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SYRIE. « Daech est un risque existentiel pour l’humanité »

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SYRIE / ROJAVA – Les forces arabo-kurdes avancent lentement mercredi au sein d’une prison à Hassaké, en Syrie, où des jihadistes du groupe État islamique (EI) sont retranchés depuis six jours, sur fond d’affrontements sporadiques dans les environs, rapporte l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Plus d’une centaine de jihadistes au sein de la prison et en-dehors ont participé à un assaut coordonné contre l’établissement supervisé par l’administration semi-autonome kurde, qui a débuté le 20 janvier à Hassaké, dans le nord-est de la Syrie. (AFP)
 
Daech est un risque existentiel pour l’humanité
 
Farhad Shami, responsable du centre médiatique des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), a déclaré ce matin que « Daech est un risque existentiel pour l’humanité. Nous resterons donc déterminés à protéger notre peuple dans le nord et l’est de la Syrie et à parvenir à la paix mondiale à tout prix. Notre partenariat avec la coalition internationale contre Daech restera inébranlable. Ensemble nous sommes forts. »
 
Shami a publié la photo d’un prisonnier de DAECH soigné par leurs forces et ajouté:
 
« Nous sommes toujours attachés à nos principes moraux même avec nos pires ennemis. Nos forces bénéficient d’un soutien populaire et mondial car notre mission est de débarrasser l’humanité du terrorisme. Notre personnel médical soigne les blessés de Daech à la prison d’al-Hasaka. »
 
Plus grande et violente attaque de l’EI depuis 2019
 
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), avec l’appui de la coalition internationale dirigée par Washington, s’emploient depuis à reprendre le contrôle total de la zone. Elles «continuent mercredi le ratissage dans les dortoirs de la prison» et de ses environs, selon l’OSDH qui possède un vaste réseau de sources à travers la Syrie.
 
Des combats ont également lieu par intermittence la nuit, a précisé cette ONG qui avait indiqué plus tôt qu’il s’agissait de la «plus grande et violente» attaque de l’EI depuis l’annonce de sa défaite en mars 2019. Au total, les affrontements depuis le 20 janvier ont fait 181 morts, dont 124 jihadistes, 50 soldats kurdes et sept civils, selon le dernier bilan établi par l’OSDH.
 
D’après l’OSDH, les forces kurdes ont libéré 32 employés du centre pénitentiaire depuis lundi. Elles ont appelé les membres de l’EI à se rendre «en toute sécurité», tout en rejetant le terme de «pourparlers», a déclaré Farhad Shami, porte-parole des FDS.
 
«Militairement, l’affaire est presque réglée»
 
Un dirigeant syrien de l’EI négocie avec les Kurdes pour la fin des affrontements en échange de soins médicaux pour les jihadistes blessés, a affirmé à l’AFP le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane. Des combattants étrangers de l’EI s’opposeraient à cette stratégie, d’après lui. «Militairement, l’affaire est presque réglée», a assuré sous le couvert de l’anonymat un haut responsable kurde, tout en assurant que les forces kurdes ont dû «reporter (leur attaque de la prison) en raison de la présence de mineurs et pour éviter un maximum de pertes humaines.»
 
Selon l’ONU et des groupes de défense des droits humains, des centaines de mineurs seraient détenus à Ghwayran. Cette ancienne école reconvertie en centre de détention abrite au moins 3.500 membres présumés de l’EI, y compris des Occidentaux, d’après l’OSDH.
 
L’administration semi-autonome kurde a renouvelé auprès de la communauté internationale son appel à l’aide, craignant que l’EI ne reprenne sinon des forces. «C’est un problème international que nous ne pouvons régler seuls», a déclaré mercredi à l’AFP Abdel Karim Omar, haut responsable local. (AFP)

Hommage aux immortels de la bataille de Kobanê

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Nous rendons hommage à trois des innombrables héros/héroïnes de Kobanê à l’occasion du 7e anniversaire de la libération de la ville kurde de Kobanê: Saadoun al-Faisal, alias Abou Layla, Arin Mirkan et Musa Herdem.

 

Saadoun al-Faisal, alias Abu Layla, (1984-5 juin 2016) est l’un des plus grands héros de la lutte contre l’État islamique qu’il a affronté à Kobanê et à Manbij. Abu Layla a dirigé son Bataillon du Soleil du Nord dans les nombreuses batailles dans le nord de la Syrie, et il a été l’un des co-fondateurs du Conseil militaire de Manbij. Il s’est immortalisé lors de la libération de Manbij.
 
Abou Layla est né en 1984 à Kobanê, dans une famille d’Arabes et de Kurdes musulmans sunnites. Il a grandi à Manbij. Al-Faisal travaillait comme mécanicien automobile et il avait quatre filles. Au début de la guerre civile syrienne en 2011, il rejoint l’Armée syrienne libre et participe à la bataille d’Alep ainsi qu’aux offensives du gouvernorat de Lattaquié. Plus tard, il a décidé de retourner à Manbij pour lutter contre les djihadistes là-bas, et il a formé Jabhat al-Akrad pour lutter contre l’État islamique et d’autres extrémistes. En 2014, utilisant le nom de guerre d’ « Abu Layla » (père de Layla en arabe) il a fondé le Bataillon du Soleil du Nord au Rojava et s’est retrouvé assiégé à Kobanê. Abu Layla a été blessé sept fois dans la bataille, et il a dirigé son bataillon aux côtés des YPG et d’autres combattants de l’opposition syrienne contre les militants de l’État islamique. Abu Layla était célèbre non seulement pour sa force dans la lutte contre l’État islamique, mais aussi pour avoir sauvé un combattant de l’EI des décombres de Kobanê dans une vidéo publiée sur Internet.
 
Début 2015, il choisit de mettre un terme à sa carrière de commandant ; cependant, il a décidé de rejoindre le bataillon pour l’offensive dans le gouvernorat de Hasakah. En 2016, il a cofondé le Conseil militaire de Manbij pour coordonner les groupes de l’opposition syrienne dans une offensive pour libérer Manbij, et il a été actif avec son bataillon autour de Manbij et du barrage de Tishrin. Le 2 juin 2016, il a été blessé à la tête par des éclats d’obus lors de l’offensive, et il a été emmené à Suleymaniyah au Kurdistan irakien, où les médecins n’ont pas pu retirer les éclats d’obus de sa tête. Il est décédé le 5 juin 2016 et il a été enterré à Kobanê avec tous les honneurs militaires.

 

Dilara Gênc, alias Arîn Mîrkan, est née en 1992 dans un village d’Afrin, à Mobata, village d’Husê. Elle a rejoint les rangs du Mouvement pour la libération du Kurdistan en 2007, elle a pris place au sein des YPJ pour défendre la dignité de son peuple pendant la révolution du Rojava. Elle s’est immortalisée lors de la bataille de Kobanê face à DAECH. En effet, le 5 octobre 2014, elle a mené une opération de sacrifice sur la colline de Mashta Noor surplombant la ville de Kobanê, pour empêcher les terroristes islamistes d’avancer sur Kobanê.
 
Musa Herdem, également connu sous le nom de Musa le sniper de Kobanê, était un combattant kurde des YPG qui a attiré l’attention des médias internationaux pendant le siège de Kobané en 2014. Musa Herdem était né au Rojhelat, Kurdistan d’ « Iran », à Selmas, près d’Urmiye.
 

ROJAVA. Il y a sept ans, Kobanê devenait la tombe de DAECH

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SYRIE / ROJAVA – Il y a sept ans jour pour jour, la petite ville kurde de Kobanê infligeait aux terroristes de DAECH leur première défaite et entrait dans l’Histoire par la grande porte après 4 mois de combats acharnés. Les combattantes femmes des YPJ faisaient également la une des médias occidentaux qui parlaient des « Amazones kurdes » dont les youyous terrorisaient les membres de l’État Islamique qui avaient peur de ne pas pouvoir aller au paradis s’ils étaient tués par une femmes! Hommage à ces innombrables héros et héroïnes qui se sont sacrifiés pour l’Humanité mais qui ont été vite oubliés.
 
En janvier 2015, malgré la suprématie militaire des gangs de DAECH / ISIS, les Kurdes de Kobanê ont vaincu le monstre islamiste qui faisait trembler l’humanité après plusieurs mois de résistance acharnée. On ne peut célébrer la victoire de Kobanê sans rendre hommage aux femmes armées de simples kalachnikovs qui se trouvaient en première ligne face aux terroristes sanguinaires lourdement armés.
 
En réponse à l’attaque de l’Etat islamique sur Kobanê qui a commencé en septembre 2014, les unités de défense du peuple (YPG) et les unités de défense des femmes (YPJ) ont libéré la ville en janvier 2015. La résistance de Kobanê a eu un impact dans de nombreuses régions du monde. Dans le monde entier, on a décrété le 1er novembre Journée mondiale de Kobanê pour rendre hommage aux héros et héroïnes de Kobanê.
 
La résistance de Kobanê a été dirigée par les femmes
 
En automne 2014, l’Etat islamique (EI) attaquait la ville kurde de Kobanê, dans le nord de la Syrie. A cette époque, des millions de personnes sont descendus dans les rues à travers le monde pour montrer leur solidarité avec la révolution du Rojava et le système démocratique qui y a été établi. L’ensemble le monde a suivi la résistance héroïque des forces armées kurdes YPJ / YPG et de la population civile à Kobanê, qui a libéré la ville de DAECH / ISIS le 26 janvier.

Tout comme la révolution du Rojava a construit un système d’autonomie basé sur une société démocratique, écologique et féministe avec une avant-garde féminine, la résistance de Kobanê était dirigée par des femmes.

Ainsi, le 5 octobre 2014, la courageuse et intrépide commandante de l’YPJ, Arin Mirkan s’est sacrifiée pour défendre Kobanê pour arrêter l’avancée de DAECH sur la colline de Mishtenur. Son action héroïque et désintéressée a marqué un tournant dans la bataille pour Kobanê et est devenue un symbole de résistance. La ville de Kobanê est devenue légendaire dans le monde entier pour sa résistance acharnée face à DAECH.

L’État turc a soutenu DAECH depuis sa fondation et a propagé la propagande de la défaite de Kobanê pendant la bataille de Kobanê. Mais Kobanê a lutté, gagné et reconstruit la ville. Kobanê est toujours menacée, car même si l’EI a échoué à l’époque, aujourd’hui, c’est la Turquie qui menace directement Kobanê par le biais de ses groupes de mercenaires djihadistes.

Début 2018, la Turquie a attaqué et occupé la ville d’Afrin par la force. Le 9 octobre 2019, elle a poursuivi ses attaques d’invasion sur Gire Spi et Sere kaniye. Depuis lors, les territoires occupés sont devenus le théâtre de groupes terroristes armés et de leurs centres d’entraînement qui terrorisent la population. Des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été commis, ainsi que des politiques de turquisation, de génocide ethnique et culturel, de changement démographique et de déplacement forcé. Des crimes tels que le meurtre, le viol, le féminicide, confiscation des terres, pillage, l’abattage d’arbres et l’incendie de terres agricoles sont devenus des faits quotidiens dans les territoires occupés.

La Turquie n’a pas cessé d’attaquer le Rojava, avec la complicité de la communauté internationale, en plus de soutenir les terroristes de DAECH qui ont attaqué la prison d’Hassaké la semaine dernière. Kobanê, ainsi que tout le Rojava est menacé et par la Turquie et par le régime syrien. Toute l’Humanité devrait défendre Kobanê aujourd’hui comme elle l’a fait lors de la bataille de Kobanê. Tout comme les femmes de Kobanê ont vaincu l’EI et défendu l’Humanité face à l’EI, les femmes et les peuples du monde doivent défendre le peuple contre l’occupation en défendant Kobanê et la révolution des femmes du Rojava.

 

LE SIÈGE DE KOBANÊ

Les mercenaires de l’Etat islamique ont lancé la première attaque contre la ville de Kobanê dans la nuit du 14 au 15 septembre. Le siège durera jusqu’au 26-27 janvier 2015. Ces mois de batailles verront une défense des valeurs de l’humanité avec un esprit épique d’abnégation qui est entré dans l’histoire.

Le matin du 15 septembre, l’Etat islamique a lancé une attaque sur le front sud. Contrairement aux attaques simultanées précédentes sur les trois fronts, les gangs de l’Etat islamique ont désormais déployé des armes et des militants dans les parties sud-est et sud-ouest également, et ont lancé une offensive sur cinq fronts.

« NOUS ALLONS GAGNER CETTE GUERRE »

Il n’a pas fallu longtemps pour voir l’ampleur de cette offensive. Les commandants des YPG / YPJ comprenaient maintenant qu’il ne s’agissait pas d’un mouvement d’attaque et d’occupation ordinaire et ont été témoins d’une inégalité technique et numérique à un niveau impressionnant. Lorsque les gangs de l’Etat islamique ont lancé cette offensive avec toutes leurs forces et leurs armes en Syrie, il est devenu clair que leur objectif était d’assurer une occupation complète de Kobanê en peu de temps. La commandante des YPJ, Meryem Kobane, déclarait: « Ce ne sera pas une bataille ordinaire, mais une confrontation entre la sauvagerie souveraine dominée par les hommes et le pouvoir spirituel et la volonté de la modernité démocratique. Nous allons gagner cette guerre. »

ARİN MİRKAN DEVIENT UN SYMBOLE À MISHTENUR

La colline de Mishtenur a été touchée par des armes lourdes et des chars, et des affrontements ont éclaté entre les groupes de gangs qui s’étaient infiltrés dans la colline et les combattants des YPG/YPJ. La colline de Mishtenur est une terre sacrée pour les habitants de Kobanê, et elle a été témoin de la résistance sacrée des combattants des YPG et des YPJ. La colline est tombée sous le contrôle de l’Etat islamique le 5 octobre, après des jours de résistance héroïque contre de lourdes attaques sur la colline. La commandante des YPJ, Arin Mirkan, était furieuse que Mishtenur Hill soit tombé sous le contrôle de l’Etat islamique. Elle pensait que les gangs devaient être durement touchés à Mishtenur et a décidé de mener une action de sacrifice. Elle s’est préparée à l’action avec une grande détermination et a habilement infiltré les gangs. Elle est arrivée à leur point de rassemblement et a fait exploser les explosifs sur sa personne, tuant des dizaines de membres de gangs. Les gangs de l’EI étaient arrivés dans la ville, mais ils sont entrés dans la panique et la peur face à la résistance jusque-là et au sacrifice. Au fur et à mesure que les gangs de l’EI avançaient, ils avaient perdu la foi que «cela serait réglé en une semaine» et avaient compris qu’ils vivraient l’enfer à Kobanê.

« L’ENFER POUR DAECH »

Après Miştenur, les gangs ont commencé à entrer dans le quartier de Kaniya Kurda par l’est. A l’ouest, la colline d’Izae était tombée sous le contrôle des gangs et les combattants des YPG/YPJ avaient pris position dans les tranchées creusées par Til Sheir Hill et plus loin. Au sud, les gangs avaient atteint le cimetière Martyr Dicle, près de l’entrée de la ville.

Au cours de ces journées, la commandante des YPJ, Meryem Kobane, a déclaré : « L’Etat islamique entrera désormais dans la ville par Kaniya Kurda. Mais cette ville sera un enfer pour ISIS. Ils seront expulsés directement de Kaniya Kurda. »

La résistance a été emmenée dans la ville à ce moment-là. Lorsque Kobanê n’est pas tombé en une semaine, les médias turcs et le gouvernement AKP ont tenté de donner l’impression que « si l’Etat islamique atteint le centre-ville, Kobanê tombera automatiquement, il n’y aura pas de résistance ». Parce que le Premier ministre de l’époque, l’actuel président Recep Tayyip Erdoğan avait exprimé ses attentes et souhaits que « Kobanê est sur le point de tomber » lorsque l’Etat islamique a commencé à entrer dans la ville. Erdoğan se tordait véritablement les mains et exprimait ce désir, et la commandante générale des YPJ Meysa Ebdo y a répondu : « Kobanê ne tombera que dans ses rêves. La résistance ne fait que commencer, Kobanê sera un enfer pour ISIS et ses partisans. »

Avec l’entrée de l’Etat islamique dans la ville, les paroles de Meysa Ebdo se sont concrétisées avec la résistance surhumaine et l’héroïsme des commandants et combattants des YPJ et YPG.

