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TURQUIE. Jeûne de la mort dans les prisons turques

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TURQUIE – Aujourd’hui, 15 prisonniers politiques kurdes, dont cinq femmes, ont entamé un jeûne de la mort alors qu’ils étaient en grève de la faim depuis 16 décembre 2018.

Voici le communiqué du Conseil démocratique kurde en France concernant le jeûne de la mort des prisonniers politiques kurdes :

15 PRISONNIER.E.S POLITIQUES KURDES PASSENT DE LA GRÈVE DE LA FAIM
AU JEÛNE DE LA MORT
En grève de la faim depuis le 16 décembre 2018 dans différentes prisons de Turquie, 15 prisonnier.e.s politiques membres du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et du Parti pour la Liberté des Femmes du Kurdistan (PAJK) ont annoncé entamer aujourd’hui, 30 avril, un jeûne de la mort, portant ainsi à un niveau supérieur la résistance contre l’isolement et le fascisme en Turquie.
 
Le 7 novembre 2018, la Députée du HDP Leyla Güven a commencé une grève de la faim dans la prison de Diyarbakir, exigeant du gouvernement turc qu’il mette fin à l’isolement carcéral total imposé au leader kurde Abdullah Öcalan qui, privé de tout contact avec ses avocats depuis 2011, n’a eu droit qu’à deux visites de sa famille au cours des quatre dernières années. Cette action avait pour objectif, non seulement, de mettre fin à la violation grave des droits humains résultant de l’isolement du leader kurde et de ses codétenus dans la prison d’Imrali, mais aussi de contraindre la Turquie à cesser sa guerre antikurde et à reprendre le processus de paix avec Öcalan et le mouvement kurde.
 
Aujourd’hui, plus de 7.000 personnes, majoritairement des prisonniers politiques, participent à ce mouvement contre l’isolement et le fascisme en Turquie. Parmi les grévistes de la faim, figurent trois autres Députés du HDP qui mènent leur action à Diyarbakir et des dizaines de militant.e.s kurdes et non-kurdes à travers le monde.
 
Dans la capitale européenne, Strasbourg, 14 personnes, dont une ancienne Députée du HDP, sont en grève de la faim depuis le 17 décembre 2018. Elles/ils demandent aux institutions européennes, en particulier au Conseil de l’Europe et à son Comité pour la Prévention de la Torture (CPT) d’intervenir auprès de la Turquie, conformément à leur mission, pour mettre fin aux violations des droits humains dans les prisons.
 
Tandis que l’état de santé des grévistes de la faim se dégrade dangereusement, les institutions européennes continuent à se murer dans un silence totalement irresponsable, violant ainsi les principes et valeurs mêmes qu’elles sont censées défendre.
 
Le mutisme et l’inaction des gouvernements et des institutions européennes face à la montée du fascisme en Turquie ont conduit plusieurs personnes à se donner la mort au cours des dernières semaines : Le 20 février 2019, un militant kurde s’est immolé par le feu en Allemagne. Et depuis le 17 mars, sept prisonniers politiques, quatre femmes et trois hommes, ont mis fin à leur vie dans les geôles turques.
 
Face à ce silence qui encourage le fascisme, la dictature et la répression de toutes les oppositions en Turquie et à l’indifférence profonde du gouvernement turc qui ignore totalement les 7.000 personnes en grève de la faim dans ses prisons, 15 prisonnièr.e.s politiques kurdes ont décidé d’entamer aujourd’hui un jeûne de la mort.
 
Une fois de plus, nous appelons l’Europe et tout particulièrement le gouvernement français à rompre le silence meurtrier et agir immédiatement, avant qu’il n’y ait d’autres morts.
 
Nous exigeons du Conseil de l’Europe et du CPT qu’ils accomplissent, enfin, leurs missions en agissant auprès de la Turquie afin de mettre un terme à l’isolement que le régime d’Erdogan, encouragé par le silence des institutions européennes, fait subir depuis des années à M. Abdullah Öcalan.
 
Conseil Démocratique Kurde en France 

Hommage au résistant kurde Nuri Dersimi

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Nuri Dersimi (à droite), avec deux autres militants kurdes, enchaînés dans la prison turque de Divriği, à Sivas, en 1921. L’image contient peut-être : 3 personnes, personnes debout et intérieur
 
L’intellectuel et activiste kurde de confession alévie, Mehmet Nuri Dersimi est né en 1893 à Dersim. Il est mort le 22 août 1973 à Alep et a été enterré à Afrin. Après l’invasion d’Afrin, les mercenaires de la Turquie ont détruit sa tombe.
 
Surnommé Baytar (vétérinaire), Dersimi commença à étudier à l’école de vétérinaire d’Istanbul en 1911. il est devenu membre de l’association kurde Hevi-Kürt Talebe Cemiyeti (Association de l’espoir des étudiants kurdes) et en 1912 secrétaire du Kürdistan Teali Cemiyeti (la Société de l’Eveil du Kurdistan). Pendant la Première Guerre mondiale, il fut envoyé comme vétérinaire par le gouvernement ottoman à Erzincan en 1914. A Erzincan, il a été témoin de massacres d’Arméniens. En raison de ses activités politiques, il a été transféré à Kangal, à Sivas en 1916. Là, il a épousé Sevli, la fille d’un notable kurde. Peu de temps après, il fut envoyé à Giresun. En 1918, il retourna à Istanbul et termina ses études.
 
Après ses études, Dersimi est retourné à Sivas et organisa le soulèvement de Koçgiri en 1920. Dersimi est devenu une personne importante du soulèvement et le conseiller de Said Rıza. Après le soulèvement de Koçgiri, il est allé à Dersim. Il a également été impliqué dans le premier soulèvement de Dersim. Mais il a perdu trois de ses frères et son fils Ali à Koçgiri. Après le déclenchement du soulèvement du Dersim en 1937, Dersimi s’est enfui en Syrie, mais a dû se rendre à Amman en 1938 car le mandat français en Syrie l’avait expulsé sous la pression de la Turquie. Dersimî a perdu sa fille dans le soulèvement Dersim. Il l’a décrit ainsi :
 
« En rangs, des filles et des femmes kurdes se sont jetées dans les bras de la mort en se jetant dans les abîmes ou en se tirant dessus pour ne pas tomber entre les mains des Turcs. (…) Parmi ceux qui se sont jetés dans les gorges d’Iksor se trouvait ma fille de quatorze ans, « Fato ».
 
– Cité d’après Hans-Lukas Kieser : Mehmet Nuri Dersimi, un Kurde demandeur d’asile.
 
En 1940, il retourna à Alep en Syrie où il est resté jusqu’à sa mort en 1973. Il aurait creusé sa propre tombe 10 ans avant sa mort. Il est enterré près d’Afrin. Après l’occupation d’Afrin par l’armée turque en violation du droit international, de nombreux cimetières, dont la tombe de Nuri Dersimi et de son épouse Zarife, ont été détruits.

YPJ internationalistes : « Notre révolution »

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ROJAVA – Le bureau d’information des combattantes internationalistes des YPJ a publié un communiqué sur ce qu’elles entendent par « révolution ». 
 
Voici leur communiqué :
 
– Notre révolution –
 
Comment voyons-nous notre monde ? Quelle est notre réalité ? Le désir de réparer le monde n’est-il que le rêve naïf d’un enfant ? Sommes-nous capables de faire cela ? Que pouvons-nous, en tant que personne normal, pour changer la cruauté du monde ? Quel serait notre rôle individuel à cet égard ? Est-il peut-être déjà trop tard ? Les êtres humains sont-ils capables de survivre sans un gouvernement oppressif ? Pourquoi est-ce notre affaire lorsqu’il se passe quelque chose pour d’autres personnes, et particulièrement, pour les personnes vivant dans des lieux éloignés des nôtres ? Est-ce notre responsabilité de faire en sorte que leurs problèmes soient les nôtres ? Qu’est-ce que cela signifie: « je », « nous » ou « les autres » ? Le «mal» responsable de toute la cruauté dans le monde existe-t-il ? Ces questions qui reviennent souvent sont certainement importantes lorsque nous voulons comprendre comment mettre fin à la catastrophe climatique, au génocide, à l’esclavage, au fascisme et à la guerre. Il semble que nous pataugeons de plus en plus dans les problèmes. Et la manière de résoudre ces questions, tou.te.s les révolutionnaires du passé y ont travaillé, ainsi que celles et ceux d’aujourd’hui qui y travaillent encore.
 
