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Cours privés pour apprendre le kurde en ligne

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LANGUE. Depuis que le coronavirus a chamboulé nos vies, on fait de plus en plus de choses sur internet, dont l’apprentissage de la langue kurde.

Ainsi, en avril dernier, en pleine confinement, on a lancé des cours de kurde (dialecte kurmancî, niveaux grands-débutants francophones) en ligne à raison de 3 cours hebdomadaires.

Ces cours de kurde sont dispensés, gratuitement, via l’application ZOOM et partagés sur la page Facebook « Apprendre le kurde en ligne » simultanément, sauf problèmes dus aux aléas du direct. La première partie des cours se trouve également sur Youtube.

En plus de ces cours gratuits, si vous voulez prendre des cours privés, vous pouvez contacter nos camarades Hasan, Husên, Omer et Firat (Nebiyê DÛRO) qui dispensent des cours de kurdes en ligne à raison d’un forfait de 10 cours à 150 euros.
 
Contactez directement les enseignants pour les détails:
 
Hasan: 0033 760 10 80 05
Husên: 0033 768 03 97 34
Omer: 0033 758 01 64 99
Firat:   0033 643 43 89 24

ROJAVA. L’Etat turc commet des crimes de guerre contre les femmes

SYRIE / ROJAVA – La Turquie et ses mercenaires islamistes commettent des crimes de guerre et crimes contre l’humanité visant les femmes dans les régions kurdes occupées dans le nord de la Syrie. Le Conseil des femmes de la Syrie du Nord et de l’Est a organisé à Qamishlo un colloque sur ces crimes.
 
Parmi les participantes à l’atelier figuraient : L’Union des femmes syriennes, le Conseil des femmes du Nord et de l’Est de la Syrie, le Bureau des femmes du Parti démocratique et novateur, le Bureau des femmes TEV DEM, l’Organisation des droits de l’homme, le Bureau des relations étrangères, la Représentation de l’administration autonome démocratique du Kurdistan du Sud, le Bureau des femmes du MSD, le Comité des femmes du canton de Qamishlo, le Conseil des femmes syriennes, l’Institution Yazidie, Kongra Star, le Parti Avenir de la Syrie et partis politiques féminins.
 
Siham Emokê, membre de la coordination de l’étoile du Kongra pour la Syrie du Nord et de l’Est, a déclaré : « Aucune solution n’a été trouvée pour contrer les violations de l’État turc ».
 
Siham Dawud, secrétaire générale du Parti Avenir de la Syrie, a déclaré : « Cibler les femmes politiques, c’est cibler la voix de la paix et de la solution. L’État turc occupant continue ses attaques terroristes contre les femmes. Chaque jour, nous entendons parler de meurtres, d’abus sexuels, d’arrestations et de déplacements forcés. En prenant pour cible les femmes organisées, la Turquie veut briser le libre arbitre des femmes. Erdogan a une phobie des femmes et elle est évidente dans le nord et l’est de la Syrie. Erdogan a peur de l’administration autonome démocratique, qui est basée sur la solution de la crise syrienne ».
Les participantes à l’atelier ont souligné qu’il y a une tentative d’empêcher les femmes de participer à l’arène politique. Elles se sont souvenues de la martyre Hevrin Xelef [secrétaire générale du Parti Avenir de la Syrie] qui luttait pour une solution politique, répandait la paix et a donc visée et assassinée par l’Etat turc et ses mercenaires.
 
« Les femmes, les hommes et les enfants civils ont le droit d’être protégés », a déclaré Amrin Xelife, chef du Bureau de recherche juridique intelligent. Les groupes armés ne peuvent pas attaquer les civils. Les lois n’interdisent pas la guerre, mais garantissent la protection des droits civils. Celle-ci est établie par la Convention de Genève ».
 
Notant que l’État turc a commis des crimes de guerre contre les femmes, mais que personne n’a demandé des comptes à l’État turc, les participants ont attiré l’attention sur le fait que le meurtre du secrétaire général du Parti Avenir de la Syrie Hevrîn Xelef, perpétré par les mercenaires de l’État turc, a été documenté, mais que les criminels n’ont pas été traduits en justice.
 
Evin Cuma, coprésidente de l’Organisation des droits de l’Homme de la région de Jazira, a souligné que l’État turc a commis des crimes de guerre contre les femmes dans les zones occupées du nord et de l’est de la Syrie, a forcé des milliers de personnes à émigrer, a utilisé des armes lourdes et a interdit les armes contre les civils, des centaines de civils.
 
Elle a ajouté qu’il a massacré et pillé les infrastructures des régions et a souligné qu’il a également changé la structure démographique dans les régions de Serêkaniyê, Afrin et Girê Spî.
 
Soulignant que l’État turc d’occupation et ses mercenaires ont commis de nombreux crimes contre les femmes en 2018, 2019 et 2020, Evin Cuma a déclaré : « 53 meurtres, 128 attaques ayant entraîné des blessures et 61 crimes d’abus sexuels contre les femmes ont été documentés en 3 ans. 5 femmes ont mis fin à leur vie en raison de tortures et d’attaques brutales. 317 femmes ont été kidnappées et libérées contre paiement d’une rançon.
 
Sous le nom d’opération « Printemps de la paix », 23 femmes ont été tuées à Serêkaniyê, Girê Spî et dans les régions frontalières, dont 2 ont été victimes de viols. 60 femmes ont été blessées lors des bombardements, 12 femmes ont été enlevées ».
 
L’atelier a déclaré que les meurtres, les violations et les crimes affectent négativement la psychologie des femmes dans une large mesure et a appelé à un soutien psychologique, social et juridique pour les femmes.

A la croisée des génocides kurde et arménien

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Alors que l’offensif militaire de l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie qui lui a envoyé 4000 mercenaires syriens et des armes en renfort, a déclaré la guerre à l’Arménie en attaquant la région autonome arménienne du Haut-Karabakh* (Artsakh), dans le Caucase du Sud, les Arméniens alertent (en vain ?) le monde pour qu’un deuxième génocide arménien n’ait pas lui un siècle après le génocide qui fait plus d’un million et demi de morts arméniens et chassé de leurs terres les autres.

Ce nouveau génocide qui se dessine dans le Caucase du Sud vient interférer avec le génocide kurde qui a lieu depuis des années dans de nombreuses régions du Kurdistan. En effet, au Rojava, au Bakûr, au Bashûr et au Rojhilat, les Kurdes sont massacrés par les États colonialistes (Syrie, Turquie, Iran, Irak) occupant le Kurdistan depuis près d’un siècle déjà. Mais la communauté internationale reste aveugle à ce génocide car il s’agit d’un peuple apatride. Espérons que les Arméniens auront plus de « chance » que les Kurdes en étant entendus de la communauté internationale.

En attendant, voici un des messages venus du monde arménien en pleine guerre azéro-arménien :

« J’ai le sentiment terrible d’être en 1915 à la veille du génocide.

Les Turcs se rapprochent et les Arméniens résistent encore et toujours. Les Turcs sont à une vingtaine de km de Latchin et des commandos azéris effectuent des attaques au portes même de Stepanakert. L’ombre nauséabonde de Satan plane et les instances internationales sont soit dans l’inertie soit dans la complicité. Encore une fois nous sommes debout et faisons face tout seul. Ce qui se joue ici est le laboratoire de ce qui se déroulera à plus grande échelle dans le monde… »

Antoine Agoudjian

Saignant ou à point… vous le voulez comment votre Kurde?

