Accueil Blog Page 651

Pétition. 1000 femmes mobilisées pour la libération d’Aysel Tugluk

0
1000 femmes ont lancé une pétition demandant la libération immédiate d’Aysel Tugluk, élue kurde d’HDP détenue en otage par le régime turc depuis 2016 malgré ses graves problèmes de santé.
 
Liberté pour Aysel Tugluk
 
Voici le texte de la pétition (à signer ici: Free Aysel Tugluk)
 
« Appel de 1000 femmes pour la libération de Aysel Tuğluk !
 
Aysel Tuğluk fait partie des millions de femmes nées dans une région difficile et abritant de nombreux problèmes complexes. C’est une femme qui a choisi de lutter contre la marginalisation, et au nom de toutes les personnes marginalisées par les relations de pouvoir, notamment les Kurdes et les femmes. C’est une femme qui n’a jamais eu le privilège de bâtir une vie loin des difficultés et des problèmes de sa région, et qui n’a jamais renoncé à lutter à l’intersection du mouvement des femmes et des défenseurs des droits humains. Elle est l’emblème de la lutte en Turquie pour la démocratie et la liberté. Avocate et femme politique, elle est une adhérente précieuse du mouvement du droit des femmes qui nous lie toutes par un profond sentiment de solidarité.
 
Aysel Tuğluk a été jugée sous son mandat de députée pour ses discours qui s’inscrivaient dans le cadre de la liberté de pensée et d’expression. Elle est en prison depuis plusieurs années. Bien qu’il ait été déclaré par les établissement de santé pertinents qu’elle ne pouvait pas vivre en prison, elle est actuellement toujours en captivité sur la base du rapport de l’Institut de médecine légale d’Istanbul. Elle n’est pas en mesure de guérir dans ces conditions carcérales, et sa santé se détériore de manière irréversible chaque jour qui passe.
 
Aysel est notre camarade, notre sœur.
 
Nous ne pouvons plus garder le silence sur le fait que la vie d’Aysel est en danger. Nous ne pouvons pas être spectateurs.
 
En tant que 1000 femmes provenant de différents parcours de vie et au nom de la lutte pour les droits humains, nous invitons tout le monde à donner une voix à Aysel. Nous ne voulons pas verser des larmes.
 
Il y a aujourd’hui, en Turquie, des centaines de personnes emprisonnées, dont beaucoup qui sont gravement malades. Le mois dernier, sept prisonniers sont morts dans les prisons turques. La libération des détenus malades est une exigence de la législation et des conventions nationales et internationales. Chacun et chacune a le droit de vivre et d’être soigné chez soi, parmi ses proches. Nous protégeons le droit à la vie.
 
Nous voulons la liberté pour Aysel Tuğluk et pour tous les prisonniers malades avant qu’il ne soit trop tard. »

TURQUIE. Le frère d’Aysel Tuğluk inquiet pour sa soeur malade détenue en prison

0
TURQUIE. Le frère de la politicienne kurde d’HDP, Aysel Tuğluk, Alaattin Tuğluk a déclaré que sa sœur « ne peut plus lire de livres ni regarder la télévision. Elle reste au lit pendant des heures. Elle doit être soignée rapidement. »
 
L’état de santé d’Aysel Tuğluk, politicienne kurde d’HDP emprisonnée à Kocaeli/Kandira, continue de se détériorer. Tugluk a commencé à perdre la mémoire après une attaque raciste traumatisante lors des funérailles de sa mère à Ankara. La faculté de médecine légale de l’université de Kocaeli a déclaré dans un rapport qu’elle ne pouvait pas continuer sa vie seule dans des conditions carcérales. Cependant, la médecine légale d’Istanbul a attesté le contraire dans une décision politique, la condamnant à tomber dans la déchéance totale en prison.
 
Elle ne reconnaît même plus ses amis les plus proches
 
Son frère Alaattin Tuğluk a pu rendre visite à sa sœur en prison pour la dernière fois il y a deux semaines. Tuğluk a constaté que la santé de sa sœur se détériorait de jour en jour. En particulier, les pertes de mémoire ont fortement augmenté au cours des quatre derniers mois. Tuğluk a déclaré : « Sa maladie progresse. Avant, elle lisait beaucoup de livres. Mais maintenant, elle dit qu’elle ne peut plus lire de livres. Elle ne peut plus regarder la télévision non plus. Elle n’arrive pas à se concentrer et, par conséquent, elle reste au lit pendant des heures. Sa mémoire va et vient. Parfois son langage ralentit, parfois elle ne peut même plus formuler ses phrases et répondre aux questions. Par exemple, lorsqu’elle parle de parents, elle ne se souvient plus de leurs noms. Elle ne reconnaît plus ses amis les plus proches ni de nombreux politiciens. Quand je lui parle, je ne rentre pas dans les détails pour que sa situation ne s’aggrave pas. Je ne peux que lui demander comment vas-tu, que fais-tu. »
 
Les soins sont impératifs
 
Tuğluk a déclaré que la maladie avait été causée par une attaque raciste contre les funérailles de sa mère. Les funérailles ont été attaquées par une foule raciste lançant des pierres et des slogans contre les Alévis et les Arméniens. En raison de l’attaque, le corps de la mère de Tugluk a été retiré de la tombe. Tuğluk, qui était déjà emprisonnée, a été autorisée à assister aux funérailles et a été témoin de l’attaque qui a causé sa dépression et une détérioration de sa santé, et finalement une perte de mémoire. Le frère de Tuğluk dit que sa sœur a subi un grave traumatisme.
 
Cependant, la situation de la politicienne a été abordée tardivement publiquement car elle ne voulait pas être le centre d’attention. « Combien de fois Aysel m’a-t-elle dit : ‘Il y a tellement de problèmes dans le pays, les gens ont tellement de problèmes, ne te concentre pas sur ma maladie. Les gens ne devraient pas non plus s’inquiéter pour moi ». C’est pourquoi nous n’avons pas pu commencer à nous mobiliser avant longtemps. »
 
Tuğluk a déclaré que sa sœur avait été transportée d’urgence à l’hôpital deux semaines plus tôt et examinée à nouveau. Un rapport correspondant vient d’être publié. Tuğluk exige que sa sœur soit emmenée devant le plus haut tribunal de médecine légale pour examen. « En tant que frère, je veux juste qu’elle soit soignée. Elle a besoin d’un traitement. Elle n’a pas le droit de rester en prison. Pour arrêter la progression de sa maladie, elle doit sortir de prison, sinon sa situation va continuer à se détériorer. Cela est maintenant évident. » (ANF)
 
Parce que femme, kurde, alévie… elle restera en prison
 
Aysel Tuğluk est emprisonnée pour ses activités politiques au sein du congrès de la Société démocratique (DTK), comme tous les autres politiciens kurdes dont les activités sont criminalisées par l’État turc dans le but de créer un motif d’emprisonnement et de privation de tous leurs droits en tant que représentants élus par le vote populaire.
Aysel Tugluk est détenue dans la prison de Kandıra, à Kocaeli, dans l’ouest de la Turquie, depuis décembre 2016. Elle a déjà été condamnée dans plusieurs procès alors qu’il y a d’autres procédures engagées contre elle. En février 2020, la cour d’appel a confirmé la plus lourde peine de prison prononcée à ce jour à l’encontre de Tugluk, soit dix ans d’emprisonnement. Elle a été reconnue coupable pour « diriger une organisation terroriste » en raison de sa fonction de coprésidente du Congrès pour une Société démocratique (DTK, Organisation faîtière de la société civile). Cette condamnation a été suivie mi-octobre d’une peine de vingt mois d’emprisonnement pour propagande terroriste. L’ancienne députée risque par ailleurs une peine de prison à vie aggravée dans le cadre de l’affaire Kobanê.

TURQUIE. Des fascistes turcs blessent trois étudiants kurdes à l’Université de droit d’Ankara

0
ANKARA – Une trentaine de fascistes turcs armés de couteaux et de machettes ont attaqué trois étudiants kurdes à la faculté de droit de l’Université d’Ankara. Un des étudiants a été grièvement blessé par des coups de couteau reçus à la jambe.
 
Dimanche, il y a eu une grave attaque fasciste contre des étudiants kurdes. Un groupe d’environ 30 personnes, dont le fasciste bien connu Isa Kök, a attaqué trois étudiants kurdes avec des machettes et des couteaux.
 
Deux des étudiants kurdes ont été légèrement blessés et un autre a été grièvement blessé par des coups de couteau à la jambe. MU, l’un des étudiants attaqués, a déclaré qu’ils avaient été approchés par les notoires extrémistes de droite Isa Kök et Fatih Temel ont demandé : « Qu’est-ce que vous regardez ? » Puis, le groupe les a attaqués. Les étudiants ont pris la fuite, mais Isa Kök et Fatih Temel les ont rattrapés et Kök a poignardé KY à la cuisse gauche. Les étudiants ont réussi à arrêter un véhicule de police. MU a déclaré : « Il y a eu une foule de 20 à 25 personnes. Ils nous ont attaqués. Nous avons arrêté une voiture de police et nous avons été emmenés à l’hôpital. Une autre foule nous a attaqués juste devant le poste de police. »
 
« Les assaillants savaient que nous étions Kurdes »
 
L’avocat des étudiants a déclaré que l’incident était une attaque unilatérale. « Il est évident que l’attaque a eu lieu en raison de leur identité. Un groupe de 30 personnes a été appelé par téléphone, alors que mes clients étaient tranquillement partis. Ce groupe a attaqué les étudiants à deux reprises, une fois directement devant le siège de la police. »
 
Qui est Isa Kök ?
 
Isa Kök avait déjà attaqué deux étudiants à la machette à la faculté de droit de l’université d’Ankara. Cependant, Kök n’a pas été condamné lors du procès. Il a été demandé qu’une poursuite soit intentée contre le groupe fasciste, dont Kök, pour « tentative de meurtre », « entrave à l’éducation et à la formation », « haine et discrimination », « création d’une organisation pour commettre des crimes ». Cependant, le bureau du procureur d’Ankara a qualifié l’attaque d’ « une bagarre entre deux parties à l’école » et a déposé une plainte uniquement pour « blessure ». Le tribunal, en revanche, a condamné Kök à 1 an, 5 mois et 24 jours de prison à deux reprises, ajournant la peine pour « provocation injuste » et « bonne conduite ».
 
On sait qu’il existe d’autres affaires dans lesquelles Kök a été jugé et condamné. Cependant, Kök est diplômé de la faculté de droit et travaille comme avocat.
 
