercan Aktaş de l’Association d’objection de conscience a déclaré que les jeunes kurdes, alévis, arméniens et socialistes étaient visés et a appelé les familles à ne pas envoyer leurs enfants faire leur service militaire [qui est obligatoire mais qui peut être acheté contre de l’argent].
 
En Turquie, entre 1992 et 2002, 2 220 morts suspectes de soldats ont été enregistrés comme «suicide». Bien qu’il n’y ait pas de données sur la mort de soldats dans les casernes entre 2002 et 2020, après l’arrivée de l’AKP au pouvoir, on déclare que les chiffres sont très élevés, la question étant fréquemment à l’ordre du jour. Les morts suspectes de soldats, qui sont récemment devenues courantes au sein de l’armée, sont couvertes par les mots «suicide», «balle accidentelle» et «crise cardiaque». La demande de justice des familles est ignorée sous l’emprise du pouvoir judiciaire et de la bureaucratie et il n’y a pas d’enquête effective concernant les responsables de ces décès suspects.
 
La mort de soldats dans la caserne est revenue sur le devant de la scène après la mort suspecte du soldat Osman Özçalimli, menacé à cause de son identité kurde alors qu’il servait à la prison fermée d’Izmir Aliağa.
« Le militarisme, c’est la mort »
Évaluant le nombre croissant de morts de soldats suspects, Ercan Aktaş, un volontaire de l’Association d’objection de conscience, a déclaré que les jeunes kurdes, alévis, arméniens et socialistes ne devraient pas entrer dans les casernes militaires qui manquaient de légitimité. «Les familles ne devraient pas livrer leurs enfants aux militaires», a déclaré Aktaş, et en tant qu’objecteurs de conscience qui lutte contre le service militaire obligatoire depuis de nombreuses années, déclarant que « le militarisme, c’est la mort ».
Aktas a rappelé les paroles du père d’Osman Özçalimli, décédé de façon suspecte dans la prison d’İzmir Şakran, qui avait dit que son fils lui avait téléphoné deux fois et qu’il lui avait dit qu’il était menacé par d’autres soldats qui l’accusaient d’être un traître à la patrie car il était kurde, et a dit que cette déclaration révélait toute la réalité.
« La caserne est une zone de violence »
« S’il y a quelque chose d’aussi facile pour le militarisme que de créer un ennemi, c’est de tuer cet ennemi créé », a déclaré Aktaş, ajoutant que la caserne était une zone de violence. « Pourquoi une personne se suiciderait-elle à quatre heures de la fin de son service militaire? Combien de jeunes mourront des suites d’une balle de l’arme de son ami? C’est claire et net : Uğur Kantar, Kurde et Alévi; Sevag Şahin Balıkçı, Arménien; Deniz Yurtsever, socialiste; Osman Özçelimli, Kurde, ont été tués par leurs pairs et commandants dans les casernes [à cause de leur identité ou idées politiques]. »
« Le devoir patriotique peut être acheté »
Soulignant la nécessité d’évaluer la mort suspecte des soldats dans le contexte du service militaire obligatoire dans des pays raciste et militariste comme la Turquie, Aktas rappelé que le service militaire existait dans très peu de pays. Aktas a déclaré qu’en Turquie, de nombreuses personnes évitent de faire le service militaire dit « sacré » par ailleurs, en l’achetant. « La société ne devrait pas accepter cela. Aujourd’hui, le monde est dans une dimension complètement différente en ce qui concerne la conscription. A part la Turquie, à quelques exceptions près comme la Grèce, la conscription est présente dans très peu de pays. Mais notre mentalité est si arriérée qu’ils pensent que le service militaire obligatoire est un outil par lequel il peut inculquer la conscience nationale en mettant les gens dans les casernes et en dispensant une formation militariste. C’est une pratique qui a été abandonnée il y a longtemps dans le monde. Cependant, il est toujours appliqué de manière persistante en Turquie », a-t-il déclaré.
Rappelant la déclaration de l’historien Michael Howard, « Le militarisme est la perception des valeurs militaires sous-culturelles comme les valeurs dominantes de la société », Aktaş a déclaré: « Si l’expression est élargie davantage, le militarisme peut être défini comme la glorification des valeurs et des pratiques militaires et la formation de la sphère civile. Des jeunes entre 20 et 21 ans meurent dans la caserne. Une société qui se demande « s’il est devenu martyr ou non? », « Il avait des tatouages, si la prière doit être faite ou non », est pourrie. Cet esprit militaire est l’un des plus grands obstacles pour affronter les terribles souffrances et vivre dans un pays sans violence, oppression et guerre. Pour cette raison, il est nécessaire de mener certaines discussions de manière plus dimensionnelle et plus approfondie. Allons-nous oublier Osman Özçelimli, comme nous avons oublié İsmail Akça, Osman Bulut et Yılmaz Köse (…)? Ce qu’on vit, c’est le militarisme alimenté par le racisme / nationalisme. Les jeunes kurdes, alévis, socialistes et arméniens ne devraient pas entrer dans ces casernes qui manquaient de légitimité. Les familles ne devraient pas livrer leurs enfants là-bas. Le HDP devrait être impliqué dans un travail politique plus efficace que de porter au parlement la mort survenue dans chaque caserne ».
«On ne s’habituera pas à cette situation»
Aktaş a déclaré que bien que le militarisme semble tout à fait réussi à naturaliser le meurtre de jeunes avec des politiques nationalistes pendant des années, les objecteurs de conscience, les opposants à la guerre et les antimilitaristes ne s’habitueront pas à cette situation. Aktaş a noté qu’ils continueront à se demander pourquoi Osman Özçelimli a perdu la vie afin que les gens ne s’habituent pas à cette situation.
 