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SYRIE / ROJAVA – La Turquie a intensifié ses attaques visant les Kurdes dans la région d’Ain Issa, dans le nord de la Syrie, malgré le « cessez-le-feu » négocié par les Etats-Unis et la Russie l’année dernière. Les civils, attaqués par de l’artillerie lourde et des chars qui ont fait des morts et de nombreux blessés civils, dont des enfants, fuient les bombardements.
 
En ce moment même, on assiste à une nouvelle agression militaire turque visant les Kurdes du Rojava avec la complicité de la communauté internationale, qui laisse la Turquie attaquer le Rojava qu’elle veut anéantir à tout prix.
 
Depuis l’invasion d’Afrin par la Turquie en 2018, les Kurdes du Rojava sont en alerte permanente. En effet, l’invasion d’Afrin a été suivi de celle de Ras-al-Ain (Sere Kaniyê) et de Tal Abyad en octobre 2019 et la Turquie ne veut pas s’arrêter en si bon chemin, encouragée par le soutien tacite de la communauté internationale qui ferme les yeux à ses crimes de guerre et crimes contre l’humanité que la Turquie commet au Rojava.
 
Féminicides, viols, l’exploitation sexuelle de femmes et de fillettes, meurtres, torture, enlèvements, destruction des lieux sacrés appartenant aux Yézidis ou aux chrétiens, pillage des biens appartenant aux civils et celui des sites archéologiques, changement démographique opéré en remplaçant les Kurdes par des familles de mercenaires islamistes …, la liste des crimes de la Turquie au Rojava est trop longue et pourtant, la communauté internationale garde le silence. C’est pourquoi, on risque d’assister à un nouveau massacre des kurdes au Rojava très prochainement et on peut dire que la Turquie n’est pas à un massacre de près et que les Kurdes, fatigués de mourir, tomberont encore en nombre, pourvu que le COVID19 ne pourrisse pas la vie des Occidentaux. Bon dimanche à tout.e.s (excepté les Kurdes).

Photo d’archive

ROJAVA. La Suède participera au procès des suspects suédois de l’EI

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SYRIE / ROJAVA – Les suspects suédois de l’État Islamique (DAECH / EI) seront jugés au Rojava par des tribunaux administratifs autonomes, à partir de janvier ou février 2021, ont déclaré des responsables kurde. Des observateurs juridiques suédois suivront les procès de leurs ressortissants.
 
L’annonce de cette décision intervient suite à des discussions avec une délégation diplomatique suédoise dirigée par Per Örnéus, ambassadeur et envoyé spécial suédois pour la crise en Syrie, qui s’était rendue au Rojava cette semaine.
 
Les dossiers des suspects suédois de DAECH ont été préparés au cours de l’été. C’est la première étape d’une nouvelle phase juridique annoncée par l’AANES en janvier dernier, mais qui a été ralentie par le coronavirus et d’autres facteurs. (Via RIC)
 
La présence des observateurs juridiques suédois lors du procès des membres étrangers de DAECH est un développement important pour les Kurdes du Rojava : Faire reconnaître par un État (Suède) la légitimité des tribunaux administratifs autonomes pourrait créer un précédent que d’autres États, surtout occidentaux, pourraient suivre.
Pour information, des milliers de suspects de l’EI emprisonnés au Rojava sont des citoyens européens.

“La laveuse de mort”, un roman coup de poing contre l’oppression des femmes kurdes

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A mesure qu’on tourne les pages du roman “La laveuse de mort” écrit par Sara Omar, on sent le sang des femmes et des fillettes victimes de « crimes d’honneur » suinter du livre alors que la laveuse de ces corps lapidés cherche désespérément une fin à cette horreur en s’accrochant de toutes ses forces à son livre sacré, le Coran…
 
Dans ce premier roman, Sara Omar nous envoie en pleine figure l’horreur que trop de femmes et filles kurdes vivent encore aujourd’hui dans de nombreuses régions kurdes marquées par une tradition conservatrice puisant sa force dans l’islamisme le plus rigoriste qui soit. En effet, dans la laveuse de mort, les femmes et les fillettes ne sont que l’ombre d’elles-mêmes et leur vie ne tient qu’à un fil de coton qui peut rompre à tout moment, tant la société kurde dominée voit toutes les malheurs qui lui arrivent sortir droit du sexe féminin.
 
L’histoire, pour ne pas dire l’horreur, racontée dans ce roman nous fait voyager dans deux espace-temps différents. L’héroïne du roman, Frmesk nous apparait la première fois dans un hôpital danois le 10 août 2016 et ne cesse de faire des allers/retours dans le passé (au Kurdistan du Sud) et le présent qui se déroule au Danemark.
 
La petite Frmesk a le malheur de naitre fille et d’avoir une touffe de cheveux blancs sur le crane qui est interprété comme étant le signe d’une malédiction prouvant que son existence va porter malheur à sa famille en plein massacre et gazage des Kurdes par le dictateur sanguinaire Saddam Hussein vers la fin des années 1980.
 
Frmesk est récupérée par sa grand-mère Gawhar, une femme pieuse portant le Coran dans sa poche en permanence mais mariée à Darwes – un homme adepte de la religion zoroastrienne et qui condamne la violence et la haine des hommes qui se cachent derrière les paroles du Coran pour dominer, sinon, détruire les femmes – lave les corps des femmes et fillettes tuées par leurs proches dans des crimes d’honneur car elles auraient « sali » l’honneur de la famille, soit en n’ayant pas saigné lors de la nuit de noces, soit elles ont eu un amant ou tout simplement on les considérait comme « trop libres » par rapport aux normes très strictes de leur société. Gawhar pense ainsi la protéger des griffes de la grand-mère paternelle et du père qui veulent sa mort.
 
Malgré tous les efforts de Darwes et Gawhar, Fremsk sera victime de violences, dont le viol par un oncle qui est imam par ailleurs…
 
On ne sait pas comment Fremsk est arrivée au Danemark. Mais même ici, au coeur de l’Europe, elle est traquée par son père et doit se cacher en permanence pour échapper à la mort qu’on lui a promise à sa naissance.
 
On ne vous parlera pas de la fin de l’histoire, ni de la présence de Darya, la jeune étudiante kurde aspirant à être médecin et échapper à sa famille ultra – conservatrice vivant au Danemark. On vous conseille tout simplement de lire ce roman puissant pour comprendre la lutte des femmes kurdes pour l’émancipation dans une société conservatrice kurde dominée elle-même par des nations hostiles voulant la disparition du peuple kurde.
 
Sara Omar (née le 21 août 1986 à Sulaymaniah, dans le Kurdistan du Sud) est une autrice, poète et militante des droits humains kurdo-danoise. Elle est la première femme romancière du Kurdistan reconnue internationalement. Elle a commencé comme poète et a publié plusieurs articles critiques dans les médias du Moyen-Orient.
 