Nous devons admettre que nous avons commis des erreurs dans le passé. Nous, les êtres humains, tou.te.s celles et ceux qui, depuis la construction de la ziggourat [temple babylonien], ont cherché un moyen de sortir de l’oppression, du pouvoir et de l’esclavage dans lesquels nous nous sommes catapultés. Nous avons essayé de nombreuses manières et les concepts sont devenus de plus en plus complexes. À son apogée, nous nous sommes retrouvés dans la tyrannie du socialisme réel. De nos jours, il semble absurde de construire une institution aussi oppressive, si éloignée de la liberté, et de penser que cela entraînerait la libération. Mais pourtant c’est exactement ce que la prétendue démocratie parlementaire utilise comme excuse, ce qui fait que certain.e.s réformistes restent collés au lieu de clore ce chapitre par la remarque suivante: cela ne peut pas fonctionner car le problème des systèmes oppressifs est le système oppressif lui-même.
 
Lorsque nous étudions la vision de « l’Utopie » de Thomas More d’il y a cinq cents ans, nous voyons déjà le souhait d’une société plus égalitaire et même d’autres belles idées. Mais elle est toujours traversée par un état d’esprit lourdement patriarcal, exploiteur et hiérarchique. Le résultat de cela est bien sûr, l’idée que la femme sert l’homme, les enfants servent les adultes, les esclaves servent tout le monde, les animaux sont une propriété privée avec laquelle les humains font ce qu’ils désirent car ils.elles en ont la possibilité. Mais on apprend.
 
Étienne de la Boetié a évoqué dans la « Servitude Volontaire », l’idée selon laquelle un tyran n’est pas en mesure d’opprimer les gens sans réussir à se faire accepter et aider par le peuple lui-même. Il a appelé à une résistance collective. Et ce fut un bon début. Néanmoins, il ne suffisait pas de créer une conscience plus profonde pour une véritable alternative.
Hanna Arendt affirme, en lien avec le génocide et les meurtres causés par le nazisme, la nécessité pour les individus de prendre la responsabilité de tout ce que nous faisons et de ce que nous ne faisons pas. La «banalité du mal», l’abandon institutionnalisé de notre responsabilité constante, est à la base de l’oppression structurelle. Ce point là, nous devons le comprendre afin de ne pas tomber dans le piège de l’esclave qui devient un support, en acceptant toute forme d’oppression. Nous devons donc résister.
 
En fait, comprendre que c’est nous qui sommes responsables de nos actes est inconciliable avec l’acceptation d’un gouvernement central. De plus, l’acceptation de l’exploitation et de l’injustice à travers le monde est, en bref, incompatible avec la lutte contre la servitude volontaire.
 
Nous aurions dû commencer à ce stade. Malheureusement, nous commettons souvent l’erreur de personnaliser notre ennemi. C’est plus facile que de commencer avec nous-mêmes. Et nous l’avons souvent fait: les prolétaires contre les représentant.e.s de la bourgeoisie, la masse communiste contre l’individu ou l’individualiste formé par le capitalisme contre sa société. La «propagande par le fait» n’est qu’un exemple parmi d’autres. Cela a révélé une belle idée, qui a montré par les actions, que les hégémonies en réalité ne sont pas omnipotentes et que nous, personnes normales, avons la capacité de nous autonomiser, de détruire leurs structures ou de les attaquer et donc d’inspirer de nouvelles idées et actions révolutionnaires. C’est certain que c’est une partie importante de la résistance, mais se concentrer seulement sur cela mène, et c’est malheureusement comme cela que l’a été, à rien.
 
Cette construction réductrice et dichotomique a été perpétuée par différents groupes: celles et ceux qui devaient bénéficier de la division entre le peuple, la société elle-même et les révolutionnaires- arrangeant plus particulièrement les premier.e.s. Ce groupe peut avoir deux raisons de le faire: soit parce qu’ils se trouvent dans une situation précaire qui rend nécessaire d’avoir un bouc émissaire pour détourner l’attention de la situation d’ensemble (par exemple, les États qui en voyant des tensions désignent les réfugiés), soit pour leurs propres intérêts personnels. Mais tombent au final esclaves de leur propre avidité. La société fait également sa part pour perpétuer cela, bien que généralement ce ne soit pas intentionnel. La société reproduit ce qu’elle a appris, non seulement en obéissant et en dirigeant, mais aussi en divisant les gens. C’est devenu un système qui fonctionne par lui même, produisant constamment la mentalité des nouvelles générations de serviteurs et de dirigeant.e.s, divisant en permanence le peuple. Bien sûr, il est dans l’intérêt des hégémonies existantes de maintenir ce processus solide. Les révolutionnaires eux et elles mêmes l’ont fait, soit en ne voyant pas les racines du problème -car incapable de l’exprimer correctement- soit en utilisant un moment de tension pour envoyer une masse mécontente, en colère, pour déclencher un soulèvement. Cette tactique à elle seule n’a jamais fonctionné dans le passé et la raison en est simple: dans le vide de pouvoir à suivre, les personnes qui ont seulement appris à être des «hiérarchistes», ne feraient que construire un nouveau système oppressif, car le soulèvement n’était pas dirigé par un changement de mentalité. Cela est arrivé dans un passé plus récent. Plus spécifiquement: un soulèvement doit commencer par les peuples qui souhaitent changer le système politique – par la destruction totale de l’ancien et la construction d’un nouveau avec une base complètement différente – et la société. L’un ne fonctionne pas sans l’autre car la simple réalité est que le nouveau système, créé par le peuple, sera identique au peuple lui même.
 
Chaque acte révolutionnaire est un processus d’apprentissage pour chacun.e, afin de changer nous- mêmes et notre environnement. Lentement et à chaque erreur commise, cette idée s’est cristallisée: à côté de l’étude attentive de l’histoire humaine, de la compréhension de la montée et de l’enracinement de l’exploitation, du développement politique et socio-historique, il y a d’autres besoins : en définitive la sincère et vrai auto-réflexion sur laquelle nous sommes arrivé à nous demander -à coté de l’importante analyse de ce que nous ne voulons pas, et ce que nous voulons éviter pour le futur- est: Qu’est-ce que nous voulons réellement à la place ?
Et la réponse sur laquelle nous sommes tou.te.s d’accord est simple: nous voulons tou.te.s vivre ! Et nous voulons vraiment vivre, pas seulement survivre !
 
Cela signifie qu’au lieu de nous concentrer sur la personnification de l’ennemi sous différentes formes de chauvinisme, nous devons établir un mouvement mondial pour une humanité fondée sur la liberté, fondé sur l’idée que les humains s’entraident au lieu d’un quelconque autre système oppressif. Peu importe où, peu importe la couleur, l’ethnie, la spiritualité, le genre auquel nous nous identifions. Le problème est que, de nos jours, nous sommes obligés de tout classer, que les gens seraient en manque de quelque chose si ils ou elles ne pouvaient pas se créer une claire identité, en se mettant dans des boîtes et – ceci est davantage le problème – en excluant d’autres. Cet outil, pour nous séparer les un.e.s des autres, est souvent utilisé et même développé par le capitalisme et les États. Créer un patriotisme d’État, un nationalisme, une guerre entre les peuples afin de garantir la loyauté envers l’État, et non plus envers les autres humains. Mais toutes ces catégories sont créées. Nous pouvons célébrer les diversités en tant que richesse de l’humanité sans haine, jalousie et chauvinisme. Et les humains le font. À chaque action, nous nous heurtons au mur que le système a construit entre nous, provoquant des éraflures à l’intérieur, le rendant plus poreux.
 