 

L’Irak demande au Conseil de sécurité de l’ONU de mettre fin aux violations turques

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L’armée turque est en guerre ouverte contre les Kurdes au Rojava, dans le nord de la Syrie, et au Bashur, dans le nord de l’Irak, depuis plus de 2 ans avec la complicité de la communauté internationale. Hier, elle a franchi une nouvelle étape en tuant deux hauts gradés irakiens dans le nord du pays.

Le 11 août, un drone de l’armée turque a ciblé un véhicule appartenant aux gardes-frontières irakiens dans la région kurde de Bradost, au nord d’Erbil (Hewler). Mohammed Rushdi et Zubair Hali, deux hauts gradés irakiens, ont été tués lors de l’attaque.
 
Suite à cette énième attaque turque dans le nord de l’Irak, Bagdad vient d’annuler la visite d’un ministre turc et a convoqué l’ambassadeur turc après cette nouvelle attaque turque contre le Bashur (le Kurdistan du Sud), dans le nord de l’Irak, en violation du droit international.
 
Hier, le Parlement irakien a appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à intervenir d’urgence pour mettre fin aux violations répétées de la Turquie.
 
Le premier vice-président du Parlement, Hassan Karim Al-Kaabi, a déclaré hier que les attaques turques contre la souveraineté de l’Irak nuisent aux relations historiques entre l’Irak et la Turquie, ajoutant que ces attaques sont une violation flagrante de tous les principes de la Charte des Nations Unies, des lois internationales et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, appelant le Conseil de sécurité de l’ONU à intervenir d’urgence pour mettre fin aux violations répétées et affirmer le respect des principes de bon voisinage. (ANHA)
 
Al-Kaabi a fermement dénoncé la persistance des forces turques dans leur agression dans le nord de l’Irak où l’armée turque sème la terreur parmi les civils kurdes pour les inciter à quitter leurs terres.
 
Ces dernières années, des dizaines de civils kurdes ont été tués par l’armée turque dans le nord de l’Irak où la Turquie a des dizaines de postes militaires et elle prétend attaquer les combattants du PKK, sans que la communauté internationale réagisse.
 
On ne sait pas encore si l’Irak stoppera enfin les attaques de l’armée turque dans la région autonome kurde ou s’il profitera de l’occasion pour envoyer ses forces mettre fin également à l’autonomie kurde, comme le craignent certains Kurdes.

Incendies de forêt: La Turquie commet un écocide au Kurdistan

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TURQUIE/ BAKUR – Les incendies de forêt du Kurdistan font partie de la guerre anti-kurde de l’Etat turc. Le militant écologiste Vahap Işıklı parle d’une campagne écologique de destruction.

La nature du Kurdistan souffre de la guerre que l’État turc mène contre le peuple kurde depuis des années. Vahap Işıklı est le porte-parole de l’Alliance pour la protection des jardins historiques du Hevsel à Amed (Diyarbakir) et parle de la destruction de l’environnement au BAKUR (Kurdistan du Nord).  Il explique que les forêts des régions occidentales de la Turquie sont brûlées pour maximiser les profits, cependant, au Kurdistan, la nature est détruite en raison de la politique de guerre de l’État turc.

Le militant écologiste souligne que chaque année, notamment en juin, les forêts sont délibérément incendiées : « Depuis des jours, les forêts brûlent à nouveau et rien n’est fait pour éteindre les incendies. De Nusaybin à Cudi, de Gabar à  Besta, de Lice à Dersim, les incendies de forêt font rage. Au Kurdistan, des avant-postes militaires sont installés sur les zones brûlées. En Turquie, par contre, des bâtiments sont en cours de construction à la place des arbres brûlés. Avant toute opération militaire contre les Kurdes des forêts sont incendiées. Lorsque les incendies sont signalés aux autorités, on dit qu’il n’y a pas d’eau ou pas d’équipes de lutte contre les incendies. La raison en est les opérations militaires. Pour cette raison, une campagne écologique de la destruction est menée contre la nature. Cette campagne d’extermination est complétée par la construction de centrales hydroélectriques et de barrages. »

Selon Işıklı, la destruction de l’environnement conduit à des flambées de maladies : « Cette situation est également présente dans la pandémie du coronavirus. De nombreuses maladies différentes se produisent de cette manière et se propagent rapidement. Les forêts offrent une protection. Il n’y a pas de différence entre les montagnes Ida dans l’ouest de la Turquie, et les montagnes du Kurdistan. Malheureusement, de nombreux écologistes et le grand public voient les choses différemment. Nous devons lutter contre les incendies de forêt et la destruction de la nature partout, où qu’ils se produisent. Tous mettent en danger l’équilibre écologique et constituent donc une menace pour nous tous. Même si un seul arbre subit des dommages, les créatures vivantes de la forêt en souffrent. De nombreux êtres vivants ont été tués dans les incendies de forêt actuels. En tant qu’alliance d’Hevsel, nous surveillons la situation de près. Tous les peuples doivent lutter contre la destruction de l’environnement et se lever pour la nature. »

ANF

Le gouvernement turc s’attaque aux sources sacrées des Alévis à Dersim

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TURQUIE / BAKUR – L’Etat turc mène une guerre globale contre le peuple kurde et la nature du Kurdistan qui est pillée et détruite n’échappe pas à cette guerre. Après l’inondation de la ville antique d’Hasankeyf, dans le cadre du projet GAP, voici que le gouvernement turc a décidé de s’attaquer aux sources d’eau sacrées des Alévis de Dersim.
 
Dans la province de Dersim, le gouvernement turc a débuté son projet de transformation des sources de Munzur dans un but lucratif. Les habitants de la régions sont indignés – et jurent qu’ils vont mener une résistance collective contre la destruction de leur nature et lieu sacrés.
 