Au cours des trois premiers mois de la résistance, les combattants des YPG et des YPJ ont fait preuve de résistance, et il était temps pour les commandants et les combattants des YPG/YPJ de lancer le processus à Kaniya Kurda qui conduirait à déclarer Kobanê l’enfer de l’EI. Le lancement a eu lieu début décembre, sous la forme de l’opération d’émancipation de Kobanê.

MOMENT DE L’OPÉRATION

Le processus d’opération avait commencé à Kobanê, les combattants YPG et YPJ avaient abandonné la défensive après une longue période et se préparaient pour le mode opérationnel. Cela a créé beaucoup de moral et d’enthousiasme. Les combattants YPG / YPJ ont nettoyé la majeure partie de la ville des gangs en peu de temps avec ce moral et cet enthousiasme, et ont finalement atteint la colline de Miştenur et réalisé les rêves des martyrs Givara, Cudi, Dicle et de nombreux autres martyrs de Kobanê. Après Miştenur, la deuxième manœuvre à grande échelle était l’opération du front sud. Cette opération a complètement éliminé les gangs de ce front.

LE COUP FINAL

Le deuxième jour de l’opération, le commandant du front oriental Mazlum Kobanê a déclaré : « Nous allons annoncer la libération dans 4 rues », et c’est ce qui s’est passé. Le troisième jour de l’opération, les préparatifs ont été achevés pour porter le coup final et fatal aux gangs de l’EI. La déclaration de la libération de la ville serait à temps pour l’anniversaire de la déclaration du canton, le 27 janvier.

OPÉRATION DÉMARRÉE

L’opération Kaniya Kurda a alors commencé. Quelques heures après le début de l’opération, des chants ont commencé à passer par la radio, « Biji Serok Apo », « Biji Berxwedane Kobanê » – un combattant a sauté de joie : « Les amis ont pris Kaniya Kurda ! »

Kobanê devait être déclarée libre après la prise de Kaniya Kurda. Les combattants étaient agités d’excitation. Ce n’était pas facile. Pendant plus de quatre mois, ils se sont battus bec et ongles, doigt sur la gâchette à tout instant, dans le froid, sans sommeil, peu de nourriture, des munitions insuffisantes. Insistant toujours pour vivre librement, marchant vers la mort, une résistance défiant presque les lois de la nature. Ils se sont battus contre de meilleures armes, une meilleure logistique, de meilleurs nombres et des méthodes inhumaines.

LE DRAPEAU YPG HISSÉ À KANIYA KURDA

Les combattants des YPG et des YPJ se sont précipités sur la colline de Kaniya Kurda pour y hisser un drapeau géant des YPG, scandant « Biji Serok Apo » et « Biji Berxwedana Kobanê ». Le drapeau géant a été érigé sur la colline de Kaniya Kurda. Des affiches du leader du peuple kurde Abdullah Öcalan avaient déjà été placardées par le précédent groupe de combattants.

Après que Meryem Kobane ait dit « Nous allons déclarer au monde entier sur la colline de Kaniya Kurda qu’ils sont entrés dans la ville depuis que Kobanê est un enfer pour l’Etat islamique », ses paroles sont devenues réalité le 134e jour de la résistance implacable. La résistance de Kobanê a créé une division entre « Avant Kobanê » et « Après Kobanê ». Le cours de l »histoire a pris une nouvelle tournure à Kobanê.

ANF

SYRIE. Les YPG internationalistes dénoncent la couverture médiatique biaisée de la récente tentative d’évasion des prisonniers de DAECH à Hassaké

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SYRIE / ROJAVA – La récente tentative d’évasion des membres de DAECH d’une prison d’Hassaké fait la une des médias internationaux depuis le début. Et on pourrait dire que c’est une bonne chose car le Rojava n’intéressait plus l’Occident depuis la chute du « Califat » alors même que la Turquie n’a pas cesser d’attaquer la région, occupé le canton kurde d’Afrin en mars 2028 et la région de Serê Kaniyê en automne 2019 où elle a commis / commet des crimes de guerre et crimes contre l’humanité avec ses alliés islamistes.
 
Ces crimes commis par un membre de l’OTAN n’étant pas très vendeurs pour les médias occidentaux, on a préféré parler des Afghans, des Ouïgours ou même des Ukrainiens mais surtout pas des crimes de la Turquie au Kurdistan d’Irak, à Shengal, au Rojava… jusqu’à ce que les terroristes de DAECH, soutenus par les services secrets turcs et syriens d’après les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), attaquent la prison d’Hassaké qui abrite environs 5000 terroristes détenus depuis la défaite militaire de l’État Islamique en automne 2019…
 
Depuis l’attaque de la prison de Ghwayran à Hassaké, l’une des plus grandes prisons abritant des djihadistes en Syrie, par plus d’une centaine de terroristes du groupe État islamique (EI) le 20 janvier, avec des camions piégés et des armes lourdes, tous les grands médias en parlent à longueur de journée. Mais plutôt que de relater les faits en envoyant des journalistes sur place, consulter les forces arabo-kurdes, souvent, les médias occidentaux relayent la propagande des terroristes islamistes qui cherchent à remonter le moral de ses adeptes à travers le monde, y compris en Europe où le terreau islamiste reste fertile grâce aux Frères Musulmans… Alors, on en vient à « regretter » cette couverture médiatique parcellaire. Le site des YPG international va jusqu’à condamner cette « complaisance » des médias occidentaux qui font la part belle à DAECH qui n’en demandait pas tant.
 
Voici le communiqué des membres internationalistes des YPG sur la situation autour de la prison d’Hassaké et sa couverture par les médias occidentaux:
 
Déclaration sur la couverture médiatique trompeuse de la récente tentative d’évasion de prison de l’Etat islamique dans le nord-est de la Syrie
 

« Avec le début de l’attaque de DAECH contre al Sina, un grand complexe pénitentiaire en Syrie du Nord et de l’Est dans la nuit du 20 janvier 2022, nous en tant que YPG International (internationalistes de partout dans le monde) sommes impliqués sur le terrain et avons suivi de près la couverture des événements par les médias du monde entier. A l’heure où une délégation de l’organisation jihadiste talibane est reçue en Norvège pour des entretiens avec l’UE et est prise au mot par les médias sur ses intentions de « démocratiser » l’Afghanistan, on est pourtant plus que surpris par le portrait médiatique des Forces démocratiques syriennes (FDS) de la Syrie du Nord et de l’Est. Tel que:

« Les FDS dominées par les Kurdes » – France 24

« Les Forces démocratiques syriennes dirigées par les Kurdes » – Al Jazeera

« L’agression s’est produite dans un établissement contrôlé par les forces kurdes » – Le Monde

« Des combattants de l’État islamique ont tenté de s’évader d’une prison kurde » BBC News

« La plupart des détenus arabes ont été détenus sans inculpation ni procès, alimentant le ressentiment des membres tribaux qui accusent les forces kurdes de discrimination raciale, une accusation démentie par les forces dirigées par les Kurdes » NBC News

De nombreux médias occidentaux ont couvert la situation de la tentative d’évasion de la prison de l’État islamique à Hasakah, et tous semblent suivre un schéma similaire de désinformation et d’omission pointue. La similitude entre les erreurs commises dans ces articles et les mensonges délibérés diffusés par l’État islamique rend la situation d’autant plus préoccupante.

Ces articles ne tiennent pas compte du fait que la majorité de la population qui compose l’administration autonome du nord-est de la Syrie ainsi que la majorité des FDS elle-même sont en fait arabes. Dans un explicatif du Rojava Information Center (RIC) indépendant publié en mai 2020, il a été mentionné que les FDS sont composée à plus de 50% d’Arabes. En même temps, les Arabes participent à tous les niveaux de l’auto-administration. Lorsque nous avons nous-mêmes rejoint la lutte contre le récent soulèvement de l’État islamique, nous avons parlé avec de nombreux combattants également engagés dans l’opération ; sans surprise, beaucoup d’entre eux sont arabes. Il ne faut pas s’étonner que les Arabes, eux aussi, aient subi les mêmes blessures que leurs compatriotes kurdes pendant les années noires de la tyrannie de l’EIIS soient tout aussi profondément motivés pour protéger leur patrie.

Ces rapports sont le plus beau cadeau que l’on puisse faire aux propagandistes de l’Etat islamique, qui ont toujours tenté de raconter la fable de la division raciale entre les peuples qui, ensemble, ont subi les terribles conséquences de l’avancée de l’Etat islamique et les ont ensemble expulsés de leurs foyers au prix de nombreux martyrs. . Présenter les FDS comme une « force kurde » ou « dominée par les Kurdes » n’est pas seulement une offense impardonnable à la mémoire de ces Arabes, Turkmènes, Assyriens et Arméniens qui ont donné et continuent de donner leur vie dans la lutte, cela prête directement crédit à la propagande de l’Etat islamique et transmet leur objectif de déstabiliser une région que les FDS se sont battus avec tant de force pour protéger.

La prison de Ghwayran/Al Sina elle-même, opérant sous l’embargo extrêmement sévère imposé au nord-est de la Syrie, n’est pas apte dans ces conditions à répondre aux normes d’une prison de haute sécurité. Il n’a pas été spécialement construit mais modernisé pour accueillir jusqu’à 5 000 prisonniers de l’EI, une solution que les FDS ont décrite à plusieurs reprises à la Coalition internationale comme inadaptée à long terme. Le rôle et la responsabilité ultime des forces internationales sont extrêmement pertinents, car encore une fois, contrairement aux représentations médiatiques occidentales, la population de la prison est en fait composée d’environ 2 000 étrangers des pays occidentaux. De notre point de vue en tant que YPG International, le refus des nations occidentales d’assumer la responsabilité de leurs citoyens qui a créé tant de chagrin et de douleur en Syrie n’est tout simplement pas juste et acceptable.

De plus, nous pensons qu’il est plus qu’important de mentionner, mais il manque dans pratiquement toute la couverture médiatique que, alors que cette tentative d’évasion qui a été organisée sur une période de 6 mois, les forces arabes et kurdes qui sont allées aider à Hasakah ont été ciblées par des frappes de drones turcs. Dans le même temps, ceux qui ont le plus souffert de l’Etat islamique étaient les Yézidis de Sinjar, une fois de plus ils ont été ciblés par la Turquie, membre de l’OTAN, lors d’une frappe aérienne le jour même.

Nous souhaiterions que les agences de presse occidentales soient plus prudentes et responsables dans leur couverture de la région et du conflit en cours. Présenter la réalité sur le terrain aiderait à surmonter les préjugés existants dans la région et aiderait à trouver une solution pour l’ensemble de la Syrie et de son peuple.

 
 
 
 

IRAN. Exécution de trois prisonniers kurdes à Ilam

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IRAN / ROJHILAT – Les mollahs iraniens ont exécuté les prisonniers kurdes Hamid Manouzeri, Mohamad Karimi Nejad et Subhan Shohani le 19 janvier 2022 dans la prison centrale d’Ilam.

Hamid Manouzeri, 28 ans, originaire de Mehran, a été condamné à mort il y a deux ans et demi. Subhan Shohani, 27 ans, d’Ilam, a été condamné à mort il y a quatre ans et Mohamad Karimi, 27 ans et originaire d’Ayvan, il y a sept ans. Les trois Kurdes ont été condamnés à mort pour homicide involontaire par le pouvoir judiciaire de la République islamique d’Iran.

Au moins 48 prisonniers kurdes ont été exécutés dans les prisons du Kurdistan d’Iran en 2021.

Hengaw

TURQUIE. Le meurtrier de Deniz Poyraz dit n’avoir aucun regret

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TURQUIE – Onur Gencer, qui a assassiné et torturé Deniz Poyraz, une militante kurde du parti HDP, le 17 juin 2021 à Izmir, a déclaré qu’il n’avait aucun regret et qu’il était mécontent de ne pas pouvoir tuer plus de personnes lors de l’attaque contre le local du HDP.
 
Les remarques audacieuses de l’accusé sur ses motivations à tuer un maximum de personnes lors de l’attaque armée contre le local d’HDP et son absence totale de remords pour le meurtre qu’il a commis ont marqué l’ audience du procès d’Onur Gencer, accusé du meurtre de Deniz Poyraz dans les bureaux du Parti démocratique des peuples à Izmir, dans l’ouest de la Turquie, le 17 juin 2021.
 
Gencer a été pris en flagrant délit sur les lieux du crime avec son arme après avoir pris d’assaut les bureaux du parti et abattu Deniz Poyraz, une jeune femme membre du parti.
 
Gencer a déclaré lundi lors de l’audience devant un tribunal d’Izmir qu’il ne regrettait pas d’avoir pris d’assaut les bureaux du parti et d’avoir commis le meurtre. Il a poursuivi en affirmant que la femme qu’il avait assassinée et sa famille avaient été impliquées dans des actions illégales.
 
« Je veux que Deniz Poyraz et sa famille fassent l’objet d’une enquête. Je crois que Deniz Poyraz est responsable du meurtre de certains agents du renseignement », a-t-il déclaré.
 
Interrogé par le juge sur la raison de son agression, Gencer a répondu : « Pour me réconforter, me débarrasser de mes traumatismes et me sentir mieux. Je l’ai fait pour arrêter l’organisation HDP/PKK. Je l’ai réalisé moi-même. »
 
Gencer exprime presque son mécontentement de n’avoir pu tuer qu’un seul individu : « J’étais tellement furieux que je n’ai pas pu dormir la nuit du 16 juin. Je suis arrivé à l’adresse en taxi le lendemain matin vers 10h30. Je suis entré dans le bâtiment vers 11h avec mon arme. Seulement si j’étais arrivé cinq minutes plus tôt, ça aurait été une attaque plus sanglante avec plus de carcasses. »
 
Il a poursuivi : « J’avais un faible pour Öcalan et Demirtaş », faisant référence à Abdullah Öcalan, le chef emprisonné du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), et Selahattin Demirtaş, le coprésident emprisonné du HDP, et a ajouté :
 
« Les autres sont tous pareils pour moi. Peu importe que ce soit Deniz Poyraz ou Murat Çepni [député d’Izmir pour le HDP] (…) Une fois que j’ai réalisé que j’avais neutralisé un terroriste [Deniz Poyraz], j’ai commencé à en chercher d’autres. J’ai essayé de forcer les portes. Comme je n’ai pas trouvé d’autres terroristes, j’ai donné un coup de pied un peu, pris un coup de plus. J’ai cassé la vitre avec un extincteur. Je suis allé à l’étage. Il n’y avait pas de sortie. Je suis descendu et je me suis rendu. »
 
Alors que les observateurs dans la salle d’audience réagissaient aux propos de Gencer et à son utilisation du mot «carcasses», le père de Deniz Poyraz a déclaré : « Je veux la justice. C’est une telle méchanceté. »
 
Gencer a répondu aux paroles du père en disant : « Je n’ai aucun problème avec mes frères kurdes. C’est eux [membres du HDP] qui sont ceux qui sont mauvais. »
 
La mère de Deniz Poyraz a également été entendue au tribunal sur appel de ses avocats.
 
Fehime Poyraz a déclaré : « Il a d’abord tiré sur ma fille, puis l’a torturée avec un couteau. C’est lui qui est un terroriste (…) Comment peut-on tuer un individu sans défense ? Comment peut-il parler de façon aussi flagrante, comment ose-t-il dire qu’il n’a pas pu satisfaire sa rage? Je suis remplie de chagrin. Ce sont ceux qui lui ont donné la formation qui devraient être punis en premier. »
 
Süleyman Poyraz, le frère de Deniz Poyraz, a également été entendu. Il a indiqué qu’il y avait d’autres personnes derrière l’attaque et a déclaré :
 
« Il y a une force derrière [cette attaque]. Je veux qu’elle soit révélée. Je veux que les relations de l’auteur avec SADAT [société militaire privée spécialisée dans la conseil et la formation à l’international en plus de fournir une formation et du matériel militaire à l’armée et à la police en Turquie] fassent l’objet d’une enquête. Il s’agit d’un meurtre commis par des éléments sombres de l’État. La Turquie est arrivée à ce point après toute la criminalisation constante du HDP à la télévision chaque jour. Je veux que ceux qui ont donné l’ordre de tuer soient découverts et punis, peu importe jusqu’à qui l’enquête remonte. »
 
La prochaine audience du procès aura lieu le 29 avril.
 