Chaque jour où les gens s’efforcent de briser ce mur est une preuve suffisante pour désarmer l’État, qui tente de nous faire croire que nous sommes comme des loups-garous, qui se déchirent naturellement les un.e.s les autres. Ceci n’était pas vrai dans le passé -car la période la plus longue de l’existence humaine est celle qui précède l’ère de la création du systême- et compte tenu de toutes les résistances, n’est pas vrai pour le présent. Combien de nos camarades ont lutté, chaque jour, sans douter une seconde si cela en valait la peine, ou même sacrifié leur vie, et qui le font pour la liberté de tou.te.s. Oui, nous avons été formés, élevés en tant que parfaits serviteurs, à être affamés et malades les un.e contre les autres. Mais cela ne pourra jamais arrêter notre résistance, ne mettra jamais fin au flot incessant à notre recherche de solutions, de projets, de tentatives et de soulèvements. Au contraire, il devient alors plus clair, plus fort, nous menant à sa confluence. Il grandit, et lorsque le jour de la révolution arrivera, se transformera soudainement en une puissante inondation… Nous ne sommes pas des loups-garous et nous n’avons pas besoin des États pour nous enchaîner. Nous avons besoin de créer ensemble une société fondée sur le respect mutuel, l’initiative personnelle, le sens de la responsabilité, des discours constructifs, la volonté d’apprendre, la solidarité et la communauté au lieu de la peur et ses enfants: jalousie, envie, avidité, et plus.
 
Tout comme la beauté de chaque femme qui devient visible lorsqu’elle jette le masque de son visage et commence à se battre. La beauté de la vie commune entre humains peut devenir vraie lorsqu’il s’agit de l’humain lui-même, et non de la couleur de la peau, la propriété privée, la carrière ou la position de pouvoir.
 
Tout cela étant dit, lorsque nous créons une société telle que décrite ci-dessus, il serait vain de couper la branche sur laquelle nous sommes tous assis, et détruire la Terre mère. Continuer à la traiter comme une propriété privée, l’exploiter et la tuer revient à notre propre mort. Et cela peu importe la façon dont nous nous traitons les un.e.s les autres. Nous devrions nous rappeler qu’elle est une partie vivante de nous-mêmes. Elle peut très bien vivre sans nous, mais nous, nous ne pouvons pas vivre ou même simplement survivre sans elle. Cela rend indispensable un changement fondamental de notre consommation, de prendre conscience de tout notre environnement. Mais il ne s’agit pas seulement de survivre. L’homme frappe la femme, qui frappe l’enfant, qui frappe le chien. Suite à cette métaphore la question est: où commence l’oppression? Où est la racine de l’esclavage? Cela commence-t-il vraiment avec les humains ou devons-nous aller plus loin ? Il est évident que nous devons questionner les fils d’Abraham. Pourquoi ils nous ont dit que Dieu avait ordonné à Adam de diriger toute vie. Ce point de départ, patriarcal, ouvre déjà la porte à l’oppression en général. Imaginons que si nous traitons la nature avec le respect qu’elle mérite, en prenant ce dont nous avons besoin et en cessant également d’exploiter les animaux, comment pourrions-nous alors en venir à l’idée de créer un esclavage entre humains? Nous pouvons rejeter la mentalité hiérarchique qui nous a été inculquée, et avec le temps, revenir à une relation avec la nature dans laquelle nous apprenons à traiter chaque être avec respect.
 
Rien de ce qui est écrit ci-dessus n’est nouveau. Ce n’est qu’un infime morceau d’illumination révolutionnaire acquis par un processus de révolution qui s’est fait sur le long terme.
 
Et de toutes ces idées, nous avons besoin d’un système politique. D’une manière appropriée d’organiser la société que nous voulons créer. Ce que les sociétés les plus naturelles savent depuis toujours, est en train de prendre forme dans les nouveaux concepts révolutionnaires d’organisation apatride du monde entier: un système confédéral de communautés autonomes. Ces communautés peuvent s’organiser et se construire comme elles l’entendent. Cette idée de base doit être développée, et chaque lieu doit le faire en fonction des circonstances des besoins culturels et locaux spécifiques. Il est logique que plus la prise de décision est centralisée, moins il est possible de faire participer celles et ceux qui en sont affectés. Dans un système décentralisé, un plus petit nombre de personnes peuvent participer davantage, être conscient.e des besoins et des souhaits des autres participant.e.s, d’autres groupes, des communes, des quartiers ou des villages. Le consentement est souvent possible, ce qui signifie rechercher la meilleure solution possible pour tout le monde, lorsqu’un processus de prise de décision est nécessaire. Les décisions en résumé sont alors prises par et pour tou.te.s, et non par et pour quelques-un.e.s ou la majorité. C’est la décomposition la plus simple pour laquelle la démocratie ne peut pas fonctionner dans un système centralisé. La démocratie d’État est une contradiction dans les termes. Mettre ces mots ensemble n’est pas différent du cynisme de celles et ceux qui possèdent non seulement ceux d’entre nous sous leurs tyrannies, mais influencent par leurs décisions les personnes qui n’ont jamais la possibilité de dire qu’ils.elles ne sont pas d’accord.
 
Deux exemples vivants sont déjà célèbres: Les zapatistes sont en train de rétablir et de redynamiser les communes fédérales démocratiques que les peuples autochtones du Mexique n’ont jamais voulu abandonner. Car c’était leur style de vie naturel. Abdullah Öcalan a élaboré l’idée du confédéralisme démocratique en tant qu’instrument, permettant d’instaurer une société libre sous la forme d’une nation démocratique. Il a développé cette approche dans le contexte, complexe, de la situation conflictuelle du Moyen-Orient et du terrorisme turc. En analysant de manière approfondit l’histoire locale du genre humain, les intérêts des États-nations et en particulier le rôle important et fondamental des femmes dans la libération des peuples, de la société à travers le monde. Ce ne sont en aucun cas les seuls exemples, mais pour l’instant, ce sont les plus connus et les plus développés.
 
Avec cela, nous avons déjà de beaux exemples de sociétés auto-libératrices. Tous les jours, nous commençons avec de nouveaux projets, construisons de nouvelles structures, commettons de nouvelles erreurs auxquelles nous devons constamment apprendre. Chaque fois que nous voyons des contradictions et que la théorie se heurte à la réalité, que nous trouvons des solutions. Chaque fois que nous sommes confrontés à des problèmes imprévus, que nous devons gérer petit à petit, nous nous rapprochons de ce que nous voulons.
 
Il est maintenant nécessaire de discuter de la résistance de l’ennemi contre un tel développement. Plus il y a de personnes impliquées dans le processus d’élimination de ce système, plus celles et ceux qui veulent le maintenir, sont soit en position d’abandonner, soit de trouver des moyens de détruire notre révolution. Ce n’est pas difficile à comprendre qu’elle manière sera utilisée pour atteindre leurs objectifs Et nous pouvons voir comment le système mondial réagit face aux insurrections. L’appareil d’oppression se développe, les lois changent, les concepts tels que l’USECT sont créés, toujours plus d’armes provenant des soi-disant États démocratiques sont envoyées pour mettre fin à de nombreuses insurrections. L’exemple le plus célèbre est celui de l’étroite collaboration entre les États de l’OTAN -en particulier l’Allemagne- avec les intérêts individuels de la Turquie. Pour cette raison nous devons donc résister ensemble. Le soutien mutuel est un acte de légitime défense. Outre les faits historiques concernant l’entrée du peuple kurde dans sa position d’opprimée, comment pouvons-nous ignorer qu’aujourd’hui, la pluie de bombes qui tombe sur les familles kurdes, détruisent leurs maisons et qui proviennent de nos pays ? Et notre acceptation, cette alliance meurtrière, notre servitude volontaire … Donc bien sûr, chaque insurrection pour la liberté est aussi notre insurrection. De ce fait, chaque massacre, génocide et acte terroriste commis par l’alliance d’ennemis qui vise à réduire le néant, sont des attaque contre chacun.e de nous. Et pas seulement ; chaque tentative d’exploitation et d’esclavage, où que ce soit dans le monde, est une attaque contre chacun.e de nous en tant qu’êtres humains.
 
Il y a tellement de façons de nous soutenir mutuellement, de nous apprendre, de nous inspirer, de travailler sur notre propre initiative et de créer un réseau. Ceci, ainsi que le combat physique qui est malheureusement parfois nécessaire, coude à coude avec nos ami.e.s, fait partie de notre légitime défense. Peu importe où et peu importe combien cela peut être difficile. Au Kurdistan, nous voyons jusqu’où l’ennemi est prêt à aller, il ne fait aucun doute qu’ils et elles sont décidées à vouloir achever cette révolution et inonder le sol du Kurdistan de notre sang. Si nous fixons un seuil de souffrance, de peur auprès duquel nous nous rendons lorsque l’on s’en approche, cela signifie que nous informons le système de notre limite, notre ligne et qu’il lui suffirait simplement de la traverser pour nous abattre Ici, à coup sûr, cela n’arrivera jamais. Plus nous comprenons cet objectif, notre objectif commun, en tant qu’humains libres du monde, plus les États et le système deviennent faibles. A l’intérieur de frontières construites et même au- delà.
 
