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IRAK. La Turquie a mené plus de 1 500 attaques contre le Kurdistan irakien en 2023

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IRAK / KURDISTAN – La Turquie a mené plus de 1 500 attaques contre la région kurde d’Irak en 2023, selon l’ONG CPT. La majorité de ces attaques visaient Duhok. Depuis 2015, au moins 152 personnes ont été tuées et 228 autres blessées par les attaques turques. En une dizaine d’année, les attaques turques ont provoqué le dépeuplement des centaines de villages kurdes dans la région.

En 2023, les Forces armées turques (TSK) ont mené 1 586 attaques dans la zone du gouvernement régional du Kurdistan et dans la province de Ninova.

Kamaran Osman, membre des Christian Peacemaker Teams (CPT) surveillant les opérations turques dans la région, l’a déclaré à Rudaw, basé à Erbil.

1 159 frappes aériennes

Selon la déclaration d’Osman, la Turquie a mené 1 159 frappes aériennes, 228 frappes de drones et 114 bombardements d’artillerie en 2023. De plus, les forces armées turques (TSK) ont été responsables de trois attaques armées et de deux explosions de mines.

L’observateur a précisé que la province qui a connu le plus d’attaques turques était Duhok qui a été frappée 517 fois, suivie de la province d’Erbil avec 475 frappes, de Sulaimani avec 420 frappes et de Ninive avec 36 attaques.

Selon les données du CPT, au moins 152 personnes ont été tuées et 228 autres blessées dans ces attaques depuis 2015.

Osman a déclaré qu’environ 850 civils ont été tués lors de frappes aériennes menées par la Turquie et l’Iran depuis 1990, et qu’Ankara est à l’origine de la plupart de ces attaques.

Deux villageois tués

Selon les familles interrogées par Rudaw, des avions militaires turcs ont ciblé mardi le village abandonné de Kafia, dans le district d’Akre. Quatre villageois travaillant dans des fermes voisines ont été touchés et deux d’entre eux ont perdu la vie.

Sarbast Sabri, maire du sous-district de Dinara où se trouve Kafia, a déclaré à Hunar Raşid de Rudaw : « La frappe a été menée par un avion de guerre turc ».

L’attaque s’est produite dans une période de violence accrue entre la Turquie et le PKK, suite aux représailles d’Ankara contre des forces qu’elle prétend affiliées à la branche syrienne du PKK, après la mort de 12 soldats fin décembre dans la région du Kurdistan.

Le ministère de la Défense a confirmé que sept soldats ont été tués dans la région du Kurdistan irakien depuis le début de l’année.

Souvent, les civils sont pris entre deux feux dans le conflit entre la Turquie et le PKK. De nombreuses familles ont été contraintes de fuir leurs foyers dans les villages de la région du Kurdistan à cause des affrontements, notamment dans la province septentrionale de Duhok, près de la frontière avec la Turquie, laissant des villages entiers vides. Un rapport parlementaire de la région du Kurdistan préparé en 2020 indique que le conflit Turquie-PKK a laissé plus de 500 villages vides dans la région.

Image via Rudaw datée de 2022

Savez-vous qu’il y a des lettres de l’alphabet kurde criminalisées en Turquie

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Sachez que les lettres ê-î-q-û-w-x de l’alphabet kurde sont interdites en Turquie car elles n’existent pas dans la langue turque! Ainsi, les prénoms kurdes comprenant ces lettres sont systématiquement interdits par l’État turc qui a par ailleurs turquifié tous les noms des villes et villages kurdes, en plus de donner des noms et prénoms turcs aux millions de Kurdes…

En Turquie, les millions de Kurdes, leur langue, us et coutumes sont criminalisés et sont assimilés de forces dans le cadre d’un génocide global (ethnocide, linguicide, culturicide, écocide…) qui va au-delà du meurtre physique des personnes. On interdit et pille leurs biens matériels (richesses naturelles, patrimoine historique…) et immatériels (langues, culture, croyances…). Mais têtus comme ils sont, les Kurdes résistent à cette extermination plus que centenaire et tiennent tête à leurs colonisateurs à travers tout le Kurdistan.

#DemDemaZimanêKurdîye
#DemDemêZiwanêKurdkîyo
#ZimanêKurdî #Zimanê_me_hebûna_me_ye #MotherTongue #Kurdistan #RojaZimanêDayikê #linguicide

TURQUIE. Diyarbakır marche pour le Kurde à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle

TURQUIE / KURDISTAN – Le Parti pro-kurde, DEM, a organisé une marche à Diyarbakır (Amed) pour la Journée internationale de la langue maternelle du 21 février. Les manifestants ont exigé de l’État turc la reconnaissance officielle du kurde et sa décriminalisation.

Le Parti pour l’égalité des peuples et la démocratie (DEM), pro-kurde, a organisé une marche dans la province de Diyarbakır, au sud-est du pays, le 21 février, Journée internationale de la langue maternelle. Les candidats du Parti DEM à la mairie, les représentants du Parti des régions démocratiques (DBP) et plusieurs organisations non gouvernementales se sont joints à la marche.

