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« La défense et la libération d’Afrin est la défense de la révolution des femmes »

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A l’occasion du 4e anniversaire de l’invasion du canton kurde d’Afrin par la Turquie et les terroristes islamistes, le collectif féministe, Women Defend Rojava appelle à libérer Afrin pour défendre la révolution féministe du Rojava.
 
Voici l’appel de Women Defend Rojava:
 
« Ensemble nous défendons la révolution au Rojava – La défense et la libération d’Afrin est la défense de la révolution des femmes
 
Il y a quatre an, avec leur cœur à Afrin, des milliers de personnes à travers le monde sont descendues dans la rue, exprimant haut et fort leur opposition à la guerre de la Turquie contre le droit international.
 
Le 20 janvier 2018, la guerre lancée par la Turquie commençait dans la région d’Afrin, le canton occidental de l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie. Jour et nuit, villes et villages, camps de réfugiés et sites historiques ont été bombardés par les avions de guerre et l’artillerie turcs. L’attaque de la Turquie et de ses milices djihadistes alliées s’est poursuivie jusqu’au 18 mars. Des centaines de civils ont été tués et plusieurs centaines d’autres blessés au cours de cette guerre. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées et contraintes de quitter leur foyer. Depuis lors, Afrin est sous occupation turque et les acquis de l’auto-organisation des communautés locales ont été détruits. La diversité des personnes qui y vivent ne s’exprime plus et les droits des femmes, pour lesquels elles se sont battues, ont été purement et simplement abolis sous l’occupation turque. Les maisons vacantes des familles déplacées ont été remises par les militaires turcs à des familles de combattants islamistes, entre autres choses. De nouvelles administrations ont été établies sous le contrôle de la Turquie, ce qui a contribué au changement démographique de la région. Dans le même temps, l’invasion turque a été un encouragement pour DAECH à se réorganiser.
 
La guerre à Afrin est loin d’être terminée, elle ne fait que commencer avec l’occupation. Presque chaque jour, des batailles et des explosions ont lieu, entraînant un grand nombre de victimes civiles. Avec les arrestations, les enlèvements, les prises d’otages avec des demandes de rançon élevées, ainsi que les assassinats et la torture, un régime autoritaire a été établi sous l’occupation turque qui répand la peur et la terreur et est devenu un refuge pour les membres de DAECH et d’autres djihadistes. Pour les femmes, la vie là-bas ressemble à une prison, car beaucoup ne sortent plus de chez elles par peur de la violence quotidienne. Les mariages forcés, les violences sexuelles, la torture, les meurtres et les centaines de femmes enlevées par les groupes armés soutenus par la Turquie font partie de la réalité quotidienne à laquelle sont confrontées les femmes et les filles là-bas.
 
Depuis, quatre années se sont écoulées, et nous nous rendons compte que la guerre à Afrin est loin d’être terminée, mais qu’elle vient juste de commencer avec l’occupation. Elle fait partie du système patriarcal mondial de domination dans lequel des États-nations comme la Turquie mènent des guerres pour des intérêts de pouvoir géopolitique et des ressources. Nous y reconnaissons un nouveau féminicide, car l’assujettissement, le viol et le meurtre des femmes sont toujours un élément central de la conquête d’un pays et de son peuple. Il s’agit d’une guerre contre une alternative sociale distincte de l’État-nation et du patriarcat, qui se crée et se développe sur la base de la libération des femmes, de la démocratie de base et de la durabilité écologique. La région d’Afrin, en particulier, a joué un rôle central en tant que centre de la révolution des femmes pour l’établissement de structures démocratiques directes et participatives dans le nord et l’est de la Syrie. C’est là qu’ont été créées des institutions, des communes et des conseils de femmes, fondés sur la démocratie directe, qui ont contribué à briser l’inégalité entre les sexes. De nombreux sites archéologiques historiques de la région, faisant partie de l’héritage des sociétés matriarcales locales, ont été délibérément détruits pendant la guerre d’occupation turque afin d’effacer et d’occuper la mémoire d’une région et d’un pan de l’histoire des femmes. Parmi eux, par exemple, le temple Tel Aştar à Ain Dara, dédié à la déesse Isthar. La destruction s’étend à la dévastation massive et aux dommages irréversibles de la riche nature et de l’écosystème d’Afrin, composé de montagnes, de rivières et de sols fertiles. De nombreux champs ont été brûlés, et des dizaines de milliers d’arbres, dont un grand nombre d’oliviers, ont été abattus suite à l’occupation par la Turquie et ses milices djihadistes. Les structures démocratiques de base établies auparavant par la population locale, avec des communautés et des conseils organisés de manière communale, qui permettaient la coexistence pluraliste des différents peuples ainsi que leur participation politique, ont été remplacées avec l’occupation turque par un projet de changement démographique et d’anéantissement non seulement des Kurdes locaux, de leur langue, de leur culture et de leur histoire, mais aussi de la coexistence diversifiée des peuples de la région.
 
Aujourd’hui encore, l’État turc poursuit sa guerre et son occupation dans le nord et l’est de la Syrie avec l’aide de ses milices djihadistes. Encore et encore, la région est bombardée par les drones turcs, pilonnée par l’artillerie et ainsi de nombreux civils sont blessés et assassinés. La communauté internationale reste silencieuse face à l’occupation et aux attaques en cours et est donc complice. Afrin n’est pas oubliée, et nous n’accepterons pas son occupation. La défense de la révolution des femmes au Rojava est internationale car elle inspire de nombreux mouvements féministes et de femmes dans le monde.
 
« Cette révolution n’est pas seulement pour le Kurdistan ou le Moyen-Orient. C’est une révolution pour toute l’humanité, c’est l’espoir de l’humanité. […] C’est pourquoi je veux me battre pour la liberté de toutes les femmes. J’ai rejoint cette révolution en tant que camarade, si un jour je devais être blessée ou tomber en martyr, je suis prête à le faire en tant que camarade. »
 
Avec ces mots, Şehîd Hêlîn Qereçox, Anna Campbell, s’est lancée à l’époque dans la défense de la révolution à Afrin. Le 16 mars 2018, le 55e jour de la résistance à Afrin, elle est tombée en martyr dans une attaque aérienne turque, comme beaucoup d’autres, dans la lutte pour libérer Afrin. Par son combat et sa détermination, elle a inspiré de nombreuses personnes et construit de nombreux ponts pour notre combat commun pour une société libérée des inégalités de genre, écologique, solidaire et démocratique ! Hier, aujourd’hui et avec elles dans nos cœurs pour demain !
 
Unis dans la lutte pour la libération – Contre l’occupation et le féminicide ! Défendre et libérer Afrin, c’est défendre la révolution des femmes ! »

« Afrin sera libérée quelque soit le prix »

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SYRIE / ROJAVA – Il y a 4 ans jour pour jour, le canton kurde d’Afrin fut envahi par la Turquie et ses gangs islamistes après 3 mois d’attaques sanglantes visant indistinctement les civils et les combattants en violation des traités de guerre. Des centaines de milliers de civils ont dû fuir Afrin et la plupart vivent depuis dans des camps de fortune, à Shehba.
 