Notre révolution collective, colorée et créative est ce que nous pouvons opposer au nationalisme émoussé, au fascisme, au patriarcat et au capitalisme. Avec espoir, courage et détermination. « Un autre monde est possible. » Lorsque nous prenons conscience qu’au final, toutes les analyses compliquées reviennent au principe le plus simple et le plus ancien de l’anarchisme: personne n’est libre tant que nous ne sommes pas libres ! (…)
 
Jin Jiyan Azadi ! Berxwerdan jiyan e !
 
Elefteriya Hambi et Güneş
28 avril 2019, Bureau d’information des combattantes internationalistes des YPJ

Enfants yézidis nés d’un viol : Les droits des femmes yézidies

L’ONG yézidie, Free Yezidi Foundation (FYF) critique la société yézidie concernant son refus d’accepter les enfants de mères yézidies nés des viols commis par les membres de DAECH / ISIS.

(N’oublions pas que ces femmes yézidies sont malmenées également par la législation irakienne : Selon la loi irakienne, un enfant doit adopter la religion du père et la mère doit adopter la religion de l’enfant. Cela signifierait que tous ces enfants conçus en captivité sont considérés comme des musulmans en vertu de la loi irakienne…)

 
Voici l’article publié par la présidente de FYF, Pari Ibrahim :
 
Le Conseil spirituel yézidi, l’organe suprême chargé de prendre des décisions religieuses contraignantes pour les Yézidis, s’est penché ces derniers jours sur la question très difficile des enfants nés de mères yézidies suite au viol commis par les membres de l’Etat islamique (EI, ISIS, Daesh). C’est une question incroyablement difficile pour les civils et les autorités yézidis.
 
En général, la mère et le père doivent être yézidis pour qu’un enfant soit considéré comme Yézidi. Il semble que le Conseil spirituel yézidi ait initialement décidé que ces enfants, bien que nés de pères membres de Daesh, pouvaient être acceptés dans la communauté yézidie avec leur mère. C’est l’interprétation que bon nombre d’entre nous ont faite en lisant la décision initiale. Cependant, en grande partie à cause des protestations de la population yézidie, une clarification a été publiée quelques jours plus tard. Il était précisé que ces enfants ne seraient pas les bienvenus au sein de la communauté yézidie.
 
Les atrocités commises par Daech font qu’il est extrêmement difficile pour les civils ou les dirigeants yézidis d’accepter leurs enfants dans la communauté. Les Yézidis penseront que le « sang de Daesh » ne devrait jamais être accepté. Cependant, les femmes yézidies qui ont été capturées, violées et qui ont donné naissance à de tels enfants sont maintenant confrontées à d’immenses difficultés et à de nouveaux traumatismes. FYF a traité un certain nombre de femmes avec des enfants nés de violeurs Daesh. Dans certains cas, les mères yézidies ont choisi de laisser les enfants derrière elles et de retourner dans la communauté yézidie. Dans d’autres cas, les mères yézidies souhaitent rester avec leurs enfants et les protéger. Ces mères sont confrontées à de sérieux défis. Souvent, leurs familles n’acceptent pas les enfants nés d’un viol. La mère elle-même porte le fardeau du traumatisme de l’esclavage et du viol, ainsi que la stigmatisation et la honte de vouloir prendre soin de son enfant de « Daesh ».
 
La Fondation Free Yezidi n’approuve ni ne rejette la décision du Conseil spirituel de yézidi (1) Il s’agit de questions culturelles et religieuses difficiles. Mais la principale préoccupation est la manière dont ces décisions sont prises.
 
Comme beaucoup d’autres sociétés du Moyen-Orient, la société yézidie est dominée par les hommes qui prennent les décisions. Dans ce cas, les hommes yézidis ont décidé si oui ou non les mères yézidies devraient être autorisées à rester avec leurs enfants. La communauté yézidie souffre d’un traumatisme intense et prolongé, et la présence des enfants des membres de Daesh dans la communauté serait certainement troublante. Cependant, le traumatisme auquel sont confrontées les mères yézidies elles-mêmes est bien plus grave. L’impact de ces décisions sur les mères yézidies n’est pas vraiment pris en compte, et c’est à cause de la discrimination et du sexisme endémiques à l’égard des femmes dans la société yézidies. En tant que minorité ethno-religieuse traditionnelle et isolée, les Yézidis ont développé leurs propres moyens de survie. Malheureusement, un aspect négatif de notre structure sociale est l’assujettissement des droits des femmes.
 
Le Conseil spirituel yézidie semble prêt à tester les normes sociales à travers des pratiques tournées vers l’avenir. Il s’agissait notamment de la tentative, aujourd’hui infructueuse, d’accepter les enfants des mères yézidies conçus de viol commis par des combattants de Daesh. Cela inclut également la décision d' »accepter » les femmes yézidies dans la société même après qu’elles ont été violées par des membres de Daesh. Mais en tant que Yézidis, nous devons aussi réfléchir soigneusement à cette décision. Une telle décision devrait-elle même être nécessaire ? Sans une telle décision, aurait-il été acceptable pour les familles yézidies de rejeter leurs propres filles, épouses ou mères à cause des horreurs que leur a infligées Daesh ? Cela ne pourrait être possible que dans une société où la valeur des femmes est extrêmement faible par rapport aux normes internationales. En tant que Yézidis, nous devons améliorer de toute urgence et avec force le traitement [réservé aux] femmes dans notre société.
 
Il existe d’autres exemples instructifs d’oppression religieuse et culturelle des femmes yézidies. Dans de nombreux cas, les femmes yézidies se marient sur décision de leurs parents. Dans certains cas, la femme ou la fille participera à la prise de décision. Dans bien d’autres cas, la femme ou la fille n’aura pas le choix. C’était un problème avant le génocide de Daesh perpétré contre les Yézidis. Actuellement, les mariages précoces et les mariages forcés sont très préoccupants dans la communauté yézidie, y compris dans les camps de personnes déplacées. Il y a des cas malheureux où de jeunes femmes yézidies se sont donné la mort par immolation plutôt que de vivre une vie qui leur est imposée par leurs parents. Ce traumatisme ne vient pas de Daesh, il vient de l’intérieur de notre propre société. Par conséquent, c’est quelque chose que nous, les Yézidis, pouvons et devons corriger.
 
Nous, les Yézidis, avons lancé à juste titre un appel à la communauté internationale pour qu’elle apporte son aide et son assistance lors de la tentative d’éradication de notre peuple et des horribles crimes de violence sexuelle commis contre les femmes yézidies. Quand les jeunes femmes yézidies sont forcées d’épouser des hommes yézidis beaucoup plus âgés dans le camp, nous, les Yézidis, devons réfléchir soigneusement à l’image et à la réalité de nos propres traditions et travailler très dur pour moderniser notre culture. Sinon, ceux qui se sont mobilisés pour soutenir les Yézidis en tant que communauté en voie de disparition et survivante remarqueront les mauvais traitements infligés aux femmes qui existent dans notre propre société.
 
De même, dans de nombreux cas, les femmes yézidies sont privées d’éducation à un âge précoce. Dans la communauté yézidie, il y avait et il reste un grand défi pour les filles yézidies d’obtenir une éducation au-delà de l’école primaire. Certaines familles ne le souhaitent pas pour leurs jeunes filles. Cette pratique archaïque devrait prendre fin. Nous, les Yézidis, devons commencer à traiter les filles et les garçons sur un pied d’égalité et aider à fournir des compétences et des droits fondamentaux à tous nos enfants.
 