Les manifestants ont joué les dêfs traditionnels kurdes, scandé et brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « Notre langue est notre existence » et « Sans langue, il  n’y a pas de vie ». La police a suivi la foule jusqu’à ce qu’elle atteigne le monument des droits de l’homme situé dans le parc Koşuyolu.

Les musiciens jouent du daf (tambours sur cadre) au parc Koşuyolu. 

La coprésidente de la Commission de la langue et de la culture du parti DEM, Cemile Turhallı, et la présidente de la Fondation d’études linguistiques et culturelles de Mésopotamie (MED-DER), Dilan Güvenç, ont lu le communiqué de presse après la marche.

Güvenç a souligné que de nombreuses langues et dialectes étaient menacés d’extinction en Turquie, comme le syriaque, le laz, le bosniaque, le homshetsi, le circassien, l’arménien occidental et le roumain. « Le kurde, la langue maternelle de millions de personnes, est une autre langue menacée d’extinction », a lu Güvenç.

« La liberté de la langue kurde est la liberté des Kurdes et du Kurdistan », a-t-elle ajouté.

Güvenç a déclaré que le kurde détenait tous les droits fondamentaux comme l’anglais, l’allemand, le français, l’arabe, le farsi ou le turc. « Nous, millions de Kurdes, nos mouvements, partis et institutions, exigeons et luttons pour la liberté de la langue », a déclaré la porte-parole.

« L’heure est au kurde », tel était le slogan proposé par le parti pour une « lutte durable, forte, créative, multiforme et tangible ». 

Güvenç a énuméré les revendications des manifestants. La première fut la reconnaissance internationale et officielle du kurde. La seconde était que la Turquie propose un enseignement en langue kurde. « Nous avons besoin d’écoles de langue kurde depuis la maternelle jusqu’au niveau universitaire », a-t-elle déclaré.

L’orateur a demandé à la Turquie de lever les limitations qu’elle a introduites aux articles 17, 29 et 30 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Les articles concernent les droits linguistiques et culturels des enfants issus de minorités et autochtones.

L’article 30 stipule qu’un enfant appartenant à une minorité ou à un groupe autochtone « ne peut se voir refuser le droit de jouir de sa propre culture, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d’utiliser sa propre langue ».

Les manifestants ont également exigé la création d’un institut officiel de la langue kurde. « Les Kurdes ont besoin d’opportunités officielles telles que l’allocation de budget et de personnel, tout comme les Turcs », peut-on lire dans le communiqué.

Les manifestants ont également exigé que les noms de tous les villages, quartiers, rues, districts et villes des Kurdes portent des noms kurdes.

Les Kurdes représentent environ un cinquième de la population turque, mais rares sont ceux qui parlent leur langue maternelle en raison d’une oppression systématique de la langue qui dure depuis des années.

La constitution actuelle de la Turquie, ratifiée après le coup d’État militaire de 1980, n’interdit pas entièrement l’utilisation du kurde, mais les gouvernements successifs ont réprimé à plusieurs reprises son utilisation.

L’enseignement de la langue kurde dans toute la Turquie a été entravé par l’échec du processus de paix entre le gouvernement et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en 2015, qui a conduit à une explosion de violence et à la fermeture d’institutions culturelles.

Les noms kurdes sont également difficiles à inscrire sur l’identification officielle turque, car les lettres X, Q, W, Î, Û, Ê dans l’alphabet kurde sont interdites dans l’usage officiel. De nombreux Kurdes de Turquie reçoivent un deuxième nom turc en plus des noms kurdes.

TURQUIE. Inauguration du Centre de langue, de culture et d’art d’Eyşe Şan

TURQUIE / KURDISTAN – La municipalité de Silopiya du HDP a inauguré le Centre de culture, d’art et de langue Ayşe Şan, la célèbre chanteuse kurde du XXe siècle. Le coprésident kurde du PEN, Ömer Fidan, a déclaré : « Les Kurdes considèrent leur langue comme leur propre identité et leur propre existence. Parce que la langue n’est pas seulement un moyen de communication, mais aussi le sens de la paix, du dialogue et de l’unité. »

La municipalité de Silopi dirigée par le parti HDP (actuel DEM), a inauguré le Centre de langue, de culture et d’art d’Eyşe Şan (Navenda Ziman, Çand û Hunerê ya Eyşe Şanê) à l’occasion de la Journée interantionale de la langue maternelle. Les députés Şirnex du Parti DEM Nevroz Uysal Aslan, Zeki İrmez et des membres du Parti des régions démocratiques (DBP) et ont assisté à l’ouverture du centre de langue, de culture et d’art dans la rue Sanat dans le quartier Yeşiltepe. Les candidats du Parti DEM pour les municipalités de Silopiya, Cizîr et la municipalité de Tilqebin (Başverimli), des représentants de nombreuses organisations civils kurdes, dont le Centre de langue, de culture et d’art de Birca Belek, l’Assemblée des Mères de la Paix, le Mouvement des femmes libres (TJA), la branche Şirnex de l’Association des droits de l’homme (İHD) ainsi que beaucoup des civils étaient présents lors de l’inauguration.

Qui est Eyşe Şan ?

Ayşe Şan (Eyşe Şan), la grande chanteuse kurde,nous a quitté le 18 décembre 1996 à l’âge de 58 ans.