Malgré les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, féminicides, torture, changement démographique, écocide et la destruction des sites historiques et des lieux de culte yézidis, chrétiens… les déplacés d’Afrin sont décidés à retourner chez eux, quelque soit le prix à payer.
 
Le 20 janvier 2018, la Turquie et des milliers mercenaires djihadistes lançaient contre le canton kurde d’Afrin l’opération si mal nommée « rameau d’olivier ». Malgré la résistance héroïque des Unités de Protection du Peuple et des Femmes (YPG / YPJ), Afrin fut occupée deux mois plus tard où des crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont été commis en masse, avec la complicité de la communauté internationale. Avec l’approbation de l’OTAN et de la Russie, un régime d’occupation islamiste a été établi dans ce canton qui était autrefois la région la plus pacifique de la Syrie. La population d’Afrin déplacée de force se bat pour retourner sur ses terres.
 

Depuis le 18 mars 2018, le canton d’Afrin, dans le nord de la Syrie, est sous occupation turque. Des crimes de guerre ont été systématiquement commis depuis l’invasion. Une grande partie de la population déplacée d’Afrin vit dans des conditions précaires dans la région voisine de Shehba depuis quatre ans. À Serdem, l’un des camps d’accueil mis en place de sa propre initiative, le Conseil cantonal d’Afrin a publié un communiqué exprimant sa détermination à retourner dans ce qui était autrefois la région la plus paisible de Syrie :

« Quatre ans se sont écoulés depuis l’occupation brutale d’Afrin et l’État turc continue ses massacres. Les gangs islamistes d’Erdogan et le MIT [services secrets turcs] enlèvent des gens, confisquent leurs biens et modifient délibérément la structure démographique. Ils détruisent la culture, l’histoire et la nature et piétinent nos valeurs. Ces crimes se déroulent au vu et au su de l’opinion publique mondiale et des organisations de défense des droits de l’homme. Le monde entier a vu comment le peuple d’Afrin a résisté 58 jours à l’invasion menée avec la technologie d’armement la plus moderne.

En tant qu’habitants d’Afrin, nous demandons : où sont les organisations de défense des droits de l’homme ? Nous avons donné notre parole à nos martyrs et cette promesse est toujours vraie aujourd’hui. Quel qu’en soit le prix, nous continuerons à nous battre jusqu’à ce qu’Afrin redevienne un endroit où les gens peuvent vivre librement et dignement. Nous ne reculerons pas d’un pas. Nous exhortons les organisations qui sont censées défendre les droits de l’homme et les Nations Unies à revoir leur traitement des personnes et à documenter les crimes à Afrin afin de traduire enfin Erdogan en justice. »

 
 

IVRY. Soirée/Débat avec Maryam Ashrafi et Mylène Sauloy

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PARIS – L’Association France-Kurdistan organise une soirée autour des Kurdes le vendredi 1er avril, à Ivry-S-Seine. La photographe iranienne Maryam Ashrafi et la journaliste et cinéaste Mylène Sauloy seront présentes lors de la soirée pour parler des femmes kurdes luttant en tant que femmes et kurdes contre le colonialisme et le patriarcat.
 
RDV le vendredi 1er avril, à 19 heures, à la librairie Envie de Lire, 16 Rue Gabriel Péri, 94200 IVRY SUR SEINE
 
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Maryam Ashrafi est une photographe iranienne basée à Paris. Son livre-photo « S’élever au milieu des ruines, danser entre les balles » (éditions Hemeria) a pour sujet les femmes combattantes kurdes. (Le livre a reçu le Prix HiP du livre de photographie 2021 dans la catégorie « Reportage et Histoire ».)

Sorti en automne 2021, le livre photo « S’élever au milieu des ruines, danser entre les balles » est un hommage aux milliers de femmes kurdes qui ont pris les armes pour se libérer des Etats colonialistes qui occupent le Kurdistan, mais également pour détruire le patriarcat qui gangrène la société conservatrice kurde.
 
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Mylène Sauloy a réalisé notamment le documentaire « Kurdistan, la guerre des filles », « La révolution par les femmes », qui par la suite a inspiré le roman-graphique du même nom coréalisé avec Clément Baloup.
 
Sorti en août dernier, Les filles du Kurdistan, une révolution féministe – inspirée du documentaire « Kurdistan, la guerre des filles » (2016) est un nouvel hommage de Mylène Sauloy aux femmes combattantes des YPJ au Rojava, aux anciennes esclaves yézidies qui ont pris les armes contre DAECH qui les vendaient sur les marchés aux esclaves mais aussi aux combattantes du PKK qu’elle a rencontrées à Qandil, à l’époque de la Guerre du Golfe…
 
 

LYON. Exposition « Demain, j’espère » donne la parole aux femmes réfugiés kurdes de Lavrio

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LYON – Les deux camps autogérés de Lavrio, en Grèce, sont des lieux de transit pour des centaines de réfugiés kurdes qui ont fui la guerre, la prison, la torture ou la mort au Kurdistan, qu’ils viennent du Bakûr, du Rojava ou d’une autre partie du Kurdistan… La plupart n’ont comme bagage qu’un maigre espoir de vivre en paix en Europe, loin des horreurs qu’ils ont vécues jusqu’à là. 
 
Malheureusement, la réalité sur place a de quoi les désenchanter. En effet, la Turquie a réussi à criminaliser les Kurdes – qu’elle persécute – même en Grèce où ils ne vivent que de la solidarité internationale organisée par des associations et des militants de divers pays européens qui organisent des convois solidaires pour Lavrio depuis plusieurs années maintenant. C’est lors d’un de ces convois qu’une délégation de l’association France Kurdistan, dirigée par Jan Sylvie, est allée à l’encontre des femmes réfugiées de Lavrio en août 2021.
 
Lors de ce voyage, les militantes de France Kurdistan ont recueilli de nombreux témoignages de ces femmes que Marine Gonnard a photographiées. De retour en France, la délégation a décidé de publier les témoignages de ces femmes sous forme de livrets et d’organiser une exposition autour des photographies prises par Marine Gonnard. C’est ainsi qu’est né « Demain, j’espère » , l’exposition de photos mettant en scène les femmes réfugiées kurdes de Lavrio. A voir à Oullins, près de Lyon, à partir de samedi 26 mars, à 17 heures.

 
 
Les coprésidentes de l’Association France Kurdistan Rhône, Roseline Beriwan Kisa et Sandy Tranchard convient le public au vernissage de l’expo « Demain, j’espère » le 26 mars. 
 