Sa famille a fui la guerre au Kurdistan d’Irak à la fin des années 1990. Sara vit au Danemark depuis 2001. Elle est chroniqueuse pour le magazine danois Alt for Damerne. Le premier roman d’Omar, La laveuse de mort, a été publié au Danemark en 2017. Omar et son livre ont reçu de nombreux prix au Danemark. Le journal danois Jyllands-Posten a comparé Sara à Elena Ferrante et le journal français Le Monde l’a comparée à Simone de Beauvoir et Voltaire en raison de son combat pour la liberté, l’égalité et la justice.

ROJAVA. L’ENKS critiqué pour son attaque contre le système de coprésidence paritaire

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SYRIE / ROJAVA – Le mouvement des femmes du Rojava (Kongra Star) a réagi aux attaques machistes du Conseil national kurde (ENKS) qui s’en prend aux organisations de femmes et au modèle de coprésidence paritaire.
 
Remziye Mihemed, membre de la coordination du mouvement des femmes dans le nord et l’est de la Syrie (Kongra Star), a vivement critiqué le Conseil national kurde (ENKS) pour avoir attaqué le modèle de coprésidence.
 
L’ENKS est la branche syrienne du PDK au Kurdistan du Sud et a collaboré militairement à plusieurs reprises avec la Turquie, notamment lors de l’invasion d’Afrin. Dans le contexte de la construction d’une «unité kurde», cependant, des pourparlers sont en cours avec l’alliance de petits partis. A cette fin, la nouvelle alliance Partis des Nations Unies du Kurdistan (PYNK) a organisé des réunions avec l’ENKS. Les Kurdes ont répondu très positivement à cette initiative et la direction des Forces démocratiques syriennes (FDS) a pu accélérer le processus de rapprochement.
 
Cependant, l’attitude de l’ENKS a changé après une visite en Turquie. Aldar Xelîl du comité exécutif du Parti de l’unité démocratique (PYD) a déclaré sur Ronahî TV que l’ENKS avait appelé à l’abandon de l’enseignement de la langue maternelle (kurde) et au retour du régime syrien dans le système éducatif.
 
En particulier, le rejet par ENKS du modèle de coprésidence paritaire a conduit à des protestations de la part du mouvement des femmes. Il est probable qu’Ankara sera à nouveau derrière ce changement de position affiché par l’ENKS et tentera ainsi de déstabiliser politiquement l’autonomie gouvernementale.
 
« Quel est le but de l’ENKS? »
 
Le Kongra Star a jusqu’à présent soutenu les réunions entre PYNK et ENKS, explique Remziye Mihemed, membre coordinatrice de l’organisation faîtière des femmes Kongra Star: « En tant que Kongra Star, nous avons travaillé pour l’unité kurde. Certains cercles veulent empêcher ces rencontres et l’unité. Ils essaient de le faire en sapant le projet d’administration autonome et le modèle de coprésidence. Nous voulons nous connaître, de quoi parle l’ENKS? « 
 
Mihemed ajoute que l’ENKS s’opposait également aux quotas de genre dans les conseils. Elle dit: «Les femmes sont très influentes dans la prise de décision. Des travaux sont également en cours pour inscrire les droits des femmes dans la constitution de la Syrie. »
 
« ENKS se compose de partis patriarcaux »
 
Concernant la décision de l’ENKS d’appeler à la levée de la coprésidence, Mihemed déclare: « Nous avons été étonnées de cette demande. Les femmes ne jouent pratiquement aucun rôle dans l’ENKS. Les partis de l’ENKS sont dirigés par des hommes. Mais ce sont les femmes qui ont fondé l’administration autonome ici. Les femmes sont actives à tous les niveaux grâce au double système de leadership. Le Conseil démocratique syrien suit également le modèle de la coprésidence. Il devrait être clair pour tous les partis kurdes qu’un parti dans lequel les femmes ne jouent pas de rôle politique ne peut jamais réussir. Le système de coprésidence est le modèle de leadership le plus réussi au monde. Nous sommes convaincues que nous prendrons d’autres mesures importantes pour étendre ce modèle. »
 
Mihemed poursuit: « Une telle demande est uniquement dans l’intérêt des régimes de Damas et d’Ankara. Ils veulent donc détruire la base de l’administration autonome, le système des coprésidents et toutes les organisations de femmes. Si le système de double direction était aboli, on ne peut plus parler de démocratie. »
 
 

ROJAVA. Les Kurdes dépassés par le coronavirus qui a fait 510 morts dans un contexte médical désastreux

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SYRIE / ROJAVA – Cet un drame qui s’était annoncé en grande pompe et dont la communauté internationale a ignoré. Oui, le coronavirus fait des ravages au Rojava qui est privé de tout, tandis qu’on reste sourd aux cris des Kurdes qui ont demandé de l’aide il y a plusieurs mois déjà pour lutter efficacement contre la pandémie du COVID19. Ils n’ont plus qu’à compter leurs morts maintenant…

Des sources médicales du Rojava déclarent que le coronavirus s’est considérablement propagé dans les zones sous le contrôle de l’administration autonome du nord et du nord-est de la Syrie, alors que les autorités sanitaires sont incapables de couvrir un si grand nombre de cas d’infection ou de faire autant de tests et que des centaines de milliers de personnes vivotent dans des camps de réfugiés privés de tout.
 
Il est à noter que le nombre officiel de cas d’infection annoncé par le service de santé de l’administration autonome a atteint 3 387, dont 658 cas ont pu guérir, tandis que 104 autres sont décédés. Cependant, des sources médicales fiables de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH / SOHR) ont confirmé que les cas d’infection confirmés dans les zones contrôlées par l’administration autonome ont dépassé les 12 500, dont 510 malades décédés à ce jour.
 
Selon les sources de SOHR, un grand nombre de cas d’infection ont été détectés dans la ville d’Ain Al-Arab (Kobani), où plus de 3 300 cas d’infection ont été documentés dans la seule ville d’Ain Al-Arab. De plus, de nombreux civils à Kobani présentent des symptômes du COVID-19.
 
Des sources de l’OSDH ont également signalé des épidémies de coronavirus dans la ville et la campagne d’Al-Hasakah, Deir Ezzor et Al-Raqqah, mais de manière moins dramatique, le nombre total de cas d’infection dans les trois provinces avoisinant 9200.
 
Pendant ce temps, le secteur médical dans les zones contrôlées par l’administration autonome souffre d’une situation dégradée et désastreuse, au milieu de l’incapacité du département de la santé à faire des tests pour les personnes qui présentent des symptômes du COVID-19. Les zones détenues par l’Administration autonome ont également connu la mort de dizaines de malades atteints du COVID19 en raison du manque de soins médicaux appropriés.
 

550 mercenaires soutenus par la Turquie envoyés en Libye sont revenus en Syrie

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SYRIE – Près de 550 mercenaires soutenus par la Turquie sont revenus en Syrie en une semaine, après avoir combattu en Libye.
 
L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH / SOHR), qui surveille également l’implication des mercenaires syriens dans la guerre libyenne, a rapporté qu’environ 550 combattants étaient revenus en Syrie au cours de la semaine dernière, après avoir achevé la durée de leurs contrats en Libye. Ils avaient été envoyés sur le front militaire libyen pour servir les intérêts régionaux de la Turquie.
 