Née à Diyarbakır (Amed), Eyşe  est considérée comme l’une des plus grands chanteurs de la musique kurde contemporaine.

Le père d’Eyşe était un dengbêj (conteur kurde traditionnel). Eyşe commence à chanter à soirées de chant traditionnels, puis, à partir de 1958, malgré l’opposition de sa famille, a se produire en public.

Après une tentative infructueuse de mariage, qui lui avait été imposé, elle s’est installée à Antep (Dilok), où elle a commencé à enregistrer des chansons turques pour la radio locale, chanter en kurde étant alors interdit. Puis, elle est partie à Istanbul, où elle enregistre son premier album en langue kurde en 1963. La première chanson qui contribue à sa notoriété est Ez Xezalım [Je suis une gazelle]. En 1972, suite à des tracas administratifs, elle s’est installée en Allemagne. Une de ses chansons les plus connues, Qederê [Le destin], est écrite après la mort d’une petite fille de 18 mois.

En 1979, elle s’est rendue au Kurdistan irakien, où elle a rencontré de nombreux musiciens et chanteurs kurdes telles que Mihemed Arif Cizîrî, Îsa Berwarî, et Tahsin Taha. Le morceau d’Arif Cizîrî, Eysana Elî, lui est dédiée. À partir de années 1980, elle s’est installée à Izmir. Dans les années 1990, elle écrit en réaction à l’oppression des Kurdes des chansons telles que Werin pêsmerge [Venez les combattants kurdes]. Elle a écrit également des chansons sur la condition des femmes telles que Derdê hewîyê [Chagrin de polygamie] ou encore Hey wax dayê [Ô mère].

Turquie. Droits linguistiques pour les Arméniens mais pas pour les Kurdes

En Turquie, les Arméniens, les Grecs et les Juifs ont depuis 100 ans le droit à l’éducation dans leur langue maternelle, mais ce n’est toujours pas le cas des Kurdes. La raison des mauvais traitements infligés à une vieille femme à l’aéroport et de l’arrestation de son fils Memduh Çalışan est l’hostilité de l’État envers les Kurdes.

Memduh Çalışan arrive à l’aéroport d’Istanbul pour rencontrer sa mère. Sa mère est une femme kurde âgée. Elle ne parle pas turc. Sa langue maternelle est le kurde. La compagnie aérienne se charge d’escorter la femme âgée hors de l’avion en fauteuil roulant, de faire récupérer ses bagages par du personnel autorisé et de l’accompagner jusqu’à la sortie. Ce service est inclus dans le tarif. Cependant, comme la femme âgée ne parle pas turc, ce service est retardé et elle ne peut pas quitter l’aéroport pendant environ deux heures et demie. Le citoyen Memduh Çalışan s’énerve face à cette situation et fait la déclaration suivante :

« Écoutez, je suis venu ici à l’aéroport d’Istanbul, on l’appelle le troisième plus grand aéroport du monde, et je n’ai pu expliquer à personne la situation de ma pauvre mère et la faire sortir pendant deux heures et demie, parce qu’elle ne parle pas turc. L’équipage de l’avion, pour lequel j’ai payé des impôts dans ce pays, n’a rien fait pour m’aider. Ma mère a été retenue en otage à l’intérieur pendant deux heures et demie. Ils parlent arabe, azerbaïdjanais et anglais. Ils ne parlent pas la langue de ma mère [le kurde]. Elle ne pouvait pas s’expliquer. C’est la honte de la Turquie. Vous savez, ils vont demander nos votes. Ils vont nous appeler « frères » (…) »

La réaction des citoyens a suscité beaucoup d’intérêt sur les réseaux sociaux. En réponse, le bureau du gouverneur d’Istanbul a publié une déclaration. Le communiqué utilise des expressions telles que « la vidéo est malveillante, elle n’a d’autre but que de faire de la propagande contre l’État ». Ensuite, Memduh Çalışan a été arrêté. Il a été entendu par le procureur et a été relâché tard dans la nuit.

La raison en est que la femme âgée ne parlait que sa langue maternelle (…) kurde.

Nous sommes aujourd’hui le 21 février. Les Nations Unies ont proclamé cette journée « Journée internationale de la langue maternelle » en 1999. Depuis 2000, le 21 février est célébré dans le monde entier pour promouvoir le multilinguisme et la diversité culturelle. Diverses activités sont organisées. Le monde civilisé alloue des budgets pour aider les langues en danger à survivre en créant des écoles de langues, des instituts et des facultés universitaires.

En Turquie, cependant, une politique honteuse de déni et d’assimilation, un nationalisme bon marché accroché aux idoles et une logique coloniale méprisable prédominent toujours.

Mais la situation est différente pour les minorités chrétiennes.