« Demain, j’espère
L’association France Kurdistan s’est rendue dans le camp de réfugiés kurdes de Lavrio (en Grèce) en août dernier.
Cette délégation constituée en grande majorité de femmes est allée à la rencontre de femmes qui ont partagé leur quotidien, leur histoire et leurs espoirs. Car au milieu des vies brisées et de l’angoisse du lendemain, c’est l’espoir et l’aspiration à la paix qui fait vivre.
C’est au travers le regard de la photographe Marine Gonnard que nous sommes heureux de revenir sur ces femmes exceptionnelles.
France Kurdistan Rhône a le plaisir de vous convier à l’inauguration de l’exposition DEMAIN, J’ESPÈRE qui sera suivi d’un temps d’échanges samedi 26 mars 2022 en présence de la photographe Marine Gonnard et de Jan Sylvie, présidente de l’association de solidarité France-Kurdistan.
ADRESSE:
MJC d’Oullin
10 Rue Orsel
69600 Oullins
 
Roseline Beriwan Kisa et Sandy Tranchard coprésidentes de l’Association France Kurdistan Rhône
PS: Photo de couverture via Jacques Leleu

Hamit Bozarslan sur la crise ukrainienne: « Poutine a piégé la Turquie »

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« Il n’est pas possible de croire que la Turquie ait une quelconque capacité de manœuvre dans ses relations avec la Russie » , déclare l’historien et politologue kurde Hamit Bozarslan.
 
L’historien et politologue kurde Hamit Bozarslan* s’est entretenu avec Ferhat Çelik de l’agence de presse Mezopotamya sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la guerre en cours entre les deux pays et les impacts possibles de la guerre sur la Turquie, le Moyen-Orient et le monde.
 

Tout d’abord, à qui est cette guerre ? Celle du peuple, d’État ou de grandes puissances ?

Nous devons examiner la littérature politique des 20 dernières années et la rhétorique de Poutine pour comprendre cette guerre. Un discours de Poutine le 21 février est d’une grande importance. C’était un très long discours composé de 11 pages. À la 9e page, Poutine dit : « Il n’y a pas de peuple ukrainien ; L’Ukraine n’a jamais existé. » L’Ukraine est égale au communisme. Le communisme a établi l’Ukraine, Lénine l’a établie ; Staline a essayé de corriger les erreurs de Lénine, mais il n’a pas réussi.

Ce que nous voyons ici est un rejet complet de l’existence du peuple. Poutine veut se venger de l’histoire. On pouvait le sentir dans sa rhétorique au cours des 20 dernières années, mais personne ne voulait le prendre au sérieux. Poutine voit la période actuelle comme une chance de se venger du passé. « Se venger du passé » résulte de la perception de Poutine en tant que fondateur d’un empire.

Il y a trois ou quatre fondateurs d’empires dans l’histoire de la Russie. Le premier est Vlademir, le tsar qui a fondé l’empire russe. Il y a Ivan le 4ème. Ensuite, il y a Staline. Poutine veut que son nom soit mentionné dans les livres d’histoire comme le 4e ou le 5e fondateur d’un empire. Il est crucial de comprendre cela car il ne s’agit pas d’une guerre entre deux peuples. L’Ukraine n’a jamais attaqué la Russie. Il n’y a pas eu de conflit armé majeur antérieur à l’exception des affrontements dans le Donbass. Il s’agit d’un cas de déni complet par Poutine de l’Ukraine et du peuple ukrainien.

De nombreux pays appliquent des sanctions à la Russie, et cette situation risque de créer des problèmes pour le monde entier, dont la crise pétrolière. Le président américain Biden s’est récemment entretenu avec le président vénézuélien Maduro pour un accord pétrolier. L’équilibre des forces entre la Russie et les États-Unis est-il en train de changer ?

Il est trop tôt pour tenter de répondre à de telles questions. Nous pourrons peut-être fournir des réponses dans quelques mois, ou peut-être un peu plus tard à l’automne. Auparavant, il y avait une certaine confiance en Europe pour Poutine, et il était perçu comme « un homme de parole ». Personne ne s’attendait à une telle attaque en Europe. Les dirigeants européens sont désormais en mesure d’accepter qu’il n’y a pas d’autre alternative que de s’allier aux États-Unis. L’Europe n’a jamais été aussi proche des États-Unis et de l’OTAN au cours des 20 dernières années qu’aujourd’hui.

On peut aussi dire que Poutine a fait une énorme erreur de calcul. L’Europe peut traverser une crise à cause de cette guerre, et elle peut connaître des troubles sociaux. Mais la crise du Covid-19 a déjà montré que les pays européens peuvent avoir des déficits budgétaires importants en cas de besoin. En d’autres termes, l’Europe est financièrement solide. Peut-être assisterons-nous à une diminution de la dépendance au pétrole et au gaz dans le monde, à l’émergence de nouvelles technologies, à la découverte de nouvelles sources d’énergie et à une tolérance accrue aux gouvernements antidémocratiques comme celui de Maduro.

La guerre a également un impact sur la Turquie. La Turquie est dépendante de l’Ukraine et plus encore de la Russie pour de nombreuses importations. Comment pensez-vous que la guerre est susceptible d’affecter la Turquie ?

Premièrement, nous pouvons dire que la Turquie a en quelque sorte été prise en otage par la Russie. Cela a été démontré très clairement en Syrie. La Russie ne déteste pas les Kurdes, pas du tout. Mais ils pourraient encore perdre Afrin très facilement. Après que la Turquie a bombardé Afrin pendant 72 jours et l’a finalement transformée complètement en une terre de djihadistes, un nettoyage ethnique a été effectué et la Russie n’a pas montré la moindre réaction à l’exception de quelques mots sur les droits de l’homme. La Turquie ne dépend pas de l’Ukraine aujourd’hui. La Turquie peut facilement se permettre de sacrifier ses relations avec l’Ukraine. Nous nous souvenons comment les Turcs ouïghours ont été sacrifiés auparavant. Demain, ce seront probablement les Palestiniens. Nous ne voyons pas beaucoup d’intérêt et de sympathie pour les opprimés en Turquie. Au moins en termes de politique d’Erdoğan (…) Cela coûtera également très cher maintenant si la Turquie essaie de faire un pas contre la Russie. Un coût économique, principalement. La Turquie est fortement dépendante du gaz naturel et du pétrole. De plus, la présence de la Turquie à Afrin et Idlib n’est possible qu’avec l’autorisation de la Russie.

Il est donc impossible de penser que la Turquie ait une quelconque capacité de manœuvre. Il serait vrai de dire qu’Erdoğan cherche également une revanche historique. L’objectif de détruire le Rojava [nord et est de la Syrie] en faisait partie. Aujourd’hui, les attaques visant le Kurdistan du Sud [Kurdistan irakien] sont des démonstrations claires du type d’empire que la Turquie entend construire.

Pouvons-nous conclure que la profonde peur historique de la Turquie vis-à-vis des Kurdes l’empêche de soutenir le même camp dans la guerre en cours ?

Cette peur a façonné la politique de la Turquie en Syrie. Même l’achat de S-400 est lié à cette peur historique. C’est une peur que la Turquie n’arrive jamais à dépasser. Tout comme Poutine n’accepte pas l’existence des Ukrainiens, la Turquie n’accepte pas l’existence des Kurdes. La Turquie ne les accepte pas comme agent social dans l’histoire. Par conséquent, ils sont incapables de mettre en œuvre une autre politique que la guerre. Bien qu’il y ait quelques périodes de réforme, cela ne dure qu’un an ou deux, après quoi ils (…) retournent à leurs politiques traditionnelles de ciblage des Kurdes.