 

Au Kurdistan colonisé, l’art oral kurde est également visé

0
ROJAVA – Comme l’on a vu récemment avec l’emprisonnement de l’activiste Zara Mohammadi en Iran pour avoir enseigné la langue kurde aux enfants, au Kurdistan, tout ce qui a rapport à la kurdicité est visé par les États occupants turc, perse, arabe qui s’en prennent à l’art oral kurde ancestral également afin d’anéantir le peuple kurde.
 
Dans le reportage suivant, la journaliste Sorgul Şêxo a interviewé Semira Şukeri qui  rappelle que l’art oral kurde fut menacé de disparition à l’époque du régime baasiste. Elle a également rappelé que les femmes étaient empêchées par la société patriarcale de devenir des bardes (degbêjs). Très peu d’entre elles, dont la légendaire Ayşe Şan, ont pu réalisé leurs rêves. Pour cela, elles ont dû payer un lourd tribu. Aujourd’hui, de nouvelle générations de femmes bardes ont pris le flambeau laissé par Ayşe Şan et ses pairs et font changer les mentalités conservatrices.
 
La dengbêjî (épopées ou chants d’amour racontés par des bardes qui se déplaçaient de village en village) est une culture importante pour le peuple kurde. Le peuple kurde a dû préserver sa culture orale à travers l’histoire car il était constamment opprimé. C’est pourquoi, le peuple kurde n’a pas beaucoup de sources écrites sur son histoire. Ce que le peuple kurde a affronté dans le passé a été atteint aujourd’hui grâce à sa tradition narrative orale et aux chants de dengbêj (bardes, au pluriel, dengbêjan).
 
Un chant peut changer un destin. Pour cette raison, les mères kurdes écoutent les chants de dengbêjan telles que Eyşe Şan et Cane pour se souvenir du bon vieux temps. Semira Şukeri vivant dans le district de Tall Tamr, à Hassaké, est l’une de ces mères.
 
Le régime syrien n’autorisait pas les femmes dengbêjs à chanter
 
Semira Şukeri rêvait d’être dengbêj quand elle était enfant mais elle ne pouvait pas réaliser son rêve en raison de la mentalité patriarcale de la société. Elle est montée sur scène à deux reprises quand elle était jeune, « mais j’ai subi la pression du régime syrien. La mentalité patriarcale et le régime syrien n’autorisaient pas les femmes dengbêjs à chanter des chansons. Mais nous n’avons jamais abandonné et nous avons même rejoint une troupe de théâtre. »
 
De nombreuses dengbêjs femmes furent victimes de la mentalité patriarcale
 
Semira Şukeri adore les chansons d’Ayşe Şan, une dengbêj kurde. « De nombreuses femmes artistes sont devenues victimes de la mentalité patriarcale de la société. Ayşe Şan était l’une de ces femmes. Il existe de nombreux dengbêjs kurdes inconnus tels que Ayşe Şan, Xelil Xemgin, Zozan et Cane. Lorsque le Mouvement de libération kurde s’est développé, les artistes ont commencé à exprimer leurs sentiments et à chanter leurs chansons devant les masses. Malgré tous les obstacles, ils ont eu la possibilité de le faire librement. Les artistes kurdes gardent les souvenirs kurdes vivants. Les Kurdes deviennent plus conscients grâce à l’art kurde », a-t-elle déclaré.
 
Ils ont écouté la radio ensemble
 
Autrefois, les Kurdes se rassemblaient autour d’une radio pour écouter les chansons chantées par les dengbêjs. « Je ne peux dire à quel point ces jours étaient bons. Nous avons écouté les chansons très attentivement. Nous essayions de terminer nos travaux plus tôt pour écouter les chansons. Beaucoup de mères et de pères ont pleuré en écoutant les chansons. J’ai toujours écouté les dengbêjs. » (Via l’agence féminine JINHA)
 
Qu’est-ce que la Dengbejî ?

La culture dengbej (conte raconté par des bardes qui l’apprenaient par coeur en écoutant les vieux bardes et les racontaient à leur tour en se déplaçant dans tout le Kurdistan) occupe une place importante dans l’histoire kurde. Les dengbêjs, qui ont voulu protéger leur culture et leur langue tout au long de l’histoire, ont apporté cet art jusqu’à aujourd’hui.

Dengbêj est un mot composé, deng signifie « voix » et « bêj » signifie « dire ». Il définit une personne qui permet de dire le mot harmonieusement. Les Dengbêj parcourent le pays et gagnent leur vie en chantant des histoires épiques et des contes. Les dengbêjs sont en quelque sorte des historiens et sont les plus grands représentants de la culture orale.

Dans les sociétés kurdes, les dengbêjs parlent de leur langue, leur histoire, leur douleur, leur désir, leur joie, leur amour… Şakiro, Evdalê Zeynikê, Kerepatê Xeco et Eyşe Şan sont parmi les plus grands dengbejs kurdes qui ont protégé et transmis la culture kurde avec dignité.

Les dengbejs qui apprennent par cœur des milliers de légendes, d’histoires et de chants de deuil, d’amour… sont une grande source de littérature, servant de référence pour les traditions orales kurdes.

Pétition. Free Zara Mohammadi

L’Iran a emprisonné hier l’activiste kurde Zara Mohammadi pour avoir enseigné la langue kurde aux enfants. Une pétition en ligne demande sa libération immédiate. Enseigner sa langue ou la parler ne peut être un crime. Aussi, nous vous invitons à signer et faire signer autour de vous cette pétition. (A signer ici: Free Zara Mohammadi)
 
Liberté pour Zara Mohammadi
 
Hier, la militante kurde, Zara Mohammedi a été emprisonnée par le régime iranien. Cette jeune femme de 28 ans va purger une peine de prison de 5 ans pour avoir enseigné la langue kurde aux enfants.
 
Zahra Mohammadi, dirige l’association culturelle et sociale Nozhin, et ses activités comprennent l’enseignement de la langue et de la littérature kurdes et d’autres activités civiles. Elle avait été arrêtée par les forces de sécurité à Sanandaj (Sînê, Kurdistan de l’Est] le 23 juin 2019 et remise en liberté provisoire le 2 décembre 2019.
 
En juillet 2020, un tribunal révolutionnaire iranien a condamné Zara Mohammadi à dix ans de prison pour « formation d’un groupe contre la sécurité nationale ». En appel en février de l’année dernière, la peine initiale a été réduite à cinq ans et Mohammadi a ensuite été libéré sous caution. Mais malgré une justification détaillée d’un appel, les juges de la Cour suprême ont rejeté la demande de révision de la peine.
 

La lutte pour justice d’Antoine Comte, avocat des familles de 3 femmes kurdes tuées à Paris

0
PARIS – Un des avocats des familles de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, 3 femmes kurdes tuées à Paris le 9 janvier 2013, Antoine Comte a accordé un interview en anglais à Mark Campbell pour Medya News. Compte déclare qu’ils n’abandonneront pas leur combat jusqu’à ce que toutes les personnes impliquées dans le triple meurtre de Paris soient jugées. ( L’entretient peut être écouté ici: podcast )
 
Il y a neuf ans jour pour jour, les militantes kurdes Sakine Cansız, Fidan Doğan et Leyla Şaylemez ont été assassinées à Paris par un espion turc. Malgré les promesses des politiciens français déclarant qu’ils allaient traduire en justice les responsables de ce triple assassinat, il n’y a toujours pas eu de procès.
 
L’une de ces femmes tuées cette nuit-là était la légendaire combattante kurde de la liberté et cofondatrice du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Sakine Cansız ou Heval Sara comme on l’appelle affectueusement dans le mouvement kurde.
 
La deuxième femme était Fidan Doğan (Rojbin) qui était à l’époque une représentante diplomatique du Congrès national du Kurdistan (KNK) qui avait assisté à de nombreuses réunions diplomatiques avec de hauts responsables politiques français, y compris plusieurs réunions avec l’ancien président français, François Hollande et des ONG à Paris avant son assassinat. Elle était une actrice politique si respectée représentant les Kurdes en Europe, que le Parlement européen a observé une minute de silence après son assassinat.
 
La troisième femme était Leyla Söylemez, une jeune militante politique kurde, active politiquement au sein de la communauté kurde d’Allemagne.
 
Toutes ont été tuées dans les bureaux du Centre d’information du Kurdistan situé près de l’une des principales gares de Paris, la Gare du Nord, au 147, rue La Fayette, à Paris.
 
L’attention s’est rapidement tournée vers un Turc appelé Ömer Güney qui avait infiltré à la communauté kurde de Paris, apparemment comme un partisan de la cause kurde, réussissant même à se porter volontaire comme chauffeur pour Sakine Cansız. Cependant, peu de temps après les meurtres, il a été découvert qu’il était en réalité un Turc ultranationaliste extrême, avec des liens avec le groupe nationaliste turc d’extrême droite connu sous le nom de Loups gris en Turquie, et avait des liens directs avec la communauté du renseignement turc.
 
Il a été arrêté peu de temps après les meurtres et s’est avéré être en possession de centaines d’images de cartes de membre qu’il avait secrètement prises dans une association kurde dont il était devenu membre auparavant. Il a également été découvert qu’il s’était rendu en Turquie à de nombreuses reprises avant les assassinats.
 
Il était le principal suspect, qui avait été filmé par des caméras de vidéosurveillance entrant dans l’immeuble du 147, rue La Fayette au moment des meurtres, et de l’ADN aurait été trouvé sur lui chez une ou plusieurs des victimes.
 
Cependant, l’affaire a été classée en 2017, après le décès d’Ömer Güney à l’hôpital en décembre 2016, des suites d’une tumeur au cerveau.
 
Puis en mai 2019, après des pressions des familles des personnes tuées à Paris, et de nouvelles preuves tirées des aveux d’agents des renseignements turcs capturés par le PKK dans le nord de l’Irak, l’affaire a été rouverte.
 
Avec le temps, cependant, ce sont les médias turcs qui ont fourni à l’équipe juridique à Paris suffisamment de preuves pour lancer l’affaire, y compris une photographie du passeport d’Ömer Güney qui lui a été remise par les services secrets turcs, un enregistrement sonore divulgué d’Ömer Güney discutant de la détails opérationnels de l’assassinat avec 4 autres membres des services secrets turcs et un document signé des services secrets turcs concernant les ordres d’Ömer Güney concernant les plans d’assassinat, y compris les derniers détails sur la façon dont Güney allait s’échapper à moto.
 