Le gouvernement turc a débuté son projet de transformation des sources sacrées des Alévis à Munzur, du district d’Ovacık de Dersim.
 
Le projet a été préparé par l’Agence de développement de Fırat (FKA) et approuvé par le conseil régional de préservation du patrimoine culturel d’Erzurum en juin 2019, sous la coordination du gouvernorat de Tunceli, qui a affirmé que « ce sera bon pour le tourisme ».
 
Le projet de 800 millions de lires comprend des ponts en acier à construire sur Munzur. Le projet a été préparé sans la consultions des habitants de la ville, ni les municipalités et les organisations de la société civile.
 
Il est également prévu de construire deux parkings, l’un près du village de Gözeler.
 
Les écologistes et les citoyens affirment que le projet détruira les sources de Munzur et que l’accès aux sources sera payant.
 
Pour la population alévie de Dersim, le paysage fluvial et montagneux du Munzur est un symbole de leur région, qu’ils considèrent comme un miracle unique. Outre l’approvisionnement en eau, la pêche et d’autres aspects économiques, le Munzur a un statut «sacré» pour les Alévis. Son importance historique, culturelle et scénique est immense depuis des siècles. Le Munzur est directement associé à presque toutes les mythologies, légendes et traditions de Dersim. Il a été nommé d’après le berger Munzur Baba, qui, selon une légende, a renversé du babeurre dans la région près d’Ovacık, qui aurait donné naissance aux 40 sources de Munzur.
 

TURQUIE, 26 organisations de la société civile exigent l’application de la Convention d’Istanbul

TURQUIE / BAKUR – Alors que les féminicides font la une de l’actualité en Turquie, y compris dans les régions kurdes, 26 organisations de la société civile exigent l’application de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

Le gouvernement turc tente d’annuler la ratification de la Convention d’Istanbul sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Avec l’argument de la «protection de la famille», il tente de contrer une réalisation importante du mouvement mondial des femmes. Mais il y a une résistance généralisée dans le pays depuis des mois.

Aujourd’hui, 26 organisations de la société civile se sont exprimées et ont appelé le gouvernement à mettre fin une fois pour toutes aux discussions sur le retrait de la convention et à appliquer les normes juridiques.  Dans une déclaration commune intitulée « La Convention d’Istanbul est une garantie de survie », elles déclarent : « Si la Convention d’Istanbul avait été mise en œuvre, 163 femmes n’auraient pas été assassinées par les hommes les plus proches depuis janvier 2020, et 36 rien qu’en juillet. La violence policière contre les femmes qui réclament leurs droits garantis par la constitution montre que l’État est complice du féminicide. Ce n’est pas une fin à la Convention d’Istanbul, mais sa mise en œuvre doit être garantie. »

Les signataires regroupent des initiatives des victimes du coup d’État aux associations religieuses et idéologiques progressistes, au mouvement démocratique, au Congrès démocratique du peuple (HDK), aux syndicats et au club PEN.

Les noms des initiatives individuelles sont:

2017 Bodrum Yurttaş İnisiyatifi, 78’liler Girişimi, Alevi Düşünce Ocağı Derneği, Ankara 78’liler Girişimi, Ankara Düşünceye Özgürlük Girişimi, Daktilo 1984, Demokrasi İernekler Bİernekler)  Derneği (DİAYDER), Diyalog Grubu, Doğu-Güneydoğu Dernekleri (DGD) Platformu Kadın Meclisi, Doğu-Güneydoğu Dernekleri (DGD) Platformu, Düşünce Suçuna Karşışişokenim, Eşiitiklarerne Hİakläkerne Giratığarıkern Platformu, Düşünce Suçuna Karşışişokroïm, Eşiitiğıkarıkerne İğıklar İğalkerne İğıklar İğlar İğlar İkratığık İğığık İğlığık İğık  (HDK), Oyuncular Sendikası, Özgürlük Araştırmaları Derneği, PEN Yazarlar Derneği, Pir Sultan Abdal Kültür Derneği, Sodev (Sosyal Demokrasi Vakfı), Türkiye Yazarlar Sendikasi (TYS), Üniversite Öğretim Üyeleri Derneği (ÜNİVDER), Yurttaş Girişimi, Yurttaşlık Derneği.

Contexte: La Convention d’Istanbul

La Convention d’Istanbul – la Convention pour la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique – a été élaborée par le Conseil de l’Europe en tant que traité international en 2011 et est entrée en vigueur en 2014. Elle est considérée comme une étape importante dans la lutte contre le patriarcat et oblige les États signataires à lutter contre la violence sexiste et à améliorer les services de prévention et de soutien.

La Turquie a été le premier pays à signer la convention et a ratifié le traité en 2012 au parlement, mais les normes juridiques ne sont pas appliquées dans la pratique.  « Ni les offres d’aide et de protection prévues pour les femmes ne sont mises en œuvre, ni, par exemple, la loi n ° 6284, qui, selon le gouvernement de l’AKP, est destinée à servir de « cape de protection pour les femmes », n’est effectivement appliquée.

Ceci en dépit du fait que dans le pays du Bosphore, la misogynie et la violence contre les femmes ne sont pas rares, mais constituent le fondement patriarcal de la société.  Selon la plate-forme « Nous stopperons les féminicides  » (« Kadın Cinayetlerini Durduracağız Platformu »), 474 féminicides ont été enregistrés rien que l’année dernière, mais le gouvernement d’Erdoğan discute de l’opportunité de se retirer de la Convention d’Istanbul – car cela « sape »  les valeurs traditionnelles et fait des hommes des «boucs émissaires».

ANF

ROJAVA. Appel urgent pour les réfugiés d’Afrin menacés par le Covid-19

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ROJAVA – SHEHBA  – Une catastrophe humanitaire se profile pour les réfugiés du canton kurde d’Afrin installés à Shehba, préviennent les organisations du Rojava.