Un jour, peut-être après le départ de l’actuel secrétaire de l’OTAN, la Turquie pourrait être invitée à être plus loyale envers l’OTAN. Il est impossible de deviner ce qu’ils feront dans une telle situation. Oui, la Turquie n’a pas été spécifiquement ciblée par la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine, mais Poutine a piégé la Turquie au moyen de la guerre.

Quel genre de piège ?

Le message [livré par la Russie à la Turquie] est : « Vous ne pouvez pas vous séparer de moi ; vous ne pouvez pas vous rapprocher de l’Europe ou des États-Unis. Vous êtes sous ma domination. »

Hamit Bozarslan est historien et politologue, enseignant actuellement à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris.

 

PARIS. Défilé kurde suivi de célébrations du Newroz

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PARIS – Ce dimanche 20 mars, à 12h, un défilé kurde partira de la Gare du Nord en direction de la Rotonde Stalingrad, avant les célébrations du Newroz (nouvel-an kurde) place de la République à 14h.
 
Les deux événements sont organisés par le Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F) qui invite le public à venir défiler et festoyer ce dimanche 20 mars.
 
Voici le communiqué du Newroz publié par le CDK-F:
 
« Le Newroz marque, pour de nombreux peuples du Moyen-Orient et d’Asie centrale, l’entrée dans la nouvelle année et le début du printemps, autrement dit la renaissance de la nature. Pour les Kurdes, cette journée incarne en outre la résistance et la victoire contre l’oppression. Le feu du Newroz allumé partout au Kurdistan le 21 mars remonte à des milliers d’année, au jour où le forgeron Kawa alluma un feu sur la montagne pour annoncer la victoire du peuple contre le tyran Dehak. Depuis, les Kurdes n’ont cessé de se révolter contre les régimes oppresseurs qui ont cherché à les rayer de la carte.
Divisés entre quatre États, les Kurdes luttent aujourd’hui pour la reconnaissance de leur identité et de leurs droits. Au-delà de cette lutte, ils travaillent à la construction d’un système de gouvernance alternatif qui serait une solution aux guerres et aux crises permanentes qui déchirent le Moyen-Orient. La démocratie, l’émancipation des femmes, la coexistence entre les peuples et l’écologie sont au cœur de ce modèle de société préconisé par le leader kurde Abdullah Öcalan et actuellement mis en œuvre au Rojava.
Aujourd’hui, le régime turc d’Erdogan représente la plus grande menace pour les Kurdes et les autres peuples de la région. C’est aussi, indéniablement, un danger pour la paix dans le monde. À l’instar du tyran Dehak qui s’abreuvait du sang des jeunes Kurdes pour prolonger sa vie, Erdogan se nourrit de guerre, de massacres et de répression pour se maintenir au pouvoir.
Ces dernières années, l’on assiste à une répression sans précédent pratiquée par le régime islamo-nationaliste turc: médias bâillonnés, société civile réduite à néant, opposition étouffée. Parce que la démocratie et le pluralisme sont une menace pour la survie du régime d’Erdogan, il a fait arrêter des milliers d’élus, de dirigeants et militants du Parti démocratique des Peuples (HDP) et engagé une procédure de dissolution contre celui-ci. Des centaines de Maires et de députés ont été déchus de leur mandat. Beaucoup croupissent aujourd’hui dans les geôles turques, à l’instar de Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, anciens coprésidents du HDP, et de Gulten Kisanak, ex-maire de la ville métropolitaine de Diyarbakir, maintenus en otage depuis plus de cinq ans.
Un autre otage du régime d’Erdogan est le leader kurde Abdullah Öcalan. Détenu en isolement depuis 1999 sur l’île-prison d’Imrali, M. Öcalan est totalement coupé du monde extérieur, privé de tout contact avec ses proches ou ses avocats. Parce que le message de paix que pourrait transmettre le leader kurde est une menace pour un régime fondé sur la guerre et la terreur.
Le régime despotique d’Erdogan ne se contente pas de la répression à l’intérieur de ses frontières. Enivré par ses ambitions expansionnistes, le digne héritier de l’empire ottoman sème la guerre au nord de la Syrie et au Sud-Kurdistan. Au mépris de toutes les normes internationales, il a envahi et occupé plusieurs zones du nord de la Syrie mises à feu et à sang par ses chiens de guerre que sont les mercenaires recrutés au sein des formations djihadistes en Syrie. Cela ne lui suffit pas : il cherche à étendre son occupation à tout le Rojava et convoite aussi le Sud-Kurdistan, en particulier la région yézidie de Shengal.
Mais c’est sans compter sur le combat du peuple kurde qui, aujourd’hui comme hier, lutte avec détermination pour construire la liberté et la paix. Le 21 mars, où qu’ils se trouvent – dans les villes, les villages ou les montagnes, dans les quatre parties du Kurdistan ou dans la diaspora – les Kurdes allumerons le feu du Newroz, la flamme qui renouvelle leur résistance. Comme l’a dit le célèbre poète kurde Musa Anter assassiné en 1992 par les escadrons de la mort turcs, « Résistance est l’autre nom de la vie » . »
 

IRAN. Un prisonnier politique kurde condamné à mort

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IRAN / ROJHILAT – Le prisonnier politique kurde, Firuz Musalou a été condamné à mort par la deuxième branche du tribunal révolutionnaire d’Ourmia. Musalou est accusé de « mohareb » (inimitié contre Dieu) en raison de son appartenance au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
 
La condamnation lui a été officiellement annoncée le lundi 7 mars 2022 par les responsables de la prison centrale d’Ourmia. La dernière audience dans les charges retenues contre Firuz Musalou s’est tenue début mars.
 
Firuz Musalou, ancien membre du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), s’est rendu aux forces de sécurité le jeudi 11 juillet 2019, à la frontière de Sardasht.
 

Les femmes kurdes rescapées du génocide d’Anfal

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En parallèle au gazage des centaines de villages kurdes et de la ville d’Halabja en 1988, le régime irakien dirigé par Saddam Husein a également capturé des milliers de civils kurdes. Les hommes de plus de 15 ans étaient tués tandis que les femmes et des fillettes étaient violées dans des casernes par les soldats irakiens qui utilisaient le viol comme arme de guerre.
 
Dans des articles et recherches traitant du génocide d’Anfal, les horreurs subies par les femmes kurdes n’ont quasiment pas été évoquées. En cela, l’article suivant écrit par l’universitaire Shilan Fuad est important pour comprendre la violence genrée subie par les femmes kurdes qui étaient également ciblées à cause de leur identité kurde.
 