SYRIE. Les FDS sauvent 9 otages des mains de l’Etat islamique dans la prison d’Hassaké

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SYRIE / ROJAVA – Les forces kurdes ont annoncé avoir sauvé 9 otages des mains de l’Etat islamique dans la prison la prison de Ghuwayran, à Hassaké.
 
Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont secouru 9 otages (personnel pénitentiaire) des mains des mercenaires de l’Etat islamique dans la prison de Hesekê.
 
L’opération contre les mercenaires de l’Etat islamique qui ont attaqué la prison de Sina à Heseke le 20 janvier se poursuit.
 
Lors d’une opération qu’ils ont menée lundi soir, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont secouru 9 personnes prises en otage par des mercenaires de DAECH.
 
Les FDS ont déclaré dans un communiqué : « Au cours d’opérations militaires et de sécurité précises menées plus tôt hier soir, nos forces ont réussi à libérer neuf otages (personnel pénitentiaire) des griffes des terroristes de Daech, en les déplaçant vers des endroits sûrs.
 
D’autre part, nos forces a mené une opération de ratissage dans le quartier d’al-Zuhour ciblant les assaillants terroristes de Daech qui s’étaient barricadés dans les maisons des civils pour tenter de commettre des actes terroristes soutenant les terroristes mutins de la prison d’al-Sina’a. L’opération a abouti à l’élimination de cinq terroristes portant des ceintures d’explosifs.
 
Dans le quartier est de Geweran, nos forces ont attaqué les foyers terroristes, se sont affrontés avec eux et ont éliminé neuf terroristes, dont deux kamikazes.
 
Aux abords de la rivière al-Khabur, au sud d’al-Hasaka, nos forces ont poursuivi l’opération de ratissage à la recherche des terroristes prévoyant de commettre des actes terroristes pour soutenir les mutins terroristes piégés dans la prison d’al-Sina, et ont réussi à éliminer trois d’entre eux pendant un affrontement.
 
Nos forces poursuivent les opérations de sécurité et militaires avec précision dans la prison d’al-Alsina’a et son périmètre, la campagne orientale de Deir Ezzor et la province de Raqqa. »
 

SYRIE. La Turquie et le régime syrien impliqués dans l’attaque de la prison abritant les membres de l’EI à Hassaké?

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SYRIE / ROJAVA – Les responsables kurdes déclarent que, selon les premières conclusions, les renseignement turcs et syriens ont joué un rôle de premier plan dans l’attaque de la prison d’Hassaké par les membres de l’État islamique.
 
L’attaque de l’Etat islamique le 20 janvier contre la prison de Sinaa, dans le cartier de Xiwêran, où plus de 5 000 membres de DAECH sont détenus, a créé un onde de choc en Occident. Cette offensive à grande échelle a été déjouée par les Forces démocratiques syriennes (FDS) et les Forces de sécurité intérieure (Asayish), mais plusieurs questions restent sans réponse.
 

Au fur et à mesure que les FDS et les Asayish repoussaient l’attaque de l’Etat islamique, des connexions internes et externes de l’attaque ont commencé à émerger. Les premières découvertes pointent vers l’État turc et le gouvernement syrien à Damas.

Certaines des réunions tenues avant l’attaque, la phase de planification et les objectifs de l’attaque montrent que l’attaque en question n’était pas seulement une action sophistiquée de l’Etat islamique, et qu’il y avait une aide multilatérale sérieuse de l’extérieur. Certaines des données obtenues sur le terrain révèlent que l’attaque a été organisée depuis Ankara.

Comment l’attaque a-t-elle été organisée? 

Les membres de l’Etat islamique qui ont été capturés à la suite de l’attaque ont avoué que l’attaque avait eu une longue période de préparation et que sa planification avait été rédigée à Serêkaniyê / Ras al-Ain qui est occupée par l’État turc. Des mois avant l’attaque, des membres de l’Etat islamique sont venus individuellement ou en petits groupes s’installer dans le quartier de Gweiran / Xiwêran et ont commencé à y faire des préparatifs.

Selon les informations obtenues, la période de préparation de l’attaque a duré 7 à 8 mois. Le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, a déclaré samedi que « l’attaque du centre de détention était une priorité absolue pour l’Etat islamique depuis plus d’un an ». Parmi les détenus de cette prison se trouvent des dirigeants de haut rang de l’Etat islamique.

Des cellules dormantes envoyées par la Turquie

Ces anciens membres de l’Etat islamique qui ont continué à être actifs sous les auspices de l’État turc se sont infiltrés en travaillant dans différents emplois en tant que cellules dormantes à Gweiran. Des munitions et des armes ont été livrées à ces groupes par différentes personnes. Selon un communiqué des FDS, 200 membres de l’Etat islamique se sont déplacés de Serêkaniyê, Girê Spî (ar : Tal Abyad) et Ramadî vers le quartier de Gweiran et les environs de la prison.

La plupart des détenus de la prison sont des étrangers

Certains des détenus de la prison ont fait des préparatifs similaires avant l’attaque. Les prisonniers de l’Etat islamique qui avaient tenté de se « révolter » à plusieurs reprises auparavant étaient prêts à passer à l’action lorsque l’attaque a commencé. Il y a plus de 5 000 prisonniers de l’EI, pour la plupart des étrangers, qui se font appeler « muhajir » (« migrants », utilisé pour désigner les combattants étrangers de l’EI) dans cette prison. En d’autres termes, la plupart d’entre eux sont des personnes qui ont directement agi en tant que force militaire de l’Etat islamique.

Planification de l’attaque

Un véhicule chargé de bombes a d’abord explosé à Gweiran Junction. Le véhicule chargé de bombes a explosé près de 3-4 pétroliers à la jonction, ce qui a augmenté l’intensité de l’explosion. Ainsi, la route principale que les forces de sécurité pouvaient emprunter pour intervenir dans la prison a été bloquée. Simultanément, un autre véhicule piégé a explosé dans la zone où se trouvent la porte de la prison et le bâtiment Erka Xweparastinê (Forces d’autodéfense) pour empêcher toute intervention à partir de là.

Des civils capturés

Suite aux explosions, les cellules dormantes précédemment installées dans les quartiers sont entrées en action et à certains endroits, des civils ont été faits prisonniers. Cependant, les assaillants n’ont pas visé la porte de la prison. Ils ont commencé l’attaque à travers le quartier. Les cellules dormantes sont entrées dans la prison après avoir détruit ses murs avec un engin de terrassement. Ensuite, ils ont commencé à distribuer des armes aux prisonniers de l’Etat islamique à l’intérieur, et certains membres du personnel pénitentiaire ont été pris en otage.

Quartiers assiégés

Suite à l’attaque, les Forces de sécurité intérieure et les FDS sont intervenus et ont tenté de protéger les civils en priorité. Ils ont ainsi bloqué les quartiers de Gweiran et Heyî Zihur. Alors que les assaillants ont été empêchés de s’étendre sur une zone plus vaste, les civils ont été évacués en toute sécurité.

Plus de 200 membres de l’Etat islamique, dont 150 provenaient de cellules dormantes, ont été tués et des centaines de membres fugitifs de l’Etat islamique ont été capturés au cours des cinq jours de conflit et d’opérations. Les FDS et les Forces de sécurité intérieure ont bloqué la prison et tué la plupart des cellules dormantes des quartiers lors d’opérations ponctuelles locales.

Des indices montrent du doigt le gouvernement turc et le régime syrien

Les détails de l’attaque massive de l’EI à Hesekê continueront d’émerger au fur et à mesure de l’opération, mais la principale question est de savoir qui a orchestré l’attaque. Toutes les conclusions initiales indiquent l’implication de l’État turc et du régime syrien.

Selon les informations obtenues, cette attaque devait initialement être menée en octobre-novembre dernier. À cette époque, l’État turc préparait une nouvelle attaque d’invasion contre le nord et l’est de la Syrie avec les États-Unis et la Russie d’une part, et renforçait également des forces militaires dans la région d’autre part. Le président turc a rencontré le président américain Biden en octobre, puis le président russe Poutine. Cependant, il n’a pas pu obtenir le consentement pour une nouvelle occupation.

Attaque prévue il y a deux mois

Au cours de cette période où l’État turc demandait l’autorisation d’invasion, les FDS ont mené une série d’opérations importantes et capturé certaines des cellules dormantes de l’EI à Hesekê et Raqqa. Un chef de l’Etat islamique arrêté a admis que sa cible était la prison d’Hesekê. Cependant, leur plan a échoué lorsque ces cellules ont été détruites.

Attaques simultanées de DAECH et de l’armée turque

Pourtant, le plan a continué, bien que tardivement, et a été mis en action le 20 janvier. Avec le début de l’attaque à Hesekê, l’armée turque et ses mercenaires sont également entrés en action. Les attaques de l’armée turque et de ses mercenaires contre le Zirgan, Tel Tamer et Ain Issa ont commencé simultanément avec l’attaque de l’Etat islamique contre la prison de Hesekê.

L’État turc, qui a mobilisé l’EI de l’intérieur, a renforcé ses forces militaires sur la ligne de Zirgan, Tel Tamer et Ain Issa et a lancé des frappes aériennes et des attaques au sol. En particulier, le renforcement militaire turc dans le nord de Tell Tamer était prêt à aider l’attaque de l’Etat islamique à Hesekê.

Le gouvernement syrien est également impliqué

Certaines des découvertes initiales pointent également vers le gouvernement syrien à Damas. Les activités militaires extraordinaires des forces du régime syrien à Hesekê avant l’attaque et la campagne de diffamation contre l’administration du Nord-Est et les FDS à travers les médias pro-gouvernementaux rappellent le récent rapprochement entre les services de renseignement turcs (MIT) et syriens (Mukhabarat).

Rencontre entre le MIT turc et le MUKHABARAT syrien

Le 30 décembre, les médias turcs ont rapporté que le services de renseignement turc (MIT) et le services de renseignement syrien (Mukhabarat) ont tenu des pourparlers à Aqaba, en Jordanie. Au cours de la réunion, des responsables turcs et syriens ont débattu d’ « opérations conjointes dans le nord-est de la Syrie », « d’une opération militaire turque à une profondeur de 35 kilomètres en révisant l’accord d’Adana », « le soulèvement des tribus à Deir ez-Zor, Raqqa et Hesekê », « libération des détenus dans les prisons » et « reconstruction d’Alep ». Il a été affirmé que la Russie et la Syrie penchaient vers les demandes turques.

17ème réunion d’Astana

Une semaine avant cette nouvelle, la déclaration conjointe de la 17e réunion d’Astana entre la Russie, l’Iran et la Turquie le 22 décembre 2021, indiquait que les parties étaient convenues « de s’opposer aux activités séparatistes qui menacent la sécurité nationale des pays voisins à l’est de l’Euphrate » et « saisie illégale des revenus pétroliers syriens ». Ces déclarations, exprimées dans un langage diplomatique, ont révélé les complots contre la région.

En cas de succès de l’EI à Hassaké, la Turquie aurait attaquer le Rojava par le Nord, le régime syrien par le Sud

On prétend que si l’attaque à Hesekê avait réussi et que l’Etat islamique avait commis un massacre majeur, l’État turc aurait lancé une offensive militaire depuis le nord de Tell Tamer et le régime syrien depuis des régions telles que Tabqa, Raqqa et Deir ez- Zor. Cette affirmation est conforme au contenu de la rencontre entre le MIT et le Mukhabarat.

Tout montre que la Turquie et le régime syriens sont derrière l’attaque de DAECH

La plupart des données obtenues jusqu’à présent (armes de l’OTAN avec numéro de série turc utilisées par les membres de l’Etat islamique, enregistrements des appels téléphoniques des membres de l’Etat islamique dans les prisons avec la Turquie, aveux des membres de l’Etat islamique capturés et leur tentative de se rendre à Serêkaniyê, les cartes d’identité syriennes nouvellement émises des cellules dormantes, la mobilité du régime syrien dans la région) montrent que les gouvernements turc et syrien sont derrière ce complot de rébellion-évasion-massacre de l’Etat islamique. Il est certain que plus d’informations, de découvertes et de documents à ce sujet seront révélés et publiés dans les prochains jours.

Les FDS déjouent les plans sales

Les FDS ont largement contrecarré l’attaque à Hesekê, portant un coup dur non seulement à l’Etat islamique une fois de plus, mais aussi aux gouvernements turc et syrien, qui ont aidé l’attaque de l’Etat islamique dans les coulisses. Bien que la cible principale de ce plan soit l’administration du Rojava et les FDS, il est évident qu’une autre cible est les États-Unis et la coalition internationale.

Les attaques vont probablement continuer

L’administration syrienne du nord et de l’est et les FDS ont repoussé de nombreuses attaques organisées au cours des 11 dernières années de la guerre civile syrienne et ont acquis une grande expérience en termes militaires. Cependant, des attaques similaires sont très susceptibles de se poursuivre dans la période à venir.

 

Leçons du Rojava pour le paradigme de l’écologie sociale

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Dans quelle mesure, les Kurdes du Rojava ont pu mettre en pratique le paradigme de l’écologie sociale? Réponses apportées par les chercheurs universitaires Cihad Hammy et Thomas Jeffrey Miley.
 
Leçons du Rojava pour le paradigme de l’écologie sociale
 

Cet essai aborde deux questions connexes soulevées par les éditeurs du sujet de recherche « Au-delà des frontières de la science politique : la bonne gouvernance est-elle possible en des temps cataclysmiques ? » En particulier, il explore : 1) comment nous pouvons identifier de nouveaux outils et perspectives à partir desquels aborder les problèmes multiples et se renforçant mutuellement qui s’accumulent autour du changement climatique ; et 2) quelles alternatives institutionnelles à l’État-nation doivent être créées et renforcées pour résoudre des problèmes aussi complexes. Il le fait à travers un traitement approfondi du paradigme de « l’écologie sociale » et du projet politique associé de « confédéralisme démocratique ». Il commence par un aperçu de l’argument, d’abord avancé par Murray Bookchin, puis adopté et adapté par le dirigeant kurde emprisonné Abdullah Öcalan, que la construction d’une société écologique nécessite un assaut contre la hiérarchie sous toutes ses formes et la construction d’institutions alternatives de démocratie directe capables de transcender le système de l’État-nation capitaliste. Il esquisse l’architecture institutionnelle des assemblées populaires au cœur de ce projet, soulignant à la fois leur potentiel à contester les relations capitalistes de propriété sociale et les hiérarchies intrinsèques à l’État-nation et pointant certaines sources de résilience du système existant. Il se concentre sur l’expérience des forces révolutionnaires qui contrôlent l’Administration autonome du nord-est de la Syrie (AANES), qui ont été directement inspirées par les idées d’Öcalan. Il met en lumière à la fois les acquis de l’AANES et les obstacles importants qu’elle a rencontrés dans sa tentative de faire émerger une société radicalement égalitaire, écologique. Il conclut en tirant les leçons de ces difficultés.

introduction

Murray Bookchin a avancé pour la première fois la proposition selon laquelle la notion même de domination des humains sur la nature était enracinée dans la domination des humains sur les humains dans son essai de 1964, « Ecology and Revolutionary Thought » ( Hammy, 2021, p.31). Il s’ensuit, pour Bookchin, que la construction d’une société écologique nécessiterait un assaut contre la hiérarchie sous toutes ses formes et l’adoption d’une alternative radicale de démocratie directe, capable d’affronter et finalement de surmonter la domination et l’exploitation incarnées dans le système de l’État-nation capitaliste. À cette fin, il élaborera par la suite un programme de communautarisme, conçu pour inclure la dimension politique concrète du municipalisme libertaire. Le paradigme de l’écologie sociale, liant le destin de la société écologique à celui d’un projet politique révolutionnaire de démocratie directe locale, opérant contre et tendant à la transcendance à la fois du capitalisme et de l’État-nation, est ainsi né.