D’autre part, l’OSDH a cité des rapports confirmés disant qu’il y a des désaccords entre les mercenaires syriens en Libye sur le blocage du paiement de leurs salaires mensuels par certains commandants des mercenaires.
 
Selon les statistiques de l’OSDH, le nombre de recrues arrivées en Libye est passé à près de 18 000 mercenaires syriens, y compris 350 enfants de moins de 18 ans, dont 9 850 sont rentrés en Syrie après avoir achevé la durée de leur contrat et reçu leurs salaires. Il faut noter que le nombre de jihadistes qui ont été transportés de Syrie en Libye a atteint les 10 000, dont 2 500 Tunisiens.
 
Le 26 septembre, l’OSDH avait confirmé que plus de 1 400 mercenaires syriens soutenus par la Turquie étaient revenus de Libye, après avoir achevé la durée de leurs contrats.
 
Des sources de l’OSDH ont rapporté plus tôt ce mois-ci qu’un nouveau lot de quelque 800 combattants est revenu de Libye en Syrie, après avoir achevé la durée de leurs contrats. En conséquence, le nombre de mercenaires rentrés en Syrie, après avoir été envoyés par le gouvernement turc pour combattre en Libye, a dépassé 2 200 en une semaine seulement. (Ces mercenaires se trouvent dans les régions occupées dans le nord de la Syrie et des régions kurdes du Rojava).
 

L’intervention artistique décoloniale de l’espace kurde versus la violence étatique

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« Le motif de la visibilité insurgée et de l’intersubjectivité artistique de l’espace kurde peut être désigné comme la dissociation de la formation politique de l’identité coloniale et des dispositifs étatiques au Moyen-Orient. Je tente de définir une résistance plus créative et l’opposition transgressive de la nouvelle subjectivité kurde en déclinant sur une échelle de positionnement décoloniale. Il est important de comprendre que cela constitue une contre-violence singulière dans la perception créative et une dénonciation de l’impossibilité d’accéder à soi autrement qu’en s’opposant à la violence étatique coloniale, une impossibilité de ne pas pouvoir faire autrement. Cette double injonction, de « double-bind » est une machine dispersée qui présente le dysfonctionnement de la mémoire coloniale dans l’existence kurde. »
 
Sociologue et critique d’art, Engin Sustam est le seul sociologue kurde connu de l’Occident sous son identité kurde et ses écrits sont importants pour comprendre le champ artistique kurde dans un territoire colonisé nommé Kurdistan. En effet, dans les quatre parties du Kurdistan, les Kurdes vivent sous la domination coloniale perse (en Iran), arabe (en Irak et en Syrie) et turque (en Turquie) où ils sont condamnés à être assimilés à la nation dominante ou disparaitre. Dans son livre « Art et subalternité kurde: L’émergence d’un espace de production subjective et créative entre violence et résistance en Turquie », Sustam analyse attentivement le milieu artistique kurde qui refuse cette injonction avec ses réponses qui sont à la hauteur de cette violence.
 
Nous avons interviewé Engin Sustam au sujet de l’espace artistique kurde décolonial pour mieux comprendre ses dynamiques actuelles. 
 
« Art et subalternité kurde: L’émergence d’un espace de production subjective et créative entre violence et résistance en Turquie », publié chez Harmattan

« Fruit autant de remarquables enquêtes de terrain que d’une théorisation inventive, l’ouvrage d’Engin Sustam permet de comprendre la formation, par le biais de la création artistique, d’un espace de socialisation, de production de sens et de résistance parmi les Kurdes de Turquie au cours des dernières décennies. Sustam, qui s’inspire nettement de la philosophie et des sociologies politiques, montre que l’art et la littérature ne peuvent répondre à la violence qu’à condition de lui substituer un processus de subjectivation créatrice. » (Hamit Bozarslan)

 

Voici l’interview d’Engin Sustam:

Engin Sustam, vous êtes sociologue et critique d’art vivant en exil depuis quelques années. Vous avez écrit plusieurs livres, dont « Art et subalternité kurde: L’émergence d’un espace de production subjective et créative entre violence et résistance en Turquie », qui est le sujet de notre discussion d’aujourd’hui.
 
Pouvez-vous nous dire brièvement de quoi parle votre livre « Art et subalternité kurde: L’émergence d’un espace de production subjective et créative entre violence et résistance en Turquie » ?
 
Sustam : Je tiens à vous remercier d’abord de m’avoir donné cette occasion de parler sur mon livre. Alors de quoi parle-t-il ? Depuis l’année 2000, comme vous le savez, l’espace kurde a connu un grand essor, aiguillonné par les transformations sociopolitiques rapides qui bouleversent la subjectivité kurde dans le temps de la mondialisation comme ce qui s’est passé au Rojava en 2012 (écologie sociale, nouvelle constitution, émancipation féminine, etc.) ou encore au Bakûr [Kurdistan “turc”] avant / après l’insurrection urbaine kurde (la municipalité autogérée face à la violence, au totalitarisme et à la guerre) et enfin l’intervention politique contre le corps du régime de violence étatique ou paramilitaire, etc. Je pense que ce type de changement dans l’espace kurde au cours du début du 21ème siècle a donné une énonciation collective assez importante qui a créé à un moment donné la nouvelle subjectivité kurde transfrontalière. Ces nouvelles connaissances de l’espace kurde ne se limitent pas seulement à l’introduction des études politiques kurdes de l’étude kurde, mais donnent ainsi une dimension artistique qui suit le type de nouvelle formation sur l’étude kurde: celles de la création et de la production culturelle sous l’angle de la perspective décoloniale.
 
Ce livre, issu de ma thèse, a trouvé un chemin assez captivant pour nous faire partager l’expérience décoloniale de l’espace kurde à travers les œuvres d’art. Cet ouvrage est conçu pour analyser tous ceux qui, à un moment de la vie en guerre ou en construction politique au Kurdistan du Nord pour l’avenir, se transforment à travers l’art, le cinéma, le théâtre, la musique ou la littérature anticoloniale à la recherche de l’émancipation micropolitique de l’espace des soulèvements. Je propose ici deux dimensions : l’une est la perception de la résistance dans la création décoloniale, l’autre est l’espace comme un champ politique de contre-violence devenu le vecteur de la visibilité subversive de cette création. C’est la raison pour laquelle, il s’agit de problématiser dans le livre les acteurs de l’espace kurde, qui baignent dans un univers de conflits multimodaux (la violence étatique et la lutte d’émancipation) à une analyse critique de ce qu’ils produisent avec des outils numériques et de création. Cependant, l’intégralité de ce livre ne constitue pas un regroupement de recettes conceptuelles, au contraire, il s’intéresse à questionner la lecture du champ d’art de l’étude kurde que l’on n’a jamais traité avec cette approche décoloniale. 