Un autre sujet de préoccupation pour les Yézidis vivant dans la diaspora, en particulier en Europe, concerne les relations avec les membres d’autres communautés. En Europe, il y a un certain nombre d’hommes yézidis qui ont des relations, des femmes et même des enfants avec des non-Yézidis. Ce fait est généralement gardé secret, car il est considéré comme une « honte » doit être caché. Cependant, si une femme yézidie avait une relation avec un non-Yézidi, elle serait exécutée. Il s’agit d’un crime dit d’honneur. Cela s’est produit récemment en Europe, où une femme yézidie a reçu une balle dans le visage à la suite de sa relation. Dans d’autres cas, les femmes yézidies sont attirées à Sinjar, où elles sont exécutées loin de toute règle de droit. La politique de deux poids, deux mesures et l’assujettissement des droits des femmes et de la valeur de la vie des femmes par rapport à celle des hommes est flagrante. En tant que Yézidis, en particulier ceux d’entre nous qui vivent dans le monde occidental et qui comprennent le droit international et les droits de l’Homme, nous devons réfléchir très attentivement à ces vieilles traditions et à la manière de les modifier pour les adapter aux temps, aux lois et aux normes actuels. Les membres de la famille yézidie qui exilent ou exécutent des femmes dans la communauté ne sont jamais, jamais acceptables.
 
Bien sûr, de nombreuses autres communautés en Irak sont confrontées à des problèmes similaires en termes d’oppression des femmes et de droits des femmes. Mais nous sommes particulièrement préoccupés par la communauté yézidie, et le fait que des abus et des mauvais traitements se produisent dans d’autres communautés irakiennes ne normalise ni ne justifie ces problèmes chez les Yézidis.
 
En même temps, nous devons reconnaître qu’il y a beaucoup de bons et héroïques hommes yézidis qui croient aux droits des femmes. Dans ces familles, les femmes ont la chance d’être traitées plus équitablement et peuvent vivre une vie meilleure et plus libre. Mais cela en soi expose le problème – seule la présence d’hommes plus modernes et plus gentils dans la famille peut « accorder » des droits aux femmes. Les droits des femmes dans notre société ne sont pas automatiques et inaliénables. C’est une erreur. La société yézidie doit aller de l’avant au 21ème siècle et nous devons améliorer considérablement notre comportement envers les femmes.
 
Free Yezidi Foundation s’occupe de nombreuses femmes qui luttent contre les mariages forcés ou précoces, les mauvais traitements et les abus, et d’autres problèmes sociaux graves. Nous nous occupons également des mères yézidies qui ont des enfants nés de viols (…). La décision du Conseil spirituel yézidi doit donc être considérée dans une perspective plus large et sexo-spécifique. Cette décision, ou plutôt l’annulation de la décision initiale, a été prise sur la base des souhaits de la communauté yézidie dans son ensemble. Et par là, nous entendons les hommes yézidis, qu’ils soient leaders politiques ou tribaux, à l’exclusion des femmes yézidies. Encore une fois, la décision de la communauté se fait au détriment des souhaits et des besoins des femmes yézidies ; dans ce cas, les mères yézidies qui doivent choisir entre la société yézidie d’une part et leurs enfants d’autre part.
 
FYF abhorre le comportement honteux et inhumain des membres de Daesh, y compris les femmes de Daesh, qui ont planifié et commis les crimes les plus indicibles contre les civils innocents yézidis. Cependant, il est inacceptable d’abandonner les mères yézidies en raison de leur volonté de rester avec leurs enfants. Ces mères yézidies ont le droit exclusif de décider d’élever leurs enfants. Ni la société yézidie ni les familles de ces mères n’ont le droit de prendre de telles décisions. Quel que soit le choix de la mère yézidie, nous, Free Yezidi Foundation, lui apporterons tout le soutien possible. Notre centre des femmes a été et restera un lieu sûr pour les femmes yézidies, y compris les mères yézidies, quelles que soient les décisions des personnalités communautaires ou des autorités religieuses.
 
Free Yezidi Foundation demande la réinstallation à l’étranger des mères yézidies qui ont des enfants nés de violeurs Daesh. Ces mères et ces enfants ne trouveront pas un refuge sûr en Irak. Selon la loi irakienne, un enfant né d’un père musulman sera considéré comme musulman quelle que soit l’identité de la mère. (Ce n’est qu’une des nombreuses réglementations discriminatoires qui affectent les femmes et les minorités religieuses en Irak.) Pour soulager ces mères et leurs enfants et leur offrir toute perspective de vie, il faudrait leur offrir des options à l’étranger le plus tôt possible.
 
Pari Ibrahim
 
Directrice exécutive
Free Yezidi Foundation
 
Pour les demandes de renseignements des médias, contactez info@freeyezidi.org
 
1 La Free Yezidi Foundation est une organisation apolitique de la société civile yézidie basée aux Pays-Bas qui se consacre à fournir une assistance humanitaire et des droits humains aux Yézidis dans le besoin. FYF est dirigée par des femmes yézidies.
 
 
 
 
 

Lettre d’un prisonnier politique à l’humanité : « Où est votre voix ? »

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TURQUIE – Murat Türk, un ancien combattant kurde, a été arrêté en 1995 et condamné à la prison à vie par un tribunal turc. Depuis deux mois, il est en grève de la faim pour protester contre l’isolement carcéral du leader kurde Abdullah Ocalan.
 
Murat Türk, né en 1976 à Amed (Diyarbakır), est un ancien combattant kurde. Il y a 24 ans, il a été emprisonné par l’État turc. Depuis, il a consacré sa vie à la littérature. Murat Türk a passé son enfance et sa jeunesse dans le quartier Bağlar, un bastion de la résistance kurde contre l’Etat turc. En 1992, il a rejoint la lutte armée de libération kurde et s’est rendu dans les montagnes. Il a été arrêté en 1995 et condamné à la prison à vie par un tribunal turc. Son frère Cemal Türk (nom-de-guerre Xebat) a rejoint la guérilla après son emprisonnement et est tombé martyr dans les montagnes de Qandil en 2000.
 
Le premier roman de Murat Türk « Le temps des mûres » a été écrit dans la prison de haute sécurité de Bolu et publié d’abord en turc en 2012, puis dans les dialectes kurdes Kurmancî et Soranî, et plus tard aussi en allemand. En 2015, la deuxième partie de cette trilogie a été publiée en turc. Ses nouvelles et ses articles ont été publiés dans de nombreux journaux et magazines. Trois de ses nouvelles ont été primées.
 
Aujourd’hui, Murat Türk est incarcéré dans la prison d’Ödemiş (province d’Izmir). Depuis deux mois, il fait la grève de la faim pour protester contre l’isolement carcéral du leader kurde. La grève de la faim, initiée par la députée Leyla Güven en novembre 2018, est suivie par plus de 7 000 personnes à l’intérieur et à l’extérieur des prisons turques.
 
Dans les sociétés où la démocratie permet à diverses formes d’exprimer ses revendications, les grèves de la faim sont souvent stigmatisées. La grève de la faim de masse qui dénonce l’isolement montre cependant qu’il n’y a plus de place pour la libre activité politique en Turquie. En particulier dans les prisons turques, la grève de la faim doit être comprise comme un dernier acte de protestation après que les prisonniers aient épuisé tous les autres moyens de se faire entendre.
 
La lettre suivante de Murat Türk, intitulée « Où est votre voix ? », décrit le contexte de la grève de la faim en cours et critique l’ignorance dominante envers cette action.
 
Où est votre voix ?
 
Nos paroles s’adressent à vos âmes, qui se sont transformées en cavernes sombres.
 
La vie elle-même n’est-elle pas une question de sens ?
 
Artistes, écrivains, intellectuels, universitaires, journalistes, démocrates, tous ceux qui ont une conscience…
 
Nos mots s’adressent à vous !
 
Pourquoi votre conscience est-elle si détendue ?
 
Où est votre voix ?
 
Ceux d’entre vous qui vivez dans des espaces ouverts grâce à des sacrifices révolutionnaires, qui vivez avec les opportunités créées par les sacrifices de la marche pour la liberté, pourquoi êtes-vous si aveugles, sourds et muets ?
 
Nos paroles ne s’adressent pas au silence des attitudes qui se fondent sur de simples pulsions. Ils ne s’adressent pas à ceux qui n’ont rien de mieux à faire que de transformer leur temps en convoitise et en plaisir avec leur sinistre conscience transformée.
 
Notre appel s’adresse à ceux qui ont une âme où le feu de la liberté brûle, à ceux qui sont pleins de joie de vivre et d’ambitions significatives pour l’humanité.
 