L’Organisation des droits de l’Homme d’Afrin-Syrie, la branche Shehba du Croissant-Rouge kurde (Heyva Sor a Kurd) et les responsables des camps de déplacés de la région de Shehba, dans le nord de la Syrie, ont lancé un appel urgent aux organismes internationaux. Ils demandent aux organisations concernées à jouer leur rôle humanitaire et moral envers le peuple syrien en général et envers les déplacés d’Afrin à Shehba en particulier.

L’appel urgent lancé à l’ONU et à ses organisations sanitaires et humanitaires pour sauver les personnes déplacées d’Afrin du Covid-19 se lit comme suit :

«Le désastre et la situation catastrophiques qui attendent les Syriens et dont les Nations Unies et d’autres organisations avaient mis en garde, concernant la possibilité d’une épidémie incontrôlable du coronavirus en Syrie, est devenu une réalité maintenant.

Aussi misérables qu’ils soient, les Syriens, en général, font face à un destin noir alors que le conflit qui dure depuis dix ans fait toujours rage, laissant le pays en ruines et en lambeaux.

Les infrastructures ont été détruites, les populations appauvries tandis que les secteurs des services et de la santé sont fragiles et faibles, incapables de supporter le lourd fardeau de cette pandémie meurtrière.

Aujourd’hui, ce virus mortel fait des ravages dans le monde entier avec 20 millions de cas actifs et un nombre de morts qui a atteint 720 000 alors que les chercheurs sont lancés dans une course pour trouver des vaccins contre le Covid-19.

Ce sont des moments difficiles car la plupart des pays ont pris des mesures strictes pour contenir ce virus mortel qui se propage rapidement et fait des milliers de morts chaque jour.

Jusqu’à présent, sans vaccin efficace à disposition, la meilleure façon de sauver des vies est d’éviter d’être infecté en brisant la chaîne de transmission de l’infection par la distanciation sociale et en prenant des mesures de précaution.

Les déplacés d’Afrin réfugiés à Shehba menacés par le covid-19

Les déplacés d’Afrin impuissants à Shehba sont les plus sensibles à ce virus avec 10 cas infectés vivants et deux décès au cours des derniers jours.

La région de Shehba est une enclave exiguë qui abrite 200 000 déplacés kurdes de la région d’Afrin dans des camps de réfugiés sordides et des villes et villages déchirés par la guerre, en proie aux mines terrestres, dépourvus des nécessités les plus simples de la vie compte tenu de l’absence de soutien gouvernemental et international pour ces camps comme des services médicaux, sanitaires et sociaux, exacerbant les souffrances des personnes déplacées, dans un moment où des centaines de cas d’infections au Covid-19 ont récemment été découverts dans la ville voisine d’Alep.

La région de Shehba est assiégée de tous côtés à l’exception d’un seul passage qui la relie à la ville d’Alep, mais des mesures draconiennes sont nécessaires pour faire venir des fournitures médicales ou emmener les patients à Alep.

La propagation du virus pourrait s’accélérer et atteindre son apogée fin août et début septembre

Une catastrophe humanitaire se profile à l’horizon, attendant les déplacés d’Afrin ici à Shehba. Il n’existe qu’un seul petit hôpital, l’hôpital d’Afrin, dépourvu du matériel médical nécessaire, de personnel qualifié, d’ambulances et de fournitures.  L’hôpital fournit des services médicaux gratuits, recevant quotidiennement des centaines de patients.

«Des gants, des masques, des blouses et d’autres équipements de protection individuelle, des respirateurs, des diagnostics in vitro, des conteneurs d’oxygène, les médicaments nécessaires sont tous indispensables», déclare le directeur de l’hôpital.

Le Croissant-Rouge kurde a également quelques petits points médicaux ici gérés par des volontaires, mais ils manquent de ressources, de personnel et de fournitures médicales avec la présence de nombreuses épidémies telles que l’hépatite, la leishmaniose et d’autres maladies de la peau qui sévissent dans cette région oubliée.

Selon toutes les lois internationales : « tous les États et les individus ont le droit d’accéder aux soins de santé, le droit d’accéder à l’information et l’interdiction de la discrimination dans la fourniture de services médicaux et autres ».

« Par conséquent, nous lançons un appel à toutes les organisations humanitaires et de défense des droits humains des Nations Unies dans le domaine de la santé, en particulier l’Organisation mondiale de la santé, l’UNICEF, la Croix-Rouge internationale et toutes les organisations de santé concernées à jouer leur rôle humanitaire et moral envers le peuple syrien, en général, et envers  Les déplacés d’Afrin à Shehba, en particulier, doivent fournir une aide médicale et des secours d’urgence afin d’atténuer la propagation de ce virus, afin que nous puissions réduire l’ampleur de la catastrophe humanitaire qui est sûre de frapper la région bientôt ».

ANF

TURQUIE. Attaques contre la langue et les institutions kurdes

TURQUIE / BAKUR – En Turquie, les pressions visant les Kurdes n’ont pas baissé depuis les années 90. Ces attaques se sont intensifiées au cours des dix dernières années avec la fermeture de la plupart des institutions kurdes après la tentative de coup d’Etat du juillet 2016, et maintenant le turc est imposé même aux sections kurdes des universités.
 
Récemment, la direction de l’université de Dicle a annoncé qu’une thèse ne peut pas être écrite en kurde dans le département de littérature populaire kurde. De plus, la langue d’enseignement du département est le turc. Dans une déclaration après la vidéo de la conférence partagée par Selim Temo sur les réseaux sociaux, l’université a déclaré que les affirmations étaient fausses et a souligné que la langue d’enseignement était le turc. Par la suite, le ministère des transports a déclaré que « le kurde n’est pas une des langues communes » en réponse à la motion d’annonce du kurde dans les avions déposée par la députée du HDP Ebru Günay.
 