A cette occasion, l’un des avocats des familles des victimes s’est confié à l’agence de presse française AFP sur la décision d’ouvrir le dossier. Il a déclaré : « C’est historique. Cela marque la fin de l’impunité pour les assassinats politiques en France ordonnés depuis l’étranger. Les fameuses tueries de Paris. »
 
Antoine Comte a commencé l’entretien en disant :
 
« Cette affaire est une affaire très importante pour moi. D’abord parce que je connaissais Fidan Dogan.
 
Et il faut se rappeler que lorsqu’elle a été assassinée à Paris dans les circonstances que vous avez rappelées, le président du Parlement européen a demandé une minute de silence. En d’autres termes, elle était très connue. Non seulement en tant que militante ou militante, mais elle était connue parce qu’elle était un intermédiaire très important entre les Kurdes et les politiques français, les politiques européens, elle était souvent au Parlement européen.
 
Et donc, lorsque le président du Parlement européen a demandé une minute de silence, je me suis honnêtement senti très mal, car aucune autorité en France n’a eu le cran de faire la même chose.
 
Or, il faut rappeler que pour des raisons historiques, généralement liées à l’après seconde guerre mondiale, à la fin de l’ère coloniale, beaucoup de gens ont été assassinés en France parce qu’ils considéraient la France comme un « pays sûr » ce qui n’était pas vrai. Et le nombre de personnes était si important. Nous avons essayé de travailler sur cette question il y a quelques années avec des amis, et chaque jour nous découvrions de plus en plus de victimes d’États meurtriers.
 
Maintenant, c’est un concept que je dois expliquer. Les crimes politiques peuvent être commis par des pays bien sûr, mais dans notre histoire, dans l’histoire de France, personne n’a jamais désigné le pays responsable de ces crimes politiques. Maintenant, j’ai personnellement été chargé d’affaires judiciaires, comme les Algériens qui ont été tués, un avocat, en 1987, parce qu’il était un intermédiaire entre l’opposition et le gouvernement algérien. J’étais aussi l’avocat des Palestiniens tués en France. Et tout le monde savait, tout le monde savait qui était responsable de ces crimes. Je veux dire, en général, bien sûr dans le cas de l’Algérien, c’était l’État algérien, dans le cas du Palestinien, c’était le renseignement israélien et dans d’autres cas aussi, cela se passe depuis des années.
 
Car il faut se rappeler qu’en 1964, Ben Barka qui était un opposant à la monarchie au Maroc a été assassiné à Paris avec le chef de la police française et des voyous, des voyous. Maintenant, l’affaire est en cours, imaginez-vous, à partir de 1964 ! Nous avons cette affaire en cours et finalement personne n’a été condamné pour l’assassinat de Ben Barka. Donc, ce qui est très différent dans ce cas, à part le fait que pour moi personnellement, j’ai été très ému par l’assassinat d’une femme que j’avais connue et avec laquelle j’avais travaillé dans de nombreux cas que nous avons eus ensemble. Juste pour vous donner une idée, il se trouve que j’ai l’habitude de couper mon téléphone portable quand je dors et ce jour précis pour une raison étrange mon téléphone portable n’était pas coupé et là j’ai reçu un coup de fil à 6h du matin, disons que Doğan avait été tué.
 
Mais le problème était que la personne qui m’a appelé ne savait pas ça, ne connaissait pas le nom, du surnom parce que tu sais, les Kurdes ont toujours des surnoms, donc son nom était quelque chose comme… [Mark : « Rojbin je pense ».] C’est ça, donc je ne savais rien de ce nom et je la connaissais sous le nom de Fidan Doğan. J’ai travaillé avec elle sur de nombreuses affaires, travaillé sur des affaires devant les tribunaux, etc… et puis j’ai dit, et c’était un tel choc, je dois l’admettre, j’ai dit : « Eh bien, ils n’ont pas tué Fidan ». (…)
 
C’est donc un cas très émouvant pour moi, un cas très émouvant à cause de cela.
 
Mais il se trouve que si les autorités françaises n’ont montré aucun courage, et généralement elles ne montrent aucun courage dans aucune de ces affaires, que ce soit dans votre pays ou dans mon pays, il se trouve que les juges ont été très déterminés. »
 
Après avoir donné beaucoup plus de détails sur le déroulement de l’affaire dans le Podcast, l’avocat français qui mène cette affaire depuis près de 10 ans a maintenant résumé en donnant un message aux familles de Sakine, Fidan et Leyla et à tous ceux qui assistent aux manifestations en Europe en ce 9e anniversaire du triple assassinat.
 
« Mon message est que nous n’arrêterons jamais l’affaire. Jusqu’à ce que nous ayons des gens qui répondent de la responsabilité des assassinats, – quel que soit leur niveau de responsabilité. Nous n’abandonnerons jamais l’affaire. Les gens n’arrêteront jamais cette affaire. Et nous n’avons aucune raison d’arrêter cette affaire car aujourd’hui dans nos différents systèmes, l’impunité ne peut être acceptée dans les crimes criminels. Dans la plupart des crimes, ils ne sont pas acceptés, mais dans les crimes criminels, ils s’en tirent parfois avec le meurtre, si je puis dire. Mais ce n’est pas acceptable. Et s’il faut montrer quelque chose aux différents gouvernements de nos différents pays, c’est qu’on n’accepte pas, ce qu’on dit en français, ‘la raison d’état’ le fait qu’on accepte pour des raisons politiques, diplomatiques, économiques, se taire! Les personnes qui ont ordonné les crimes doivent être inculpées, même si elles ne viennent jamais en France, et ils ne viendront jamais en France, si nous les trouvons bien sûr. Ils doivent éventuellement être condamnés par contumace. Ce n’est pas le problème, il faut les condamner. Et nous devons arrêter cette horrible façon d’accepter des affaires criminelles, par et pour des motifs politiques dans notre pays, sur notre sol.
 
Toutes ces trois femmes étaient légalement en Europe, certaines d’entre elles sont nées ici. Toutes avaient des papiers pour rester ici, en Europe et elles ont été assassinées ! Et non protégées. Et c’est une putain de honte ! »
 

Il y a 9 ans, 3 militantes kurdes furent assassinées à Paris

0
PARIS – Il y a neuf ans jour pour jour, les militantes kurdes Sakine Cansız, Fidan Doğan et Leyla Şaylemez ont été assassinées à Paris par un espion turc. Malgré les promesses des politiciens français déclarant qu’ils allaient traduire en justice les responsables de ce triple assassinat, il n’y a toujours pas eu de procès.
 
La France a même tenté de classer l’affaire suite à la mort du tueur, comme s’il n’avait pas agi sous les ordres des services secrets turcs ! Il a fallu une lutte acharnée des familles des 3 victimes pour qu’une nouvelle enquête soit lancée en 2019. Depuis, c’est de nouveau le silence total. C’est dans ce climat délétère que les Kurdes et leurs amis étaient dans la rue en France et à travers l’Europe, réitérant leur demande de justice pour Sakine, Fidan et Leyla, neuf an après leur assassinat.
 
Hier, lors de la manifestation parisienne, le frère de Sakine Cansiz, Metin Cansiz déclarait qu’ils allaient finir par obtenir justice dans ce triple féminicide perpétré à Paris, même si pour cela il leur fallait la lutte de plusieurs générations de Kurdes. En effet, la colère et la détermination des Kurdes pour obtenir justice pour Sakine, Fidan et Leyla reste intacte depuis le 9 janvier 2013.
 
Plusieurs militantes kurdes ont appelé la France à laver l’affront fait à la justice dans le meurtre de 3 femmes kurdes à Paris, déclarant que cela est « une tache dans l’Histoire de la France ».
 
Justice pour Fidan, Sakine et Leyla
 
Hier, malgré la pluie glaciale qui s’abattait sur Paris depuis les premières heures de la journée, plus d’un millier de Kurdes et leurs amis, mais aussi quelques élus français, ont marché de la Gare du Nord jusqu’à la place de la République où une scène avait été installée pour l’occasion. Ils ont demandé justice pour Fidan, Sakine et Leyla.
 
Après l’arrivée de la foule sur la place de la République, le père de Fidan Dogan et le frère de Sakine Cansiz (Metin Cansiz) ont pris la parole.
 
Le père de Fidan Dogan a accusé les « forces impérialistes » d’être derrière le triple meurtre de Paris et la disparation mystérieuse de l’assassin présumé (Omer Guney) qui est sensé être mort en prison mais qui n’a pas de tombe. Il a déclaré que cela fait des années qu’il cherche la tombe d’Omer Guney, mais qu’il n’a rien trouvé. Pour lui, Guney a été exfiltré de la prison avant le procès pour empêcher que la vérité éclate.
 
Le frère de Sakine, Metin Cansiz a déclaré qu’ils allaient continuer leur combat jusqu’à obtenir justice, même si pour cela, plusieurs générations de Kurdes devraient poursuivre la lutte.
 
Plusieurs élus français de gauche qui ont rejoint la manifestation kurdes ont également appelé les autorités judiciaires françaises à faire la lumière sur ce triple assassinat devenu affaire d’État entre la France et la Turquie.
 
L’élue communiste, Laurence Patrice a déclaré que « La France doit lever le secret défense pour que les commanditaires de ce féminicide politique soient jugés! », tandis que l’adjoint de la maire de Paris, à Ian Brossat déclarait: « Solidarité avec les Kurdes dans le combat contre l’islamisme et pour nos valeurs émancipatrices. »
 
Retour sur un crime d’État commis sur le sol français

Le 9 janvier 2013, les militantes kurdes Sakine Cansiz ((Sara, co-fondatrice du PKK), Fidan Dogan (Rojbin), représentante de KNK à Paris, et membre du mouvement de jeunesse kurde, Leyla Saylemez (Ronahi) ont été abattues de plusieurs balles dans la tête par un espion turc dans les locaux du Centre d’Information du Kurdistan, à Paris.
 
Le 23 janvier 2017 devait débuter le procès aux Assises d’Ömer Güney, le présumé coupable. Le suspect, qui était lié aux services de sécurité turcs à Ankara selon les informations obtenues par les avocats des familles des victimes, est décédé subitement en prison le 17 décembre, un mois avant le début du procès.
 
Bien que la justice française s’est empressée de classer aussitôt l’affaire, les avocats des familles des victimes sont intervenus, rappelant que, même si celui qui tué les 3 femmes est décédé, les commanditaires de ce triple meurtre ne le sont pas et qu’ils sont étroitement liés aux services secrets turcs.
 