J’ai appris l’arménien à l’école. Il existe des dizaines d’écoles arméniennes à Istanbul. Si ces écoles dispensent six heures de cours de turc par semaine, elles dispensent également six heures de cours d’arménien. Tous les enseignements, à l’exception des matières telles que l’histoire, la géographie, la littérature et la sécurité nationale, qui sont enseignées par des enseignants nommés par le ministère de l’Éducation nationale, peuvent être dispensés en arménien. Le christianisme est enseigné dans ces écoles dans le cadre de l’enseignement religieux. Ces écoles sont fermées lors de nos fêtes religieuses comme Pâques et Noël. Ils sont également fermés lors des fêtes nationales et religieuses du pays. Le programme de ces écoles est le même que celui du ministère de l’Éducation nationale. La Fête de la République est célébrée le 29 octobre dans ces écoles ainsi qu’à l’école primaire Taksim Atatürk.

Depuis 100 ans, les Arméniens, les Grecs et les Juifs ont droit à l’éducation dans leur langue maternelle dans ce pays. Ce droit est inscrit dans le texte fondateur de l’État turc, le Traité de Lausanne, et a été continuellement mis en œuvre. (Les Assyriens* sont restés en dehors de cet accord et ont été soumis à des pressions très sévères).

Ainsi, mes amis, l’État turc a l’expérience de savoir ce que signifie la langue maternelle, de développer un modèle idéal d’enseignement en langue maternelle pour ses citoyens et de le mettre en œuvre sans problème. Elle bénéficie également de l’expérience de centaines de milliers d’étudiants diplômés de ces écoles et ayant atteint des postes importants dans la société.

La République de Turquie est l’un des pays les plus expérimentés au monde dans le domaine de l’enseignement de la langue maternelle. Elle donne l’exemple avec la méthode qu’elle a développée et mise en œuvre depuis 100 ans. Dans le monde de 2024, les États unitaires n’auront plus de problèmes tels que l’enseignement de la langue maternelle. Dans de nombreux pays, les langues sont préservées de diverses manières.

La raison pour laquelle l’État a maltraité une femme âgée à l’aéroport et a arrêté Memduh Çalışan est due à l’hostilité envers les Kurdes. C’est l’une des médiocres illusions d’une société qui en a assez de dire qu’il n’y a pas de Kurdes, qu’il n’y a pas de langue kurde. C’est de la méchanceté, des mensonges et de la tromperie.

Le Parti républicain du peuple en est également coupable. Certains kémalistes qui affirment que le pays sera divisé si les Kurdes apprennent leur langue ne sont pas le visage brillant de ce pays. Leur rhétorique nationaliste dépassée est la même que celle des partis fascistes dans la politique occidentale.

Les Kurdes existent.
Le kurde existe.
L’éducation dans la langue maternelle est un droit.

 

Par Hayko Bağdat, activiste, écrivain et journaliste, né à Istanbul en 1976 d’une mère grecque et d’un père arménien. Bagdat a débuté sa carrière de journaliste en 2002, en se concentrant sur les questions relatives aux minorités en Turquie. Il poursuit son travail de journaliste à Berlin où il s’est réfugié depuis 2017.

* Les Assyriens sont une minorité chrétienne et sont exclus de la règle générale en Turquie de tolérance envers les langues des minorités chrétiennes.

 

 

 

TURQUIE. Journalistes mobilisées pour une collègue kurde emprisonnée

TURQUIE / KURDISTAN – Six syndicats et associations ont appelé les groupes de journalistes internationaux à exprimer leur soutien à leur collègue Dicle Müftüoğlu avant sa prochaine audition le 29 février.

Six organisations professionnelles de journalistes en Turquie ont publié une déclaration appelant à une campagne internationale pour la libération du journaliste kurde emprisonné Dicle Müftüoğlu.

L’Association des journalistes contemporains (ÇGD), l’Association des journalistes Dicle Fırat (DFG), l’Association des médias et des études de droit (MLSA), l’Association des femmes journalistes de Mésopotamie (MKG), le Syndicat des travailleurs de l’impression et de l’édition de presse (DİSK Basın-İş) et l’Union des journalistes de Turquie (TGS) a envoyé sa déclaration aux organisations de presse internationales et aux institutions travaillant dans le domaine des droits de l’homme.

Avant la troisième audience du 29 février, ils ont demandé la libération de Müftüoğlu et déclaré :

 

« La journaliste kurde primée Dicle Müftüoğlu, connue pour son travail précieux dans le domaine du journalisme en tant que coprésidente de l’Association des journalistes Dicle Fırat (DFG) et rédactrice en chef de l’Agence Mésopotamie (MA), a été arrêtée le 3 mai 2023, lors de la Journée internationale de la liberté de la presse, et envoyée en prison.

Dicle Müftüoğlu a été arrêtée à Diyarbakır le 29 avril 2023, dans le cadre de l’enquête menée par le parquet général d’Ankara. Détenue dans la prison fermée pour femmes de Sincan pendant près de 10 mois, un acte d’accusation a été préparé contre Müftüoğlu pour « appartenance à une organisation illégale [PKK] » et « formation et gestion d’une organisation illégale ». Cependant, après examen de l’acte d’accusation de 43 pages, il n’y a pas une seule accusation contre Müftüoğlu en 41 pages.