Les femmes kurdes rescapées du génocide d’Anfal
 

Résumer les atrocités de l’Anfal

La campagne d’Anfal, ou peut-être plus précisément, le génocide d’Anfal, était une opération de contre-insurrection et de nettoyage ethnique menée par le régime baasiste de Saddam Hussein en Irak contre les Kurdes du Kurdistan irakien. À travers une série de huit étapes et au cours de sept mois en 1988, l’armée de Saddam, dirigée par Ali Hassan al-Majid ( plus tard surnommé « Ali le chimique » ) a mis en œuvre un plan systématique d’extermination du peuple kurde dans les régions riches en pétrole. gouvernorat de Kirkouk et les remplacer par des colons arabes fidèles au régime. Un objectif supplémentaire était d’éliminer toute résistance kurde possible à la fin de la guerre Iran-Irak et de « résoudre une fois pour toutes le problème de longue date de l’insurrection armée kurde » . Au moment où toute la poussière et les gaz toxiques se sont installés, jusqu’à 182. 000 Kurdes ont été tués, 4 000 villages kurdes ont été détruits et des centaines de milliers de survivants ont été traumatisés. En conséquence de la manière dont les Kurdes étaient systématiquement exécutés en fonction de leur appartenance ethnique, la campagne d’Anfal est devenue « un élément constitutif important de l’identité nationale kurde » .

Le grand public a pris connaissance de certains éléments de la campagne génocidaire de l’Anfal, comme la tristement célèbre attaque au gaz toxique sur Halabja le 16 mars 1988, qui a tué 5 000 civils. Moins connu, cependant, est le fait qu’environ 250 autres villes et villages ont été attaqués de la même manière. Divers villages dont Gwezeela, Chalawi, Haladin, Yakhsamar, Safaran, Sewsenan, Belekjar, Serko, Meyoo, Tazashar, Askar, Goktapa, Hiran, Balisan, Smaquli, Malakan, Shek Wasan, Ware, Seran, Kaniba, Wirmeli, Barkavreh, Bilejane, Glenaska, Zewa Shkan, Tuka, Ikmala et d’autres se sont retrouvés dans le collimateur des armes chimiques de Saddam. Dans ce pogrom impitoyable, plus de 90% des villages des zones ciblées ont été rayés de la carte.

Lorsque l’armée irakienne ne gazait pas les villages kurdes, elle commettait un schéma de crimes de guerre qui consistait généralement à bombarder des villes avec de l’artillerie, provoquant la fuite de civils, annonçant de fausses amnisties pour attirer ces civils dans leurs griffes, où ils pourraient ensuite capturer tous les garçons et hommes de plus de quinze ans doivent être exécutés et rasés dans des fosses communes. Ces atrocités ont été suivies par l’envoi des femmes et des filles restantes dans des camps de prisonniers sans électricité ni eau, où elles seraient à plusieurs reprises violées et brutalisées dans de telles tentatives militaires d’anéantissement. En effet, dans les années qui ont suivi l’Anfal, de grandes tranchées de terre ont été mises au jour contenant des centaines de corps, qui montre comment même des femmes et des filles enceintes ont été tuées dans des fusillades de masse. Cependant, de nombreuses histoires des femmes survivantes restent inédites et inouïes.

Littérature existante sur les femmes de l’Anfal

L’une des études les plus complètes et les plus détaillées est le rapport de Human Rights Watch (HRW) Genocide in Iraq, republié sous le titre Iraq’s Crime of Genocide (1995), qui enquête sur des documents liés à l’Anfal dans le but d’établir si un génocide a été commis. Selon le rapport de HRW, les Kurdes « ont été systématiquement exécutés en grand nombre sur ordre du gouvernement central de Bagdad » , y compris des femmes et des enfants. Cependant, l’impact spécifique du génocide d’Anfal sur les femmes est certainement un sujet sous-étudié, en particulier dans les universités occidentales. L’une des rares études traitant de cette question, bien que d’un point de vue masculin (ayant donc une valeur symbiotique inférée), est Gendered Memories and Masculinities: Kurdish Peshmerga on the Anfal Campaign in Iraq (2012), d’Andrea Fischer-Tahir, qui examine les récits de l’opération Anfal du point de vue de combattants de la résistance peshmerga kurde de rang inférieur, principalement des hommes, et compare leurs témoignages avec les mémoires des principaux commandants peshmergas. Comme objectif, Fischer-Tahir enquête sur les expériences et les différences au sein des groupes, avec un accent particulier sur «la masculinité vaincue et altérée» .

Concernant les expériences des femmes, deux ouvrages qui les analysent spécifiquement seraient The Limits of Trauma Discourse (2015), de Karin Mlodoch, et Gendered Experiences of Genocide: Anfal Survivors in Kurdistan-Iraq(2010), de Choman Hardi. La première explore l’impact post-Anfal sur les femmes survivantes, en mettant l’accent sur la pauvreté et les vides judiciaires auxquels elles ont été confrontées alors qu’elles tentaient de se remettre de leur traumatisme. Ce dernier met en évidence l’accent mis sur le genre dans le génocide d’Anfal et la relation coïncidente avec les abus sexuels. En examinant les conséquences à long terme, le statut social, les expériences et les récits des femmes capturées, ainsi que la manière dont elles ont affecté leurs relations avec leur communauté et la destruction de la structure familiale, Hardi offre un regard pénétrant sur les façons dont que l’Anfal a non seulement blessé physiquement les femmes, mais continue de hanter leur vie. Hardi étudie plus en détail le rôle des facteurs socio-économiques, concluant finalement : « Les femmes survivantes de l’Anfal ne souffrent pas simplement en raison de leur sexe ; elles souffrent également en termes d’appartenance à la classe inférieure pauvre et sans instruction » .

Les femmes victimes d’Anfal

Le génocide d’Anfal a considéré la brutalité et la torture comme des actes quotidiens. Les innombrables cas de déplacements forcés, de meurtres, de gazages, de viols et d’abus sexuels se sont accompagnés d’humiliations dirigées contre les tabous sociaux d’une culture socialement conservatrice comme celle des Kurdes irakiens. Ces indignités étaient généralement dirigées contre les femmes, sachant que de tels actes nuiraient gravement à la psychologie des hommes kurdes que le régime irakien espérait capturer et tuer. Les femmes kurdes qui ne pouvaient pas fuir vers l’Iran seraient arrêtées lors de perquisitions de maison en maison, ou à la suite de couvre-feux arbitraires, et envoyées dans des camps. Tout homme capturé à leurs côtés était normalement battu et humilié devant leurs femmes et leurs enfants, avant d’être emmené et tué.