Le but de l’ouvrage est d’inviter constamment au recul critique et à la discussion au sein de l’étude kurde. La problématique est l’approche théorique que j’ai décidé d’adopter pour traiter la question kurde posé par la question de départ, comment peut-on analyser la question kurde à travers de la production de l’espace culturel-insurrectionnel et du champ de l’art à travers une esthétique relationnelle (N. Bourriaud) et décoloniale (Walter Mignolo, Rolando Vázquez). C’est pourquoi je me suis basé sur la question de la décolonialité et de la postcolonialité. Dans un premier temps, la première lacune du livre, j’avais constaté un cadre de changement ontologique qui soit adapté par la construction de la production et de la reproduction qui devient la question centrale de recherche dans l’espace kurde. Comme vous allez voir dans la première partie du livre, cette étape se constitue dans la production du cinéma, du théâtre, de la littérature kurde, de la musique, de la culture populaire kurde et de la gastronomie même se divisant en trois grandes lignes dans la lecture micropolitique sur la mémoire d’une société sans état (Bê Welat). Ici, la subalternité kurde et Bê Welat qui sont les concept centraux du travail, impliquent la singularité insurgée au cœur de la relation bifurquée et traumatisée qu’ils entretient avec la collectivité de la résistance ou de la visibilité insurrectionnelle de l’espace kurde. Concernant la deuxième lacune du livre, elle est bien sûr la lecture décolonisée de l’espace kurde que l’on a défini dans plusieurs dimensions. L’espace kurde comme lieu de la constellation : Subalternité kurde et Nouvelle subjectivité kurde.
 
Quant au terme de l’espace kurde, il s’agit de problématiser une nouvelle lecture sur la renaissance de la subjectivité kurde qui se concrétise après les années 90. Je définis l’espace kurde comme une constellation méthodologiques pour voir autrement le territoire des Kurdes en quatre patries en plus de la diaspora. L’espace kurde que j’avais nommé comme espace de révolte, de conflit, de violence et de résistance entre deux régimes de valeurs : les micro-langages de l’espace colonisé et le macro-langage de l’espace dominant. Ensuite j’ai mis également un nouvel accent de critique en sciences sociales que vous pouvez consulter dans la première partie, basant sur l’étude décoloniale de Spivak, Bhabha, Mbembe, etc. : la sociologie subalterne. Je considère que, à la suite du déracinement que produit l’exil et la diaspora subit par les Kurdes depuis le début du 20ème siècle, un nouveau type d’intellectuel et d’acteurs apparaît dans l’espace kurde diasporique, souffrant de son aliénation singulière et de l’exil de soi, comme un sans-abri, un précaire de son territoire colonisé. Effectivement, je veux prendre la mémoire vivante de la tradition musicale chez les Kurdes comme celles des Dengbêj (Bardes et conteurs) comme point de départ afin d’analyser la multiplicité du livet et de son espace artistique, culturel kurde. Les Dengbêj sont les acteurs et actrices de l’histoire invisible des Kurdes (de la mémoire orale), qui viennent de façonner le chemin de notre propos décoloniale (Benjamin, Storytellers). A propos des dengbejs, il faut lire le mémoire du master du théâtre d’Aram Taştekin sur la performance théâtrale des Dengbêj qui reflète un travail très sérieux du point de vue théorique et qualitative et en ce qui concerne la recherche sur le terrain à travers les Dengbej importants telles Dengbêj Zahiro, Dengbêj Marûf, Dengbêj Seyitxanê Boyaxçî, Dengbêj Huseyno, Sakiro, Dengbej Reso, etc.

Ceci nous permet d’articuler une analyse des formes de micro-résistance kurde dans une perspective décoloniale de l’ « anomalie » comme « autrui », à partir de la figure rhétorique du zombie et de la monstruosité. Les Kurdes ont été considérés comme une anomalie sociale de la « Turcité ». Cette construction mythique de la modernité colonialiste montre comment nous pourrions décoloniser le savoir de la colonialité. J’envisage ici la figure du « Zombie » comme une approche micro-identitaire des « exclus » kurdes qualifiés de “sauvages”, “barbares”, “créatures étranges” par ses colonisateurs. Alors, en se basant peut-être sur Fanon, on peut dire que la sociologie subalterne de l’espace kurde (de l’invisibilité colonisée à la visibilité subversive décolonisée) correspond bien aux faits politiques de la lutte d’émancipation identitaire dont l’émergence de la conscience politique a remis en cause les termes tels qu’on en discute dans les sciences sociales comme « la reconnaissance, la subalternité, le peuple à venir, la différence, etc. ». Selon moi, cette problématique porte, et à la fois consiste en cette énonciation collective produisant de l’espace insurgé et autogéré, selon des formes de subjectivation issues de la position de subalternité décolonisée (repris même par le mouvement politique kurde) de l’histoire contemporaine des Kurdes.
 
Alors que la première partie présente des données qui s’inscrivent sous la forme de continuité, de territorialité, d’innovation de la culture décoloniale et de localité insurgée d’une société sans état avec sa visibilité de l’insurrection kurde (Serhildan) et de la lutte identitaire (dès la lutte armée du mouvement politique kurde) ; l’objet de la deuxième partie s’approche de préférence de la forme de la discontinuité avec cela, mais de productivité intergénérationnelle, transfrontalière pour ainsi voir la question politique kurde aux alentours des œuvres d’art contemporain. Foucault dirait ceci « Des espaces autres» (Hétérotopies) comme « un lieu sans lieu » où l’espace met en charge des tensions différentes, des enjeux divers, des formes d’oppositions sans compter le signe de l’État. À partir des interventions subjectives de l’espace des opprimés, l’espace kurde devient affectivement l’agissement d’un contre-pouvoir minoritaire où les Kurdes constituent une zone de résistance transfrontalière mettant l’accent sur la réflexivité décoloniale et l’émancipation territoriale.
 
A vous lire, on a l’impression de voir un peuple menacé de disparition mais qui s’entête à lutter, créant sans relâche de nouveaux espaces d’existence. D’où vient cet optimisme que vous partagez avec vos compatriotes et dont vous parlez dans vos écrits ?
 
Sustam : A vrai dire je ne suis pas trop optimiste, mais ni pessimiste. J’essaie de recontextualiser la cause kurde dispersée dans une dimension politique libertaire par le biais de l’art. Mon approche traite de la complexité de l’espace de la révolte qui engendre une nouvelle perception politique et un nouveau champ artistique par le biais du contre-pouvoir et de la reproduction contre-culturelle, qui donne à voir visiblement en dehors du comportement étatique. Par exemple, jusqu’ici on ne peut pas parler d’une perception artistique de l’espace kurde, on est considéré toujours comme artiste turc, perse, arabe ou d’autre, comme le disait Hamit Bozarslan dans “le Conflit kurde : Le brasier oublié du Moyen–Orient”. Mais aujourd’hui, nous pourrons parler assez visiblement des actrices et acteurs d’un espace artistique kurde. Lorsque je vois toutes ces nouvelles productions en cinéma, en musique, en théâtre, en art contemporain et en littérature, on a une archive énorme à consulter autrement. Ceci me donne en effet ce sentiment positif. Si j’ajoute encore, la pathologie ou le traumatisme de l’espace kurde permettent également de lever le vecteur de la blessure, de la tragédie sociale et de la réalité dans la production artistique comme au cinéma kurde, et deviennent à vrai dire un langage de micro-résistance de la nouvelle subjectivité kurde dans la pensée décolonisée. Cette réflexion est à rattacher parfois au principe de la rhétorique de l’aliénation identitaire, mais aussi de la reconstruction micro-identitaire narrative et repose sur le reflet de l’altérité kurde insurgée. De cette histoire surgissent des formes de résistance plus créatives et des arts qui héritent de la pensée anticoloniale, en produisant de nouvelles formes de subjectivité qui se déclinent sur une échelle de positionnement décoloniale à travers les nouveaux répertoires associés à l’insurrection urbaine kurde qui change les codes de cet espace et se transforme dans cet espace.
 