Des décennies plus tard, depuis sa cellule de prison isolée sur l’île d’Imrali, le chef du mouvement kurde pour la liberté, Abdullah Öcalan, tomberait sur le travail de Bookchin et serait dûment impressionné par ce qu’il lisait. Öcalan s’approprierait et incorporerait de manière créative une grande partie du paradigme de l’écologie sociale dans sa propre réarticulation impressionnante du principe d’autodétermination, sa réorientation tactique et stratégique des objectifs du mouvement, loin de la poursuite d’un État-nation du Grand Kurde, centrer plutôt la lutte pour la démocratie directe contre l’État, parallèlement à la lutte pour la durabilité écologique et la lutte pour l’émancipation des sexes, comme les trois principaux piliers sur lesquels repose le nouveau programme de confédéralisme démocratique du mouvement (Akkaya et Jongerden, 2012 ;Gerber et Brincat, 2021 ; Guneser, 2021).

Cet article explorera la dimension socio-écologique du projet confédéral démocratique, en théorie et en pratique, en mettant l’accent sur le défi que le projet présente à la fois au capitalisme et au système d’État-nation. Il commencera par un aperçu sommaire de l’argument, initialement avancé par Bookchin et ensuite repris par Öcalan, qui diagnostiquerait la hiérarchie et la domination parmi les humains comme la cause profonde de notre crise écologique. Il s’agira ensuite d’esquisser l’architecture institutionnelle alternative des assemblées locales de démocratie directe, telle qu’envisagée et préfigurée dans le projet. Il soulignera comment de telles assemblées ont le potentiel de contester les relations capitalistes de propriété sociale ainsi que les hiérarchies intrinsèques à la forme de l’État-nation, mais il abordera également certaines sources de résilience des hiérarchies capitalistes et nation-étatistes en réponse à ce défi démocrate-confédéraliste. À cette fin, il s’appuiera sur l’expérience des forces révolutionnaires au contrôle de l’Administration autonome du nord-est de la Syrie (AANES), qui se sont directement inspirées du programme démocrate-confédéral tel qu’articulé par Öcalan. Il fournira une évaluation critique des principales réalisations de l’AANES, ainsi que des obstacles importants que l’AANES a rencontrés dans sa tentative de faire émerger une société écologique radicalement égalitaire. L’article conclura en tirant quelques leçons des difficultés rencontrées par l’AANES dans ses efforts pour construire une alternative anti-hiérarchique et écologique au capitalisme et à l’État-nation, par le bas.

Notre traitement attentif de l’alternative démocratique-confédérative à la modernité capitaliste, ainsi que les leçons que nous tirons de la praxis révolutionnaire au Rojava, sont directement pertinents pour répondre à la question : la bonne gouvernance est-elle possible en des temps cataclysmiques ? Car si le capitalisme et l’État-nation peuvent être présentés de manière plausible comme des causes systémiques coupables de la catastrophe climatique en cours, alors les alternatives potentielles au capitalisme et à l’État-nation méritent certainement notre attention très étroite et critique. Au milieu d’une dialectique négative en spirale de la tyrannie et du chaos engloutissant le soi-disant Moyen-Orient, à l’épicentre même des machinations géopolitiques et des conflits néo-impérialistes, se dresse, comme une lueur d’espoir, l’expérience révolutionnaire en cours au Rojava. Une évaluation critique de ses réussites et de ses échecs, par rapport au paradigme de l’écologie sociale et au programme du confédéralisme démocratique, est peut-être attendue depuis longtemps.

L’article est écrit dans une perspective de solidarité critique avec le mouvement kurde pour la liberté. Il est basé sur une analyse secondaire et une évaluation synthétique de la recherche scientifique sociale existante, mais informé par une analyse primaire d’un engagement continu avec le mouvement, ainsi que d’une vingtaine d’entretiens semi-structurés menés avec des personnes associées au mouvement au Rojava, de le printemps 2018 et l’automne 2021. Avec le mouvement, les auteurs partagent l’engagement envers le paradigme de l’écologie sociale et le programme du confédéralisme démocratique. À cet égard, nos critiques à la fois de la théorie et de la pratique de la révolution du Rojava diffèrent fondamentalement de l’évaluation avancée par Michiel Leezenberg (2016), avec qui nous convergeons néanmoins sur quelques points importants. Cependant, la critique de Leezenberg ignore deux tendances cruciales au sein du mouvement auxquelles notre analyse est assez sensible. Premièrement, nous soulignerons l’accent mis par Öcalan sur l’autocritique au sein du mouvement, un accent sur la nécessité d’une lutte constante, par l’éducation et la sensibilisation, qui remonte aux années 1980, mais qui s’est intensifié après la dissolution de l’Union soviétique et a constitué un thème récurrent dans les écrits d’Öcalan, surtout depuis son emprisonnement. Öcalan a fait un effort constant pour pousser le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) vers une position de plus en plus démocratique radicale, pour embrasser l’égalité des sexes et l’autonomisation des personnes, en allant au-delà de l’État-nation, du nationalisme, du patriarcat et de l’autoritarisme au sein du PKK (par exemple, Öcalan, 2011a). Deuxièmement, nous voudrions souligner la pratique correspondante et répandue de l’autocritique au sein du mouvement et parmi ses partisans, qui se manifeste dans les discussions quotidiennes entre les cadres eux-mêmes, concernant les erreurs, les obstacles, l’autoritarisme rampant, et ce que la mise en œuvre correcte du confédéralisme démocratique dans la pratique a besoin. De même, les partisans du mouvement Apoiste [d’ « Apo », surnom d’Abdullah Ocalan], qui s’inspirent des écrits d’Öcalan, ont cultivé l’habitude d’exprimer leurs appréhensions et leurs critiques sur ce qui existe réellement. Selon nous, cette pratique autocritique est essentielle à la vitalité du mouvement et constitue une sauvegarde nécessaire contre la dégénérescence de l’inspiration théorique et de l’imagination révolutionnaire en mentalités rigides et dogmatiques. Notre intention est donc plus proche de celle d’Azize Aslan,Aslan, 2021, p. 333).

En effet, nous pensons que l’une des vraies forces du mouvement kurde est son refus de se laisser enfermer dans ce qu’il est. Le mouvement kurde a toujours accepté la contradiction, à la manière hégélienne, dans laquelle l’identité se nie elle-même. Cela signifie que le mouvement a toujours essayé de se transcender ; il a toujours essayé de transcender sa propre identité. Ce processus s’est manifesté sous forme d’autocritique dans la pratique quotidienne du PKK et dans les écrits d’Öcalan. Inspiré par cette transcendance de l’identité, notre article vise à exprimer notre critique de l’identité de la révolution du Rojava (ce qu’elle est) par opposition à ce qu’elle devrait être (société libre et démocratique). Par la critique constructive, nous essayons de promouvoir l’ouverture au lieu du dogmatisme et de la rigidité.

Le paradigme de l’écologie sociale et le projet de confédéralisme démocratique

Dans The Ecology of Freedom , Bookchin affirmerait que « presque tous les problèmes écologiques sont aussi des problèmes sociaux », et qu’en fait, « nos dislocations écologiques actuelles ont leurs sources fondamentales dans les dislocations sociales » ( Bookchin, 2005)., p.32). Bookchin élaborera ensuite un métarécit relativement sophistiqué, certes spéculatif, sur l’émergence de la hiérarchie et de la domination, retraçant leurs origines afin de les dénaturaliser. Selon lui, l’émergence de la hiérarchie et de la domination précède et facilite à la fois la fondation de l’État et la division de l’ordre social en classes économiques. Comme Fischer l’a bien résumé, pour Bookchin, « l’État moderne est la manifestation de la hiérarchie qui, avec le capitalisme, est la source de la crise écologique contemporaine » (2017, p. 238). De plus, insisterait Bookchin, puisque, pour être efficace, la lutte contre la catastrophe climatique doit passer par une lutte contre ses causes profondes, cela signifie qu’une telle lutte doit tenter simultanément de transcender à la fois l’État et le capitalisme.

Plus récemment, Öcalan a formulé une argumentation très similaire. Dans son Manifeste pour une civilisation démocratique en cinq volumes , dont le troisième volume est intitulé de manière éloquente, en clin d’œil à Bookchin, La sociologie de la liberté (2020), Öcalan, lui aussi, fournit sa propre esquisse plutôt ambitieuse de l’émergence de la hiérarchie et de la domination, et leur développement ultérieur au cours d’une histoire de 5 000 ans. Comme Bookchin, Öcalan soutient que « lorsque l’homme a commencé à asservir son frère, il a également commencé à asservir la nature » (cité dans Hammy, 2021, p.32). De même, comme Bookchin, Öcalan soutient que la montée de la hiérarchie et de la domination précède et ouvre la voie à l’émergence de l’État et à la division de l’ordre social en classes économiques. Mais alors que Bookchin situerait la gérontocratie comme la première forme hiérarchique à émerger, pour Öcalan, la forme hiérarchique émergente originale serait celle du patriarcat. Même ainsi, Öcalan est néanmoins d’accord avec Bookchin sur le fait que l’État et le capitalisme sont des systèmes hiérarchiques intrinsèquement et intrinsèquement liés, qui doivent tous deux être simultanément confrontés et finalement surmontés pour la réalisation de l’autodétermination et, simultanément, pour la réalisation de la durabilité écologique.

De même, Bookchin et Öcalan postulent une dialectique de la domination et de la résistance, filant comme une double hélice à travers l’histoire. Ils croient tous les deux que la domination engendre inévitablement la résistance, et que, en effet, une telle résistance ne doit pas être rendue vaine. En conséquence, ils élaborent un programme et une stratégie pour démêler efficacement la hiérarchie, entre autres, en épousant une politique préfigurative qui, selon eux, s’avérera capable de contester systématiquement à la fois l’État et le capitalisme. C’est ce programme que Bookchin en est venu à qualifier de « municipalisme libertaire », et qu’Öcalan, à son tour, préfère appeler « confédéralisme démocratique ».

Ce serait, bien sûr, une erreur d’assimiler la pensée d’Öcalan à celle de Bookchin, ou même d’exagérer l’influence formatrice de Bookchin sur le « changement de paradigme » d’Öcalan. Car en effet, comme l’a d’ailleurs insisté Cihad Hammy, l’émergence d’une conscience écologique et même le tournant anti-étatiste de la pensée d’Öcalan remontent au début des années 1990, bien avant sa rencontre avec les œuvres de Bookchin (2021). De plus, avant de lire Une société à refaire: vers une écologie de la liberté de Bookchin, Öcalan avait déjà articulé, dans son livre, Les racines de la civilisation, une dialectique de la résistance et de la domination dans la lecture de l’histoire qui est à certains égards étonnamment similaire à l’héritage de liberté et de domination de Bookchin (2007). Cependant, dans ce livre, Öcalan a examiné en profondeur l’héritage de la liberté dans la région du Moyen-Orient, avec un accent particulier sur l’héritage des traditions libertaires dans l’Islam. La reconnaissance de l’existence d’un tel héritage est complètement absente de l’exposé franchement eurocentrique de Bookchin sur l’héritage « universel » de la liberté.

Plus précisément, Öcalan s’est donné beaucoup de mal pour déterrer et raviver les traditions libertaires et communautaires au Moyen-Orient en général et au Kurdistan en particulier, afin d’ouvrir la voie à la possibilité d’appliquer le « confédéralisme démocratique » dans la région. Ces efforts ont été concrétisés dans les deux derniers volumes de son Manifeste pour une civilisation démocratique en cinq volumes , intitulé La crise civilisationnelle au Moyen-Orient et la solution de la civilisation démocratique (2016b) et Le Manifeste de la révolution du Kurdistan(2017), respectivement. Dans ces volumes, Öcalan définit l’histoire de la civilisation au Moyen-Orient comme l’histoire de la contre-révolution, une contre-révolution contre tous ceux qui sont exclus du système civilisationnel. C’est une contre-révolution contre les femmes, les jeunes, la société agraire et villageoise, les tribus, les nomades, le soufisme, les Batiniyya [Batiniyya fait référence à des groupes qui font la distinction entre un sens extérieur, exotérique et un sens intérieur, ésotérique dans les écritures islamiques.] et les autres minorités religieuses de la région (Öcalan, 2016b , p.75). Contre cette contre-révolution, Öcalan vise à raviver et à démocratiser l’héritage de résistance et de rébellion des « éléments de la civilisation démocratique », dans un modèle confédéral démocratique, opposé au modèle de l’État-nation, puisque l’État-nation cherche à assimiler et éradiquer la diversité ethnique et religieuse de la région.

Malgré cette importante différence d’accent, il reste néanmoins une convergence claire, voire troublante, entre Bookchin et Öcalan, à la fois en ce qui concerne la portée et le contenu de leurs métarécits globaux sur la dialectique de la domination et de la résistance, se déroulant à travers des milliers d’années d’histoire, ainsi que sur le programme politique ou l’approche du « municipalisme libertaire » ou du « confédéralisme démocratique » que les deux penseurs élaborent et adoptent de la même manière.

L’incarnation institutionnelle centrale de cette approche est l’appel à la construction d’assemblées citoyennes démocratiques directes, à « organiser autour des quartiers, des villages et des villes » (Fischer, 2017, p.240). Bookchin a préconisé de telles assemblées populaires comme des sites pour cultiver, voire ressusciter, les arts perdus depuis longtemps du débat démocratique et de la prise de décision collective (1992, p.249-251). La promotion de la participation à ces assemblées populaires, espérait-il, pourrait contribuer à déclencher la transformation de la conscience des gens, facilitant leur conversion de spectateurs passifs en citoyens actifs. Öcalan, lui aussi, croit beaucoup au potentiel des assemblées populaires pour aider à provoquer rien de moins qu’une révolution dans la conscience. De plus, il préconise l’organisation et la coordination de telles assemblées populaires à plusieurs échelles, envisageant un « processus démocratique dynamique qui s’étend des communautés locales dans les villages et les villes, en passant par les conseils municipaux et les administrations municipales, jusqu’à un congrès populaire général » (2010, p. 462 ; voir aussiKnapp et Jongerden, 2014 , p.92).

De même, Bookchin prévoyait un scénario dans lequel une myriade d’assemblées populaires au niveau local pourraient prospérer et proliférer, et même finir par se lier dans une confédération d’envergure suffisante pour constituer un «double pouvoir» efficace, qui pourrait poser un sérieux défi. à l’autorité et à la juridiction de l’État. Lorsque ce moment arrivera, a-t-il averti, un grave conflit avec l’État ne manquera pas de faire surface. Un moment de vérité, si vous voulez, au cours duquel soit le mouvement de démocratie directe se radicalisera et relèvera le défi, affrontant résolument les conséquences de ce conflit, y compris l’impératif de s’organiser pour l’autodéfense, soit, à l’inverse, il finissent par être compromises et finalement réabsorbées dans l’ordre social décadent mais toujours hégémonique dont elles ont émergé (2015a, p.18).

Öcalan, plus encore, a souligné l’importance de s’organiser pour l’autodéfense. En effet, il a soutenu, en des termes non équivoques, qu’« [i]l est impératif que la légitime défense soit établie et soit toujours prête à défendre la société démocratique » (2020, p.191). Pour cela, il a intégré dans son articulation du « confédéralisme démocratique » l’appel à la construction, aux côtés des assemblées populaires, de milices populaires, autonomes mais coordonnées dans un but d’autodéfense. C’est un modèle ouvertement spartiate de citoyens armés, ou mieux encore, d’un peuple révolutionnaire en armes (voir aussi Üstündag, 2016, p.199–200). Fait important, tout en élaborant l’impératif de l’autodéfense, Öcalan met en garde contre « tomber dans l’une ou l’autre de deux erreurs » – la première, de « confier l’autodéfense à l’ordre monopolistique » ; le second, « essayer de devenir un appareil de pouvoir sous la rubrique de la formation d’un État pour contrer l’État existant » (2020, p.191).