Les similitudes dans les tactiques entre l’Anfal et l’Holocauste sont nombreuses, en particulier le processus de sélection subi par les civils à leur arrivée dans les camps, où les femmes et les enfants seraient divisés en leur propre groupe et les jeunes séparés des vieux. Les mauvaises conditions étaient également intentionnelles comme moyen de les assassiner indirectement. Par exemple, dans les camps de Topzawa, Salman, Nizarka et Nugra, les femmes ont été exposées à la crasse, à la faim, au manque d’assainissement, aux maladies, aux passages à tabac aléatoires, à la violence psychologique et à l’esclavage, dont le but était d’exercer un contrôle sur elles et de faire en sorte qu’elles se sentent faibles, passives et impuissantes. En outre, des agents des services de renseignement irakiens de l’Amn ont fréquemment emprisonné et violé des femmes dans la prison de Nugra Salman, et le Global Justice Center a rappelé : « Un récit encore plus sinistre racontait l’histoire d’un grand groupe de femmes célibataires qui étaient séparées des autres prisonnières et régulièrement violées par des agents de l’Amn. L’une de ces femmes se serait suicidée avec un couteau. Les Kurdes sont réticents à parler à des étrangers de problèmes liés aux abus sexuels. »

La plupart des camps de prisonniers auraient même eu des « violeurs officiels » comme employés. Kanan Makiya, auteur de Cruelty and Silence (1993), écrit comment « des preuves de viol parrainé par le régime existent sur une carte de correspondance de trois par six pouces (disponible auprès du Harvard Research and Document Project) » , et elle postule que « La carte est un document d’emploi pour un agent public dont le seul travail était de violer des femmes dans une certaine prison. »

Il existe également des preuves crédibles que de nombreuses jeunes femmes capturées ont été vendues comme « épouses » , ou plus précisément comme esclaves sexuelles, à des hommes riches ailleurs, non seulement en Irak, mais aussi au Koweït, en Arabie saoudite et dans tout le Moyen-Orient. Ces rapports ont été corroborés par un document de 1989, découvert après le renversement de Saddam en 2003, contenant un mémorandum à la Direction générale des renseignements à Bagdad, marqué « Top Secret » . Le document précisait qu’un groupe de filles âgées de 14 à 29 ans avaient été capturées lors des opérations d’Anfal, et « envoyées dans des harems et des boîtes de nuit en République arabe d’Égypte » .

Alors que les viols et les abus massifs de femmes kurdes dans le nord de l’Irak représentaient la majorité des violations contre les femmes, les crimes notoires et très médiatisés d’Uday Hussein (le fils de Saddam), qui kidnappait régulièrement des jeunes femmes et des filles pour sa gratification sexuelle, signifiaient que même les Kurdes qui vivaient proche de Bagdad ont ressenti une peur et une panique généralisées.

Des histoires comme témoignages puissants

Après que la région du Kurdistan irakien a obtenu une autonomie de facto en 1991, les femmes survivantes ont commencé à raconter leurs histoires poignantes, de lutte et de survie depuis l’Anfal aux ONG, aux chercheurs, aux responsables gouvernementaux et aux journalistes internationaux. Vouloir que le monde sache ce qu’ils avaient enduré n’était pas seulement un acte libérateur de sensibilisation, mais une tentative de retrouver une partie de leur agence perdue et de faire comprendre qu’elles n’étaient pas seulement des victimes passives, mais de puissantes survivantes qui ont enduré des épreuves que très peu les gens pouvaient imaginer. Ces récits sporadiques sont une source importante de preuves historiques sur les expériences de genre pendant l’Anfal. Cependant, nombre d’entre eux doivent encore être entièrement collectés, organisés et analysés.

Surtout, même si la nature patriarcale de la société kurde avait voulu que ces femmes souffrent en silence pour sauver la face ou préserver « l’honneur de la famille » et ne pas révéler les indignités qu’elles avaient endurées, beaucoup de ces femmes se rendent compte que cacher ses cicatrices ne fait pas qu’elles disparaissent, et que ce peut être un acte rédempteur de déclarer son triomphe sur leur destruction prévue. C’est dans ces récits effrayants que nous obtenons un aperçu précieux du traumatisme que de tels événements ont sur la vie des femmes. Dans l’un de ces cas tronqués du Discours sur les limites du traumatisme de Mlodoch, nous apprenons ce qui suit :

« De nombreuses veuves de l’Anfal ont été livrées à elles-mêmes, leurs beaux-parents ne pouvant pas ou ne voulant pas subvenir à leurs besoins, et le gouvernement régional ne fournissant que peu ou pas de soutien financier. En l’absence d’ordres de mort pour leurs maris, beaucoup n’étaient pas légalement déclarées veuves et n’ont pas pu suivre le cours du processus de deuil. Beaucoup de femmes ont été forcées de faire tout travail qu’elles pouvaient trouver. Souvent, la simple rumeur d’éventuelles violences sexuelles à leur encontre devenait un stigmate en soi.

Les femmes qui travaillaient au poste de contrôle étaient vraiment pauvres. Maintenant, le poste de contrôle est fermé, mais beaucoup d’entre elles travaillaient ici. Elles achetaient des choses à Bagdad et les amenaient ici, parfois officiellement, parfois en contrebande. Les gens disent toutes sortes de choses sur elles, ce qu’elles ont fait à Bagdad (elle baisse la voix)… certaines d’entre elles étaient enceintes. Certaines se sont suicidées. Elles ont été battues par les soldats au poste de contrôle… et brûlées. Tout cela était très sordide et sale.

Ou celles qui travaillaient à la journée. (…) Les gens en parlaient toujours. Ils ont dit : « Elles montent dans les voitures et vont, qui sait où. Oui, oui, ils disent qu’elles vont chercher des tomates mais qui sait », et ainsi de suite… Oh mon Dieu, tout cela était un travail terrible (…). »

Dans mes propres recherches, j’ai interviewé une survivante kurde dans la cinquantaine (je lui ai donné le pseudonyme de Nûre), qui a évoqué ses propres souvenirs poignants du génocide d’Anfal. Voici ses observations traduites, que je citerai longuement :

« Les attaques ont commencé pendant l’hiver froid de février à l’ombre des montagnes enneigées. Cependant, la pluie a été une bénédiction car elle nous a permis de rester en vie, étant donné le manque d’eau courante pendant plusieurs jours. La nourriture était rare et les nécessités de base de la vie étaient minimes. Nous vivons chaque instant du jour et de la nuit blottis dans la peur, sachant qu’à tout moment nous pourrions faire face à un fantôme de gaz chimique, qui semblait nous traquer. À tout moment, les nuages ​​pourraient s’ouvrir avec les bombes de Saddam et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, l’un des assassins de Saddam pourrait entrer par effraction et nous kidnapper ou nous tuer parce que nous sommes kurdes. Pendant des jours, les gens avaient fui vers les montagnes d’Iran, essayant de se sauver et de se réfugier. Les seuls articles que nous pouvions apporter étaient de petites quantités de nourriture, d’eau, de couvertures et de vêtements. C’étaient maintenant nos seules possessions dans une vie.