Bien que l’AKP ait relâché la pression sur le kurde pendant la période du « processus de paix » avec le PKK, presque toutes les institutions kurdes sont devenues des cibles après la tentative de coup d’Etat du 2016. Les pressions ont été particulièrement intenses. Des administrateurs ont été nommés à la place des élus des municipalités kurdes, les panneaux kurdes ainsi que les lettres kurdes pour les panneaux routiers et piétonniers ont été supprimés. Les locuteurs kurdes dans l’espace public et les chansons kurdes chantées lors des mariages ont été pris pour cible, comme dans les années 90. Après 2016, on a pu se rendre compte à quel point l’assimilation et la pression sur les Kurdes et leur langue ont augmenté.
 
Des écoles kurdes scellées à trois reprises
 
La pression sur les Kurdes avait en fait commencé à se faire sentir pendant le processus de paix. KURDI-DER, MAPER et Eğitim Sen ont ouvert l’école primaire Dibistana Seretayî a Ferzad Kemangar-Ferzad Kemanger dans le district d’Amed Bağlar et l’école primaire Dibistana Seretayî a Berîvan-Berivan dans le district de Cizre, à Şırnak, et l’école primaire maternelle Üveyş à Hakkari Gever en 2014. Dibistana Seretayî a Berîvan a été fermée sur ordre du procureur le lendemain de son ouverture, mais a continué à donner un enseignement en kurde lorsque le sceau a été enlevé par les élèves et leurs familles. L’école a été scellée 3 fois au total. Par la suite, l’enseignement en kurde a été complètement arrêté avec le curateur nommé à Cizre en 2016.
 
L’école primaire Ferzad Kemanger, ouverte à Amed en 2014, qui dispense un enseignement en kurde à 250 enfants âgés de 5 à 11 ans, a été fermée par le décret n° 677. L’école primaire Ali Heriri, qui dispensait un enseignement en kurde à Amed, a également été l’une des écoles fermées. Le collège Dicle Fırat, qui dispensait un enseignement en kurde dans le district de Kayapınar, à Amed, en 2010, faisait partie des écoles fermées en 2016.
 
Les activités du jardin d’enfants Üveyş, qui est en service à Gever depuis 2014 et dont le programme d’études a été préparé par KURDÎ-DER, ont également pris fin avec la nomination d’un administrateur. Dans l’école où au moins 800 enfants ont été éduqués, les alternatives ont également été bloquées pendant les périodes de fermeture. En 2016, avec les couvre-feux, le lieu d’entraînement du parc Ape Musa a été fermé et transformé en poste de police.
 
Une école kurde du village de Yalaza (Kerwas) dans le district de Lice à Amed a été détruite par les forces armées turques en avril 2017, pendant les couvre-feux. Les jardins d’enfants, dont le programme était en kurde et qui étaient soutenus par les municipalités du DBP, ont été transformés en institutions qui dispensent un enseignement turc ou des cours de Coran par les administrateurs nommés à la place des élus des municipalités kurdes.
 
Attaques contre les institutions kurdes
 
Le département de kurdologie au sein de l’Institut des langues vivantes a également été touché par les problèmes de décret de l’université de Mardin Artuklu.
 
L’Institut kurde d’Istanbul, qui travaille sur la langue, la littérature et l’histoire kurdes depuis 1992, a également été l’une des institutions fermées par décret. En 2006, la recherche et le développement de la culture kurde (KURDI-DER), avec ses 37 branches dans différentes provinces, dont le siège est à Amed, a été fermée par le décret statutaire 677. Les organisations de la société civile telles que l’Académie de la langue Ehmedê Xanî et l’Union des écrivains kurdes ont également été fermées par décret.
 
En plus des institutions et des académies, de nombreuses émissions de télévision et de radio en kurde ont été fermées : DENGE TV, JİYAN TV, VAN TV, ZAROK TV et de nombreuses radios ont été fermées par le décret-loi 677. Tous les établissements d’enseignement et de radiodiffusion en kurde ont été la cible de cette attaque.
 
Depuis l’état d’urgence proclamé après le 15 juillet 2016, alors que les institutions et tous les lieux où le kurde était maintenu en vie ont été attaqués par l’État turc. Les nationalistes turcs ont également attaqué régulièrement les citoyens kurdes dans l’espace public.
 

Les Kurdes et le syndrome turc

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KURDISTAN. Il y a cent ans, le démantèlement de l’Empire ottoman donnait aux Kurdes l’espoir – vite trahi – d’obtenir un territoire indépendant, en vertu du Traité de Sèvres. Quoique jamais ratifié, ce texte, vu de Turquie, reste une «plaie» qu’Erdogan ravive aujourd’hui au service d’une logique expansionniste. Article d’Ihsan Kurt

Vivant sur leurs propres territoires, dans des principautés sous domination de l’Empire ottoman et de l’Empire perse, les Kurdes ont connu pour la première fois, il y a tout juste 100 ans, la possibilité de créer leur propre Etat grâce au Traité de Sèvres, qui mettait fin à la Première Guerre mondiale sur le front du Moyen-Orient. Traité qui n’a jamais été respecté.

Un siècle plus tard, alors que l’actuelle armée turque mène des opérations militaires dans les quatre parties du Kurdistan [turc, irakien, iranien et syrien] pour briser leur espoir de liberté, les Kurdes espèrent surmonter les effets du Traité de Lausanne qui, en 1923, a annulé celui de Sèvres. Les Kurdes irakiens se battent pour protéger leur entité fédérale, reconnue par la Constitution irakienne. Leurs frères du Rojava [Kurdistan syrien] subissent les politiques du marteau et de l’enclume entre Damas et Ankara. Quant aux Kurdes d’Iran et de Turquie, leurs revendications identitaires autonomistes pâtissent des politiques négationnistes et des répressions de la part de deux régimes islamo-nationalistes – l’Iran chiite d’une part et la Turquie sunnite d’autre part.