Lors des audiences du 14 décembre 2023 et du 18 janvier 2024, il est apparu que Müftüoğlu n’avait eu aucune action ou activité dans le cadre du dossier autre que ses activités journalistiques. L’opinion publique est bien consciente de la pression exercée sur les journalistes kurdes en Turquie. Müftüoğlu fait partie de ces journalistes qui ont été arrêtés et jugés à plusieurs reprises sous cette pression. On constate cependant qu’elle est soumise à une peine incertaine en raison d’une détention prolongée. Malgré le manque de preuves suffisantes pour qu’elle reste en prison, le juge ne l’a pas libérée lors des deux audiences.

Müftüoğlu comparaîtra devant le juge pour la troisième fois le 29 février. Tout en exerçant sa profession, Müftüoğlu a toujours soutenu et défendu les principes et les règles éthiques du journalisme. Malgré les défis et les difficultés du journalisme, elle a poursuivi avec diligence son devoir d’informer le public. Grâce à ses efforts, elle a reçu le prix du « Journaliste le plus résilient » décerné par Free Press Unlimited, basé aux Pays-Bas.

L’arrestation de Müftüoğlu en raison de sa profession de journaliste constitue non seulement une agression contre elle, mais aussi une grave atteinte à la liberté de la presse et aux valeurs fondamentales de la démocratie. Dans ce contexte, nous appelons au soutien international pour lancer une campagne pour la libération de Müftüoğlu avant son procès le 29 février.

Nous voulons que l’on sache que le journalisme fait partie intégrante de la démocratie et que protéger les journalistes signifie protéger la liberté d’expression et la démocratie. Nous demandons que des mesures soient prises, en tenant compte du cas de Dicle Müftüoğlu et des cas similaires d’autres journalistes ayant besoin de protection.

TURQUIE. Le parlement turc fait taire le kurde pendant la Journée internationale de la langue maternelle

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TURQUIE – Lorsque la députée du Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (DEM), Beritan Güneş Altın, a tenté de prononcer un discours en kurde au parlement turc, à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, son microphone a été coupé, déclenchant un débat sur les droits linguistiques et l’unité nationale.

Alors que les débats sur les droits linguistiques continuent de se dérouler en Turquie à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, une députée du parti pour l’égalité des peuples et la démocratie (DEM) a été réduite aux  silence alors qu’elle tentait de s’exprimer en kurde lors d’une session du parlement turc.

La députée DEM de Mardin (Mêrdîn) Beritan Güneş Altın avait commencé à s’adresser à l’assemblée en kurde mercredi lorsque son micro a été éteint par le président de la séance, Celal Adan, du Parti du mouvement nationaliste (MHP) d’extrême droite, citant « l’indivisibilité de l’État et la nation turques », comme le stipule l’article 3 de la Constitution.

En réponse à l’interruption, Güneş Altın a remis en question ce qu’elle considérait comme deux poids, deux mesures, en se demandant si la célébration de la Journée mondiale de la langue maternelle était considérée comme de la propagande de la part des dirigeants parlementaires. Elle a souligné l’hypocrisie d’être empêché de parler kurde alors que les candidats du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir étaient autorisés à utiliser le kurde dans leurs campagnes dans des régions à majorité kurde telles que Mardin, Diyarbakır (Amed) et Şanlıurfa (Riha).

Güneş Altın a expliqué qu’elle souhaitait célébrer les langues des peuples du monde en kurde. Elle a fait une seconde tentative, mais son micro a été éteint une seconde fois, soulignant le traitement réservé à la langue kurde dans la sphère politique en Turquie.

L’incident a rapidement déclenché un débat plus large sur le droit à l’expression linguistique au sein des institutions politiques turques et sur la lutte en cours pour les droits linguistiques kurdes. Les remarques ultérieures faites en turc devant l’Assemblée par le président du groupe du parti DEM, Sezai Temelli, reflétaient des questions profondément enracinées sur l’identité nationale, l’unité et la place des langues minoritaires en Turquie.

TURQUIE. Le parti DEM alerte l’UNESCO contre la violation des droits linguistiques en Turquie

TURQUIE / KURDISTAN – Le parti politique DEM demande à l’UNESCO d’agir pour lever les réserves que la Turquie a émises sur les articles 17, 29 et 30 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, afin de répondre aux exigences de la convention.

A cause d’interdiction de la langue kurde dans plusieurs régions du Kurdistan (en Turquie et en Iran notamment), le kurde et ses dialectes (kurmanjî, soranî, zazakî, goranî…) se trouvent sur la liste des langues en danger de l’UNESCO, allant de « vulnérables » à « critiques » pour certains d’entre eux.

Le DEM parti s’adresse à l’UNESCO pour sauver les langues maternelles en Turquie

Les coprésidents du parti DEM (Parti pour l’égalité des peuples et la démocratie), Tülay Hatimoğulları et Tuncer Bakırhan, ont écrit une lettre à l’UNESCO à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle.

Célébrant le 21 février la Journée internationale de la langue maternelle, la lettre rédigée par les coprésidents du parti DEM se lit comme suit :

« Le droit à l’éducation dans la langue maternelle est l’un des droits humains les plus fondamentaux et a été reconnu par les Nations Unies. La mise en œuvre de ce droit est exigée de tous les États membres de l’ONU. Cependant, ce droit a été refusé aux peuples kurde, arabe, arménien, assyrien, circassien et laz de Turquie. Dans ce pays, toutes les langues autres que le turc sont systématiquement interdites et leurs locuteurs assimilés au système turc. En raison des politiques d’assimilation, de nombreuses langues turques sont en danger d’extinction. Selon l’Atlas des langues mondiales en danger de l’UNESCO, dix-huit langues ont disparu ou sont en danger d’extinction en Turquie. L’une de ces langues est le dialecte kurde Kirmancki.