Ceux qui avaient un moyen de transport étaient considérés comme très chanceux, car ils n’avaient pas été laissés marcher pendant des jours à pied avec des enfants en pleurs et voir les personnes âgées s’effondrer mortes dans la rue. Nous avons dormi dans la rue, et beaucoup sont morts dans la même rue, dans le noir, sous la pluie et la neige. Beaucoup sont morts de faim et de froid, ou peut-être de maladie, de fatigue ou de désespoir. Quoi qu’il en soit, ils sont morts et ont dû être laissés (…) comme un rocher gelé au bord de la route. »

Nûre a ensuite décrit plus en détail les choses traumatisantes dont elle a été témoin, alors que les attaques se rapprochaient, se terminant par une série de questions rhétoriques montrant sa douleur continue, rappelant :

« Un matin, les bombes ont tonné plus près de la ville où nous avions cherché refuge. Les explosions continuaient de se produire tout autour de nous, de toutes les directions. C’était comme être dans une tempête et essayer de ne pas se mouiller. S’ils ne nous ont pas tués par les airs, ils nous ont démembrés depuis le sol, car les mines terrestres attendaient toujours sous nos pieds. Des innocents ont été mis en pièces. Des jambes arrachées, des corps coupés en deux. Au milieu de toute cette terreur, je me demandais pourquoi nous étions soumis à cela. Qu’avions-nous fait pour mériter cet enfer ? Était-ce parce que nous étions kurdes ? Pourquoi était-ce un crime ? Si Dieu a fait de nous des Kurdes, n’est-ce pas sa faute et pas la nôtre ? Nous n’arrêtions pas de croiser des enfants, des femmes et des vieillards morts.

Nous aurions préféré marcher les yeux fermés tant il y avait d’horreur autour de nous. Ne savions-nous même pas ce qu’étaient devenus nos parents ou nos amis ? Étaient-ils maintenant l’un des corps ou des parties du corps que nous avons croisés en courant ? Nous ne savions pas si nous survivrions ne serait-ce qu’une heure de plus.

Quand nous nous réveillions chaque matin, nous nous demandions si notre famille dans d’autres villes était encore en vie. C’est un miracle que nous ayons survécu, même pour pouvoir raconter cette histoire. Mais étions-nous les plus chanceux, ou les corps sur la route ont-ils eu de la chance car ils n’ont pas à vivre après avoir vu de telles choses ? »

C’est dans des récits comme celui-ci que nous apprenons ce dont les femmes survivantes de l’Anfal ont été témoins et nous aident à projeter la profondeur de leur traumatisme résiduel. C’est dans tous ces récits susmentionnés que nous voyons la lenteur qui peut saper la résilience d’un survivant d’un traumatisme. Mais ces testaments offrent également un aperçu de leur dépassement. En outre, ils montrent également pourquoi ces femmes survivantes doivent être protégées contre une re-victimisation constante par une société qui considère désormais nombre d’entre elles comme des « biens endommagés » plutôt que comme des survivantes abusées mais héroïques qu’elles sont.

Un forum comme lieu de résilience pour les survivantes d’Anfal

Ces dernières années, il y a eu quelques tentatives pleines d’espoir pour donner toute leur voix à ces survivantes d’Anfal. Dans l’un de ces projets, appelé Anfal Memory Forum dans la ville de Rizgarî, les survivantes ont formé un groupe d’entraide pour s’autonomiser. Ce faisant, leur objectif est de concevoir un site mémorial autogéré, pour représenter leurs expériences en tant que femmes pendant et après le génocide d’Anfal, tout en validant leurs souffrances, ainsi que montrer leur force et leur fierté dans ce qu’elles ont surmonté. Ce mémorial servira de lieu symbolique pour demander la fermeture et donner des visages et des noms tangibles à leurs proches disparus et assassinés. En documentant les photos, les artefacts et les histoires de vos proches, vous leur donnez le réconfort de savoir que leur vie sera préservée pour les générations futures et que la volonté de Saddam d’effacer leur existence aura été vaine.

Le mémorial est également un espace de dialogue, où les survivantes peuvent travailler avec des artistes sur des installations artistiques et des moyens de concevoir des œuvres pour montrer leur persévérance et se souvenir des victimes décédées. L’une de ces expositions sera constituée de photos de survivantes tenant des souvenirs de leur famille disparue qui bordent l’entrée du site commémoratif. C’est dans ces petits actes de résistance que se livre la bataille de la mémoire, et où les survivantes d’Anfal cherchent des moyens d’affronter leur passé, tout en cherchant un avenir avec moins de douleur et de chagrin. Des années après que Saddam et « Ali le Chimique » aient été pendus pour leurs crimes de guerre, ces femmes restent provocantes à leur manière, déterminées à s’exprimer et à exister.

L’universitaire interdisciplinaire, Shilan Fuad Hussain est une chercheuse invitée à Washington Kurdish Institute (WKI). Elle est spécialisée dans les études du Moyen-Orient et de la question kurde. Son travail se situe à l’intersection de la sociologie et de l’analyse culturelle, et de sa pertinence symbiotique pour la société moderne. L’objectif principal de sa recherche a été d’examiner les impacts sociétaux de la politique et des conflits, le genre et la diaspora. En tant que femme kurde qui a grandi en Irak au milieu de la guerre avant de partir pour la diaspora, ses expériences personnelles ont façonné sa vision du monde et ses perspectives uniques sur les débats culturels et politiques actuels.
 
Version espagnole publiée le 27 janvier 2022 sur le site Kurdistan América Latina
L’article a été initialement publié en anglais dans « Wiener Jahrbuch für Kurdische Studien 2021 ». ISBN 978-3-70691148-1.
 

TURQUIE. Le prisonnier kurde, Hayri Karaş décède peu de jours après sa sortie de prison

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TURQUIE / BAKUR – Le prisonnier politique kurde gravement malade, Hayri Karaş a été libéré de la prison d’Amed il y a 10 jours alors qu’il était sur le point de mourir. Il est décédé d’un cancer de l’intestin.
 
Hayri Karaş avait été arrêté pour terrorisme dans le cadre des «opérations KCK» menées contre le mouvement kurde en 2009.
 
Le prisonnier malade Hayri Karaş a été détenu à la prison de Diyarbakır et a été libéré il y a 10 jours, malgré les nombreux appels pour le libérer car il était gravement malade. Il est décédé à l’hôpital de formation et de recherche de Diyarbekir.
 
Karaş a été enterré au cimetière de Dicle.
 

ROJAVA. Les soldats turcs ont tué 2 jeunes sous la torture dans la campagne d’Al-Darbasiyah

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SYRIE / ROJAVA – Hier, deux jeunes hommes ont été torturés à mort près du village de Qermane, près de la localité kurde de Derbesiyê. Les victimes sont: Taha El-Mihemmed du district de Til Hemîs du canton de Qamîşlo et Adil Mihemed El-Bedir. Tous deux avaient 21 ans.

Les villageois ont découvert les cadavres de deux hommes dans le village de Qermane, à l’ouest du district de Dirbesiyê, près de la frontière avec la Turquie.
 
Le corps d’Adil Mihemed El-Bedir a été transporté à l’hôpital Şehit Xebat, alors qu’ils n’ont pas pu récupérer le corps de l’autre victime jusqu’à aujourd’hui car les soldats turcs leur tiraient dessus.
 
Aujourd’hui (16 mars), le corps de Taha El-Mihemmed a enfin été récupéré.
 

TURQUIE. A Istanbul, les femmes disent « Non à la guerre »

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TURQUIE – À l’appel du bloc « Unité pour la démocratie » , une « Tribune de la démocratie » a été mise en place à Istanbul par diverses organisations féministes et des membres féminins des partis politiques d’opposition, dont le HDP « pro-kurde » et le CHP.
 