À l’introduction du livre, j’avais considéré l’espace kurde comme un lieu de révolution moléculaire. C’est une notion développée par Félix Guattari dans les 1970 pour analyser le changement social et les nouveaux espaces de liberté (avec A. Negri) qui ne font référence ni une révolution nationale ni une révolution prolétarienne mais une révolution qui contient plusieurs éléments du territoire, de la vie, du contexte. Ce lieu de passage de l’altérité insurgée et du contexte conflictuel englobe des maintes tendances hétérogènes, articule un aperçu politique d’espace kurde dans une grammaire de « rapports de forces de l’énonciation » proche de celle que développe Félix Guattari, « une révolution moléculaire » au sein d’une nouvelle subjectivité kurde qui met l’accent d’une part, sur l’omniprésence des lieux de l’art et ainsi de l’autre, de la révolte et de l’écosystème. C’est pourquoi j’ai démonté l’espace kurde à plusieurs éléments moléculaires (à l’entrée du livre) dans les changements survenus. En ce sens, j’avais tenté d’associer des concepts comme ‘appartenance, alternance, déviance, reterritorialisation, constellation, biopolitique, etc.’ dans une interprétation transdisciplinaire pour repenser les faits politiques, la culture, la révolution, l’identité, la géographie, le territoire qui influencent les modules de l’espace kurde. J’observe une transformation des facteurs sociopolitiques qui sont devenu le lecteur principal de l’espace kurde pour créer sa visibilité constitutive : Révolte, Révolution, Institution et subjectivité minoritaire en dynamique. Enfin, ces quatre facteurs sont certainement un des meilleurs véhicules pour saisir la nouvelle subjectivité kurde dans l’espace du conflit.
 
Je voudrais parler d’une future exposition qui s’attache à votre question. Donc, je serai prochainement curateur d’une exposition avec notre équipe KARGEH (avec Sener Özmen, Bilal Ata Aktas, et nos amies Duygu Örs co-curateur et Elif Küçük-Directrice artistique) qui se réalisera à NGBK Berlin intitulant “Bê Welat – Unexpected Stroytellers” [Bê Welat signifie « sans patrie » en kurde]. Bien entendu, ces éléments et cette exposition importante permettent d’incarner non seulement l’image créative positive de l’espace kurde, mais l’ensemble des médiations symboliques de l’espace kurde.
 
Si vous me permettez, j’aimerais élargir votre question avec l’analyse de l’œuvre d’art de certains artistes comme l’œuvre Road to Tate Modern de Sener Özmen et Erkan Özgen, qui relate bien votre question dans un optimisme d’ironie politique et qui est à la recherche de l’imagination artistique du musée Tate Modern à Londres dans la zone de guerre au Kurdistan du Nord. Cette vidéo installation est une parodie de Don Quichotte (homme de vertu, Sener Özmen) avec son compagnon Sancho Panza (homme fidèle, Erkan Özgen), qui se déroule dans leur étroite province, celle de Mardin. Dans cette parodie, Sener Özmen et Erkan Özgen critiquent, avec l’absurdité et l’humour (et des dialogues adaptés en kurde), l’espace artistique dominant, en mettant en scène un homme animé de ressentiments (Don Quichotte) à la recherche du palais d’exposition « Tate Modern» (symbolisation des Moulants) de Londres. J’avais nommé cette vidéo dans le livre comme “Don Quichotte héros mondialisé de l’errant”. Enfin, les deux personnages déterminent réciproquement le sens de leur aventure. Dans un deuxième temps, nous pouvons remarquer que les costumes sont ceux des fonctionnaires de l’éducation nationale turque, ils sont déjà enseignants. Avec ces costumes, les artistes reflètent l’absurdité réflexive en rappelant qu’ils viennent de l’école pour réaliser spontanément cette vidéo installation.
 
Après leur repos, Sancho demande à son seigneur en kurde, s’ils ont perdu la route de Tate Modern dans les montagnes : « Seigneur qu’est-ce que vous pensez ? Quel chemin doit-on poursuivre pour Tate Modern ?». Puis, ils rencontrent un villageois qui descendait de la haute montagne. Sancho prend alors de nouveau la parole au lieu de son seigneur : « Bonjour mon frère, tu es d’où ? D’où tu viens ? Je voulais te demander le chemin de Tate Modern que l’on a perdu. Nous sommes sur la route depuis 40 jours et nuits. Comment peut-on trouver la Tate Modern, mon frère ?». Le villageois répond : « je viens d’en haut, je descends en bas. C’est par là jusqu’aux montagnes vous continuez (le signe d’une impossibilité colonisée) ». Sancho : « C’est loin ces montagnes ». Le villageois : « Oui, c’est loin, assez loin ». Sancho se retourne vers son seigneur : « Seigneur, il dit que le chemin de Tate Modern est sur la gauche. C’est par là que l’on doit y aller et c’est assez loin ». Le Don Quichotte « kurde » parle, armé de son conformisme à toute épreuve, et s’enferme dans sa schizophrénie (l’artiste répète ici les dialogues et le discours du vrai Don Quichotte par la vertu stoïque, le geste et les mots courts d’un Don Quichotte capricieux qui n’écoute jamais son compagnon). Tout récit chevaleresque évoque l’aliénation d’un personnage fou ; héritage littéraire que la vidéo prolonge à sa manière dans la critique décoloniale.
 
La vidéo invite au rire et à la vigilance critique face à une intention subversive artistique kurde. L’ironie de la démarche vidéographique ridiculise les lignes de fracture de la géographie, et du paysage rurale en imaginant l’espace urbain de Tate Modern. Ils faisaient alors un rapprochement entre le musée « Tate Modern » et les démons combattus par Don Quichotte qui sont les clés de la société coloniale excluant les Kurdes. La figure errante de Don Quichotte dessine aussi leurs identités colonisées des artistes dans les montés des montagnes du Kurdistan (dans le champ de l’art en Turquie), comme le destin de leur peuple opprimé. Par ailleurs, ils ont traîné leur cheval et leur âne vers un point qui révèle métaphoriquement les difficultés subjectives de leur propre ascension d’être kurde. Vous pourriez consulter cette perspective dans les autres œuvres d’art comme celles de « Stones to throw, Mutual Issues- Inventive Acts » d’Ahmet Ögüt, « Free Kick » de Cengiz Tekin, « Tinica » de Fikret Atay, « Stop ! You are surrounded » de Berat Isik, « Adults Games » d’Erkan Özgen, etc. Je pense que j’ai cet optimisme politique de Don Quichotte errant.
 
Dans votre livre, vous parlez d’un espace artistique kurde prolifique où la contestation et l’affirmation identitaire kurde défient la politique d’assimilation menée par l’État colonialiste turc depuis près d’un siècle maintenant. Toutefois, on sait que cette contestation/affirmation identitaire kurde ne se fait pas sans douleur. Comment cela se traduit dans la création artistique kurde ?
 