Depuis que Leyla Güven a entamé sa grève de la faim, vous vous êtes assis au moins 500 fois pour vos repas. La grève de la faim a depuis longtemps dépassé sa phase critique. J’écris maintenant ces lignes en présence de Serhat Güzel, Mehmet Kaplan et Uğur Çiçek. Ces trois amis à nous, dont le cœur est plein d’amour pour l’humanité, se battent pour la liberté depuis leur enfance. Ils n’ont jamais rien fait pour eux-mêmes. Ils n’ont rien exigé pour eux-mêmes. Chaque fois qu’ils mangeaient, ils le faisaient pour se battre plus fort. Aujourd’hui, ils sont en grève de la faim depuis quatre mois, depuis 120 jours. Ils meurent de faim pour nous permettre d’avoir une vie meilleure. Pour votre dignité, pour votre repos. Pour que la société vive dans la paix et la fraternité.
 
Non seulement Uğur, Serhat et Mehmet, mais les enfants les plus beaux, désintéressés, humanistes et modestes de cette société sont dédiés à votre bonheur avec amour. Pouvez-vous le sentir ?
 
Sans aucun souci, sans cligner des yeux, leur corps se dissout maintenant.
 
Écoutez ce cri qui transperce la conscience !
 
Ecoutez, élevez la voix, laissez l’écho grandir ! Que la liberté devienne réalité pour nous tous !
 
Les oreilles de votre cœur sont-elles sourdes ?
 
Si la grève de la faim devait prendre fin maintenant, vous n’auriez fait qu’éviter des décès. Mais parce que vous êtes arrivé en retard, vous ne pourrez pas empêcher qu’une génération révolutionnaire entière soit confrontée à la maladie et au handicap pour la vie.
 
Il ne suffit plus de se tenir debout seulement dans l’esprit. N’étouffez pas votre voix, votre avenir.
 
Comment votre conscience peut-elle être si propre ?
 
Le sens de l’humanité est-il mort dans vos âmes ?
 
Où est votre voix ?
 
Pourquoi avez-vous perdu votre voix ?
 
Des centaines de révolutionnaires sont en grève de la faim depuis des mois. Ce n’est que par le biais d’un traitement spécial quotidien qu’ils parviennent, quoique par la lutte, à se relever. Combien de tables de repas avez-vous dressées au cours des derniers mois ? Combien de piqûres avez-vous prises dans votre corps ?
 
Aucun de nos amis n’a entamé la grève de la faim pour se livrer à la mort. Au contraire, ils ont commencé cette action pour briser la nullité absolue, le silence sombre et froid qui s’impose à notre société, et pour ressusciter les âmes au bord de la mort, qui luttent pour survivre. Ces prisonniers sont les êtres humains avec l’univers idéaliste le plus large. Leur profondeur spirituelle a les plus grandes dimensions. D’autre part, ils se fondent pour la liberté et la pureté, afin que les gens puissent vivre dans la dignité et le bonheur.
 
Où est votre voix ?
 
Quand quelqu’un perd son objectif de liberté et plus généralement ses valeurs idéalistes, il se tait.
 
Combattre et prêter sa voix à ceux qui résistent, c’est le plus merveilleux des actes qui donnent de la beauté à une personne.
 
La résistance est une position qui dépasse même le culte. Résister signifie allumer le flambeau de la liberté dans l’âme de ceux pour qui la grotte s’est transformée en tombe.
 
Même si vous restez silencieux maintenant, votre silence et cette phase actuelle ont créé une génération révolutionnaire extrêmement résistante. Cette génération est prête à ressentir chacune de vos douleurs – même l’épine qui vous touche du bout des doigts – comme une balle dans le cœur.
 
Cela devrait tous vous rendre heureux !
 

LONDRES : Les militants kurdes arrêtés au siège d’Amnesty International remis en liberté

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LONDRES – Plusieurs militants kurdes, arrêtés alors qui occupaient le siège d’Amnesty International à Londres pour attirer l’attention sur les grèves de la faim kurdes, ont été libérés. Une enquête judiciaire a été ouverte contre eux.
 
Un groupe de militants avait lancé une grève de la faim dans les locaux d’Amnesty International à Londres le mercredi dernier.
 
À la demande d’Amnesty International, la police britannique est intervenue et a attaqué les militants vendredi soir, mettant en grade à vue 15 d’entre eux.
 
Les militants détenus ont été libérés tard le samedi.Ils sont interdits de s’approcher à moins de 200 mètres du siège d’Amnesty.
 
Des militants kurdes avaient occupé le siège d’Amnesty pour briser le silence de l’une des plus importantes organisations de défense des droits humains dans le monde sur les grèves de la faim en cours.
 
Depuis près de six mois, les prisonniers politiques et militants kurdes sont en grève de la faim pour une revendication légale et humaine fondamentale : briser l’isolement d’Abdullah Öcalan. Non seulement Amnesty a refusé de mentionner les grèves de la faim une seule fois, mais elle a également refusé pendant des années d’attirer l’attention sur le prisonnier politique kurde le plus connu et le plus influent, Abdullah Öcalan, dont l’isolement constitue non seulement une violation de ses droits humains fondamentaux mais aussi un obstacle au processus de paix.
 
ANF et Dilar Dirik

La SKB appelle les femmes à se joindre aux manifestations du 1er mai

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EUROPE – L’Union des femmes socialistes (SKB), créée par des exilées kurdes et turque, a appelé toutes les femmes à participer aux manifestations qui auront lieu le 1er mai, Journée des travailleurs, dans toute l’Europe.
 
La SKB a publié un communiqué pour célébrer le 1er mai : 
 
« La fête des travailleurs représente la journée de l’unité des luttes et de la solidarité. Avec la force de son patrimoine historique, cette journée invite les travailleurs et les travailleuses, femmes et jeunes à prendre la rue pour accroître la solidarité et la lutte.
 
La fête des travailleurs est le jour de la rébellion au cours de laquelle les travailleurs, les travailleurs, les peuples opprimés, les femmes et les jeunes du monde entier élèvent leurs revendications contre le capitalisme, qui est basé sur l’exploitation, l’oppression et l’intimidation. Ce jour-là, nous avons augmenté notre unité et notre lutte. C’est aussi le jour où l’on souligne l’histoire de la résistance des travailleurs et des travailleuses.
 
Les femmes d’aujourd’hui sont à l’avant-garde de la lutte contre l’exploitation, le sexisme, toutes les formes d’oppression. Les femmes défendent leur identité, leur droit à la vie et contre l’isolement que leur imposent les barbares capitalistes à prédominance masculine ! »
 
La déclaration rappelait et soulignait les luttes en cours en Europe, à commencer par celle des gilets jaunes.
 
« Les femmes sont à l’avant-garde du soulèvement des gilets jaunes contre le programme capitaliste néolibéral du gouvernement français », peut-on lire dans le communiqué.
 
La grève des femmes se répand dans le monde entier, a souligné la déclaration « grandissant de l’Amérique latine et l’Europe. En Espagne, 100 000 femmes sont descendues dans la rue. Malgré les interdictions et la répression, des milliers de femmes résistent aux attaques menées par le fascisme au Kurdistan et en Turquie.
 
Dans la lutte pour briser l’isolement en cours du leader du peuple kurde Abdullah Öcalan, la coprésidente du DTK et députée HDP d’Hakkari, Leyla Güven, les femmes socialistes et communistes en prison mènent avec une grève de la faim illimitée ».
 
L’Union des femmes socialistes « a appelé toutes les femmes à accepter les revendications des militantes en grève de la faim contre le fascisme le 1er mai. Faisons vivre Leyla et les grévistes de la faim. »
 
Qu’est-ce que la SKB
 
L’Union des femmes socialistes (SKB) a été fondée le 25 septembre 2010 par des femmes kurdes et turques originaires de Turquie et du Kurdistan qui résident aujourd’hui en Europe.
La SKB s’organise actuellement dans huit pays européens, représentant la persévérance et la force des femmes. Elle est autonome dans son organisation et sa pratique ; son objectif premier est de soutenir les femmes travailleuses et migrantes dans les pays où elle travaille, ainsi qu’en Turquie et au Kurdistan.
 
La SKB représente l’éveil des femmes. Elle a pour but d’œuvrer à la libération des femmes dans la vie sociale, politique et culturelle des femmes et de les aider à réaliser leur pouvoir et leur créativité, tout en examinant et en questionnant la suppression et le rôle des femmes dans la société.
 
La SKB soutient le mouvement démocratique des femmes qui a pour but d’unir les femmes de tous les milieux et de s’attaquer aux problèmes les plus urgents auxquels les femmes sont actuellement confrontées. La SKB se considère comme une composante de cette lutte.
 