Le défi que ce modèle pose à l’État, avec ses hiérarchies bureaucratiques et sa prétention caractéristique au monopole de la violence légitime, devrait donc apparaître comme relativement évident, du moins à première vue. Mais qu’en est-il du défi que ce modèle d’organisation sociale pose aux relations capitalistes de propriété sociale ? C’est peut-être moins évident. Pourtant, un défi est présent, néanmoins. Car les assemblées locales sont conçues comme habilitées à surveiller les moyens de production, à subordonner les motifs économiques à la volonté du peuple, telle qu’elle est formée et exprimée dans les délibérations et les décisions des assemblées. Selon ce modèle, les forces économiques ne doivent pas être « nationalisées » ; elles doivent plutôt être « municipalisées », c’est-à-dire démocratisées, mises au service des communautés dans lesquelles elles sont implantées. Dans les mots de Bookchin : « Dans une société municipaliste libertaire, l’assemblée déciderait des politiques de toute l’économie. Les travailleurs se débarrasseraient de leur identité et de leurs intérêts professionnels uniques, du moins en ce qui concerne le domaine public, et se considéreraient comme des citoyens de leur communauté. La municipalité, par l’intermédiaire de l’assemblée de ses citoyens, contrôlerait et prendrait les grandes décisions pour ses magasins, définirait les politiques qu’ils devraient suivre, travaillant toujours dans une optique civique plutôt que professionnelle » (in Biehl, 1998, p.161-162).

Pour sa part, Öcalan a conceptualisé l’axe économique de son projet confédéral démocratique en termes d’« autonomie économique » et d’« économie communautaire ». Il soutient, en relation avec l’objectif d’autodétermination, que le confédéralisme démocratique implique « le rétablissement du contrôle sur… [l’]économie ». L’autonomie économique, affirme-t-il, « ne repose ni sur le capitalisme privé ni sur le capitalisme d’État ». Au lieu de cela, insiste-t-il, il s’agit de démocratiser l’économie, ainsi que de la rendre compatible avec la « société écologique ». « Dans l’autonomie économique », soutient-il, « il n’y a pas de place pour l’industrie, le développement, la technologie, la propriété ou l’établissement rural-urbain, qui nient la société écologique et démocratique ». Et, en effet, ajoute-t-il, dans ce modèle « le profit et l’accumulation du capital sont minimisés », même si, en même temps, il cherche à rassurer, Aslan, 2021, p.207–208).

L’« économie municipalisée », ou l’« économie communale » et l’« autonomie économique », peuvent et doivent être distinguées de l’objectif étato-socialiste de nationalisation, d’une part, ainsi que des alternatives ouvriéristes fondées sur la démocratisation des rapports sociaux. qui se concentrent principalement sur le point de production, d’autre part. Non que Bookchin ou Öcalan s’opposent en principe aux conseils ouvriers et aux entreprises coopératives ; au contraire, tous deux ont apporté un soutien explicite à ces efforts de démocratisation du point de production. Öcalan, par exemple, a ouvertement appelé à la création de « coopératives communales dans l’agriculture, mais aussi dans l’économie de l’eau et le secteur de l’énergie » (2011b, p.38). Mais le fait, tant pour Bookchin que pour Öcalan, est que toutes les forces du marché, coopérées ou non, doit finalement être subordonnée à la volonté démocratique des citoyens telle qu’elle est formée et exprimée dans les communes ou assemblées populaires. Car, comme l’a averti Bookchin, en l’absence d’une base territoriale plus globale pour l’exercice de la démocratie directe, les soi-disant alternatives ouvriéristes peuvent être trop facilement incorporées dans un modus operandi concurrentiel et capitaliste. C’est pourquoi, en dernier lieu, tant Bookchin qu’Öcalan promeuvent et adoptent une base territoriale, plutôt qu’une base productive, pour l’autodétermination, c’est-à-dire pour l’exercice du contrôle démocratique. les soi-disant alternatives ouvriéristes peuvent être trop facilement incorporées dans un modus operandi compétitif et capitaliste d’entreprise. C’est pourquoi, en dernier lieu, tant Bookchin qu’Öcalan promeuvent et adoptent une base territoriale, plutôt qu’une base productive, pour l’autodétermination, c’est-à-dire pour l’exercice du contrôle démocratique. les soi-disant alternatives ouvriéristes peuvent être trop facilement incorporées dans un modus operandi compétitif et capitaliste d’entreprise. C’est pourquoi, en dernier lieu, tant Bookchin qu’Öcalan promeuvent et adoptent une base territoriale, plutôt qu’une base productive, pour l’autodétermination, c’est-à-dire pour l’exercice du contrôle démocratique.

Ce modèle, certes, soulève de nombreuses questions quant à la mesure dans laquelle il implique réellement la transcendance des relations capitalistes de propriété sociale, par opposition à un simple apprivoisement des excès du marché. Il est, dans cette veine, certainement indicatif que le modèle n’inclut pas l’abolition de la propriété privée en soi. La dichotomie public/privé reste donc, en principe, intacte. Et par conséquent, la division de l’ordre social en classes économiques, qui, à son tour, nous ramène à la question du rôle de l’État.

Öcalan définit l’État comme « l’unité des relations de pouvoir à travers laquelle la coercition et l’exploitation générales de la société classée sont rendues possibles » (Öcalan, 2015, p. 158). Il insiste en outre sur le fait que « [l]’organisation de l’État est, en son cœur, le moyen collectif de protection des… biens volés… » (Öcalan, 2015, p. 172). Si, à la suite d’Öcalan, entre autres, nous concevons ainsi l’État comme un ensemble d’institutions dont l’un des buts principaux est de préserver les rapports de propriété sociale existants, alors nous devrions nous attendre à ce que les classes possédantes fassent appel à lui pour parer toute menace fondamentale à leur propriété, si une telle menace était posée par les assemblées populaires. C’est pourquoi, comme l’a souligné Fischer, « dans l’intérêt de pouvoir contester le pouvoir de l’État, ainsi que de se protéger des incursions de l’État, il faudrait qu’il y ait une association confédérale de communes plus large qui permette la construction de structures organisationnelles alternatives viables » et qui pourraient ainsi fournir « la base d’une position d’opposition contre les autorités centrales » (2017, p.241). Mais cela ne signifie-t-il pas, essentiellement, que pour se protéger de l’État, le mouvement serait obligé de construire une sorte d’État à lui ?

Bookchin s’appuie sur une distinction entre l’élaboration et la mise en œuvre des politiques pour défendre l’idée que l’association confédérale des communes est de nature fondamentalement différente de l’État (2015b, p.40 ; voir aussi Fischer, 2017 , p.241). Selon lui, l’élaboration des politiques doit être confinée au domaine des communes elles-mêmes, du bas vers le haut, en quelque sorte, alors que le rôle de l’association confédérale est censé se limiter à la seule mise en œuvre des politiques. Cependant, cette distinction est finalement difficile à tenir. Que se passe-t-il si les politiques menées par différentes communes se contredisent et se heurtent directement ?

Dans de tels cas, et plus généralement, la neutralité de l’administrateur s’avère être une impossibilité. L’administrateur auquel la tâche de mise en œuvre des politiques est déléguée assume inévitablement un rôle d’élaboration des politiques. Cette tendance à la centralisation rampante n’existe pas seulement dans le domaine législatif. Elle est sans doute encore plus prononcée dans le domaine de la force coercitive, où les associations confédérales destinées à coordonner et à rendre efficace l’organisation de l’autodéfense se retrouvent en possession d’un pouvoir concentré, les rendant par essence indiscernables de l’appareil coercitif de l’État.

Appelons ces deux dangers de la centralisation respectivement le péril de l’administrateur politique et le péril du léviathan militaire. Bien que, à proprement parler, ce ne soient pas seulement des dangers, mais aussi des nécessités pour l’autodétermination, entendue comme contrôle démocratique. Pour que l’autodétermination s’exerce effectivement, la portée de l’autorité politique doit être plus large que les forces qu’elle cherche à contrôler. Cependant, cela, à son tour, soulève le spectre de l’immense difficulté, sinon de l’impossibilité, impliquée dans les efforts visant à transcender l’État au nom de la démocratie directe.

Pour affronter avec succès l’État, ainsi que les entreprises et les classes possédantes que l’État représente, le mouvement aura tendance à finir par construire son propre contre-État. Et quand il le fera, le soi-disant problème mandant-mandataire fera son apparition. Les agents délégués pour représenter la volonté du peuple seront confrontés à la tentation de poursuivre plutôt leurs propres intérêts. Ou les intérêts de factions particulières avec lesquelles les contre-élites politiques sont elles-mêmes organiquement liées.

De la théorie à la pratique au Rojava

Tels sont quelques-uns des dilemmes, des apories, du projet « municipaliste libertaire » ou « confédéral démocratique » en théorie. Passons maintenant à l’analyse de leur déroulement dans la pratique, dans un contexte crucial, celui du nord-est de la Syrie, centré au Rojava, où les forces révolutionnaires directement inspirées par les écrits prolifiques et le programme politique d’Abdullah Öcalan sont devenues hégémoniques, réussi à combler un vide de pouvoir causé par le déclenchement de la guerre civile syrienne.

Öcalan avait passé près de 2 décennies en exil en Syrie, avant d’être expulsé en 1998, ce qui a déclenché une séquence d’événements, le déroulement d’un complot international, aboutissant à son enlèvement au Kenya le 15 février 1999, alors qu’il se dirigeait vers le Sud. Afrique ( White, 2000 , p.185–186 ; Gunes, 2012 , p.134–135 ; Miley et al., 2018, p.53). Il a laissé en Syrie un noyau d’adeptes engagés, inspirés par ses enseignements et organiquement liés à la structure organisationnelle plus large du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dont le noyau était concentré dans la région kurde de Turquie, et dont le quartier général paramilitaire était situé dans les montagnes de Qandil, dans la région kurde d’Irak. Le PKK, bien sûr, était engagé dans un conflit armé avec l’État turc depuis le milieu des années 80 (McDowell, 1996 ; Jongerden et Akkaya, 2016). Depuis le début des années 90, cependant, Öcalan, qui reste à ce jour le chef nominal du PKK, n’a cessé d’appeler à la fin du conflit armé et à l’ouverture de négociations de paix (White, 2015 ; Miley et al., 2018).

Après son départ et son enlèvement, les partisans d’Öcalan en Syrie ont dû faire face à un climat de répression féroce de la part des autorités baathistes (Gunter, 2014 , p.41 ; Allsopp, 2015). Néanmoins, ils en sont venus à s’organiser, principalement, au sein du Parti de l’union démocratique, ou PYD, qui a été fondé en 2003 et qui a commencé, à l’initiative du PKK, à créer clandestinement des comités pour organiser et discuter des développements politiques, enseigner aux petits – des cours de groupe en langue kurde, administrer la justice locale et régler les problèmes des femmes » (Knapp et al., 2016, p.84). À partir de 2007, le PYD a adopté un programme d’« autonomie démocratique », parallèlement à la réorientation stratégique et à la réorganisation du mouvement plus large, et donc à des développements similaires dans le nord du Kurdistan, sous domination turque, conformément aux recommandations d’Öcalan. Au cœur de ce nouveau programme, le PYD s’est engagé dans la création et la construction d’un ensemble de conseils populaires, qui ont vu le jour dans les principales villes du Rojava. Cependant, comme l’ont souligné Allsopp et van Wilgenburg, sous le régime du parti Baath, ces nouvelles structures alternatives « ont attiré très peu d’attention et n’ont pas directement remis en question les structures sociales sous-étatiques préexistantes » (2019, p.90).

Cependant, au milieu de la polarisation provoquée par le déclenchement du soi-disant printemps arabe et la descente subséquente de la Syrie dans la guerre civile, le PYD a réussi à manœuvrer avec succès. Il a opté pour une « troisième voie », ne prenant parti ni pour l’opposition de plus en plus islamisée et armée, ni pour le régime Baas. Dans ce contexte mouvementé, le système des conseils du PYD s’est avéré « suffisant pour constituer une structure dynamique parallèle à l’État sans être en conflit direct avec lui » (Knapp et al., 2016, p.85). Et en effet, à partir de mars 2011, « l’affaiblissement des structures de gouvernance centrales… a fourni l’opportunité de saisir une plus grande autonomie, et le PYD a commencé à étendre ses organisations civiles et à former des groupes armés au niveau local » (Allsopp et van Wilgenburg, 2019, p. 90).

Peu à peu, le PYD et ses groupes armés affiliés ont commencé à « affirmer leur contrôle, en établissant » une série de « points de contrôle armés » à travers la région. Dans un premier temps, la mise en place de ces postes de contrôle armés s’est produite « parallèlement aux services et structures de sécurité du gouvernement syrien » (Allsopp et van Wilgenburg, 2019, p.91). De plus, leur création a suscité une controverse et des conflits considérables avec des organisations kurdes rivales, alignées sur le clan Barzani qui contrôle le gouvernement régional kurde en Irak.

Puis, en juillet 2012, le régime a décidé de se redéployer, de se retirer de la région et de concentrer ses forces à la place dans l’effort de réprimer les soulèvements à travers le couloir allant d’Alep à Damas. Il existe deux versions différentes du retrait du régime, chacune relayée par Schmidinger dans son récit journalistique assez méticuleux. Selon une version, le PYD a lancé un ultimatum au régime, le menaçant du spectre d’ouvrir un autre front de conflit s’il ne reculait pas ; selon un autre, un peu moins conforme aux références révolutionnaires des forces en charge au Rojava, le PYD est parvenu à un accord secret avec le régime, entre autres, « garantissant la sécurité des installations militaires importantes » en échange de la départ du régime (2018, p.91 ; voir aussi Gunter, 2014 , p.110–111 ; et Leezenberg, 2016 , p.681). Quoi qu’il en soit, une fois que « le gouvernement syrien a commencé son retrait…, le PYD est entré dans le vide de la gouvernance et a repris les services clés et les tâches administratives pratiques » (Allsopp et van Wilgenburg, 2019 , p.91).

Les circonstances dans lesquelles les forces révolutionnaires sont arrivées au pouvoir diffèrent donc assez sensiblement du scénario de double pouvoir envisagé par Bookchin. Car Bookchin prévoyait un mouvement de base prenant de l’ampleur, grandissant de bas en haut, élevant progressivement la conscience des citoyens, provoquant un conflit avec l’État. Ce qui s’est passé au Rojava, en revanche, était plus une réussite militaire qu’autre chose, accomplie par des groupes armés cohésifs et bien entraînés, affiliés au PYD, qui se sont avérés capables de profiter d’un vide de pouvoir déclenché par une guerre civile. Une guerre civile, ajoutons-le, qu’elle n’a pas provoquée, et envers laquelle elle s’est efforcée de maintenir une posture de neutralité.

Vers la démocratie directe ?

Une opportunité s’est présentée, une situation révolutionnaire peut-être, dans laquelle l’État a effectivement disparu, sans trop de confrontation directe. Mais telles ne sont pas les conditions de l’autodétermination, entendue comme contrôle démocratique de bas en haut. Car la citoyenneté révolutionnaire envisagée par Bookchin comme le précurseur et la condition préalable à l’émergence d’une situation de double pouvoir n’était que très naissante, juste en gestation, lorsque l’opportunité révolutionnaire offerte par le retrait de l’État s’est présentée. Par conséquent, on peut dire qu’au Rojava, la situation révolutionnaire a induit la mobilisation populaire et la consolidation des assemblées populaires ou système de conseils, plutôt que l’inverse.

Surtout compte tenu de la base militaire initiale du pouvoir du PYD, son organisation des assemblées populaires a eu dès le départ quelque chose d’une saveur descendante, militariste et explicitement partisane. Conformément à la maxime de Mao, nous pouvons conclure que son pouvoir politique est né du canon d’un fusil, non de la revendication populaire d’un peuple mobilisé, immergé dans une culture de démocratie directe, doté d’une conscience révolutionnaire, du moins pas de la genre que Bookchin avait en tête.