Kurdistan ottoman amputé

Après la Première Guerre mondiale et la chute de l’Empire ottoman, quelques Etats-nations ont été créés. En mars 1920, Constantinople (Istanbul) est occupée par les Français et les Britanniques. L’avenir de la région est largement entre les mains des puissances occidentales. Afin d’obtenir des conditions de paix clémentes, le dernier sultan ottoman, Mehmet VI (dit Vahdettin) décide de coopérer avec les Alliés. L’Angleterre et la France, deux des puissances victorieuses de la Grande Guerre, ont promis l’indépendance aux Kurdes et aux Arméniens. Le 10 août 1920, un traité de paix est signé à Sèvres, en France, entre la Turquie ottomane vaincue et les puissances occidentales qui l’ont acculée à la défaite à la suite de l’armistice de Moudros, conclu le 30 octobre 1918.

Le Traité de Sèvres, qui confirme l’armistice et entérine le démembrement de l’Empire ottoman, prévoit notamment la création d’une Arménie indépendante (section VI, Arménie, art. 88 à 93) et d’un Kurdistan autonome en Turquie, mais qui pourra toutefois devenir indépendant sous certaines conditions (section III, Kurdistan, art. 62 à 64). La décision de créer ces deux entités a été prise par le Conseil suprême des Alliés lors de sa réunion à Londres en février 1920.

Le même Conseil, réuni en avril 1920 à San Remo, a attribué à l’Angleterre le mandat sur «l’Irak et le vilayet (département) de Mossoul» – la distinction entre ce vilayet et l’Irak étant une question liée aux ressources pétrolières. Le statut du Kurdistan est au cœur de la question kurde actuelle en Irak, dans le contexte de l’occupation de Mossoul par l’Organisation d’Etat islamique (EI) et compte tenu des ambitions néo-ottomanes de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan.

Le mandat sur la Syrie et le Liban a été reçu par la France, et l’Arménie a été placée sous mandat des Etats-Unis. Les dispositions du Traité de Sèvres ne précisent pas les frontières des entités politiques à créer, à l’exception de quelques vagues indications générales. Tout est renvoyé à plus tard (lire ci-dessous le texte du Traité de Sèvres).

Les dispositions internationales amputent donc le Kurdistan ottoman, autonome ou indépendant, de régions considérables. Et le Kurdistan iranien n’est point mentionné, la Perse n’ayant pas participé à la guerre.

Les articles 88 et 89 du traité, relatifs à l’Arménie – dont le peuple a subi le premier grand génocide du XXe siècle, perpétré par l’Empire turco-ottoman –, désignent les frontières avec la Turquie. Les vilayets de Van, Bitlis et Erzeroum déterminent la frontière entre le Kurdistan turc qui serait devenu autonome, le cas échéant indépendant, et cette même Arménie. Thomas Woodrow Wilson, président des Etats-Unis, ne tardera pas à désigner les frontières jusqu’à Trébizonde, sans consultation préalable de leurs populations.

Surréalisme

En évoquant le Traité de Sèvres, on ne peut s’empêcher penser que son aboutissement tient du surréalisme: «On a donc créé à Paris une Arménie indépendante sans Arméniens, un Kurdistan autonome sur papier et, au surplus, amputé ces deux entités des deux-tiers de leurs territoires». 1

Selon le traité, La Turquie proprement dite est démembrée, réduite politiquement à l’état de protectorat, et limitée à l’Anatolie centrale avec Ankara, et un littoral sur la mer Noire. Dans un tel contexte, Mustafa Kemal Pacha se lève pour défendre la patrie turque. Il initie son mouvement depuis Erzeroum afin d’obtenir le soutien des Kurdes qui ne veulent d’aucune manière être placés sous un gouvernement arménien, protégé par les Etats-Unis. Mustafa Kemal crée une «Association pour la défense des provinces orientales» et se pose en défenseur de «la Nation ottomane» menacée et d’une «communauté islamique fraternelle de Kurdes et de Turcs» dont les droits ethniques seraient respectés. Au congrès d’Erzeroum d’août 1919, il flatte les délégués kurdes, qui le soutiennent.

Bénéficiant aussi de l’aide, en or et en armement, envoyée par le jeune gouvernement soviétique, les troupes kémalistes remportent la victoire sur le front du Caucase. Les Kurdes participent aussi aux combats sur le front ouest, où les forces grecques seront défaites quelques mois avant l’ouverture de la Conférence de la paix à Lausanne. Inutile de dire que les Kurdes seront trompés par les kémalistes lors des négociations de cette conférence, ainsi qu’à l’occasion du traité signé le 24 juillet 1923 à Lausanne.

C’est ce traité qui a biffé celui de Sèvres. Les Arméniens et les Kurdes, qui étaient agréés à la Conférence de la paix à Sèvres, n’ont pas été invités, même à titre d’observateurs. Il va pourtant s’agir, à Lausanne, de leurs intérêts vitaux et de leur destin. Compte tenu des promesses qui leur ont été faites par les puissances sorties victorieuses de la guerre, cette attitude s’apparente à une trahison, à une lâcheté qu’on préfère appeler «raison d’Etat».

La Turquie otage du «syndrome de Sèvres»

Le dépeçage de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale reste une «profonde humiliation» pour le peuple turc. Tous les dirigeants turcs de gauche comme de droite utilisent cette rhétorique nationaliste face aux masses populaires ou dans les manuels scolaires: «invasion de l’extérieur, trahison des minorités chrétiennes, trahison des élites ottomanes elles-mêmes».