Ainsi, les familles des trois victimes se sont constituées partie civile en 2018 et ont réussi à ce qu’en mai 2019, l’affaire soit relancée « pour les faits de complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs terroriste criminelle ». « L’enquête judiciaire a mis en évidence que l’un des mobiles les plus plausibles de ce triple assassinat pouvait être mis en relation avec les activités supposées d’Ömer Güney en France au sein des services secrets turcs [MIT], » écrivait d’ailleurs la juge d’instruction chargée du dossier.
 
Qui sont Sakine, Fidan et Leyla ?
 
Sakine Cansiz
 
Cofondatrice du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), Sakine Cansız est née dans la province de Dersim en 1957. Après plusieurs années d’activité dans le mouvement de la jeunesse étudiante à Elazıg, elle rejoint en 1976 le mouvement révolutionnaire kurde.
 
Suite à sa participation au congrès du PKK, le 27 novembre 1978, la jeune femme est arrêtée à Elazıg et envoyée en prison avec un groupe d’amis. Soumise à de lourdes tortures dans la période ayant suivi le coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980, elle n’est libérée qu’en 1991. Un fois libre, elle poursuit ses activités militantes dans l’ouest et le sud du Kurdistan.
 
Après de longues années de lutte dans les montagnes du Kurdistan, Sakine Cansız va en Europe où elle prend la direction du mouvement des femmes kurdes. Figure pionnière du mouvement de libération kurde, elle a grandement contribué au renforcement des organisations kurdes au sein de la diaspora.
 
Fidan Dogan
 
Fidan Doğan est née en 1982, à Elbistan, dans la province de Maraş. Fille d’une famille d’immigrés, elle grandit en France.
 
Dès son enfance, elle se met en quête de son identité kurde. À partir de 1999, elle s’engage dans les organisations kurdes en Europe. À partir de 2002, elle travaille activement dans le domaine de la diplomatie. Elle devient représentante à Paris du Congrès national du Kurdistan (KNK).
 
Leyla Saylemez
 
Fille d’une famille originaire de Lice, dans la province de Diyarbakir, Leyla Soylemez est née dans la ville turque de Mersin où elle passe son enfance jusqu’à ce que sa famille s’exile en Allemagne, dans les années 90. Après un an d’études d’architecture, elle rejoint la lutte pour la liberté au Kurdistan et s’engage particulièrement dans les activités de la jeunesse kurde.
 

L’Iran a emprisonné une activiste kurde car elle enseignait le kurde aux enfants

0
IRAN / ROJHILAT – Aujourd’hui, la militante kurde, Zara Mohammedi a été emprisonnée par le régime iranien. Cette jeune femme de 28 ans va purger une peine de prison de 5 ans pour avoir enseigné la langue kurde aux enfants.
 
Zahra Mohammadi, dirige l’association culturelle et sociale Nozhin, et ses activités comprennent l’enseignement de la langue et de la littérature kurdes et d’autres activités civiles. Elle avait été arrêtée par les forces de sécurité à Sanandaj le 23 juin 2019 et remise en liberté provisoire le 2 décembre 2019.

Zara Mohammadi Sarawala, est originaire de Sanandaj (Sinê), une ville kurde du Rojhilat (Kurdistan de l’Est). Titulaire d’une maîtrise en géopolitique de l’Université de Birjand, Zara a prodigué son enseignement à des centaines d’enfants kurdes de Sanandaj et des villages environnants, malgré les restrictions des autorités iraniennes.
 
En juillet 2020, un tribunal révolutionnaire iranien a condamné Zara Mohammadi à dix ans de prison pour « formation d’un groupe contre la sécurité nationale ». En appel en février de l’année dernière, la peine initiale a été réduite à cinq ans et Mohammadi a ensuite été libéré sous caution. Mais malgré une justification détaillée d’un appel, les juges de la Cour suprême ont rejeté la demande de révision de la peine.
 
En plus des appels d’Amnesty International et des Nations Unies, de nombreux autres appels demandant l’abandon des poursuites visant Zara Mohammadi ont été ignorés par le régime iranien et son système judiciaire qui criminalisent la langue et la culture kurdes. Zara a été mise derrière les barreaux aujourd’hui.
 
Le journaliste kurde, Kamal Chomani a écrit un court texte expliquant pourquoi Zara Mohammadi faisait trembler les mollahs iraniens en enseignant la langue kurde. Le voici:
 
Pourquoi l’Iran a mis Zara Mohammed en prison?
 
L’Université des sciences médicales du Kurdistan et l’université du Kurdistan à Sînê sont classées par Times magazine devant toutes les universités d’Irak et de la région kurde. Ces deux universités sont au Kurdistan oriental. Si vous allez dans n’importe quelle ville et village du Kurdistan oriental, vous verrez plus de culture et de traditions kurdes dans la région du Kurdistan et dans d’autres parties du Kurdistan. Mais quand Zara Mohammed veut enseigner la langue kurde aux enfants de Sînê (Sanandaj), la République islamique lui colle six ans de prison, pourquoi ?
 
Parce que l’action de Zara Mohammed est une action en dehors du système politique de la République islamique. La lecture en langue maternelle est un droit universel. L’ONU a confirmé que les langues devraient être protégées et éduquées les enfants dans leur langue maternelle. Les intellectuels post-coloniaux font de l’étude de la langue maternelle l’un des mécanismes les plus importants de l’anticolonialisme et de la correction des cerveaux culturels et occupés.
 
L’UNISCO a annoncée en 2019: « Les langues locales, en particulier les langues d’origine, de culture, de valeurs et de diversité, et jouent donc un grand rôle dans le développement de la durabilité future. »
 
Ngũgĩ wa Thiong’o, célèbre auteur et fondateur du colonialisme anti-langue kényan, dit : « Si vous connaissez toutes les langues du monde mais que vous ne connaissez pas votre langue maternelle, c’est de l’esclavage mental. Mais si vous connaissez votre langue culturelle et que vous y ajoutez toutes les autres langues – savoir-, c’est la force. »
 
Ngũgĩ wa Thiong’o a toujours essayé d’étudier les africains dans leur langue maternelle parce qu’il pense que « la langue maternelle est une partie sans importance de l’art culturel. »
 
Zara Mohammedi, avec l’enseignement de la langue kurde, a non seulement a enseigné la langue aux enfants, où les enfants peuvent apprendre dix autres langues, mais a également créé les modèles culturels dans lesquels les ayatollahs iraniens ne peuvent pas être créés.
 

Zara Mohammedi, avec son esprit plein d’altruisme et de courage avant d’aller en prison, devant une foule révolutionnaire récite les vers du poète Qani* « Malheur à cet ennemi qui met ses espoirs en la prison ». Par ce poème connu de la plupart des Kurdes de l’est et du sud, Zara crée facilement une grande connexion spirituelle. Elle a compris la force de sa langue maternelle, la connaissance de la littérature et de la culture de cette langue, donc en écrivant un poème – pour autant que je sache Qani a écrit ce poème pendant qu’il était dans une prison iranienne – elle sait comment répondre à la dictature iranienne et rappelle les Kurdes et les sympathisants et combattants de la liberté à leurs devoir (…). Voici le peuple du Kurdistan et les combattants de la liberté où qu’ils soient dans le monde.

Vive la lutte de la langue maternelle! »

 
*Qui est le poète Qanî?
 
Muhemmed Kabuli ou Mamoste Qani (né en 1898, Meriwan – décédé en 1965) était un poète kurde du Kurdistan oriental.
 
Il a commencé ses études à l’âge de 12 ans et s’est rendu dans les villes de Sardasht et Sulaymaniyah et Sînê et Seqiz et Koye et Kirkuk puis est retourné à Sulaymaniyah et a étudié avec le savant religieux Ibn ul-Qaradaxi. Il a ensuite abandonné l’école en raison de problèmes familiaux et est devenu enseignant dans des villages. Il a écrit de la poésie en kurde, arabe et persan, mais est bien connu pour sa poésie kurde simple. Qani est décédé en 1343 à l’âge de 67 ans.
 

Le meurtre non résolu de 3 militantes kurdes à Paris est « une tache dans l’Histoire de la France »

0
PARIS – Les Kurdes et leurs amis ont manifesté aujourd’hui à Paris, pour la 9e année consécutive, demandant justice pour Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, trois militantes kurdes assassinées par un espion turc à Paris, le 9 janvier 2013. Pour les familles des victimes et les militants kurdes, ce triple féminicide politique non résolu est une « tache dans l’Histoire de la France ». Ils déclarent qu’ils n’abandonneront jamais leur quête de justice.
 
Malgré la pluie glaciale qui s’abattait sur Paris depuis les premières heures de la journée, plus d’un millier de Kurdes, mais aussi quelques élus français, ont marché de la Gare du Nord jusqu’à la place de la République où une scène avait été installée pour l’occasion.
 
La quête de vérité ne sera pas abandonnée
 
Après l’arrivée de la foule sur la place de la République, le père de Fidan Dogan et le frère de Sakine Cansiz (Metin Cansiz) ont pris la parole.
 
Le père de Fidan Dogan a accusé les « forces impérialistes » d’être derrière le triple meurtre de Paris et la disparation mystérieuse de l’assassin présumé (Omer Guney) qui est sensé être mort en prison mais qui n’a pas de tombe. Il a déclaré que cela fait des années qu’il cherche la tombe d’Omer Guney, mais qu’il n’a rien trouvé. Pour lui, Guney a été exfiltré de la prison avant le procès pour empêcher que la vérité éclate.
 
Le frère de Sakine, Metin Cansiz a déclaré qu’ils allaient continuer leur combat jusqu’à obtenir justice, même si pour cela, plusieurs générations de Kurdes devraient poursuivre la lutte.
 
Des élus français de gauche qui ont rejoint la manifestation kurdes ont également appelé les autorités judiciaires françaises à faire la lumière sur ce triple assassinat devenu affaire d’État entre la France et la Turquie.

L’élue communiste, Laurence Patrice a déclaré que « La France doit lever le secret défense pour que les commanditaires de ce féminicide politique soient jugés! », tandis que l’adjoint de la maire de Paris, à Ian Brossat déclarait: « Solidarité avec les Kurdes dans le combat contre l’islamisme et pour nos valeurs émancipatrices. »
 
Quelques photos de la manifestation d’aujourd’hui:
 
Des élus de gauche aux côtés du peuple kurde
Image
 
Image

Le double combat de Sakine Cansiz : Abolition du patriarcat et Autonomie du Kurdistan

0

PARIS – Le 9 janvier 2013, les militantes kurdes Sakine Cansiz (Sara, co-fondatrice du PKK), Fidan Dogan (Rojbin), représentante de KNK à Paris, et Leyla Saylemez (Ronahi), membre du mouvement de jeunesse kurde, ont été abattues de plusieurs balles dans la tête par un espion turc dans les locaux du Centre d’Information du Kurdistan, à Paris.