Il faut dire que l’hégémonie du PYD ne repose pas uniquement sur la puissance militaire. Au contraire, il s’appuie également sur l’héritage d’activisme et de mobilisation des Kurdes syriens depuis les années 1980 par le PKK. Fort de la philosophie et des orientations d’Öcalan, le PYD a emprunté la « troisième voie » pendant la révolution syrienne, se rangeant du côté des forces démocratiques, et a ainsi évité d’être pris au piège soit par le régime syrien, soit par l’opposition syrienne, car les deux partagent la même mentalité en niant droits kurdes. En fait, le PYD a stratégiquement interprété la révolution syrienne correctement et a contribué à la formation d’unités d’autodéfense avec un fort soutien de sa base. Ce que l’on peut reprocher au PYD, comme nous le verrons, c’est son échec à tenir sa promesse d’autonomiser les gens dans la démocratie communale, en raison de sa monopolisation de la prise de décision. C’est ce que nous avons appelé le péril de l’administrateur politique, lui-même lié aux liens organiques du PYD avec le «léviathan militaire», sous la forme de ces unités d’autodéfense. Selon les principes du confédéralisme démocratique, ces unités sont censées être subordonnées au pouvoir des communes, mais, comme nous le verrons encore, elles ne le sont pas. Cependant, rien de tout cela ne vise à nier les grands et héroïques sacrifices que le peuple du nord-est de la Syrie a consentis pour se protéger contre la dictature et les États autoritaires (le régime syrien et l’État turc), et contre les forces islamistes brutales et inhumaines. Selon les principes du confédéralisme démocratique, ces unités sont censées être subordonnées au pouvoir des communes, mais, comme nous le verrons encore, elles ne le sont pas. Cependant, rien de tout cela ne vise à nier les grands et héroïques sacrifices que le peuple du nord-est de la Syrie a consentis pour se protéger contre la dictature et les États autoritaires (le régime syrien et l’État turc), et contre les forces islamistes brutales et inhumaines. . Selon les principes du confédéralisme démocratique, ces unités sont censées être subordonnées au pouvoir des communes, mais, comme nous le verrons encore, elles ne le sont pas. Cependant, rien de tout cela ne vise à nier les grands et héroïques sacrifices que le peuple du nord-est de la Syrie a consentis pour se protéger contre la dictature et les États autoritaires (le régime syrien et l’État turc), et contre les forces islamistes brutales et inhumaines.

Même ainsi, comme l’un de nos relecteurs anonymes l’a dit sans détour : « le problème n’est pas seulement que [les actions des forces révolutionnaires] ne sont pas conformes à ce que Bookchin pensait autrefois… mais plutôt à ce que les conditions historico-sociales au Kurdistan ont imposé ». En effet, de nombreuses personnes proches du mouvement au Rojava que nous avons interrogées ont évoqué les obstacles géopolitiques et historiques qui ont joué un rôle pour empêcher les communes d’atteindre leur plein potentiel. Ils ont mis l’accent sur la situation de guerre, l’embargo, la lutte contre l’EI et l’instabilité dans le nord-est de la Syrie auxquels ils sont confrontés au quotidien. Ils ont également souligné que la relique de l’État-nation syrien reste ancrée dans la mentalité de beaucoup de ceux qui sont actifs dans les institutions de l’administration, qui voient encore l’administration comme une forme d’État.

Et pourtant, il y avait une conscience révolutionnaire. Parmi un noyau de cadres, des révolutionnaires professionnels, par hasard, des personnes dont la vie a été entièrement consacrée au mouvement, dont beaucoup ont fait l’expérience de la guérilla dans la guerre en cours du PKK contre l’État turc. C’est l’existence de ce noyau de cadres qui contribue à expliquer la supériorité militaire des forces affiliées au PYD, par rapport à presque toutes les autres forces combattantes de la région. Car ce sont des combattants chevronnés, dotés du courage de leurs convictions. Cependant, en même temps, leur mentalité hautement disciplinée et leur statut d’avant-garde révolutionnaire ont introduit une certaine contradiction performative dans leur objectif explicite de construire une société confédérale démocratique. Car, comme Cihad Hammy l’a soutenu ailleurs, le parti auquel ils appartiennent reste « structuré autour du système de commandement et d’obéissance ». (Voir également Leezenberg, 2016, p.685).

Dans le même ordre d’idées, Cinar Salih, qui est affilié au Centre d’études Al Furat du mouvement, situé à Quamishli, avancerait la critique suivante : « Il y a une grande différence entre le cadre du parti et le cadre de la pensée. Öcalan s’appuie sur le cadre de réflexion pour le projet et non sur le cadre du parti. Cependant, il est très difficile de créer de tels cadres. Malheureusement, la plupart des cadres que nous avons ici sont des cadres du parti et non des cadres de la pensée » (Entretien, 5 novembre 2021).

De même, une autre personne que nous avons interviewée, Ibram Bozan, un journaliste de Kobanê et qui se décrit comme Apoci [Aposite], affirmerait : « Lorsque ce projet a été mis en pratique, il y avait des gens – des cadres – qui ont intentionnellement transformé ce projet en slogans rigides. Ce faisant, ils ont gravement nui au projet et à la philosophie d’Öcalan. Certains l’ont fait intentionnellement, d’autres par ignorance. Ceux qui l’ont fait intentionnellement veulent avoir plus de pouvoir et s’élever au rang d’un niveau supérieur. Par exemple, ils disaient : « Nous ne croyons pas à la loi parce qu’Öcalan a critiqué la rigidité de la loi ». Sous ce prétexte, ils se font la loi, et ils agissent selon leurs caprices personnels. Ils n’agissent pas selon des lois ou des mesures. Ils pourraient dire : « Je n’aime pas cette personne, alors il faut l’exclure. « L’exclu pourrait être sans emploi et n’avoir aucune place dans l’administration. Et il y a beaucoup d’exemples réels comme celui-ci. Bien sûr, nous ne pouvons pas porter un jugement définitif sur l’échec ou non du projet. C’est vrai que ça fait 10 ans, mais pendant ces années le Rojava a toujours été en guerre et en danger. Il y a eu des guerres constantes au cours de ces années : l’attaque de Kobanê, l’occupation d’Afrin, de Serê Kanîyê et de Tel Abyad, et la guerre contre l’EI. Il y a eu quelques changements. Par exemple, la libération des femmes. Pour mettre un nouveau projet en pratique, vous avez besoin d’un environnement sûr. Au Rojava, il existe de nombreux facteurs externes qui l’influencent fortement. Il faut arrêter la guerre pour qu’on puisse vraiment voir comment les choses vont se passer » (Entretien, 7 novembre 2021).

Les Unités de défense du peuple, ou YPG, ont été officiellement créées en 2012, aux côtés des Unités de protection des femmes, ou YPJ. Ces organisations se sont rapidement développées et, selon Allsopp et van Wilgenburg, les YPG se sont rapidement transformées, sous la direction du commandant vétéran du PKK, Xebat Derik, en une sorte de « force de sécurité quasi-étatique ». En 2017, les rangs des YPG comptaient environ 50 000 soldats. Bien qu’il soit controversé de l’admettre, il semblerait que de nombreuses unités des YPG aient été « commandées par des vétérans du PKK », qui fournissent ainsi la « structure ‘squelettique’ de l’organisation…, ‘étoffée’ par des recrues locales » (2019, p.65).

Le YPG est formellement autonome du PYD, mais il est clairement aligné sur la révolution. A partir de la mi-2014, elle viendrait se compléter des Unités d’autodéfense, créées en vue du service militaire obligatoire. À partir de 2015, les YPG formeront l’ossature d’une alliance militaire avec d’autres milices ethniquement composées, y compris les forces arabes et syriaques, connues sous le nom de Forces démocratiques syriennes, ou SDF, qui se sont réunies au cours de la lutte contre l’EI, et qui , dans cette lutte, a forgé une relation de travail étroite avec l’armée américaine, malgré les objections véhémentes de l’allié américain de l’OTAN, la Turquie.

Ce sont les réalisations des YPG et des YPJ, leur efficacité dans la guerre contre l’Etat islamique, pour lesquelles les forces révolutionnaires au pouvoir au Rojava ont suscité le plus d’éloges et d’attention. Le modèle de société démocratique et confédéral pour lequel ils prétendent se battre a cependant reçu beaucoup moins d’attention.

Comment fonctionnent les assemblées populaires ou les conseils locaux ? Allsopp et van Wilgenburg ont réussi à mener une enquête auprès de quelque 180 personnes sélectionnées au hasard dans les cantons de Jazira et Kobani, dans le but d’évaluer les attitudes des citoyens locaux à l’égard de leurs nouvelles institutions de démocratie directe. Ce qu’ils ont trouvé est quelque peu troublant et met certainement en évidence certains des défis de la construction d’une société démocratique et confédérale qui soit vraiment à la hauteur de l’objectif d’« ouvrir un espace politique à toutes les couches sociales et permettre à divers groupes politiques de s’exprimer ». eux-mêmes » (Öcalan, 2011b , p.26).

Pour commencer, Allsopp et van Wilgenburg ont constaté qu’il y avait un niveau relativement élevé de non-participation aux assemblées populaires. En effet, un bon tiers de leurs interlocuteurs ont fourni volontairement, sans même qu’on leur demande, l’information qu’ils n’ont pas participé à ces assemblées. « La participation au système communal était limitée », concluent Allsopp et van Wilgenburg (2019, p.144). Leur affirmation selon laquelle cette limitation en termes de taux de participation populaire a beaucoup à voir avec la « idéologisation du système » perçue, c’est-à-dire son « apparence partisane » (2019, p.144), est particulièrement intéressante. À cette fin, ils soutiennent que les « communes étaient largement signalées comme étant dominées par des sympathisants du PYD ( hevals), sinon par les membres eux-mêmes, et les sujets discutés et les décisions prises reflétaient les intérêts de l’administration dirigée par le PYD » (2019, p.145). De plus, poursuivent-ils, il y avait «de nombreuses affirmations selon lesquelles la prise de décision était limitée à ceux liés à l’administration du PYD», que «la prise en compte ou non des opinions des participants dépendait de leurs relations personnelles», et même que «des discussions et des processus communs étaient une façade » (2019, p.145). Encore plus troublant, rapportent-ils, « les enquêtes contenaient également des preuves que certaines personnes ne se sentaient pas libres d’exprimer leurs opinions si elles pouvaient différer de la doctrine ou de l’idéologie du PYD » (2019, p.145). Dans l’ensemble, et peut-être le plus accablant, insistent-ils, « [l]es habitants ont fait part de leurs inquiétudes quant au fait que les décisions n’étaient pas motivées par les processus ou les produits de la démocratie directe, mais plutôt qu’elles avaient déjà été prises et que la discussion avait fourni [mais] une illusion de consultation » ( 2019, p.147).

En résumé, ce qu’Allsopp et van Wilgenburg ont découvert, c’est que « le développement de l’administration après 2012 s’est produit du haut vers le bas, à partir du PYD, et c’était une tentative de stimuler et de réaliser une révolution populaire ; » mais que cette « mise en œuvre descendante dirigée par le PYD… [a] conduit à la méfiance à l’égard de ses institutions par une grande partie de la population qui n’est pas politiquement favorable au PYD et opposée à la domination d’un parti politique » (2019, p.147 ; cf. Colsanti et al., 2018).

Thomas Schmidinger est d’accord avec l’évaluation critique d’Allsopp et van Wilgenburg du fonctionnement du système des conseils, de ses exclusions et limitations dans la pratique. Il soutient que, bien que, « en théorie », le système des conseils soit « basé sur la démocratie directe », il est en fait « dominé par les partisans du PYD et les organisations de façade de ce dernier ». En effet, poursuit-il, un peu provocateur, en interrogeant, « à l’instar d’autres systèmes de conseils historiques comme dans l’ex-Union soviétique, la question est de savoir qui détient réellement le pouvoir politique : est-ce, finalement, vraiment ‘tout le pouvoir’ ? aux conseils », ou est-ce, après tout, encore « tout le pouvoir au parti », voire à l’armée, c’est-à-dire, en l’occurrence, les YPG ? (2018, p.134).

Schmidinger rejette comme idéalisation romantique, sinon propagande délibérée, l’évaluation des « militants proches du PKK/PYD », tels que Knapp, Flach et Ayboga, dont le récit pionnier, Revolution in Rojava , avait affirmé que le système des conseils équivalait à rien de moins que « la réalisation de la théorie politique de l’éco-anarchiste américain Murray Bookchin et la « tentative d’unification des […] concepts d’autonomie démocratique, de confédéralisme et de République démocratique à petite échelle » (2018 , p.134). Mais en même temps, il conteste aussi les récits « d’observateurs moins enthousiastes », comme le politologue Michael Gunter, selon qui « les dirigeants du PKK dans les montagnes de Qandil… sont ceux qui exercent un véritable contrôle » (2018 , p.134).

Comme Gunter, Schmidinger insiste en fait sur le fait qu' »[il] existe des indications selon lesquelles les YPG, et, via les YPG, le siège du PKK à Qandil, ont le dernier mot sur les questions décisives ». Il soutient en outre que « [l]a longue guerre civile a certainement contribué à renforcer le rôle des militaires, c’est-à-dire des YPG », notant à cet égard que « [l]es membres de les milices concurrentes dans la guerre civile syrienne ont toujours considéré les commandants des YPG comme leurs interlocuteurs sérieux, et non les représentants des structures politiques. Même ainsi, d’un autre côté, il insiste également sur le fait que « le système des conseils joue un rôle important dans… les petites décisions administratives quotidiennes et l’approvisionnement de la population ; » que les communes fournissent d’importantes « boucles de rétroaction et organisateurs locaux ; » qu’ils « assurent aussi la propagande et la diffusion du modèle social auquel le PYD aspire ; « et enfin, que, particulièrement en ce qui concerne le rôle des femmes dans la société kurde, les conseils jouent un rôle important dans la réforme d’une société extrêmement patriarcale » (2018, p.135). Le dernier point, à propos du rôle des femmes dans le système des conseils, en est un dont Allsopp et van Wilgenburg ont également rapporté que nombre de leurs personnes interrogées avaient mentionné, dans une veine positive (voir Dirik, 2018 ; Rasit et Kolokotronis, 2020).

Schmidinger poursuit en soulignant que « l’un des plus gros problèmes du nouveau système reste le manque de soutien d’un grand nombre de partis kurdes », bien qu’il ajoute également que « depuis la mise en place de l’auto-administration au Rojava l’opposition au PYD s’est… érodée » (2018, pp.135-136). Il évoque en détail les contours et le contenu d’un conflit intra-kurde toujours présent, qui s’intensifie parfois, entre le PYD et les forces alignées sur le gouvernement régional kurde de Barzani en Irak, avant de conclure qu’au fil du temps, « l’opposition au PYD [est devenu] plus fragmenté qu’au début de l’autonomie du Rojava » (2018, p.137).

De manière intéressante, Schmidinger diagnostique également l’existence de fissures et de factions au sein du PYD, soulignant notamment l’ascension dans ses rangs de certains éléments opportunistes, certains qui avant 2012 avaient « déjà occupé des postes élevés sous le régime Baath », et même quelques « grands hommes d’affaires » notables, ce qui était une source de ressentiment parmi « beaucoup d’anciens gauchistes du parti » (2018, p.137). La nouvelle importance de ces éléments opportunistes, note Schmidinger, « suit une certaine logique dans l’exercice du pouvoir [qui] confronte toujours les sociétés en pleine tourmente politique à des défis massifs » (2018, p.138). Néanmoins, semble-t-il simultanément suggérer, ce phénomène semblait être une source de désenchantement non seulement pour les partisans de longue date du parti, mais aussi pour la population en général.

En ce qui concerne l’humeur de la population en général, Schmidinger diagnostique également un refroidissement assez rapide et sérieux de l’enthousiasme révolutionnaire initial, associé en particulier au début de la guerre avec l’EI. Il note qu’en 2013, lorsqu’il effectuait pour la première fois des travaux de terrain dans la région, « une atmosphère révolutionnaire prévalait », que bien que « [l]es gens souffraient de goulots d’étranglement et d’incertitude, [ils] descendaient toujours dans la rue chaque semaine et hérissée d’espoir et de dynamisme. Cependant, déjà en 2014, « peu de cette atmosphère révolutionnaire était encore palpable parmi la population ordinaire », en effet, que l’humeur optimiste initiale avait été remplacée « par l’ambiance typique d’une guerre civile » (2018, p.138).

En somme, l’image globale du fonctionnement des assemblées populaires, du moins telle qu’elle est dépeinte par des gens comme Allsopp et van Wilgenburg, et par Schmidinger, est assez éloignée de l’évaluation plus optimiste fournie par Knapp, Flach et Ayboga, qui jugent « la prolifération des communes au Rojava…, ainsi que le développement d’une économie communale » pour être « les expressions d’une alternative à la modernité capitaliste, développée lentement mais sûrement » (2016, p.120).