Sustam : Tout d’abord, je dirai que je ne parle pas d’un art politique engagé mais d’un art décoloniale qui se positionne depuis les œuvres face à la gouvernementalité nécro et biopolitique. Je pense que cette démarche permet d’identifier aisément les processus de canonisation politique des artistes kurdes dans le milieu de la colonisation, par exemple à Diyarbakir, et dans l’absurdité territoriale de la guerre.
 
Le processus de la lutte et du conflit se manifeste donc sous la forme d’un “ressentiment” et entraîne certaines réactions physiologiques ou psychologiques que l’on retrouve dans l’écriture, l’image vidéographique, le cinéma, la musique et finalement dans l’art contemporain en fonction de l’intensité de l’angoisse ressentie par les artistes de la génération de la guerre. En effet, il y a des artistes engagés dans cette question politique directe. Comme le travail virtuel de l’artiste de la nouvelle génération Zehra Dogan qui a fait cet engagement après le bombardement de la ville de Nusaybin par l’armée turque. Elle a dessiné sur son smartphone une image de Nusaybin complètement rasé par l’armée turque qui circulait sur les réseaux sociaux.
 
Dans le changement macro politique, nous observons un changement de mémoire de la référence à l’espace et l’émergence d’une perception singulière qui s’exprime à travers l’intermédiaire de la prise de l’art dans la conscience politique en devenir. Dans ce contexte, ce livre a questionné la juxtaposition des artistes et de la question artistique kurde ainsi en croisant l’ambition théorique avec le souci de l’enquête empirique, la souffrance de la subjectivité kurde et la prise de distance à l’égard de l’identité coloniale pour saisir d’une manière différente la posture sous les pavés du terrain.
 
Tant que les artistes et acteurs parlent eux-mêmes de l’impossibilité de ne pas être au-dedans et au-dehors de la question dans une approche « entre-deux », interstitielle. En effet, je propose ainsi deux dimensions : l’une est la perception de la résistance dans la création, l’autre est l’espace comme un champ politique de contre-violence devenu vecteur de création. La création contribue à élargir les frontières de l’action et de la contre-violence face à la violence étatique, ou encore symbolique. En outre, la création contribue à repenser la question politique kurde de nouveau.
 
Aucun auteur n’a traité à ce jour le corpus issu de l’espace kurde au Moyen-Orient ou en diaspora de ce point de vue culturel, artistique (la minorité sans État en devenir). Ce livre, si vous voulez, souhaitait analyser les éléments qui instaurent cette transgression de la nouvelle subjectivée kurde, non seulement visible dans la production par la création comme motif iconographique de politique social, mais aussi vécue par les acteurs et artistes de cet espace.
 
Je me rappelle de notre interview avec l’artiste et écrivain Sener Özmen en 2008 à Diyarbakir. Il disait : “On ne fait pas de l’art, on raconte une histoire déchirée, schizophrénique de l‘époque, des villages incendiés et des disparus. Nous sommes au milieu de la guerre avec notre art, c’est pour ça que vous ne pouvez pas nous demander de faire des peintures idylliques alors que l’on vit sous les bombes et dans la réalité de la guerre.” En effet, je pourrais continuer avec l’exemple des œuvres d’art. Les œuvres « Adult Games » d’Erkan Özgen (vidéo, 2003) et « Our Village » de Sener Özmen (vidéo, 2004) donnent la référence du trauma et du post-trauma sur le corps enfantin qui a subi la violence, le conflit et la pathologie politique de la guerre comme celle de la vidéo « Şiryan » de l’artiste Fatoş Irwen qui vient de sortir de la prison.
 
Ces artistes montrent la réalité vécue dans une imagination conceptuelle de fiction et font parler le corps féminin et enfantin traumatisé. La vidéo « Our Village » propose un regard humoristique sur les émotions quant au changement du climat social dans la région kurde (telles les quatre saisons : printemps, été, automne et hiver) où les enfants subissent ces changements climatiques tels des traumatismes, une pathologie névrotique sous la pression de la violence étatique. Mais ce climat n’est pas celui du temps, c’est le climat de la réalité sociale, de la question kurde comme cadrée en quatre saisons par la construction de la gouvernementalité nécropolitique, et correspond à la condition atmosphérique de la politique de la guerre.
 
Par exemple, l’artiste Fatos Irwen essaie ainsi de questionner l’espace masculin et la domination militaire patriarcale dans l’espace kurde à partir de l’utilisation de son corps qui devient une machine de lutte. Sa vidéo « Patolojik Hafıza» (Mémoire pathologique) issue du biais des tabous sexués et de la représentation des femmes kurdes au Kurdistan. L’artiste critique avec un humour politique la pratique de la sexualité dans la culture patriarcale au Kurdistan et démontre la position de la valorisation sexiste dans l’histoire étatique.
 
Irwen emploie bien la réflexion de son corps, de ses cheveux et la performance corporelle dans ses œuvres. Dans cette perspective, les artistes problématisent bien leur réflexion autour de la question politique dans l’espace kurde, mais si vous voulez ils ne sont pas militant d’une approche idéologique. Cependant leur œuvre réunit tous les éléments de la question politique et s’attache spontanément à la conscience politique et nationale.
 
Cette approche cherche à rendre compte des reconstructions autoréférentielles des Kurdes concernant la perception qu’ils se font de la réalité historique ou du sentiment d’être « sans-patrie » (Bê Welat) comme une société sans Etat. Plus précisément, on observe également le changement de l’identité militante (de « homo politicus à homo poeticus ») et l’émergence d’une réflexion intellectuelle qui s’exprime à travers la littérature, la productivité culturelle, artistique comme le cinéma kurde qui est assez politique, mais pas une approche de film politique (même s’il y a des réalisateurs qui font le film politique, comme Kazim Öz et Ömer Leventoglu par exemple).
 
L’espace kurde décrit le changement d’attitude politique des acteurs socio-nationaux, qui utilisaient dans les années 1970 des techniques « disciplinaires et propagandistes » sous l’influence fanonienne et marxiste. Ce changement traduit en effet une vision nouvelle par exemple dans la littérature kurde contemporain. Effectivement, il faut voir les écrits littéraires de Yaqop Tilermenî, de Kawa Nemir, de Renas Jiyan, de Sener Özmen, de Ciwanmerd Kulek, etc. Autrement dit, la réflexion artistique kurde soulignent une perception politique de l’expérience de ne pas écrire autrement.
 
En dehors de tout cela, selon moi, le motif de la visibilité insurgée et de l’intersubjectivité artistique de l’espace kurde peut être désigné comme la dissociation de la formation politique de l’identité coloniale et des dispositifs étatiques au Moyen-Orient qui pourrait conclure votre question. Je tente de définir une résistance plus créative et l’opposition transgressive de la nouvelle subjectivité kurde en déclinant sur une échelle de positionnement décoloniale. Il est important de comprendre que cela constitue une contre-violence singulière dans la perception créative et une dénonciation de l’impossibilité d’accéder à soi autrement qu’en s’opposant à la violence étatique coloniale, une impossibilité de ne pas pouvoir faire autrement. Cette double injonction, de « double-bind » est une machine dispersée qui présente le dysfonctionnement de la mémoire coloniale dans l’existence kurde.
 