9 ans après ce triple féminicide politique dont la justice française tarde à juger les responsables, nous avons voulu republier ce portrait de Sakine Cansiz réalisé par Samint en 2016.

Le double combat de Sakine Cansiz : Abolition du patriarcat et Autonomie du Kurdistan

Sakine Cansiz est une combattante féministe laïque kurde connue pour son charisme, son courage, sa combativité, sa constance et son aura. Son apport à la cause politique de l’autonomie du Kurdistan force le respect et lui a valu d’être tour à tour emprisonnée, torturée, exilée puis assassinée en France par les services secrets turcs (MIT) dont l’implication ne fait nul doute. « Sara » est son nom de guerre car elle fut une figure emblématique de la résistance kurde contre la répression turque. Sakine Cansiz avait un rôle de premier plan dans la lutte armée, que lui conférait le statut de co-fondatrice à part entière du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui a été créé en 1978 par Sakine Cansiz et Abdullah Öcalan est une organisation assimilée à un mouvement de « guérilla » ou de « rebelles » revendiquant l’indépendance des territoires de la population kurde répartis entre la Turquie, la Syrie, l’Iran et l’Irak.

Le combat de Sakine Cansiz fut double, en l’occurrence celui de la lutte féministe pour l’abolition du patriarcat avec l’émergence d’une société égalitaire sans distinction de genre et respectueuse des droits humains ; ainsi que celui du mouvement séparatiste pour l’autonomie du Kurdistan réclamant une place dans le concert des nations. Sakine Cansiz est une figure de proue pour les femmes kurdes mais aussi pour tout un peuple. Elle a donc combattu toute sa vie durant, contre une double oppression – celle du système patriarcal ainsi que celle des états de la région refusant le droit à l’autodétermination aux kurdes.

Dès sa jeunesse, elle s’est engagée dans la lutte armée pour la cause kurde sans jamais renoncer à son engagement pour l’émancipation des femmes et des filles, que cela soit au sein de la famille, des institutions, de la société civile ou dans l’exercice du pouvoir. En effet, Sakine Cansiz a très tôt compris qu’il ne fallait surtout pas céder à la hiérarchisation des luttes et encore moins oublier de se battre pour sa propre survie dans ce système oppresseur qu’est le patriarcat, c’est pourquoi elle a pris le commandement de plusieurs unités militaires de défense féminine et de bataillons mixtes. Les femmes sont une classe de sexe qui doit se battre pour sa sécurité au sein même de sociétés patriarcales subissant par ailleurs l’autoritarisme de tel ou tel Etat.

« Toute ma vie a été une lutte »

Sakine Cansiz est née 1958 dans la province de Tunceli située à l’Est de la Turquie, où la population est majoritairement kurde et alévie. Sakine Cansiz fut arrêtée par la police turque en 1979 pour avoir implanté le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) dans la province d’Elazig puis condamnée à 24 années de détention.

Elle fut incarcérée dans la prison de Diyarbakir située dans le sud-est anatolien pour y être torturée par les autorités turques – un sort systématiquement réservé aux prisonnier.ère.s politiques. Sakine Cansiz était une combattante féministe qui faisait déjà partie de l’inconscient collectif du peuple kurde en raison de sa bravoure lors des combats militaires menés dans les montagnes, de sa résistance héroïque face à la torture, n’hésitant pas à cracher au visage de ses tortionnaires ou à leur tenir tête. Son frère, Metin Cansiz a également été fait prisonnier dans les geôles de Diyarbakir.

En 1984, le PKK avait alors décidé d’opter pour la lutte armée contre Ankara, ce qui se solda par plus 40 000 morts essentiellement parmi les fractions rebelles. L’insurrection du PKK avait donc débuté en août 1984 dans la Région de l’Anatolie du sud-est de la Turquie (avec la proclamation d’un état d’urgence élargi à plusieurs provinces environnantes) et s’était terminé dans un bain de sang, mais le conflit reprit en 2015. Sakine Cansiz fut la première membre du PKK à prononcer une plaidoirie politique lors des « procès » organisés par le régime ayant perpétré un coup d’Etat militaire en Turquie. En 1988, lors d’un de ses simulacres de procès, elle fut condamnée à 76 années d’emprisonnement pour avoir eu l’audace de parler kurde dans l’enceinte du tribunal, ce qui était vécu comme un véritable affront aux yeux du pouvoir turc, qui du coup tripla sa peine de prison.

« Sara » : cheffe de file féministe de la cause kurde

Sakine CansizTout d’abord, le féminisme de Sakine Cansiz fut en corrélation avec le rejet de l’oppression envers les femmes kurdes, qu’elle percevait justement comme une classe de sexe : elle a bénéficié d’une conscientisation politique par le biais du marxisme. Sakine Cansiz a entretenu très tôt des liens avec les milieux révolutionnaires, dès les années 70 contre l’avis de sa famille et avant de partir s’installer à Ankara. Ainsi, elle s’engagea dès son plus jeune âge dans la lutte pour l’autonomie du Kurdistan et participa activement à la création du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) en novembre 1978 à l’aube de ses vingt ans, à Lice non loin de sa ville natale. Ensuite, Sakine Cansiz mettait un point d’honneur à rendre la voix des femmes audibles et à leur donner plus de visibilité, plus d’autonomie et plus de poids politique ; n’hésitant pas à monter au créneau si cela était nécessaire et ceci malgré le fait qu’elle fut un temps la seule femme présente devant une assemblée (exclusivement) masculine. Par ailleurs, ce fut dans la capitale turque qu’elle entra en contact avec Abdullah Öcalan et que ces derniers eurent plus tard l’idée de fonder conjointement le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). En effet, Abdallah Öcalan avait convoqué une vingtaine de militants à Lice, dans le sud-est de la Turquie majoritairement kurde, pour co-fonder le PKK avec Sakine Cansiz. « Sara » devint alors le nom de guerre de Sakine Cansiz à sa sortie de prison et elle continua à jouer un rôle de premier plan dans la cause kurde.

« Sara » dans sa réflexion féministe sut montrer sa détermination au sein de l’appareil très masculin du parti et faire avancer la cause des droits et libertés des femmes : il s’agit d’une véritable révolution. Suite à d’importantes pertes humaines masculines et à une volonté des femmes de s’engager dans la lutte armée, la formation idéologique des militant.e.s devint alors une priorité. Le camp d’entraînement libanais fut reconverti en académie militaire et en 1988 la libération des femmes s’inscrivait clairement comme la préoccupation première du mouvement. Le PKK sous l’impulsion de sa cofondatrice a mis en place des ateliers de « jinéologie » consistant à jeter les bases d’une « Science des femmes » pluridisciplinaire qui analyse de manière concrète le vécu des femmes victimes de violences machistes, étant centrée sur leur propre expérience personnelle. L’objectif est de réfléchir à l’élaboration de concepts philosophiques féministes en dehors des institutions via des associations et des centres éducatifs non-mixtes par exemple afin de créer une dynamique émancipatrice pour les femmes et pour transmettre le savoir de cette « science des femmes ». A l’origine le PKK était issu des milieux universitaires avec des intellectuel.le.s de tendance marxiste, mais dans les années 80 l’arrivée de nombreux militants analphabètes ou peu éduqués originaires de différentes régions rurales ou des villages rasés par l’Etat turc avait fait surgir l’urgence de faire entendre les voix des femmes pour un Kurdistan (vraiment) « libre » sans opprimer la moitié de sa population.

Le mouvement de libération des femmes kurdes soutenu par « Sara » a pour objectif de défendre un projet d’émancipation des femmes pour que l’égalité femmes/hommes soit une norme tant dans la société civile que sur le champ de bataille. « Sara » fut assassinée à un moment où les kurdes commencèrent à retranscrire leur vision politique à Rojava (Kurdistan syrien) consistant à mettre en place une démocratie directe ou participative et évidemment laïque dans le respect d’une égalité de traitement entre les citoyen-n.es peu importe leur genre, leur religion, leur ethnie, leur orientation sexuelle ; tout en ayant le souci de la préservation de l’environnement et d’instaurer un système d’auto-gestion (anticapitaliste) et d’auto-défense de la zone. A Rojava, les femmes kurdes ont obtenu des garanties importantes telles que la présence de femmes à au moins 40% au sein des commissions et que toutes les organisations de la société civile et politique soient co-présidées de manière paritaire. Les femmes ont contribué à cette « autonomie démocratique » et en furent même un pilier ; leur pouvoir de décision n’était donc pas remis en cause dans les différentes instances de l’administration, contrairement à la configuration des régimes politiques de la région du Moyen-Orient. Les femmes kurdes ont à plusieurs reprises affirmé que les avancées constatées furent le fruit d’une trentaine d’années de lutte révolutionnaire pour le peuple kurde et de combat féministe au sein du mouvement de libération. Les féministes kurdes ont mis en exergue l’importance d’organisations non-mixtes tout au long de ce processus.

Le fait d’avoir une féministe convaincue telle que Sakine Cansiz au sein même de la Direction du PKK a permis aux femmes kurdes ne plus être réduites au silence, d’obtenir d’un statut politique digne de ce nom mais ceci fut le résultat d’une lutte permanente car les droits et libertés des femmes n’ont jamais été donnés mais toujours arrachés au patriarcat. Les femmes kurdes sont confrontées à des oppressions de types additionnelles dans des sociétés patriarcales et imprégnées de la mouvance islamiste tout en étant membres d’une nation sans Etat ce qui les a tout particulièrement sensibilisées à la notion de la Liberté, qu’elles sont déterminées à atteindre et non pas seulement dans le sens abstrait ou empirique du terme. En 1987, les femmes kurdes d’Europe avaient également initié un mouvement féministe depuis l’étranger avec la création de l’Association des Femmes Kurdes Patriotes du Kurdistan qui joua un rôle important dans la lutte contre les violences masculines. Cependant, les politiques d’assimilation niant leur culture ont été un facteur de mobilisation des femmes kurdes sur le terrain de la politique et de la prise de conscience du caractère systémique des violences qu’elles subissaient : elles refusèrent d’établir une frontière entre le « public » et le « privé ». Les femmes du mouvement de libération organisaient des rencontres d’éducation populaire féministe destinées aux hommes afin de les sensibiliser sur les rapports sociaux de sexe inégalitaires établis par le patriarcat et de faire un travail de terrain contre le conditionnement social.