Nos entretiens avec des personnes proches du mouvement au Rojava tendent à renforcer certaines des observations critiques faites par des étrangers sur les limites de la démocratie ascendante et populaire dans la révolution. Par exemple, dans cette veine, Ibram Bozan se plaindrait : « La commune ne fait que de petites tâches bureaucratiques et fournit aux gens des bonbonnes de gaz et du pain. Il n’a aucun pouvoir réel. Les décisions viennent d’en haut et la commune ne fait que les mettre en œuvre » (Entretien, 7 novembre 2021). De même, une autre personne que nous avons interrogée, qui a demandé à n’être identifiée qu’en tant que citoyen du Rojava, affirme : « Un des problèmes du système communal est que les conseils, qui devraient être élus par les communes et prendre leurs décisions en fonction des communes, sont complètement séparés des communes. Les membres des conseils sont nommés par l’administration et ils prennent des décisions, et ils ne se soucient pas des communes. Les communes devraient être la base fondamentale de toutes les institutions de l’administration. Mais en réalité, les communes sont cantonnées à de simples fonctions de service sans pouvoir réel comme il se doit » (Entretien, 3 novembre 2021).

Quelle est la portée de cette analyse du point de vue de la théorie révolutionnaire ? David Graeber, qui s’est rendu deux fois dans la région avant sa disparition prématurée, a diagnostiqué une situation de double pouvoir, entre, d’une part, « l’auto-administration démocratique, qui ressemble beaucoup à un gouvernement, rempli de ministères, de parlement et de tribunaux supérieurs » et, d’autre part, « les structures ascendantes… où l’initiative découle entièrement des assemblées populaires » (2016, p.xvii). Dans le même ordre d’idées, Nazan Üstündag a insisté sur le fait que « la relation entre le gouvernement cantonal et les assemblées » est mieux conçue « en termes d’autodéfense », que les institutions ascendantes de démocratie directe « seront le moyen par lequel les localités maintiennent leur autonomie vis-à-vis des gouvernements cantonaux, défaire les prétentions de ces derniers à l’étatisme, et finalement s’approprier leurs fonctions, les prouver redondants » (2016, p.203). De telles évaluations sembleraient encore exagérer l’étendue de la démocratie autonome, ascendante et populaire à l’œuvre, et devraient donc être critiquées pour confondre les mots d’ordre de la révolution avec la dynamique réelle du pouvoir. Pour exprimer ce point peut-être de manière provocatrice, bien que Graeber et Üstündag soient conscients de ce que nous avons appelé ci-dessus le péril de l’administrateur politique, ils sous-estiment néanmoins tous deux considérablement le péril du léviathan militaire, malgré l’accent explicite mis par Üstündag sur le thème de l’auto- la défense.


Vers la démocratisation de l’économie ?

Ce qui nous amène à la question de « l’économie communautaire ». Knapp, Flach et Ayboga ont salué la naissance de rien de moins qu’une nouvelle « économie sociale » dans le Rojava révolutionnaire, qui, selon eux, fonctionne plus ou moins conformément aux principes du confédéralisme démocratique tels qu’énoncés par Öcalan, et qui peut donc être « se distingue à la fois du néolibéralisme de la modernité capitaliste et du capitalisme d’État du socialisme réel » (2016, p.197). Cette économie sociale, selon eux, « devait être confiée aux mains de la société, qui mettrait en œuvre des activités économiques dans les rues résidentielles, les villages, les quartiers, les districts et les cantons » (2016, p.198).

Ils soulignent en particulier la multiplication des coopératives agricoles initiées par les communes. Ils soulignent qu’environ 80% des terres du Rojava avaient été nationalisées par le régime syrien, et qu’après la révolution, cela a été remis aux communes. Les 20% restants, notent-ils, restent entre les mains de grands propriétaires terriens. Ceci parce que, affirment-ils, les nouvelles autorités révolutionnaires « rejettent l’usage de la force, de sorte qu’aucune grande propriété foncière n’a été expropriée » (2016, p.199). Même ainsi, poursuivent-ils, la diversité de l’économie coopérative « s’épanouit d’année en année » et, soulignent-ils en outre, les forces révolutionnaires se sont « fixé pour objectif d’étendre les coopératives à autant de secteurs de l’économie que possible et de les rendre , dans un avenir proche, la forme économique dominante » (2016, p.200). À cette fin, ils mettent en avant la création de plusieurs coopératives féminines.

Ces coopératives proliférantes, à leur tour, sont en principe soumises au contrôle du système des conseils. Car, insistent-ils, « dans l’économie sociale du Rojava, les besoins ne sont pas déterminés par l’État ou le capital mais par les communes » (2016, p.205). S’ils admettent que « d’autres formes de commerce et d’économie existent également au Rojava », ils affirment néanmoins que « le modèle d’économie sociale se répand rapidement » (2016, p.206). A ce titre, ils peuvent conclure, plutôt avec espoir, que depuis 2012, malgré un embargo brutal poussé par la Turquie, destiné à « affamer à mort leur modèle social et politique », le Rojava a pourtant « développé, progressivement, une forme économique exceptionnelle » (2016, p.207, 209).

Pour leur part, Allsopp et van Wilgenburg observent que « l’organisation économique autour des communes et le développement des coopératives ont, dans de nombreux cas, atténué les pressions économiques et facilité la coopération nécessaire sur la répartition des ressources et des services rares ». Même ainsi, s’empressent-ils d’ajouter, la réalisation « d’objectifs économiques plus larges… a été entravée par la guerre, la dépendance vis-à-vis de l’approvisionnement extérieur en biens et services, ainsi que par les divisions politiques qui ont empêché la coopération ». Allsopp et van Wilgenburg interprètent le conflit comme ayant « fourni les conditions pour réorganiser la société et la production locales autour du modèle d’autonomie démocratique ». Dans le même temps, cependant, ils soulignent que « les incertitudes inévitables sur l’avenir étaient des obstacles à la réalisation des objectifs économiques de l’administration et à leur pérennité ». À cette fin, ils soulignent comment « les effets négatifs sur les salaires, les prix, la production et la migration de la population, entre autres facteurs, ont accru les difficultés générales et restreint les revenus et les ressources ». En conséquence, ils soulignent la prévalence de «la dépendance à l’égard de l’entreprise privée, du commerce du marché noir et gris et des envois de fonds externes, pour répondre aux besoins fondamentaux des individus et des familles», le tout fonctionnant «en parallèle à l’activité économique coopérative organisée» (2019, p.102).

Allsopp et van Wilgenburg poursuivent en soulignant que « [l]e budget des administrations locales provenait principalement des revenus pétroliers, des taxes sur le carburant et l’agriculture et des droits d’importation ». Ils soulignent que la guerre a eu un effet négatif grave sur les niveaux de production et que « les fermetures de frontières et les restrictions commerciales » ont eu un impact négatif sur « la disponibilité et les prix des biens importés » (2019, p.103).

En ce qui concerne le pétrole, ils notent que sa « production reste limitée » et que les revenus restent incomparables aux niveaux d’avant-guerre, bien qu’ils signalent également que « l’absence de commerce sur le marché noir avec le gouvernement Assad, ainsi qu’avec le KRG, » et les taxes sur le pétrole produit par l’Etat islamique, « transitant par le territoire détenu par les YPG », ont largement été accusées d’avoir contribué aux revenus de l’administration (2019, p.104).

C’est l’image d’une économie assez dévastée par la guerre. Ils soulignent en particulier le fait que « les difficultés [e]conomiques et les difficultés à satisfaire les besoins fondamentaux ont accru la migration des Kurdes de Syrie vers l’Europe, la Turquie et la région du Kurdistan [d’Irak] », tout en « produisant] des dépendances vis-à-vis de le commerce alternatif du marché noir/gris ou les envois de fonds de parents à l’étranger » (2019, p.107).

Ils admettent que « [l]es initiatives visant à développer l’économie sociale et les coopératives et à distribuer des services selon ce modèle ont aidé à réguler l’économie de guerre ». Même ainsi, dans le même temps, ils soulignent que « [l]’existence de couches d’économies parallèles […] liait intrinsèquement le nord de la Syrie à l’intérieur de la Syrie et à ses voisins », et que ces liens « sap[aient] ainsi les tentatives de développement ». autosuffisance » (2019, p.109).

Schmidinger va encore plus loin en relativisant les avancées vers l’économie dite « sociale » ou « communale ». Il souligne que, malgré toutes les fanfaronnades sur la création d’une nouvelle économie « alternative », « ni l’auto-administration kurde ni les économistes indépendants ne sont en mesure de donner des faits et des chiffres fiables à cet égard » (2018, p.120 ). En ce qui concerne l’exemple largement vanté des coopératives de femmes, il soutient que, « du point de vue de l’économie dans son ensemble, ces coopératives… jouent un rôle relativement peu important » (2018, p.121). Il ne considère pas non plus les autres coopératives comme si importantes. Au contraire, il insiste sur le fait que, dans l’ensemble, « les nouvelles coopératives ne représentent guère une « économie alternative » ». En effet, à cette fin, soutient-il, « l’économie du Rojava est basée sur un mélange d’économie de guerre, de petit capitalisme et de production alimentaire de subsistance au sein de laquelle les coopératives mènent une existence de niche au lieu de représenter un nouveau système économique » (2018, p. 121).

Comme Allsopp et van Wilgenburg, Schmidinger souligne lui aussi l’importance de l’économie du marché noir, qualifiant la « contrebande » en particulier de « facteur économique important ». Selon Schmidinger, la fermeture des frontières a créé cette « opportunité », transformant « la contrebande de toutes sortes de marchandises en un commerce attractif », dans lequel, insiste-t-il, « tant les clans familiaux que les structures partisanes et militaires sont impliqués » (2018 , p.121). Parallèlement à la contrebande, et « malgré tous les combats », ajoute-t-il, « il y a aussi un commerce intra-syrien intense qui, dans le cas du Rojava, a même traversé les zones tenues par l’EI » (2018, p.121).

Outre les passeurs et les commerçants, les « financiers informels » constituent une autre partie importante de « la nouvelle classe supérieure ». Ces financiers répondent à la fois au « désir des réfugiés de déposer leur argent en toute sécurité en Europe » et contribuent à faciliter les envois de fonds depuis l’étranger, qui, insiste Schmidinger, « constituent une part de plus en plus importante des revenus de la région » (2018, pp.122- 123).

Les bénéfices réalisés par les passeurs, les commerçants et les financiers informels ne sont pas non plus réinvestis dans des entreprises productives, ajoute Schmidinger. Ceci en raison du risque élevé de tels investissements dans un contexte de guerre civile en général, mais aussi, plus particulièrement, parce que « la sécurité juridique des investissements n’existe tout simplement pas » (2018, p.123).

Enfin, Schmidinger souligne qu’« aucune évaluation de la situation économique ne peut ignorer le fait que de nombreux articles sont devenus des produits de luxe au cours des dernières années…, inabordables pour un nombre croissant de Rojavanais » (2018, p.123). En outre, il soutient que ces « pénuries liées à la guerre [ont été] aggravées par la présence au Rojava de plus d’un demi-million de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) en provenance d’autres parties de la Syrie », une situation rendue encore plus compliquée par la fait que « [l]es grandes ONG internationales y sont pratiquement inexistantes » (2018, p.123).

La situation économique plutôt grave, telle que décrite assez sobrement par Allsopp et van Wilgenburg, et encore plus brutalement par Schmidinger, sonne certainement bien loin du scénario apparemment utopique décrit dans des récits plus enthousiastes, comme celui fourni par Knapp, Flach et Ayboga.

Une contribution plus récente, d’Azize Aslan, qui écrit dans une perspective clairement proche du mouvement, bien que dans une veine expressément autocritique, tend à confirmer certaines des observations les plus pessimistes faites par des étrangers sur les limites de la socialisation de l’économie dans le contexte de la guerre en cours. À cette fin, elle soutient que « la nécessité d’une économie anticapitaliste n’est pas suffisamment intériorisée et valorisée par les cadres et les dirigeants politiques, ni par les peuples [du Rojava] » (2021, p.27). Plus précisément, s’agissant du sort des initiatives coopératives, elle va même jusqu’à conclure que « la situation commune des coopératives au Rojava est, dans une certaine mesure, celle de l’effondrement et de la distanciation par rapport à l’économie sociale » ( 2021, p.325). Elle cite en outre le chef de la commission du commerce, qui admet franchement que « [c]’est une économie de guerre » (2021, p.255). Dans ce sens, il lui a expliqué, sans ambages, la centralité du négoce pétrolier par rapport au budget administratif. Dans ses mots : « Nous sommes une société qui est en guerre, nous n’avons pas d’autre revenu que le pétrole. Sans pétrole, nous ne pouvons pas payer les salaires, nous ne pouvons pas maintenir les YPG, nous ne pouvons pas acheter d’armes. On ne peut pas non plus y renoncer simplement parce que ce n’est pas écologique, simplement parce que la matière est plus vitale que ça, c’est une question de vie ou de mort pour nous » (2021, p.241). nous ne pouvons pas maintenir les YPG, nous ne pouvons pas acheter d’armes. On ne peut pas non plus y renoncer simplement parce que ce n’est pas écologique, simplement parce que la matière est plus vitale que ça, c’est une question de vie ou de mort pour nous » (2021, p.241). nous ne pouvons pas maintenir les YPG, nous ne pouvons pas acheter d’armes. On ne peut pas non plus y renoncer simplement parce que ce n’est pas écologique, simplement parce que la matière est plus vitale que ça, c’est une question de vie ou de mort pour nous » (2021, p.241).

Et en effet, dans nos propres entretiens avec des personnes associées au mouvement au Rojava, nous avons également rencontré beaucoup de pessimisme, ainsi que de mécontentement, quant aux limites de la démocratisation de l’économie. Par exemple, un membre du Comité kurde de jinéologie a formulé la critique suivante : « L’économie coopérative devrait être la base de notre projet. Mais même les coopératives existantes étaient monopolisées par des personnes travaillant dans le domaine économique et proches de l’administration. Par exemple, à Şehba, pour soutenir les gens, l’administration a accordé des crédits financiers aux gens pour construire des projets économiques. Cependant, seules les personnes proches de l’administration ont reçu ces crédits financiers, mais pas les pauvres. C’est un gros problème. Beaucoup de gens s’en sont plaints » (Entretien, 11 novembre 2021). Elle le ferait, en outre, poursuivre en établissant un lien explicite entre l’échec de la construction d’une économie juste et l’échec de la construction d’une société écologique. Selon ses mots : « Pour Öcalan, construire une société écologique signifie créer une économie juste. Une telle économie ne devrait pas nuire à l’environnement. C’est la perspective de la jinéologie, qui souligne que tous les aspects de la vie ne doivent pas être séparés. Ils sont interconnectés, s’influencent mutuellement et ne doivent pas se nuire. La politique doit être au service de l’économie, l’économie doit être au service de l’écologie, l’écologie doit être au service de l’humanité et la démographie doit être écologique. La jinéologie analyse très bien cela. Par conséquent, pour Öcalan, les projets économiques doivent être écologiques. En fait, l’un des principaux piliers de la « nation démocratique » est l’écologie. Malheureusement, tous les projets économiques que nous avons nuisent à l’écologie. Par example, creuser des puits pour obtenir de l’eau est nocif pour l’écologie. Les gens creusent des puits sans aucune restriction. Cela montre qu’il y a un manque de sensibilisation. Les projets économiques qui ont été réalisés et proposés ne servent pas notre projet. Ils contredisent notre projet. Les projets économiques qui se font ici sont les mêmes que ceux de l’État » (Entretien, 11 novembre 2021).

Vers une durabilité écologique ?

Compte tenu des difficultés rencontrées dans les efforts pour surmonter la hiérarchie sous toutes ses formes, y compris les obstacles à la construction d’assemblées véritablement populaires, qui fonctionnent bien, de bas en haut, ainsi que les progrès très limités vers une démocratisation complète de la vie économique, en raison surtout mais pas seulement dans le contexte de la guerre totale, il ne faut pas s’étonner que les mesures concrètes prises vers la réalisation de la durabilité écologique, malgré l’accent mis par le discours sur celle-ci, aient été rares et espacées.