L’assimilation des langues et les politiques de destruction culturelle sont considérées comme des crimes contre l’humanité. Cependant, la Turquie ne respecte pas les résolutions internationales protégeant les langues et continue de violer ces droits.

En tant que Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (Parti DEM), nous profitons une fois de plus de l’occasion du 21 février, Journée internationale de la langue maternelle, pour appeler votre institution et toutes les institutions internationales à assumer leurs responsabilités. Nous exigeons que vous envoyiez une délégation en Turquie et que vous ouvriez une enquête sur la violation des droits à la langue maternelle. En Turquie, le statut du kurde (les dialectes Kurmancî et Kirmanckî ou zazakî), de l’arabe, de l’arménien, du syriaque, du circassien, du laz, du romani, du bosniaque et de toutes les autres langues doit être reconnu. Nous exigeons que la Turquie se conforme aux décisions internationales sur les droits fondamentaux et remplisse les exigences des accords internationaux. Et nous demandons à votre institution de prendre les mesures nécessaires pour lever les réserves que la Turquie a émises sur les articles 17, 29 et 30 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, afin de répondre aux exigences de la convention. »

ROJAVA. La journée internationale de la langue maternelle célébrée à l’école

SYRIE / ROJAVA – Interdite sous le régime baasiste, la langue kurde renait de ses cendres grâce à l’instauration d’une région autonome dans le nord de la Syrie où les enfants kurdes reçoivent un enseignement dans leur langue maternelle. Aujourd’hui, ils ont célébré la journée internationale de la langue maternelle en scandant le slogan « Bê Ziman Jiyan Nabe (sans la langue, il n’y a pas de vie) » et en chantant l’hymne national kurde « Ey Reqip ».

A cause d’interdiction de la langue kurde dans plusieurs régions du Kurdistan (en Turquie et en Iran notamment), le kurde et ses dialectes (kurmanjî, soranî, zazakî, goranî…) se trouvent sur la liste des langues en danger de l’UNESCO, allant de « vulnérables » à « critiques » pour certains d’entre eux.

TURQUIE. 15 personnalités politiques kurdes condamnées à la prison

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TURQUIE / KURDISTAN – L’audience finale du procès du KCK contre 15 personnalités politiques kurdes à Mardin en 2014 s’est tenue hier. Elles sont condamnées à des peines de prison pour « appartenance à une organisation (terroriste) ».

L’audience finale du procès du KCK contre 15 personnalités politiques kurdes à Mardin s’est tenue hier par la 2e Haute Cour pénale de Mardin.

Les noms de 15 politiciens kurdes sont : Nazım Kök, Davut Bozan, İpek Güneş, Ayşe Bozan, Ziver Gümüş, İsa Durç, Lokman Ekenek, Abdulkadir Aktaş, Erdal Irmak, Davut Şahin, Musa Alkan, Sedat Dağ, Mesut Amak, Genco Akman et Gülser Yıldırım, ancien député du Parti démocratique des peuples (HDP).

Quinze hommes politiques kurdes n’ont pas assisté à l’audience alors que leurs avocats étaient présents.

Donnant son avis lors de l’audience, le parquet a requis des peines de prison contre les politiciens kurdes pour « appartenance à une organisation (terroriste) ».

Le tribunal a condamné Lokman Ekenek, Davut Şahin, Nazım Kök, Ziver Gümüş, Davut Bozan, İpek Güneş et Ayşe Bozan à sept ans et six mois de prison chacun. Musa Alkan et Isa Durç ont été condamnés à six ans, 10 mois et 15 jours de prison. Genco Akman, Sedat Dağ, Gülser Yıldırım, Mesut Amak, Abdulkadir Aktaş et Erdal Irmak ont ​​été condamnés à six ans et trois mois de prison.

KURDISTAN. La Turquie tue deux peshmergas à Akrê

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IRAK / KURDISTAN – Hier soir, un drône turc a bombardé le village de Kafiya à Dînartê, dans la province d’Akre*, district de Duhok. Deux peshmergas kurdes auraient été tués dans l’attaque bien que d’autres sources parlaient de civils.

Les peshmergas tués sont Arif Taha (61 ans) et Beşir Ömer Ali (68 ans).

Le PDK n’a fait aucune déclaration et le gouvernement régional du Kurdistan est également resté silencieux.

Les Peshmergas auraient été bombardés alors qu’ils travaillaient dans leurs vignes et leurs jardins au pied du mont Sîyarê.

Au moins 152 civils ont été tués et 228 civils ont été blessés lors des attaques menées par l’État turc contre le territoire du Kurdistan du Sud depuis 2015.

*Le mont d’Akrê est surnommé le mont du Newroz à cause des défilés aux flambeaux réalisés sur le mont d’Akrê pendant le nouvel-an kurde Newroz.