« Sara » fut une figure de proue de la lutte des droits et libertés des femmes kurdes au Kurdistan et au sein de la diaspora. Puis, elle lança au milieu des années 90 les premières organisations non-mixtes kurdes avant de s’exiler en Europe. Ainsi, « Sara » en tant que féministe lutta tout naturellement contre la domination masculine y compris dans les instances de son propre parti. En 1995, Sakine Cansiz fut également la cofondatrice de l’Union des Femmes Libres du Kurdistan. Le mouvement des femmes décida de se constituer en parti politique en 1999 : le Parti des Femmes Travailleuses du Kurdistan, qui par la suite deviendra le Parti de la Libération des Femmes Kurdes car les femmes kurdes ont vraiment l’ambition d’offrir un nouveau contrat social axé sur leur émancipation et leur sécurité et pour une société plus humaniste. Leur but est d’éradiquer les violences conjugales ou les féminicides dans une société sécularisée afin de changer les mentalités et de se préserver des dangers du fondamentalisme religieux.

« Sara » participait aux combats militaires dans le milieu hostile des montagnes et appelait les kurdes à se révolter. Le PKK arriva ainsi à infliger de sérieux revers à l’armée turque. « Sara » avait un parcours militaire plus qu’exemplaire et elle se déplaçait dans les différentes régions kurdes de Turquie, de Syrie, d’Irak et d’Iran. En 1997, les Etats-Unis puis d’autres pays de l’Union Européenne placèrent le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) dans la liste des organisations terroristes en raison de son ambition de créer un Kurdistan indépendant par la lutte armée. Etant donné que la plupart des pays occidentaux acceptèrent d’étiqueter le PKK comme mouvement terroriste, celui-ci se subdivisa alors en quatre entités : le PRD pour la Turquie, le PYD pour la Syrie, le PÇDK pour le Kurdistan irakien et le PJAK pour l’Iran (ainsi que d’autres entités) afin de brouiller les pistes. En outre, le PKK fut aussi soupçonné de trafic de stupéfiants par les Etats-Unis pour pouvoir financer leur « guérilla » contre la Turquie.

« Sara » obtint en 1998 l’asile politique en France où elle y résidera plusieurs années. Cependant, le 19 mars 2007 elle fut arrêtée à Hambourg par la police allemande car Ankara avait émis un mandat d’arrêt international à son encontre, mais elle fut relâchée le 25 avril suivant après avoir passé un peu plus d’un mois en prison. Dans une note des autorités américaines, les Etats-Unis identifièrent le rôle majeur de « Sara » dans la collecte de fonds du PKK en Europe et projetèrent alors son arrestation. En février 1999, ce fut au tour d’Abdullah Öcalan d’être capturé mais cette fois au Kenya lors d’une opération conjointement menée par les services secrets turcs et américains – les services secrets israéliens (Mossad) auraient fourni une aide substantielle à la Turquie. Le cofondateur du PKK a tout d’abord été condamné à la peine de mort pour trahison et tentative de division de la Turquie puis la sentence de « Apo » fut commuée en une peine de prison à vie (suite à l’abolition de la peine de mort en 2002 dans la perspective d’une adhésion à l’Union Européenne). Il purge toujours sa peine d’emprisonnement à vie dans la prison de l’île d’Imrali, située en mer de Marmara (Turquie) où il subit des pressions psychologiques quotidiennes. Le 1er septembre 1999, depuis sa cellule de prison, « Apo » ordonna l’abandon de la lutte armée mais ce cessez-le-feu n’était décrété que de manière unilatérale ce qui sera ultérieurement contesté par le PKK avec l’organisation d’attentats-suicides.

« Sara » qui résidait donc en France par la suite, était incontestablement une cadre importante du mouvement en Europe, du fait de son engagement, de son parcours et de son activité de lobbying politique en faveur du Kurdistan et de la cause des droits des femmes. Mais elle travaillait aussi en étroite collaboration avec le commandement militaire du PKK présent dans les zones de combats. « Sara » s’occupait aussi de transmettre des informations sur les différentes exactions constatées en Turquie, en dénonçant par exemple les arrestations arbitraires ou les « meurtres non élucidés » de kurdes. En 2012, un mouvement de contestation à l’endroit du gouvernement turc naquit en France au sein de la communauté kurde de Strasbourg qui réclamait une amélioration des conditions de détention d’Abdullah Öcalan. En effet, ce dernier était à l’isolement sans avoir la possibilité de parler à un avocat – ces manifestations avaient rassemblées plus de 40 000 personnes selon les autorités. Après plus d’une trentaine d’années de militantisme acharné et de lutte armée, « Sara » occupa une position politique stratégique tout en ayant un rôle clé dans la gestion du financement de la cause kurde en Europe. Elle avait déjà eu la charge de la défense des intérêts du PKK à l’étranger, notamment en Allemagne auprès de la diaspora et en collaboration avec Abdullah Öcalan alors qu’il s’était exilé en Syrie.

Dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013, Sakine Cansiz et deux autres militantes furent assassinées à Paris, non loin de la gare du Nord, par un agent des services secrets turcs (MIT) bien qu’elles étaient sous surveillance policière. Sakine Cansiz fut inhumée à Tunceli (« Dersim » en kurmandji), sa ville natale, située dans le Kurdistan turc ayant une histoire sanguinaire avec l’Etat turc. En effet, suite au massacre de la population kurde perpétré en 1937 par l’armée turque et à l’initiative de Mustafa Kemal Atatürk dans le cadre d’une « mission de civilisation » : la ville de Dersim fut renommée Tunceli, ce qui signifie « main de bronze ». L’Etat turc avait donc opté pour une mesure de type « punitif » envers les kurdes, pour s’être révolté.e.s et pour avoir apporté une protection à de nombreux arménien-ne.s pendant le génocide. Par ailleurs, la ville de Dersim où Sakine Cansiz repose est un haut lieu de la culture alévie, proche de la nature et humaniste où les hommes et les femmes seraient de facto égaux.

« Armée des femmes »

Sakine CansizSakine Cansiz fut également à l’origine de la création de l’« armée des femmes » à sa sortie de prison, chose qu’ Abdullah Öcalan approuva en évoquant d’ailleurs une adéquation avec l’idée de l’« émergence d’une femme forte libérée du féodalisme masculin » qu’il approuvait. Sakine Cansiz fut relâchée en 1991, soit après avoir purgé 12 années d’emprisonnement et de tortures, ce qui n’avait pas entamé sa détermination. Ensuite, elle recommença à militer clandestinement et reprit les armes pour combattre la répression turque qui rasait des villages et arrêtait des kurdes de manière arbitraire. Dans le sud-est de la Turquie, elle apporta son appui à la lutte armée dans les rangs du PKK et participa également à une conférence initiée par Abdullah Öcalan, dans un camp d’entraînement localisé au Liban dans la plaine de la Bekaa.

Sakine Cansiz, aidée par son aura et son charisme, continua sans relâche à inciter les kurdes à se rebeller ainsi qu’ à œuvrer à la création de stratégiques unités de défense féminines puisque la participation des femmes dans la lutte armée était de grande envergure. A noter qu’Abdullah Öcalan (cofondateur du PKK) avait publiquement reconnu les qualités incontestables de leadeuse de Sakine Cansiz au sein de l’organisation marxiste ainsi que son rôle prépondérant dans le mouvement de libération du Kurdistan. Lors d’une réunion officielle, ce dernier la présenta comme une personne « plus courageuse et même plus ambitieuse » que lui. Abdullah Öcalan partageait la réflexion féministe de Sakine Cansiz et affirmait que « le principe fondamental du socialisme est de tuer l’homme dominant ». Le mouvement armé kurde a été créé en 1992, soit une année après la remise en liberté de Sakine Cansiz qui continuait à contribuer politiquement à la résolution de la question kurde ainsi qu’à lutter pour la libération des femmes kurdes en Europe, en étant notamment membre du Congrès National du Kurdistan (KNK) à Bruxelles.

Sakine Cansiz a soutenu l’apport idéologique et féministe fourni aux femmes kurdes dans les années 90 et accompagné le changement en profondeur de l’organisation de la lutte armée. Les femmes étaient en première ligne lors des insurrections et des manifestations contre les opérations militaires de l’Etat turc. De plus, les soldates kurdes ont assuré à plusieurs reprises des opérations d’aide aux réfugié.e.s d’ordre éducatif, sanitaire, médical, psychologique logistique et de défense des zones militaires. Les combattantes kurdes ont joué un rôle décisif dans la résistance armée mais pas seulement, elles intervenaient également sur les aspects relatifs à la « guerre de l’information » en rédigeant des communiqués de presse multilingues, en accordant des interviews, en établissant des solidarités internationales, en maintenant un lobbying politique et des synergies avec la diaspora. Abdullah Öcalan estimait à juste titre que « la paix des kurdes passe par les femmes ».

L’ « armée des femmes » permit aux femmes d’avoir leur propre état-major en 1999 et donc d’être décisionnaires au sein du mouvement révolutionnaire du fait de la participation importante des femmes au combat jugée comme essentielle. Sakine Cansiz a créé des unités de défense féminines ayant leur commandement attitré. Gulnaz Karatas Beritan fut l’une des premières commandantes d’unités non-mixtes qui mena une lutte acharnée contre l’ennemi jusqu’à sa dernière munition et qui brisa sa kalachnikov (afin qu’elle soit hors d’usage pour le camp adverse) avant de se jeter d’une falaise car elle refusait l’éventualité d’être prisonnière. Par conséquent, les autorités kurdes s’illustraient alors dans le fait qu’elles étaient les seules à s’être dotées d’un corps d’armée exclusivement féminine. Dernièrement, ces bataillons de femmes ont remporté des succès militaires contre Daech et ceci sans aucune aide internationale, du moins dans les premiers temps. De plus, la commandante Nassrine Abdallah ayant libérée Kobané affirmait que ses unités féminines avaient un « ascendant psychologique » sur les islamistes car ces derniers auraient une crainte supplémentaire au combat, à savoir celle de ne pas aller au « paradis » s’ils étaient tués par une femme (perçue comme impure ou comme un être inférieur). Les femmes kurdes ont refusé de rester à la maison et ont choisi l’engagement dans l’ « armée des femmes » depuis plus d’une vingtaine d’années mais il y avait des antécédents de commandement militaire de ce type par le passé.