Le récit nationaliste qui découle de cette historiographie illustrée par le «Nutuk», ce discours fleuve que Mustafa Kemal a prononcé en octobre 1927 à l’Assemblée nationale, intègre ces éléments selon une ligne historique simple, qui forme la base de l’éducation nationale et de la vision politique régénérant et protégeant tout à la fois le pays. La modernisation forcée, l’étatisme, l’homogénéisation culturelle et l’exaltation du caractère national turc fondent l’utopie de la modernité kémaliste. «Peut-être ne se distancie-t-elle pas des idéologies fascisantes de son temps que sur un point: elle n’est pas impérialiste», selon Dorothée Schmidt, spécialiste de la Turquie.2

Or les rêves impérialistes néo-ottomans, d’une part, et l’instrumentalisation du Traité de Sèvres à des fins tactiques, de l’autre, sont devenus des pratiques banales en Turquie. C’est en via cette instrumentalisation que le gouvernement islamo-nationaliste de Recep Tayyip Erdogan mène ses guerres de reconquête au Rojava syrien et au Kurdistan irakien et iranien sous prétexte de la lutte contre «le terrorisme».

Ces politiques sécuritaires et nationalistes, fort utiles en temps de crise économique et politique pour attiser les plaies du «syndrome de Sèvres», sont les nouveaux instruments populistes de l’homme fort d’Ankara. Le président turc, qui déploie également ses troupes dans le conflit syrien ainsi que des milices djihadistes sur le front libyen, entend plus que jamais rétablir la puissance de la Turquie afin d’avoir la main sur les ressources énergétiques vitales pour l’Europe.

Quant aux Kurdes, divisés entre quatre Etats de la région, ils continuent à revendiquer leurs droits à l’autodétermination, tout en rappelant au monde civilisé ses devoirs politiques et moraux envers cette grande nation privée d’Etat, forte de plus de 35 millions d’âmes. Un siècle après le Traité de Sèvres, pendant que la carte du Moyen-Orient est redessinée par les mêmes acteurs historiques, les Kurdes vont-ils en profiter?

Ihsan Kurt est Président de l’Association pour le fonds kurde Ismet Chérif Vanly (AFKIV)

LE TRAITÉ DE SÈVRES

Ont assisté à la signature de ce «Traité de paix entre les Puissances alliées et associées et la Turquie», non ratifié, l’Angleterre, la France, l’Italie, le Japon, l’Arménie, la Belgique, la Grèce, l’Hedjaz (Arabie), la Pologne, le Portugal, la Roumanie, l’Etat serbe-croate-slovène, la Tchéco-Slovaquie et la Turquie. Dans la section III, Kurdistan, a été décidé:

«Article 62: Une commission siégeant à Constantinople et composée de trois membres respectivement nommés par les gouvernements britannique, français et italien, préparera, dans les six mois à dater de la mise en vigueur du présent traité, l’autonomie locale pour les régions, où domine l’élément kurde, situées à l’est de l’Euphrate, au sud de la frontière méridionale de l’Arménie, telle qu’elle pourra être déterminée ultérieurement, et au nord de la frontière de la Turquie avec la Syrie et la Mésopotamie, conformément à la description donnée à l’article 27, II-2e et 3e. A défaut d’accord unanime sur quelques questions, celles-ci seront référées par les membres de la Commission à leurs gouvernements respectifs. Ce plan devra comporter des garanties complètes pour la protection des Assyro-Chaldéens et autres minorités ethniques ou religieuses dans l’intérieur de ces régions et, dans ce but, une commission comprenant des représentants britannique, français, italien, persan et kurde visitera les lieux pour examiner et décider quelles rectifications, s’il y a lieu, devraient être faites à la frontière de la Turquie là où, en vertu des dispositions du présent traité, cette frontière coïncide avec celle de la Perse. […]

Article 64: 1) Si dans le délai d’un an à dater de la mise en vigueur du présent traité, la population kurde, dans les régions visées à l’article 62, s’adresse au Conseil de la Société des Nations en démontrant qu’une majorité de la population de ces régions désire être indépendante de la Turquie, et si le Conseil estime alors que cette population est capable de cette indépendance, et s’il recommande de la lui accorder, la Turquie s’engage, dès à présent, à se conformer à cette recommandation et à renoncer à tous droits et titres sur ces régions.

2) Les détails de cette renonciation seront l’objet d’une convention spéciale entre les principales puissances alliées et la Turquie.

3) Si ladite renonciation a lieu et lorsqu’elle aura lieu, aucune objection ne sera élevée par les principales puissances alliées à l’encontre de l’adhésion volontaire à cet Etat kurde indépendant, des Kurdes habitant la partie du Kurdistan comprise jusqu’à présent dans le vilayet de Mossoul.»

Sèvres, 10 août 1920

NOTES

  1. Ismet Chérif Vanly (discours), Conférence internationale sur le Traité de Lausanne et ses conséquences à l’occasion du 75e anniversaire du Traité, les 24-25 juillet 1998, Lausanne.
  2. Dorothée Schmid, «Turquie: le syndrome de Sèvres, ou la guerre qui n’en finit pas», Politique étrangère 2014/1 (Printemps), Institut français des relations internationales (IFRI).

Aram Tigran, un chanteur arménien adulé par les Kurdes

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Le 8 août 2009, le grand chanteur arménien, Aram Tigran décédait à Athènes, en Grèce, créant l’émoi chez la communauté kurde. En effet, bien qu’arménien, Tigran chantait surtout en kurde et il était presque vénéré par les Kurdes qui se sont approprié ses chansons. D’autant plus que Tigran avait fait sienne la douleur des Kurdes colonisés et subissant massacres sur massacres. Mais Tigran ne chantait pas que la douleur des Kurdes, il célébrait aussi la résistance, l’amour, la langue kurde, l’enfance, la joie… dans un répertoire riche de 230 chansons en kurde.
 