Non à l’interdiction de la langue kurde

A l’occasion de la journée internationale de la langue maternelle célébrée le 21 février, nous republions cet article concernant la langue kurde daté de 2020 mais qui reste d’actualité tant que le Kurdistan restera colonisé et la langue kurde interdite, notamment en Turquie.

« Qui peut dire que dérober sa langue à un peuple est moins violent que la guerre ? »  Ray Gwyn Smith

De nos jours, la probabilité d’entendre un Kurde vous dire « Je suis kurde mais je ne parle pas le kurde. » est très élevé. En effet, depuis la division du Kurdistan au début du XXe siècle, les États occupants du Kurdistan ont voulu mettre fin à l’existence du peuple kurde en mettant en place des politiques de génocide linguistique car il était très difficile d’exterminer physiquement des millions d’individus, malgré les nombreux massacres perpétrés, comme à Dersim, Zilan, Halabja… Alors, ces Etats (Turquie, Iran, Irak*, Syrie) ont interdit sévèrement la pratique du kurde dès la deuxième moitiés du XXe siècle.

Les Kurdes ne peuvent recevoir un enseignement en langue kurde, ne peuvent faire leur défense devant la justice, etc. ni même prétendre qu’ils ont une langue qui s’appelle le kurde car la Turquie nie l’existence de cette langue millénaire et la fait passer dans ses registres comme « langue X » (X pour dire « inconnue ») ! Retour sur un génocide linguistique à travers le regard d’une rescapée.

Ma famille vivait dans une ferme isolée dans la montagne, au Kurdistan du Nord (Bakur) sous occupation turque. Pendant l’hiver, le seul lien qu’on avait avec le monde extérieur était le poste de radio que mon père s’était achetée et de rares invités qui venaient des villages alentour quand il n’y avait pas trop de neige qui bloquait les sentiers menant à la montagne. Un jour, alors que j’étais encore bébé, mon père a déclaré à ma mère que dorénavant tous les enfants devaient parler que le turc, car l’État turc avait interdit formellement notre langue, sous peine d’amande et ou de la prison etc.

Cette interdiction de parler notre langue maternelle allait causer des traumatismes insoupçonnés chez les nouvelles générations. Il m’a fallu des années pour que je m’en rende compte de sa gravité. De nombreux flash-backs me rappelle cette lente destruction d’un peuple à travers sa langue bannie.

Notre village, où il y avait une école primaire récente, était à plusieurs km de notre ferme et les mois d’hiver enneigés empêchaient mes frères et sœurs de s’y rendre. Alors, mon père a dû les envoyer dans un internat.

Pour « couper » la langue kurde à la racine, dès les années 1980, l’État turc avait décidé de créer des internats** pour les enfants kurdes. Dès l’âge de 7 ans, les Kurdes passaient leur année scolaire en internat à la merci des enseignants et des surveillants dont la mission était d’inculquer la langue turque à des enfants qui n’en connaissaient pas un mot et de les turquifier en les coupant de leur familles, leur culture, leur langue. Je ne veux même pas m’attarder sur les sévisses psychiques, physiques et sexuels dont étaient victimes de nombreux enfants kurdes dans ces internats de l’horreur…

Quelques années après, on a dû abandonner notre ferme et nous nous sommes rapprochés de la petite ville où mes frères et sœurs étaient internés. Ainsi, ils ont pu quitter l’internat et revenus à la maison. Mais, on parlait tous le turc entre nous et notre père. Le kurde était réservé à notre mère qui parlait très mal le turc.

 

Le fait que les enseignants nous disent à langueur de jour qu’il n’y avaient pas de Kurdes en « Turquie » (car pour la Turquie il n’y avait ni Kurdes, ni Kurdistan), moi, petite fille, je me sentais coupable. Coupable d’exister alors qu’en toute logique, je le devais pas puisque c’est ce que nos enseignants disaient. Coupable aussi de parler, en cachette, une langue qui n’existait pas. Alors, un jour que notre maître a demandé s’il y avait des enfants qui ne savaient pas parler le kurde et qu’il fallait qu’ils lèvent le doigt, je me suis exécutée aussitôt. J’étais la seule et j’étais pas trop fière de moi…

Avec l’école, la télé et la radio turques, on n’avait plus besoin de faire d’effort pour oublier cette langue clandestine. L’État turc avait tout prévu pour nous. On n’avait qu’à se laisser faire. Notre vocabulaire du kurde diminuait de jour en jour, remplacé par le turc, jusque dans nos rêves, et ceci sans « aucun » regret. De toute façon, on n’aimait pas cette langue illégale. Qui aime l’illégalité, surtout quand vous êtes un enfant qui veut tout bien faire ?

Moi, la petite fille « sage » et « intelligente », j’étais la chouchoute de mes enseignants et j’avais même eu droit au surnom « la Turque » dans le voisinage pour avoir commencé à parler le turc avant le kurde tandis que les autres enfants avaient plus de difficultés à devenir de parfaits petits Turcs du jour au lendemain. Et que dire de la honte que je ressentais devant ma mère qui ne maîtrisait pas le turc ? Honte d’appartenir à un peuple qui ne devait pas exister, un peuple « arriéré », selon la définition de l’État colonialiste qui voulait en finir avec nous en nous turquisant bien comme il faut.