Bien que de telles étapes ne soient pas inexistantes. Knapp, Flach et Ayboga documentent dans leur livre l’accent mis par les autorités révolutionnaires sur la poursuite à la fois de la diversification des cultures et de l’utilisation des déchets organiques comme engrais, en particulier. La Commune internationaliste du Rojava documente en outre certains efforts spécifiques à cet égard, et mentionne également quelques initiatives importantes axées sur la préservation de l’eau et l’élimination écologique des déchets, dans le chapitre sur les «défis écologiques» de son livre, Make Rojava Green Again(2018). Mais comme le titre de son chapitre, qui fait écho au même titre d’un chapitre du livre par ailleurs très optimiste de Knapp, Flach et Aboyga, le suggère définitivement, lorsqu’il s’agit de l’objectif ultime et du pilier de la durabilité écologique, même les plus proches du révolutionnaire sont prêtes à admettre que, bien plus que leurs réalisations, ce qu’il faut souligner, c’est l’ensemble des immenses défis auxquels elles sont confrontées (voir aussi Hunt, 2019).

De tels défis ne doivent pas être sous-estimés, même si la lutte pour surmonter toutes les hiérarchies sociales, politiques et économiques était beaucoup plus avancée. Car en effet, comme l’a observé Stephen Hunt, la transition vers la durabilité écologique nécessiterait « une rupture rapide avec l’économie mondiale basée sur les combustibles fossiles », une tâche aussi urgente qu’il est presque impossible de l’imaginer dans un contexte d’attaques militaires et de crise économique. embargos (in Hunt, 2021 , p.xiv).

De plus, comme Hoffman et Matin (2021) l’ont souligné avec perspicacité, la «dépendance de la région vis-à-vis du pétrole et de ses revenus, que ce soit de manière pragmatique ou sous la contrainte budgétaire, contredit fondamentalement les principes centraux de« l’écologie sociale »de Bookchin et de l’agriculture coopérative et biologique» sur laquelle elle est censée être fondée. Ils mentionnent, à juste titre, à cet égard, que Bookchin a en fait « identifié les hydrocarbures non seulement comme une source de dégradation environnementale, mais aussi sociale ».

La présence militaire américaine dans la région a bien sûr beaucoup à voir avec l’infrastructure pétrolière ( Aslan, 2021, p.242). C’est sans doute la collaboration avec les Américains qui a jusqu’à présent empêché une invasion totale des forces turques pour mettre fin une fois pour toutes à l’expérience révolutionnaire au Rojava. Cependant, il convient de noter qu’une telle collaboration s’est finalement avérée inefficace pour arrêter l’invasion et le nettoyage ethnique qui a suivi du canton le plus à l’ouest de la région, Afrin, en 2018, ou la nouvelle incursion dans le nord-est de la Syrie par les forces turques l’année suivante. . Même ainsi, dans la mesure où l’existence continue de la révolution au Rojava dépend de la collaboration avec la principale puissance impérialiste mondiale et l’allié de l’OTAN de la Turquie, une rupture avec l’économie mondiale basée sur les combustibles fossiles semble particulièrement difficile à comprendre. D’ailleurs, il ne semble pas du tout probable que, même dans le scénario post-conflit optimal, avec l’incorporation éventuelle de la région dans une république syrienne démocratisée et fédéralisée, y aurait-il non plus des circonstances propices à une telle rupture. Il y a donc ce problème ou dilemme majeur, que nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier ou de minimiser du point de vue de l’écologie sociale.

Ensuite, il y a l’autre question cruciale de la rareté de la ressource en eau, dont dépendent nécessairement les formes d’agriculture décentralisées et écologiques, promues par les autorités révolutionnaires et poursuivies par des entreprises coopératives responsables devant les communes. Hoffman et Matin (2021) sont à nouveau perspicaces en mentionnant le fait que « dans les conditions spécifiques du nord de la Syrie, cela inclut également les infrastructures hydrauliques construites par la République arabe syrienne, qui, à leur tour, dépendent du contrôle en amont de la fleuve Euphrate par la Turquie. Une grave vulnérabilité, c’est le moins qu’on puisse dire. Et une qui a été considérablement exacerbée « en raison des actions de la Turquie et de ses mandataires suite à leur occupation militaire des zones frontalières en 2019 », un point auquel Nick Hildyard (2021) a récemment cherché à attirer l’attention. Pour être précis, Hildyard a déploré comment « depuis que… la milice soutenue par la Turquie a pris le contrôle de la station d’eau d’Allouk, située près de la ville de Ras al-Ain (Serekaniye), l’approvisionnement en eau du nord-est de la Syrie a été interrompu à plusieurs reprises. par les autorités turques. Cela s’ajoute au fait que, comme le souligne Hildyard, « [b] en raison de la construction de barrages et de projets d’irrigation en Turquie, le débit en aval du fleuve [Euphrate] a été réduit de 40 à 45 % depuis la début des années 1970, la Turquie utilisant délibérément sa capacité de stockage pour faire pression sur ses voisins riverains, notamment en période de conflit.

Ainsi, il s’avère que l’autonomie pour pratiquer des formes d’agriculture écologiquement durables se heurte à deux obstacles géopolitiques sérieux, tous deux liés à l’hostilité implacable de la Turquie : le premier, lié à l’insertion presque inévitable de la région dans le paysage fossile mondial -économie basée sur le carburant ; et le second, associé à la vulnérabilité particulière de la région et à sa dépendance en matière d’accès à l’eau. En somme, l’abondance relative d’une ressource, le pétrole, et la rareté relative d’une autre, l’eau, semblent toutes deux lier inextricablement le sort de l’expérience révolutionnaire au Rojava au contexte géopolitique plus large et à la dynamique dans laquelle elle est inévitablement mêlée.

Et encore, dans nos entretiens avec des personnes au Rojava proches du mouvement, nous avons rencontré des appréciations très dures, voire dégrisantes, sur les limites des initiatives écologiques entreprises par les forces révolutionnaires là-bas. Dans cette veine, l’un des membres fondateurs de la Greentree Initiative, Ziwar Şêxo, formulerait la critique suivante : « Sur le plan écologique, l’auto-administration n’est restée qu’une théorie. Ils n’ont parlé que d’écologie, qui est un aspect du projet, de manière propagandiste. Cependant, dans la pratique, la Commission d’écologie est liée à la municipalité, qui concentre ses efforts sur les questions de service, comme le nettoyage des ordures, le pavage des rues, etc. Ainsi, le Bureau de l’écologie de la municipalité n’est qu’une forme sans fonction. Cela s’applique également au Conseil administratif de l’écologie à Jazira, qui est également très faible. Depuis 2020,

Conclusion

Quelles leçons peut-on tirer de l’analyse ci-dessus de l’expérience du Rojava pour le paradigme de l’écologie sociale ? Terminons en en mentionnant brièvement trois. Un premier enseignement porte sur les conditions dans lesquelles le scénario de la « dualité de pouvoir » a été surmonté, et par conséquent, comment les forces révolutionnaires ont réussi à asseoir leur hégémonie sur tout le nord-est de la Syrie. Le recul de l’État syrien, dans un contexte de guerre civile, a créé la situation révolutionnaire. L’efficacité des forces armées affiliées au Mouvement de libération kurde d’inspiration Öcalan est ce qui a assuré l’issue révolutionnaire de cette conjoncture. Mais ces circonstances de retrait de l’État et de prise de contrôle par les paramilitaires ne se sont pas avérées propices à la consolidation d’un contrôle ascendant et démocratique direct. Au contraire, ils ont prêté quelque chose d’une saveur descendante, militariste et partisane à la construction et à la consolidation des assemblées populaires.

Un deuxième enseignement a trait aux difficultés d’avancer vers la démocratisation de la vie économique dans un contexte de guerre civile. La prolifération d’entreprises coopératives, responsables devant les communes, semble avoir été quelque peu éclipsée par la dépendance des autorités révolutionnaires aux revenus pétroliers, ainsi que par les difficultés et les «opportunités» présentées par la fermeture des frontières et une économie de guerre, qui à son tour a conduit à une certaine prévalence de la contrebande, du commerce et de la finance informelle. Plutôt que le marché noir constituant une niche dans la transformation progressive vers une économie sociale, la réalité semblerait être l’inverse. La transition vers la démocratisation, peut-on conclure, est très entravée par l’introduction de la rareté généralisée qui accompagne la guerre.

Une troisième leçon a trait à la façon dont l’autonomie pour poursuivre la durabilité écologique peut être minée par un contexte géopolitique hostile. D’une part, l’addiction au pétrole s’avère particulièrement difficile à vaincre dans un contexte où, non seulement une guerre doit être financée, mais aussi, la survie même de l’expérience révolutionnaire finit par dépendre de la collaboration avec la première puissance impérialiste mondiale. D’autre part, l’accès à la ressource cruciale mais rare de l’eau, dont dépendent nécessairement les formes décentralisées et écologiques d’agriculture, a été à plusieurs reprises et de plus en plus menacé par un État turc hostile, qui contrôle les flux d’eau en amont le long de l’Euphrate. Ce qui montre finalement le grain de vérité de la vieille maxime selon laquelle, à long terme, pour qu’une révolution survive, il est impératif qu’elle se propage. Mais ce point, à son tour, nous oblige à poser la question difficile : pourrait-il se propager sans guerre ?

 
Article d’origine à lire en anglais sur le site frontiersin.org

SYRIE. Les forces kurdes se préparent à prendre d’assaut la prison d’Hassaké

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SYRIE / ROJAVA – Les forces de sécurité (Asayish), les FDS et les Forces antiterroristes ont amené des véhicules blindés dans la cour de la prison de Ghuwayran, à Hassaké, afin de prendre d’assaut la prison à tout moment. L’attaque qui se poursuit autour de la prison du quartier de Ghwayran est la plus importante depuis la défaite militaire de l’organisation État islamique (EI), fin 2019.
 
Cette évolution coïncide avec des affrontements sporadiques, alors que la majorité des membres assiégés de l’Etat islamique refusent de se rendre et que très peu de membres se sont rendus aux forces militaires.
 
Pendant ce temps, les forces de la coalition ont amené des renforts de véhicules blindés à proximité de la prison, au milieu des vols continus des avions de la coalition au-dessus de la région.
 
Plus tôt ce matin, les avions de la Coalition internationale ont renouvelé leurs frappes aux premières heures de la matinée de lundi, ciblant des positions où des membres de l’Etat islamique se sont enfermés dans la prison de Ghuwayran dans la ville d’Al-Hasakah. Pendant ce temps, des affrontements sporadiques à l’intérieur de la prison entre les Forces Asayish, les FDS et les Forces antiterroristes d’une part, et les membres de l’Etat islamique de l’autre, les membres de l’Etat islamique refusant de se rendre et choisissant de se battre jusqu’à la mort.
 
D’autre part, les forces militaires des FDS ont poursuivi leurs opérations de ratissage, à la recherche de membres de l’Etat islamique et de prisonniers cachés dans les quartiers autour de la prison d’Al-Sina’a.
 
Le nombre total de morts depuis le début de l’évasion de la prison de Ghuwayran jeudi soir serait de 154 : 102 terroristes de l’EI, sept civils et 45 membres des forces Asayish, des gardiens de prison et des forces antiterroristes.
 
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH / SOHR) affirme que le nombre de morts est encore plus élevé. De plus, de nombreuses personnes ont subi des blessures graves.
 
Des sources fiables déclarent que les FDS devaient prendre d’assaut la prison dans les heures à venir, après que terroristes aient fini leurs munitions.
 
Toutes les forces militaires dans les zones contrôlées par les FDS à Al-Hasakah, Al-Raqqah, Alep et Deir Ezzor ont été mises en état d’alerte maximale, au milieu des rapports des services de renseignement sur d’éventuelles attaques de l’Etat islamique dans ces zones.
 
Hier, les militants de l’OSDH ont confirmé qu’il y avait 500 à 600 membres de l’Etat islamique gardant plus de 50 employés et gardes en otage à l’intérieur de la prison. De plus, il y avait des enfants des « Louveteaux du califat » à l’intérieur de la prison.
 
D’autre part, des membres de l’Etat islamique ont menacé, via des haut-parleurs, d’exécuter tous les otages de la prison. En outre, les médias de l’Etat islamique ont diffusé des séquences vidéo montrant les otages, tandis que l’Etat islamique avait tendance à attiser les conflits entre les Kurdes et les Arabes.
 

SYRIE. « Les mercenaires de l’EI agissent sous le commandement direct de l’État turc »

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SYRIE / ROJAVA – Une militante kurde a déclaré dimanche que le silence irresponsable de la communauté internationale face à l’agression turque contre le Rojava / Syrie du Nord et de l’Est est en partie responsable d’une éventuelle résurgence de l’organisation terroriste État islamique (EI).
 

Pêncwîn Ali s’exprimait lors d’un rassemblement de l’organisation faîtière du mouvement des femmes Kongra Star à Qamishlo, suite à l’attaque de l’État islamique contre la prison de Hassekê: « Kongra Star ne croit pas que les mercenaires meurtriers de l’État islamique ont agi seuls. Il y a beaucoup à penser qu’ils opèrent sous le commandement direct de l’État turc », a déclaré Ali. Elle a ajouté que « l’attaque contre la prison de Sina est le point culminant de la coopération entre les dirigeants d’Ankara et l’Etat islamique depuis la victoire militaire sur la milice terroriste en Syrie il y a près de trois ans. Le but de cette coopération est la destruction de l’administration autonome et donc la fin du projet du Rojava.

Bien que l’Etat islamique soit un problème international, le seul fardeau a été transféré sur les épaules du nord et de l’est de la Syrie. il est clair pour toute la communauté que les actions guerrières de l’État turc torpillent la lutte contre l’Etat islamique et promeuvent la réorganisation du groupe terroriste. Néanmoins, le silence et l’inaction prévalent. Nous appelons la communauté internationale à agir enfin, avant que ce ne soit trop tard. »

La plus grande attaque de l’EI dans le nord et l’est de la Syrie en trois ans

Des cellules dormantes de DAECH / ISIS ont attaqué et tenté de prendre d’assaut la prison de Sina dans le district de Xiwêran à Hesekê jeudi soir. Tout d’abord, une voiture piégée a explosé à proximité de l’installation. Après cela, les islamistes se sont répandus dans les environs et ont attaqué les forces de sécurité de la prison afin de soutenir l’émeute qui se déroulait à l’intérieur du centre de détention et permettre aux prisonniers de s’évader.

 

SYRIE. Les fugitifs de DAECH utilisent 700 enfants comme boucliers humains

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SYRIE / ROJAVA – Les responsables kurdes déclarent que les membres de l’Etat islamique qui se sont évadés de la prison d’Hassaké utilisent environs 700 enfants des familles de l’EI qui se trouvaient dans la même prison. Ils demandent à l’ONU et au Comité international de la Croix-Rouge à intervenir pour empêcher qu’ils soient utilisés dans des opérations militaires de DAECH / ISIS.
 
Les Forces démocratiques syriennes (FDS) déclarent que les terroristes de l’Etat islamique ont fait du mal à ces enfants en prison.
 
Le Centre des médias des Forces démocratiques syriennes (FDS) a publié un communiqué sur le recours des mercenaires de l’État islamique à des méthodes criminelles pour faire pression sur leurs forces:
 
« Au cours des 3 derniers jours d’attaque organisée par l’organisation terroriste DAECH contre la prison de Ghweran / Al-Sina’a dans le but de la contrôler et de libérer les prisonniers terroristes, le grand obstacle au progrès des FDS était l’utilisation par les terroristes de 700 « lionceaux du califat » associés à l’Etat islamique en tant que boucliers humains, qui se trouvaient dans des dortoirs privés séparés à l’intérieur de la prison dans le but de les former à l’idéologie extrémiste. »
 
Les FDS déclarent que les terroristes de l’Etat islamique ont fait du mal à ces enfants en prison.
 
Les Forces démocratiques syriennes appellent les Nations Unies et le Comité international de la Croix-Rouge à intervenir pour éloigner les enfants et à ne pas les utiliser dans des opérations militaires de l’Etat islamique, et à les remettre aux forces de sécurité pour leur sécurité.