La SKB fait partie de la lutte internationale et est solidaire de ceux qui s’organisent contre l’impérialisme et la terreur qu’ils infligent aux peuples par la guerre, l’occupation, la destruction et les politiques racistes.
 

CHEVRIÈRES : Un camp sur la jinéologie organisé par les femmes kurdes

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CHEVRIÈRES – Un séminaire sur la jinéologie pour les membres des organisations féminines kurdes a été organisé à Chevrière, dans l’Oise.
 
Le mouvement des femmes kurdes en France (TJK-F) a organisé un séminaire sur la jinéologie (science des femmes) de quatre jours avec des membres des conseils des femmes kurdes et des initiatives du Nord de la France. 44 femmes et 19 enfants sont venus au camp de Chevrières.
 
Pendant les quatre jours, des opinions et des expériences ont été échangées dans le cadre du programme de séminaires pour les femmes. Pour les enfants, il y avait des activités en parallèle.
 
Lors du séminaire, l’histoire non écrite de l’esclavage des femmes, la situation des femmes à l’époque néolithique, les expériences des mouvements de femmes dans le monde et particulièrement au Kurdistan, l’histoire du développement du mouvement des femmes kurdes et l’émergence de la jinéologie comme science des femmes avec ses méthodes, ses champs d’action et son institutionnalisation ont été discutées par les participantes.
 
 
 

Le conseil spirituel yézidi accueillera les enfants des Yézidies victimes de l’EI

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Les dirigeants yézidis de la ville de Sinjar (Shengal) ont annoncé mercredi qu’ils souhaiteraient le retour des enfants nés de femmes yézidies suite aux viols commis par des membres de l’Etat islamique (EI).
 
Selon le dévouement strict de la religion yézidie selon lequel les membres de la minorité religieuse doivent se marier au sein de leur communauté pour préserver leur religion, de nombreuses femmes yézidies rescapées de l’EI ont été forcées de décider d’abandonner leurs enfants ou de rester en exil avec eux.
 
Dans un communiqué publié mercredi, le Conseil spirituel suprême des Yézidis a déclaré qu’il ferait une exception à la règle et a appelé tous les membres de la religion à « accepter tous les survivants et à prendre en compte les problèmes auxquels ils ont été soumis au-delà de leur contrôle ».
 
Les groupes de défense des droits yézidis ont salué cette décision. Murad Ismael, le cofondateur et directeur exécutif de l’organisation Yazda, a qualifié la mesure de « décision historique ».
 
« Il est important de comprendre qu’il s’agit d’une extension de la base de la religion yézidie, où la religion est transmise par la lignée des deux parents », a-t-il écrit sur Twitter.
 
Ahmed Khudida Burjus, directeur exécutif adjoint de Yazda, a déclaré que la décision était « très importante ».
 
« Nous pensons que ces femmes méritent d’être rapatriées, y compris leurs enfants. Ils ont besoin de notre soutien, de notre respect et de notre aide. »
 
L’émergence de l’État islamique et son assaut violent contre la ville de Shengal, en Irak, en août 2014, ont entraîné le déplacement de centaines de milliers de membres de la communauté yézidie et le massacre de milliers de personnes, désormais reconnu par les Nations Unies comme un acte de génocide.
 
La plupart d’entre eux ont fui vers la région du Kurdistan, tandis que d’autres se sont réinstallés dans des pays voisins ou des États occidentaux.
 
Les membres de DAECH / ISIS ont soumis des femmes et des filles à l’esclavage sexuel, enlevé des enfants, forcé des conversions religieuses, exécuté des dizaines d’hommes et maltraité, vendu et fait subir la traite à des femmes dans des zones qu’ils contrôlaient en Irak et en Syrie.
 

Image d’enfants yézidis retrouvés dans le camp de réfugiés al-Hol abritant les familles des membres de Daech capturés à Baghouz.

Une armée de veuves couvertes de noir

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La journaliste Medya Doz a accompagné les combattantes des Unités de protection féminines (YPJ) dans les dernières étapes de l’offensive contre la dernière enclave de DAECH / ISIS à Baghouz. Elle décrit les femmes de DAECH qu’elle a rencontrées dans le désert de Syrie orientale.
 
« Récemment, nous avons connu l’un des développements les plus marquants de ces derniers siècles. L’EI a été battu dans sa dernière position d’al-Baghouz sous la direction des femmes. La victoire a été rendue possible par les unités de défense féminines YPJ, qui sont devenues le symbole de la lutte pour éliminer ce cauchemar. En regardant les combattantes des YPJ, qui ont l’air propre et en ordre même pendant la Tempête du désert, avec leurs visages souriants et leurs yeux brillants, les détails de cette dernière phase de l’offensive contre DAECH deviennent visibles. Ces combattantes se sont attelées à la tâche de construire la révolution du Rojava. Comme pour toutes les activités, elles sont également en première ligne contre DAECH dans l’offensive. Qui se déplace avec elles, obtient tous les détails. Des milliers de femmes ont été secourues quotidiennement dans cette dernière phase. La vie sociale de chacune de ces individus est une ruine unique avec leurs sentiments et leurs pensées.
 
Des centaines de femmes aux linceuls noirs sont assises au milieu d’un désert, comme si elles étaient tombées d’un nuage noir. La vue vous coupe le souffle.
 
« On a dit que la vie dans l’Etat islamique était confortable »
 
Deux des femmes attirent mon attention. Je m’approche et j’essaie de comprendre la situation. Les deux ont de la difficulté à marcher. L’une vient du Tadjikistan. C’est une vieille femme, diabétique, toutes ses dents sont en or. Comme elle le dit elle-même, son fils est devenu un « martyr » en Syrie. Parce qu’elle ne peut pas prendre soin d’elle-même, elle demande l’aide des combattantes des YPJ. Les combattantes des YPJ demandent : « Tante, pourquoi es-tu venue ici ? » Elle répond : « On a dit que vivre dans l’État islamique en Syrie est confortable, alors nous sommes venus. » Une vie confortable ?!
 
Pendant que les combattantes des YPJ l’aident, je la regarde avec haine et je pense à qui le sang a été versé pour ses dents en or. Je ne me souviens pas avoir détesté une femme comme ça. Je n’éprouve aucune pitié pour cette femme, qui est venue du Tadjikistan et qui pensait pouvoir vivre confortablement ici, détruisant la vie des autres. Je pense même qu’elle mérite d’être dans cette situation maintenant. Vous ne pouvez pas être objectif et impartial ici. Bizarrement, vos sentiments et vos pensées vous forcent à prendre parti. Votre sens de la vérité et de la justice vous rend partial.
 
La réalité sociologique créée par l’EI n’est pas encore définie
 
Un peu plus loin se trouve une Tunisienne. Un médecin et les combattantes des YPJ lui parlent depuis des heures pour qu’elle accepte un traitement médical. La femme refuse obstinément, elle ne dit pas son nom. Elle a probablement participé activement à la guerre et est un membre radical de DAECH. Elle a perdu une jambe, l’autre jambe est menacée de gangrène. Jason, un médecin de l’association caritative Good Life Club, lutte pendant des heures avec la femme. Parce qu’il n’arrive pas à la convaincre, il demande l’appui des combattantes des YPJ. Ils posent des questions à la femme d’abord en anglais, puis en arabe. Elle dit doucement : « Mon mari était médecin, il n’avait donc pas le droit de quitter Al-Baghouz. Sans sa permission, aucun homme ne devrait me toucher, même si c’est pour un traitement médical. » Nous sommes consternés par ses paroles. Quelle foi aveugle est cette foi qui prend la vie de l’homme sous toutes ses formes. Ils ont assassiné des gens dans la foi ferme et ils sont morts avec leur foi. On ne trouve aucune expression de la tragédie de ces femmes dont la vie dépend de la parole d’un homme. Jason plisse les yeux et respire profondément. « Ils n’aiment pas la vie et les gens, ils ne rient pas », dit-il en se tordant les mains. Puis il montre du doigt les combattantes des YPJ et dit : « Vous souriez toujours. » Le médecin ne montre que les contraires qu’il rencontre. Il n’a pas encore compris le contexte sociologique. Je me rends compte que la sociologie créée par l’EI n’a pas encore été définie et qu’il y a un besoin urgent d’une description.
 