Hier, à l’occasion d’onzième anniversaire de sa disparition, les Kurdes ont rendu hommage à Aram Tigran en partageant notamment ses chansons sur les réseaux sociaux.
 
Le barde du Moyen-Orient

Aram Tigran, qui a donné vie à des chansons célèbres comme Ey « Dilberê » et « Bilbilo », a continué à chanter ses chansons jusqu’à son dernier souffle. Tigran a composé 500 chansons en kurde, arménien, syriaque, arabe, grec et turc.
Aram Tigran (né Aram Melikyan) était un chanteur arménien contemporain qui chantait principalement en kurde. Il a enrichi considérablement le répertoire de la musique kurde. Ses chansons ont été reprises par les grands musiciens kurdes comme Ciwan Haco, Berfin ou encore par Mem Ararat… 
 
Tigran est né en 1934 à Qamishli, au Rojava, dans le nord-est de la Syrie. Les Ottomans avait chassé sa famille de Diyarbakır (Amed), au Kurdistan du Nord sous l’occupation turque, lors du génocide arménien.
 
Le joueur d’oud hors pair, Tigran a donné son premier concert public lors des célébrations du Newroz (nouvel-an kurde) en 1953. En plus de la langue kurde, Tigran chantait également en arménien, syriaque, arabe, turc, en grec.
 
Pendant 18 ans, Tigran a travaillé à la radio d’Erevan (en Arménie) qui avait des émissions en langue kurde. Il est considéré comme l’un des meilleurs musiciens kurdes contemporains. Il a enregistré 230 chansons en kurde, 150 en arabe, 10 en syriaque, 8 en grec.
 
Tigran est décédé à Athènes le 8 août 2009. Il voulait être enterré à Diyarbakır, mais les autorités turques ont refusé cette demande et il a dû être enterré à Bruxelles.

TURQUIE. Les cas de Covid-19 augmentent dans les régions kurdes

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TURQUIE / BAKUR – Au Kurdistan du Nord (Bakur), où le nombre de contaminations au Covid-19 ne cesse d’augmenter, 346 agents de santé ont été testés positifs à dans la province de Diyarbakir (Amed). Les Kurdes accusent le gouvernement turc d’éviter délibérément de prendre des mesures contre l’épidémie dans les régions kurdes.
 
La normalisation rapide observée après les mesures de quarantaine mis en place pour lutter contre l’épidémie du coronavirus (Covid-19) a conduit à des avertissements concernant une deuxième vague qui pourrait survenir plus tôt que prévu. Cependant, le gouvernement turc n’a pas pris de mesures et les données n’ont pas été correctement fournies, ce qui a incité l’Association médicale turque à dire à plusieurs reprises que l’assouplissement était dangereux.
 
Les médias ont rapporté que le nombre de cas avait augmenté d’Amed à Cizre(régions kurdes) et finalement la plateforme de santé de Diyarbakır a annoncé que 346 travailleurs de la santé de la ville avaient été testés positifs au Covid-19 le 6 août.
 
Selon le communiqué, l’infection, qui a été diagnostiquée principalement chez les infirmières et les sages-femmes, était de 95 pendant 2 mois après le premier cas, et a augmenté à 251 après le retour progressif à la normalisation après le 1er juin.
 
S’adressant à l’ANF, le médecin en oncologie Halis Yerlikaya a déclaré qu’il y a environ 600 patients dans les hôpitaux d’Amed et beaucoup sont mis en quarantaine à domicile. « La situation n’est pas réconfortante. Le nombre de patients à Diyarbakır est très élevé, il n’y a pas de place dans les unités de soins intensifs. Nous avons environ 300 patients par jour à Diyarbakır. Certains de ces patients se présentent aux urgences et reçoivent des médicaments et sont renvoyés chez eux, puis, lorsque leur état s’aggrave, ils sont ramenés à l’hôpital. De nombreux patients observent la quarantaine à domicile, tandis qu’environ 600 personnes se trouvent dans les hôpitaux de Diyarbakır. »
 
Déclarant que le gouvernement a suivi le modèle d’immunité collective, Yerlikaya a souligné que cette politique était encore plus mise en œuvre dans la région [kurde]: « En fait, les gens d’ici sont presque abandonnés à leur sort. Le gouvernement agit en fonction de préoccupations économiques et non de données épidémiologiques et scientifiques. Le nombre de cas a augmenté encore plus avec les mesures de normalisation rapide prises après le 1er juin, car les préoccupations économiques sont au premier plan plutôt que la santé publique. »
 
Yerlikaya a déclaré que les mesures prises sont insuffisantes: « Vous ne pouvez pas résoudre ce problème en augmentant simplement le nombre de lits de soins intensifs dans les hôpitaux. Cette question doit être traitée sur une base scientifique. La façon de faire est de tester tout le monde. Actuellement, si l’un des membres de la famille est positif, les autres ne sont pas testés, ce qui est bien sûr un problème. Les gens ne prennent pas beaucoup de précautions. Nous avertissons toujours que le masque doit être utilisé pour couvrir la bouche et le nez, que la distance sociale doit être maintenue, que l’hygiène doit être respectée, en particulier dans les environnements fermés. L’une des raisons les plus importantes de l’augmentation du nombre de cas dans la région est que les gens se rassemblent dans des environnements fermés, par exemple pour les mariages et les funérailles. Mais en fin de compte, cela ne peut pas être traité avec des mesures individuelles. Ce que fait actuellement le gouvernement se limite à faire des appels sur cette question. Mais cela ne suffit pas, les gens doivent aussi jouer leur rôle et le gouvernement doit s’acquitter de ses responsabilités en s’appuyant sur des données scientifiques. »