Les organisations féministes qui ont rejoint la « Tribune de la démocratie » sont: Assemblées des femmes, Libération des femmes, Solidarité violette, Sorcières des campus, Kırkyama, Femmes de la Gauche Verte.
 
Au milieu de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, des femmes se sont rassemblées à Istanbul / Kadıköy pour la « Tribune de la démocratie » afin de faire entendre leur voix contre la guerre, la pauvreté, les inégalités et l’exploitation.
 
Plusieurs femmes, dont la députée du Parti démocratique des peuples (HDP) d’Istanbul, Züleyha Gülüm, et des organisations de femmes ont assisté à l’événement, ouvrant une banderole sur laquelle on pouvait lire : « Les femmes sont contre la pauvreté et la guerre » et scandant les slogans : « Les femmes sont fortes ensemble » et « Jin jiyan azadî » (femmes, vie liberté).
 
« Les administrateurs ciblent les femmes »
 
Prenant la parole la première à la « Tribune de la démocratie » , Beyda Ceylan de la plateforme « Kampüs Cadıları » (Sorcières des campus) a déclaré que la première chose que font les administrateurs-recteurs dans les universités est d’attaquer les femmes.
 
S’exprimant après Ceylan, Rojda Aksoy, membre de la plateforme « Mor Dayanışma » (Solidarité pourpre), a rappelé que les femmes étaient confrontées aux violences policières le 8 mars Journée internationale de la femme et a souligné que la société devait prendre conscience des politiques de guerre menées par l’État.
 
La lutte des femmes pour un avenir libre
 
S’adressant aux femmes, la députée HDP d’Istanbul, Züleyha Gülüm, a déclaré qu’elles, les femmes, étaient sur la place pour dire « non » à l’appauvrissement des femmes, à la mise en œuvre de politiques alimentant la violence et l’aggravation de la question kurde et pour défendre leurs propres droits acquis.
 
Nous ne les laissons pas nous priver de notre droit à une pension alimentaire. Nous continuerons à réaliser de nouveaux gains. L’avenir libre sera celui des femmes. La lutte des femmes pour la liberté gagnera.
 
« Nous élevons notre la voix contre la guerre »
 
Après ces discours, Nesteren Davutoğlu, membre du DİB, et Perihan Koca, membre du Parti de la liberté sociale (TÖP), ont lu le communiqué de presse.
 
Faisant part de ses inquiétudes quant au fait que même les besoins de base les plus essentiels tels que le logement, la nourriture et le chauffage se sont transformés en luxe en Turquie au milieu de la crise économique, Davutoğlu a souligné que les femmes sont obligées de travailler dans des emplois mal rémunérés et non qualifiés entourés de mobbing, de harcèlement et de violence masculine. et dans des conditions non enregistrées, flexibles et précaires. Constatant que « le chômage des femmes monte en flèche de jour en jour » , Nesteren Davutoğlu a déclaré :
 
« Une femme est l’individu le plus pauvre d’un ménage pauvre. Les femmes sont les plus pauvres et les plus dépossédées du monde. Le capitalisme continue de subsister en exploitant le travail et le corps des femmes. La vie des femmes est saisie par le capital, les détenteurs du pouvoir politique, les hommes et la famille. Dans des conditions où la crise économique s’aggrave de jour en jour, les femmes ont le fardeau de subvenir à tous les besoins. »
 
S’inquiétant des bas salaires « qui ne suffiraient même pas à survivre » , Davutoğlu a rappelé que les soins aux enfants, aux malades et aux personnes âgées sont également assurés par les femmes dans les ménages.
 
« Les femmes à l’avant-garde de la lutte »
 
Prenant ensuite la parole, Perihan Koca a souligné que les femmes sont à l’avant-garde de la lutte pour l’écologie et le travail :
 
« L’État à prédominance masculine, les détenteurs du pouvoir politique et les hommes ont une dette envers nous. Nous ne resterons pas silencieuses face à la guerre, qui signifie violence et exode, à l’exploitation du travail rémunéré et non rémunéré, à la pauvreté des femmes ou à la confiscation des droits acquis. Nous défendre la vie contre la guerre. La Convention d’Istanbul doit être à nouveau ratifiée de toute urgence et elle doit être effectivement mise en œuvre.
 
Nous continuerons à lutter pour des centres de prévention des féminicides et de la violence masculine, des cours sur l’égalité des sexes, des jardins d’enfants, des maisons de retraite pour les malades et les personnes âgées, pour l’égalité des salaires, la sécurité de l’emploi et des conditions de vie sûres. »
 

IRAN. La police iranienne tue une mère kurde et son fils à Kermanshah

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IRAN / ROJHILAT – Le 14 mars, la police iranienne a abattu deux Kurdes yarsans près d’un village de Dalahu, dans la province occidentale de Kermanshah.
 
Des policiers iraniens ont criblé de balles une voiture dans la région de Kermanshah, tuant ses deux occupants: Sourat Sayyadi et son fils Pouria Rezaei, 30 ans. Tous deux appartenait à la communauté kurde-yarsan.
 
Les corps des Sourat Sayyadi et Pourya Rezaei ont été emmenés au département de médecine légale de Sarpol-e-Zahab dans la province de Kermanshah et n’ont pas encore été restitués à leurs familles.
 
Une source contactée par le Réseau des droits de l’homme du Kurdistan (KHRN) a déclaré : « Dimanche à midi [le 14 mars], dans la région montagneuse de Mla Saraneh, près du site religieux de Babayadegar dans le village de Zardeh (…) la police a tendu une embuscade sous prétexte d’attraper des marchandises de contrebande. Ils ont ouvert le feu sur les occupants d’une voiture qui s’était arrêtée (…) Sourat Sayyadi et son fils Pourya Rezaei (…) ont été tués. »
 
La source a ajouté qu’en raison de la pression des institutions de sécurité sur la famille des victimes, aucun autre détail n’a été obtenu sur leur assassinat.
 
De plus, les forces de l’ordre ont subordonné la livraison du corps à la reconstitution du lieu de la fusillade par le conducteur de la voiture.
 
La mère et le fils tués résidaient dans le village de Kamran-e Rahman à Dalahu.
 
 
Qui sont les Kurdes yarsans?
 
Le yârsânisme ou yaresanisme est une religion qui est pratiquée exclusivement par les Kurdes entre le Kurdistan irakien et le Kurdistan iranien. « Yâresân » peut se comprendre comme Peuple de la vérité aussi bien que Homme de Dieu.
 
La communauté yarsan est l’une des minorités religieuses en Iran qui n’est pas reconnue comme une religion à part dans la constitution. Ses adeptes sont privés de presque tous les droits politiques et sociaux.
 
 
Les Yarsans vivent principalement dans les provinces de Kermanshah, Lorestan, Hamadan, Kurdistan, Azerbaïdjan, Qazvin, Alborz, Téhéran, Gilan et Mazandaran. La province de Kermanshah est connue comme le centre principal de cette religion.
 
 
Bien qu’il n’y ait pas de statistiques officielles sur le nombre d’adeptes de cette religion, la population des Yarsans en Iran, certaines sources parlent d’un à trois millions de Yarsans.