Les soldates de l’« armée des femmes » ont combattu au front aux côtés de leurs homologues masculins et leur capacité numérique pouvait représenter jusqu’à 50% des forces armées en fraction selon les zones de conflits. En Syrie, elles ont notamment intégré les Unités de défense du peuple (YPG) qui encadraient les forces armées kurdes – refusant tout régime spécial par rapport à leur camarades masculins dont elles assuraient également la protection. Les revers militaires que les commandantes kurdes ont infligées à Daech, comme par exemple à Kobané ou avec la mise en place d’une « autonomie démocratique » à Rojava ont alimenté ce regain d’intérêt pour la question kurde : elles sont porteuses d’un nouveau contrat social. Elles incarnent justement tout ce que le fondamentalisme religieux haït : l’émancipation des femmes, la liberté, l’égalité, la laïcité ou la reconnaissance de l’homosexualité. Des « Unités de protection des femmes » appelées Yekîneyên Parastina Jinê (YPJ) luttent contre les violences patriarcales telles que les féminicides, les « mariages » forcés, la polygamie, les viols ou les mutilations sexuelles entre autres. Elles pratiquent également la dénonciation publique des violences conjugales chez les combattants kurdes ; la bataille n’est pas seulement militaire mais aussi idéologique. Les combattantes affirment s’opposer à tout ce qui représente une menace contre « leurs droits en tant que femmes » et contre « leurs droits en tant que peuple kurde ». Elles sont donc des peshmergas à part entière car elles « affrontent la mort » au sens littéral du terme.

La formation militaire des soldates kurdes de l’ « armée des femmes » incluait l’apprentissage de la « jinéologie », cette science initiée par les femmes et pour les femmes. La « jinéologie » consiste à partager un savoir concernant les rapports de domination du système patriarcal : « une méthode de recherche qui ne prendrait pas en compte la réalité des femmes, qui ne mettrait pas les femmes au centre de ses préoccupations ne permettra jamais de développer une véritable lutte pour la liberté et l’égalité ». Le préfixe kurde « jin » signifie femme, en grec « jiyan » veut dire vie et « logos » fait référence à la science en lien avec la parole, la raison. Les femmes écrivent leur propre histoire en dehors du patriarcat. Cette « science » consistait à donner la parole aux femmes et à créer un espace de dialogue et d’analyse des violences masculines dans des structures non-mixtes indépendantes des institutions, de l’Etat turc et des bailleurs de fonds. Ainsi, les « Académies des femmes » qui s’organisaient dans un mode de fonctionnement d’auto-gestion servirent de support à la transmission de l’enseignement de cette science (et à la mise en place de projets collectifs dans une optique de partage de connaissances). Elles avaient donc l’occasion de lire et de réfléchir sur des textes féministes provenant d’horizons divers mais elles tenaient à développer leur propre vision politique et anticapitaliste des rapports femmes/hommes et exprimaient une hostilité envers une certaine forme d’hégémonie occidentale qui pouvait, selon elles, considérer les femmes du Moyen-Orient comme « arriérées » ou incapables de construire une conscience politique. Les soldates kurdes devaient savoir manier les armes mais aussi être en mesure de se forger leur propre pensée politique de manière autonome. Abdullah Ocalan a précédemment rappelé une évidence, à savoir qu’« une société ne peut être libre que si les femmes y sont libres ».

Sakine Cansiz avait également le commandement d’unités de défense mixtes et les hommes étaient triés sur le volet avec l’obligation d’adresser une sorte de profession de foi, d’expliquer et de convaincre la direction sur leur motivation (s’ils voulaient bénéficier d’une formation idéologique féministe et universaliste). La médiatisation de ces femmes courageuses en armes a pu occulter l’existence d’un ambitieux projet d’émancipation des femmes et le fait qu’elles incitaient toutes les femmes à s’organiser, se réunir, s’entraider pour créer une dynamique contre le système patriarcal, le capitalisme, le despotisme des Etats, sans faire de distinction entre le « privé » et le « politique » : une révolution féministe !

Assassinat de Sakine Cansiz : une affaire d’Etat franco-turque

Sakine Cansiz s’est courageusement battue sur tous les fronts pour que le peuple kurde puisse obtenir son indépendance. Les kurdes remplissent tous les critères leur permettant de prétendre à l’autonomie du Kurdistan : continuité territoriale, histoire, langue, culture. Le Kurdistan est une sorte territoire sans frontières et le fruit d’une Histoire complexe faite d’insurrections, de massacres et de trahisons politiques tant de la part des pays occidentaux au lendemain de la première guerre mondiale par exemple que sous l’Empire Ottoman. Les Kurdes sont dispersé.e.s sur quatre pays entre la Turquie (40%), l’Irak (15%), l’Iran (25%) et la Syrie (5 à 10%) – à noter que ces pays ne sont pas spécialement connus pour leur respect des droits humains ou des minorités. Les kurdes sont parfois présenté.e.s comme un « peuple fragmenté » mais qui compte dans la région du Moyen-Orient tant d’un point de vue démographique (35 millions), géopolitique (localisation), économique (pétrole, eau) que socio-culturel (arabisation) sur une superficie équivalente à celle de la France, sans oublier l’existence d’une diaspora. Dans le contexte de la guerre en Syrie contre le terrorisme, le fait que les kurdes combattent vaillamment l’obscurantisme de Daech leur a permis de bénéficier d’un coup de projecteur sur la scène médiatique internationale.

Assassinats politiquesSakine Cansiz en tant que cofondatrice du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Fidan Dogan représentante du Congrès National du Kurdistan (KNK) et l’activiste Leyla Soylemez furent froidement exécutées d’une balle dans la nuque – par les services secrets turcs (MTI) – au siège du Bureau d’Information kurde situé dans le Xe arrondissement de Paris. Il est évident que Sakine Cansiz était une cible de choix pour les autorités turques : elle fut donc assassinée pour ses idées car elle défendait ardemment l’autonomie du Kurdistan tout en étant l’initiatrice d’un mouvement laïque de libération des femmes qui n’était pas du goût ni de la Turquie ni des fondamentalistes religieux de la région du Moyen-Orient. Ces trois femmes auraient eu le tort de se battre pour la reconnaissance des droits fondamentaux du peuple kurde et leurs activités politiques et/ou associatives respectives consistaient principalement à dénoncer les violations des droits humains perpétrées en Turquie contre la population kurde. Néanmoins, elles militaient pour la paix et pour une résolution pacifique de la question kurde en soutenant notamment les pourparlers entre le gouvernement turc et le PKK. Sakine Cansiz (cadre de la direction du PKK), Fidan Dogan (lobbyiste du parti) et Leyla Soylemez (représentante de la section jeunesse du mouvement) furent abattues le mercredi 9 janvier 2013, soit quelques jours après l’annonce de l’ouverture de négociations entre Ankara et Abdullah Öcalan — qui est toujours emprisonné à île d’İmralı dont il serait le seul résident. Le contexte privilégie forcément la piste de l’ « assassinat politique » à un moment où des négociations avaient lieu en Turquie. L’objectif de ces négociations entre Ankara et le PKK était de trouver une solution politique au conflit kurde dans le but de mettre fin à une lutte armée d’une trentaine d’années ayant fait plus de 40 000 morts, des centaines de milliers de déplacé.e.s et des prisionnier.ère.s politiques dans les geôles turques.

Le féminicide des trois militantes kurdes a fait naître une véritable « affaire d’Etat » puisqu’il a eu lieu sur le sol français et à un moment où la Turquie avait repris (depuis fin 2012) le dialogue avec le PKK, par le biais de négociations directes avec Abdullah Öcalan – dans le but d’obtenir son désarmement ce qui est un enjeu de taille pour la Turquie. Ces assassinats politiques sont évidemment une manière de torpiller les négociations avec Ankara par un nouvel usage de la force de façon à faire pencher la balance du côté turc ou à déstabiliser les kurdes. Pourtant, les services secrets turcs ont officiellement démenti toute implication dans cette « affaire » en janvier 2014. Ce démenti a été communiqué suite à la diffusion dans les médias turcs d’un enregistrement sonore relatif à des cibles potentielles de la guérilla kurde : il s’agissait d’une conversation entre deux agents du MIT et un homme identifié comme Omer Güney qui est le seul « suspect » dans cette affaire d’Etat. Omer Güney avait facilement réussi à infiltrer le PKK via une stratégie d’entrisme, en s’impliquant dans le milieu associatif de la communauté kurde et en offrant ses services d’interprète en langue allemande et française – jusqu’à se voir confier l’accompagnement de Sakine Cansiz. Il a rapidement été arrêté et mis en examen pour le motif d’avoir perpétré des « assassinats en relation avec une entreprise terroriste ». L’enquête révèle que le meurtrier est bien Omer Güney, chauffeur de Sakine Cansiz, et qu’il a des liens avec une organisation politique d’extrême droite turque ultranationaliste et hostile aux kurdes nommée les « Loups Gris » – étant initialement l’emblème de la section jeunesse du Parti d’action nationaliste (MHP en turc). Les « Loups Gris » disposent d’une sorte de signe de ralliement au moyen d’un geste de la main censé représenter la tête d’un loup et sont connus pour les violentes offensives envers les communistes.

La thèse de l’implication des services secrets turcs dans ces assassinats politiques est étayée par l’existence de plusieurs « éléments » à charge tels qu’un enregistrement sonore, la présence de résidus de poudre dans une sacoche trouvée à l’intérieur véhicule d’Omer Güney (semblable à celle des images de vidéosurveillance), les relevés téléphoniques du « suspect » faisant état de contacts réguliers avec le MIT, la publication sur Internet d’un document officiel (une année après les assassinats) mentionnant clairement que le meurtrier a agi sur ordre du MIT (services secrets turcs) via un « ordre de mission ». Dans cette affaire, le réquisitoire du parquet indique que « de nombreux éléments de la procédure permettent de suspecter l’implication du MIT dans l’instigation et la préparation des assassinats ». Le manque de volontarisme des autorités turques et françaises pour faire la lumière sur le meurtre de ces trois militantes kurdes crève les yeux.

Dans la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan qui se voit en nouveau « sultan », une enquête a été ouverte et malgré une commission rogatoire internationale, aucune information n’a été partagée avec la justice française. En France, le gouvernement a refusé de lever le secret-défense sur les renseignements qui auraient pu permettre l’avancement de l’enquête judiciaire. Les juges chargé.e.s de l’instruction du dossier sont par conséquent contraint.e.s de clore leur réquisitoire définitif – sans avoir pu officiellement remonter jusqu’aux commanditaires qui sont pourtant identifiés. En revanche, l’ancien ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, lors d’une interview à iTélé s’est étonnamment dit être « à peu près certain que les services turcs ne sont pour rien dans cette affaire ». En 2011, Claude Guéant avait signé avec le gouvernement turc un accord de coopération dans la lutte contre le terrorisme (échange d’informations avec la police turque), chose que Jean-Marc Ayrault, ancien premier ministre (premier gouvernement de François Hollande) a maintenu en y consacrant même un projet de loi. Mais, faut-il rappeler que pour les autorités turques toute personne kurde serait un.e « terroriste » en puissance ?