Une fois adulte et devenue exilée dans un pays occidental (France), dont je ne connaissais pas la langue, j’ai tout de suite voulu apprendre le français pour me défaire du turc car cet exil physique a été le déclic pour un retour mental à mes origines. Soudain, j’ai commencé à avoir les fameux flash-backs qui me rappelaient toutes les humiliations qu’on avait subi en tant que Kurdes et enfants et l’interdiction de parler notre langue sur notre propre terre.

Je passais mes journées à écouter des cassettes d’apprentissage du français, je lisais, je discutais avec des non-kurdes pour apprendre vite le français. La nuit, j’avais le dictionnaire « Le Petit Robert » dans mon lit (je dis toujours que Petit Robert fut mon premier amant français !)  En quelques mois, j’ai réussi a me débrouiller bien et au bout de quelques années, le français est devenue ma première langue. Mais je ne parlais toujours pas correctement ma langue maternelle et mon entourage m’avait surnommée cette fois-ci « la Française » !

Il y a quelques mois, je discutais avec un ami kurde qui m’avait demandé si j’étais née en France car mon français était « très bien ». Je lui ai dit que non, que j’étais venue à l’âge adulte, sans passer par la case école. Il me croyait à peine ! Je lui ai parlé de mes deux surnoms liés aux langues, avant d’ajouter que j’avais réussi à être turque et française et que maintenant, il était temps que je (re)devienne kurde et qu’on m’appelle enfin « Kurdê » (la Kurde) !

Aujourd’hui, je lis et écris le kurde, avec difficulté, sauf quand ce sont des poèmes orphelins qui viennent frapper à ma porte pour m’emmener au pays. Mais, je ne désespère pas, je vais réussir à devenir une « vraie Kurde » qui parle sa langue, même si ça va être difficile, qu’il me faudra trébucher sur les mots, tomber à terre, après tant d’années passées dans une paralysie linguistique imposée et vive la revanche des « vaincus » ! (Keça Bênav)

*Dans les autres parties du Kurdistan, en Irak, Iran et Syrie, on avait à peu près les mêmes interdictions. Aujourd’hui, au Kurdistan autonome d’Irak et au Rojava, on enseigne en langue kurde tandis qu’en Iran, le kurde continue à être criminalisé… C’est pourquoi, aujourd’hui beaucoup de Kurdes, ceux en Turquie essentiellement, ne parlent plus leur langue mais ils sont nombreux à lutter pour avoir le droit de la réapprendre et de la parler; de s’approprier de nouveau leur musique, leurs us et coutumes, pillés et interdits par leurs colonisateurs. Le prix à payer pour les Kurdes, afin d’obtenir ce qu’ils veulent, reste très élevé. Cela coûte souvent des vies mais ils restent déterminés.

 

** Cette décision mise en oeuvre a plutôt réussi, avec des effets dévastateurs qu’on peut facilement deviner sur le plan psychique et/ou socio-culturel chez les enfants kurdes et les adultes qu’ils sont devenus.

Pour finir avec les droits ou interdits concernant les langues, voici une histoire écrite par un écrivain kurde qui relate l’interdiction du kurde et ce qui nous attendait si on la bravait.

« Un pain en turc » ou comment interdire aux Kurdes de parler leur langue maternelle

Nous sommes dans les années 1980, dans une région kurde sous occupation turque. Un paysan court à la boulangerie de son village au retour de son champ et voudrait acheter un pain avant le coucher du soleil qui est proche, car dans cette région kurde, l’Etat turc a décrété un état d’urgence avec couvre-feu au couché du soleil. Le paysan lance à la hâte « ka nanakî, bi tirkî.** » en kurde, qu’on pourrait traduire en « un pain, en turc. » Ce pauvre paysan ne sait pas parler le turc mais il faut bien qu’il achète son pain d’une façon ou d’une autre.

Maintenant, imaginons un instant que cette scène ait lieu en France, pendant l’occupation nazi : Un paysan corrézien de retour de son champ, court à la boulangerie de son village. Le soleil va bientôt se coucher, or, il y a le couvre-feu à la tombée de nuit. Les Nazis ont interdit de parler le français et ont imposé la langue allemande dans tout le pays mais notre paysans corrézien ne parle pas un mot d’allemand. Alors, il dirait, vraisemblablement : « Un pain, en allemand. »

En effet, l’État turc avait interdit le kurde dans tout le pays, y compris dans les régions kurdes et ce, depuis la création de la Turquie en 1923. Même au sein de leurs foyers, les Kurdes ne pouvaient parler leur langue sous peine d’être arrêtés et/ou torturés, en plus de payer une amende. (L’Ėtat turc avait dépêché des fonctionnaires à cet effet dans tout le Kurdistan.)

Encore aujourd’hui, en Turquie, la langue kurde reste interdite, même si dans le cadre de la vie privée on peut la parler…

** « Ka nanakî bi tirkî / Bana türkçe bir ekmek ver » est le nom d’une nouvelle de Cezmi Ersöz, écrivain et journaliste kurde.