Objets dans la vie des hommes
 
J’observe les femmes de DAECH sauvées depuis un moment maintenant. Les frères, maris, pères et fils de la plupart d’entre eux sont membres de DAECH. Les histoires de vie de ces femmes ont été façonnées par les hommes qui les entourent. En fait, elles n’ont pas leur propre histoire. Elles vivent comme des objets de l’histoire des hommes.
 
Si vous regardez ces djihadistes de DAECH avec leurs regards horribles, leurs regards sans âme et leurs mains prêtes à tuer n’importe quand, vous ne pouvez vous empêcher de vous demander comment une femme a pu donner naissance à quelque chose de si laid. Alors on s’oblige à recourir à la thèse que tout être humain est innocent à la naissance et que le bon et le mauvais chez l’homme ne font que grandir avec le temps. Sinon, le doute sur tout ce qui est beau, bon et juste ronge l’esprit.
 
J’essaie de trouver un nom pour la réalité des femmes créée par DAECH, mais je n’y arrive pas. DAESH a créé une communauté indéfinie sans caractéristiques sociales des femmes aux cheveux noirs et des enfants dans leurs bras. Tout enfant que vous interrogez sur son père ne le connaît pas ou dit qu’il est mort. Toutes les femmes ont été mariées trois ou quatre fois, toutes ont perdu leur mari deux ou trois fois à la guerre, et elles se sont mariées encore et encore. C’est la loi de la charia.
 
Matière peinte avec des pinceaux religieux
 
Fermez les yeux pendant deux minutes et imaginez des milliers d’enfants issus des viols dans un vaste désert … Imaginez des milliers de femmes dont les esprits et les corps ont été utilisés avec cruauté et complètement dépouillés … On est choqué à la vue de certains enfants. La femme est russe, le père d’un de ses enfants est ouzbek, celui du second est arabe et du troisième tchétchène … Les enfants sont assis sur les genoux d’une femme célibataire. L’enfant d’une mère yézidi parle russe, celui d’une mère canadienne ne parle que l’arabe. Rien ne va ensemble, tout est dans un étrange vortex. Je suis prise d’un malaise face à la futilité d’une femme turque qui dresse la chronologie de ses cinq mariages au cours des trois dernières années. Dans la liste de ses « époux », comme elle les appelle, il y a un Afghan, un Indien, un Allemand, un Kurde et un Tunisien. Je ne peux pas penser à un terme sociologique. Il n’y a pas d’amour dans cela, pas de décision mentale ou physique, pas de dignité sexuelle … Rien du tout. Pas de volonté propre, une absence totale d’amour, une sexualité laide et dégradée. Une matière peinte avec des pinceaux religieux sans le moindre idéal …
 
Et pourtant, vous avez pitié de ces femmes, dont la tête et le cœur ont été mis dans cette position par les hommes les plus laids du monde. Elles n’ont plus rien de ce qu’elles peuvent appeler « moi » en elles. Elles appartiennent à tout le monde, mais pas à elles-mêmes.
 
Les gens qui rient ont gagné la guerre
 
A la vue de cette armée de veuves voilées de noir, vous pouvez faire des centaines d’analyses. L’organisation terroriste Etat islamique n’a pas seulement occupé des terres, elle a détruit la chimie de la société en occupant les femmes. Elle n’a pas seulement attaqué des phénomènes historiques et culturels, elle a réussi à créer une conception artificielle et à faire de chaque sujet un objet. Avec une grande maîtrise, elle a créé une communauté de femmes sans âme et a donc commis un féminicide. Comme je l’ai mentionné plus haut, la réalité créée par DAECH nécessite une analyse et une définition sociologique. Il est probable que certaines définitions nécessitent du temps, pour l’instant, vous ne pouvez faire que des comparaisons. La comparaison entre ceux qui rient et ceux qui ne rient pas… Entre ceux qui parlent, vivent et aiment, et ceux qui se taisent, n’aiment pas et se consacrent à la mort en tout… Notre seule consolation est que ceux qui rient ont gagné cette guerre… Seules les femmes qui ont la volonté et la force de gagner la guerre peuvent mettre en lumière certaines questions qui ne peuvent être décrites. Je m’attends à ce que les combattants de ce pays trouvent plus tard l’expression de la réalité des femmes créée par DAECH. Je l’espère bien.
 
Avec le développement d’une véritable analyse sociologique dans la perspective libre créée par la Jinéologie, il deviendra clair contre quoi et comment cette lutte est menée. En fin de compte, l’homme apprend à mieux se connaître lorsqu’il analyse l’inhumain…
 
Il faut du temps pour éclairer l’âme sombre d’une femme. Je crois que les femmes qui tissent leur liberté pas à pas vont résoudre ce nœud gordien. Plus que tout au monde, je crois en ces femmes qui luttent pour la liberté… »
 

Un député suisse présente une motion concernant Afrin

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GENÈVE – Le député suisse Bernhard Guhl a attiré l’attention sur les pratiques de nettoyage ethnique mises en œuvre par l’État turc et ses alliés mercenaires à Afrin et a demandé au Conseil fédéral suisse de prendre des mesures à cet égard.
 
Bernhard Guhl a présenté au Conseil fédéral suisse une motion demandant à répondre sur la politique de l’Etat turc et de ses mercenaires dans le canton kurde d’Afrin occupé.
 
La motion indiquait : « L’État turc et les groupes de mercenaires qu’il soutient commettent des pratiques qui violent les droits fondamentaux des Kurdes syriens, et en particulier ceux des habitants d’Afrin ». Guhl a rappelé les déclarations et les rapports publiés par Amnesty International à ce sujet.
 
Guhl, se souvenant de ce qui s’est passé et se passe encore à Afrin comme des disparitions civiles, des déplacements, du pillage, de la torture en public, de l’extorsion, a demandé au Conseil fédéral suisse de répondre aux questions suivantes :
 
– Où et dans quelles conditions les personnes déplacées d’Afrin ont-elles vécu suite à l’occupation ?
 
– Que fait la Suisse pour aider les personnes déplacées forcées à quitter leurs foyers par l’État turc et les groupes qu’il soutient ?
 
– Que fait la Suisse face aux violations visant les Kurdes syriens et Afrin ?
 
– Le Conseil fédéral est-il intéressé à aider les personnes déplacées à rentrer chez elles et à y rester en sécurité ?
 
– Si la Suisse est intéressée par cette question, quel type de travail entreprend-elle ou quelles mesures faut-il prendre pour rendre les biens confisqués aux propriétaires d’origine ?
 
– Que fait le Conseil fédéral pour empêcher à l’avenir de nouvelles attaques ou occupation par la Turquie ou des groupes soutenus par la Turquie à Manbij ou dans d’autres régions de la Syrie ?
 
– Le Conseil fédéral soutient-il toujours et participe-t-il activement aux efforts des Nations Unies pour l’instauration de la paix en Syrie ?
 

GRENOBLE : Convoi solidaire pour les réfugiés kurdes de Lavrio, en Grèce

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FRANCE – Les réfugiés kurdes qui ont fuit la guerre en Syrie sont entassés dans le camp insalubre de Lavrio, en Grèce.

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Le prochain « convoi solidaire » pour les réfugiés kurdes de Lavrio partira de Grenoble le 11 juin 2019.

Voici ce qu’a écrit Jacques Leleu, un des organisateurs du convoi :
 
« Dans une chambre du camp kurde de Lavrio des centaines de petites photos sont alignées. Ce sont les martyrs tombés au combat. Ils s’agit de militants turcs qui combattent aux côtés des Kurdes pour chasser DAESH et s’opposer au fasciste Erdogan.
 
Lavrio est en danger car le gouvernement SYRIZA veut reprendre la direction du camp. Actuellement le camp est autogéré par les kurdes. Sous pression du gouvernement turc, le gouvernement grec a accepté en juillet 2017 de changer le statut du camp. Conséquence, le camp ne reçoit plus d’aide financière. Seule la solidarité internationale permettre aux Kurdes de survivre. »
 
Si vous voulez aider les réfugiés de Lavrio, vous pouvez donner du lait en poudre pour les bébé, des denrées alimentaires, des machines à laver le linge, des plaques de cuisson électriques…
 
Pour plus d’informations, contactez Jacques Leleu au : Jacques.leleu0449@orange.fr