Le Parti de la justice et du développement (AKP) dirigé par Recep Tayyip Erdoğan est un parti politique que nous pouvons qualifier d’islamo-conservateur liberticide gangrené par la corruption – ouvertement réactionnaire, antiféministe, LGBTphobe, antisémite et opposé à la laïcité kémaliste tout en faisant la promotion du port du voile sous couvert de « liberté religieuse ». Cependant, pour tenter de récuser les accusations d’islamisme, Recep Tayyip Erdoğan, qui a le sens de la formule, s’est déclaré « démocrate conservateur » ou « démocrate musulman ». L’année suivant la prise de pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP), Reporters sans frontières (RSF) a qualifié la Turquie de « première prison au monde pour les journalistes » et les ONGs ont confirmé ce durcissement du gouvernement turc. Les associations féministes l’accusent même d’encourager les féminicides et/ou de banaliser le fléau des violences conjugales. Le président français François Hollande avait alors gardé un silence coupable et opté pour la realpolitik en maintenant d’étroites relations diplomatiques avec la Turquie alors que ces assassinats politiques ont été perpétrés sur notre territoire. Son intérêt manifeste pour le néo-libéralisme l’a tout naturellement conduit à préférer la signature de juteux contrats commerciaux (12 milliards d’€ pour Airbus et 15 milliards d’€ pour GDF Suez) et ceci à peine trois mois après le meurtre des trois militantes kurdes à Paris, alors que la justice française avait pointé les « accointances » du suspect avec les services secrets turcs. La France reste murée dans son silence et fait passer le message que les droits humains ne valent visiblement pas grand chose face aux transactions financières que représentent la vente d’une centaine d’avions ou d’une poignée de centrales nucléaires. La France ne semble pas non plus faire preuve d’enthousiasme à l’idée de demander (justement) des comptes à la Turquie pour ces crimes commis dans sa capitale, qui ont été ressentis comme un véritable électrochoc par la communauté kurde. Il semble que les familles des victimes n’aient même pas été reçues par François Hollande. Les associations kurdes ne se privent pas d’ironiser sur la passivité et sur les « déclarations politiques ambiguës » du président français en l’incitant à aborder la question kurde d’une manière qui serait plus « démocratique » ou tout simplement plus respectueuse du droit international. « Le problème kurde n’est pas le problème d’une partie de notre peuple, mais le problème de tous. C’est donc aussi le mien. Nous allons régler chaque problème avec encore plus de démocratie, plus de droits civils et plus de prospérité, dans le respect de l’ordre constitutionnel, du principe républicain et des principes fondamentaux que nous ont légués les pères fondateurs de notre pays ». La Turquie a malgré tout l’ambition d’intégrer l’Union Européenne et fait mine de s’engager dans un processus de « démocratisation » avec des islamistes aux manettes.

Les kurdes jouent un rôle déterminant dans la lutte contre Daesh ce qui n’est visiblement pas le cas de la Turquie compte tenu des prises de positions du président turc élu depuis 2014 (après avoir été Premier ministre de 2003 à 2014). Recep Tayyip Erdogan lors de son mandat de Premier ministre, n’a pas hésité à privilégier publiquement la piste d’un règlement de compte interne au PKK ou d’une quelconque « tentative de sabotage » des pourparlers pour ce qui concerne les assassinats des trois militantes kurdes, optant donc pour la victimisation. En effet, le Parti de la justice et du développement (AKP en turc) aurait certainement apprécié d’obtenir le désarmement de la rébellion kurde avant l’échéance des élections présidentielles. Dans un communiqué diffusé sur le site internet du mouvement séparatiste, le Centre d’Information du Kurdistan de Paris écartait catégoriquement cette éventualité en affirmant qu’il s’agissait d’« un assassinat politique exécuté d’une façon très professionnelle » et rendait également un vibrant hommage à Sakine Cansiz pour avoir marqué l’ « armée des femmes » de son empreinte.

« Sara » mena un double combat, celui contre l’oppression du patriarcat et pour l’égalité de droit entre les femmes et les hommes tout en luttant activement contre la répression turque (entre autres) afin que le peuple kurde puisse avoir accès à une « autonomie démocratique ». Les féministes kurdes nous confirment la nécessité d’avoir des instances politiques, militaires et associatives indépendantes ainsi que non-mixtes pour faire valoir les droits et libertés des femmes de manière plus efficace. Les combattantes kurdes rappellent que « glorifier » les soldates uniquement comme des ennemies de Daech demeure contre-productif si la dimension politique et féministe n’est pas prise en compte dans l’analyse de leur lutte (qui a bénéficié d’une culture de la résistance tout au long de son Histoire). La « jinéologie » comprend une vision féministe mais pas seulement, cela englobe aussi une retranscription et une étude de l’évolution du statut des femmes au sein de différentes cultures. Les femmes kurdes ont su passer à la pratique en mettant en place un système démocratique et écologique basé sur la co-gérance femmes/hommes avec le « confédéralisme » comme modèle politique à Rojava.

La disparition de Sakine Cansiz est commémorée chaque année par des milliers de kurdes venus de toute l’Europe pour déposer une gerbe sur les lieux du crime.

Par SAMINT, via le site Révolution Féministe 

ROJAVA. Les attaques turco-jihadistes contre Kobanê et Girê Spî font un mort et onze blessés civils

0
SYRIE / ROJAVA – Les forces d’occupation turques et leurs alliés djihadistes ont intensifié leurs attaques contre les cantons kurdes de Kobanê et l’ouest de la ville de Girê Spî (Tal Abyad). Aujourd’hui, 1 civil a été tué et 11 autres ont été blessés par des attaques turco-jihadistes.
 
Les forces d’occupation ont lancé plusieurs attaques contre des villages situés entre Kobanê et Girê Spî après les attaques de ce midi qui ont visé Kobanê et qui ont fait deux blessés.
 
Les villages de Qeremox, Xanê, Til Hacib, Serzori et Gultepe, situés entre Kobanê et Girê Spî, ont été la cible d’intenses tirs d’artillerie.
 
Ces attaques ont coûté la vie à İbrahim Şerif, un civil du village de Xanê et blessé au moins 11 autres civils, dont un enfant de 4 ans, qui sont soignés dans les hôpitaux de Kobanê. Les attaques contre la région se poursuivent.
 

FRANCE. Les Kurdes en quête de justice depuis 9 ans

0
PARIS – Cela fait 9 ans que Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez,  trois militantes kurdes ont été assassinées par un espion turc sur le sol français et cela fait 9 ans que les familles des victimes exhortent la justice française à juger les commanditaires de ce triple féminicides qui sont liés aux services secrets turcs. Depuis, l’assassin présumé est mort en prison et une deuxième enquête judiciaire a été ouverte en 2019, mais on ne sait pas si la justice leur sera enfin rendue…
 
Retour sur un crime d’État commis sur le sol français

Le 9 janvier 2013, les militantes kurdes Sakine Cansiz ((Sara, fondatrice du PKK), Fidan Dogan (Rojbin), représentante de KNK à Paris, et membre du mouvement de jeunesse kurde, Leyla Saylemez (Ronahi) ont été abattues de plusieurs balles dans la tête par un espion turc dans les locaux du Centre d’Information du Kurdistan, à Paris.
 
Le 23 janvier 2017 devait débuter le procès aux Assises d’Ömer Güney, le présumé coupable. Le suspect, qui était lié aux services de sécurité turcs à Ankara selon les informations obtenues par les avocats des familles des victimes, est décédé subitement en prison le 17 décembre, un mois avant le début du procès.
 
Bien que la justice française s’est empressée de classer aussitôt l’affaire, les avocats des familles des victimes sont intervenus, rappelant que, même si celui qui tué les 3 femmes est décédé, les commanditaires de ce triple meurtre ne le sont pas et qu’ils sont étroitement liés aux services secrets turcs.
 
Ainsi, les familles des trois victimes se sont constituées partie civile en 2018 et ont réussi à ce qu’en mai 2019, l’affaire soit relancée « pour les faits de complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs terroriste criminelle ». « L’enquête judiciaire a mis en évidence que l’un des mobiles les plus plausibles de ce triple assassinat pouvait être mis en relation avec les activités supposées d’Ömer Güney en France au sein des services secrets turcs [MIT], » écrivait d’ailleurs la juge d’instruction chargée du dossier.
 
Qui sont Sakine, Fidan et Leyla ?
 
Sakine Cansiz
 
Cofondatrice du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), Sakine Cansız est née dans la province de Dersim en 1957. Après plusieurs années d’activité dans le mouvement de la jeunesse étudiante à Elazıg, elle rejoint en 1976 le mouvement révolutionnaire kurde.
 
Suite à sa participation au congrès du PKK, le 27 novembre 1978, la jeune femme est arrêtée à Elazıg et envoyée en prison avec un groupe d’amis. Soumise à de lourdes tortures dans la période ayant suivi le coup d’Etat militaire du 12 septembre 1980, elle n’est libérée qu’en 1991. Un fois libre, elle poursuit ses activités militantes dans l’ouest et le sud du Kurdistan.
 
Après de longues années de lutte dans les montagnes du Kurdistan, Sakine Cansız va en Europe où elle prend la direction du mouvement des femmes kurdes. Figure pionnière du mouvement de libération kurde, elle a grandement contribué au renforcement des organisations kurdes au sein de la diaspora.
 
Fidan Dogan
 
Fidan Doğan est née en 1982, à Elbistan, dans la province de Maraş. Fille d’une famille d’immigrés, elle grandit en France.
 
Dès son enfance, elle se met en quête de son identité kurde. À partir de 1999, elle s’engage dans les organisations kurdes en Europe. À partir de 2002, elle travaille activement dans le domaine de la diplomatie. Elle devient représentante à Paris du Congrès national du Kurdistan (KNK).
 
Leyla Saylemez
 
Fille d’une famille originaire de Lice, dans la province de Diyarbakir, Leyla Soylemez est née dans la ville turque de Mersin où elle passe son enfance jusqu’à ce que sa famille s’exile en Allemagne, dans les années 90. Après un an d’études d’architecture, elle rejoint la lutte pour la liberté au Kurdistan et s’engage particulièrement dans les activités de la jeunesse kurde.