Engin Sustam a terminé ses études de premier cycle en sociologie à l’Université des beaux-arts Mimar Sinan (2000) et a obtenu son diplôme de maîtrise dans la même faculté (2002). Il a ensuite obtenu un autre master (DEA, 2005) et son doctorat (2012) à l’EHESS, département de sociologie. Il a ensuite travaillé en tant que professeur de philosophie et de sociologie à temps plein en Turquie. Il est actuellement chercheur associé à l’IFEA d’Istanbul et a été chercheur invité à l’Université Queen Mary de Londres, à l’Université de Genève, à l’EHESS, à la FMSH, à l’ENS et à l’Université Paris 8. Ses principaux intérêts incluent, entre autres, « les soulèvements, l’art, la perspective décoloniale dans l’espace kurde et l’écologie sociale ». Il s’est récemment concentré sur la violence et le système post-totalitaire. Il a activement collaboré avec des chercheurs de plusieurs autres disciplines des sciences sociales, notamment la philosophie politique et la psychanalyse. Les domaines de recherche de Sustam comprennent la microsociologie, les études de sous-culture et l’analyse postcoloniale dans la littérature, les arts et la production culturelle. Il est l’auteur du livre « L’art kurde et la subalternité, l’émergence d’un espace de production subjectif et créatif entre violence et résistance en Turquie », publié par l’Harmattan en septembre 2016 et « l’insurrection imprévue: les soulèvements mondiaux » publiéen turc par la maison d’édition Kalkedon Istanbul qui sera traduit et publié en français. Il est commissaire d’exposition et critique d’art contemporain pour la micro-politique, la culture décoloniale et la mémoire. Il est membre du comité de lecture de la revue de sciences sociales « Teorik Bakis » (Istanbul), Cetobac EHESS et de l’équipe InCite de l’Université de Genève. Il travaille actuellement sur un projet dexposition de l’art contemporain à NGBK Berlin : « Bê Welat- Unexpected Storytellers » avec le groupe KARGEH et une équipe berlinoise qui réalisera en été 2021.

ROJAVA: Le dernier cadeau de Trump à Erdogan avant les élections américaines ?

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La Turquie a intensifié ses attaques contre les Kurdes du Rojava ces derniers jours, faisant craindre une nouvelle invasion turque à la veille des élections américaines qui peuvent voir le départ de Trump, un bon « copain » du Président turc Erdogan.
 
La Turquie bombarde les villages et les positions des forces démocratiques syriennes (FDS) et du régime syrien (AAS) à Tel Abyad, Ain Issa, à l’est de Kobanê et Tel Rifat depuis trois jours, poussant les gens de la région à quitter leurs maisons.
 
Ces attaques sanglantes interviennent deux semaines avant les élections américaines et il est fort probable que la Turquie veut envahir une nouvelle région du Rojava (Ain Issa ou Derik pour morceler encore plus les cantons du Rojava en les coupant d’autres régions ou même du Kurdistan d’Irak) avant les élections qui pourraient voir la défaite de l’ « ami » Trump. En cas de victoire du candidat démocrate Joe Biden, les Etats-Unis pourraient revoir leur politique actuelle en Syrie et peut-être apporter leur soutien aux Kurdes syriens.
 
Une telle hypothèse donne des sueurs froides aux sultan ottoman qui veut élargir les frontières de son « empire » en occupant toujours plus de régions chez ses voisins au Rojava et au Kurdistan du Sud en passant par la région yézidie de Shengal, en faisant fi du droit international. En effet, l’OTAN, l’ONU et les puissances internationales lui ont littéralement donné carte blanche pour qu’il s’en prennent à tous ses voisins. Tout est de savoir quelle est la ligne qu’il ne doit pas franchir pour ne pas provoquer l’intervention de la communauté internationale.
 
 

Le rocher de Sisyphe est-il tombé sur nos têtes ?

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Lorsque nous regardons de près l’étape historique et structurée que nous traversons en tant que peuples et sociétés méditerranéennes, Arabes, Kurdes, Chrétiens, Musulmans, etc. nous voyons que les scènes de mort et de destruction se répètent, et que le contexte de manipulation est accablant avec un cycle d’usure qui absorbe nos énergies.
 
C’est pourquoi plus nous voulons vivre dignement et respirer librement, plus nous sommes frappés par des attaques féroces et brutales, et toutes les violations inhumaines sont pratiquées contre nous (…) et un de ces haut-parleurs qui se considèrent responsables du destin des gens arrive, déclarant froidement : « nous sommes inquiets de la mort des enfants » ou « nous sommes bouleversés par l’enlèvement des femmes », « nous suivons la situation de près ».
 
Le tourment et la douleur continuent, et la vie de nos sociétés s’est habituée à la douleur et semble être une mort lente, mais la vérité sans équivoque est que nous sommes tous confrontés à un dilemme existentiel commun. Il semble qu’ils veulent imposer le sort de Sisyphe et qu’ils vont essayer de nous convaincre que c’est notre destin, qu’il ne changera pas et que nous vivrons cet enfer pour toujours.
 
Devons-nous accepter la futilité et l’insignifiance dont Albert Camus parlait dans son article de 1942 « Le mythe de Sisyphe » ? Devons-nous nous imaginer heureux et accepter ce destin ? Et si le châtiment qui nous est imposé par les soi-disant divinités menace la forme et l’essence de notre existence ?
 
Je voudrais ici poser la question suivante : en tant que sociétés et peuples, vivons-nous sous la forme qui représente notre essence et y aspirons, ou au contraire, survivons-nous de la manière dont les autres le souhaitent ?
 
En l’absence d’une conscience sociale et historique de la société et dans l’ignorance de la réalité des plans qui sont élaborés en secret, nos sociétés sont exposées à de graves dangers existentiels et sont combattues sur deux fronts, extérieur et intérieur, et sur les plans matériel et moral. La guerre et le terrorisme avec leurs cellules clandestines attaquent partout, faisant des victimes, ne reconnaissant aucune frontière et commettant partout des massacres qui servent leurs intérêts. Les régimes dictatoriaux autoritaires et ceux qui sont derrière eux exploitent et dirigent des outils et des robots terroristes.
 
Les marchands de crises et de guerres cherchent à répandre l’état de chaos et d’instabilité et à consacrer le sentiment d’absurdité de la vie, de sorte que la question nous amène à penser parfois au suicide ou à céder à la réalité, à l’accepter et à attendre « Godot », c’est-à-dire le sauveur et le libérateur, d’une part, et d’autre part, la douleur et la pression génèrent souvent l’explosion et conduisent à la rébellion et à la révolution, et le travail peut être difficile, mais il conduira à une nouvelle résurgence.
 
Nos sociétés orientales se distinguent par leur diversité ethnique, religieuse et culturelle, et elles forment une belle mosaïque qui ne peut être effacée d’aucune manière ni d’aucune couleur pour ne pas perdre son sens ou se déformer. Nos civilisations, profondément ancrées dans l’histoire, et notre patrimoine culturel inhérent qui se transmet de génération en génération, constituent l’esprit qui coule dans les veines de nos sociétés. Les différentes cultures sont censées se compléter les unes les autres et sont une cause d’unité et de force, et non de division, de rivalité, de faiblesse et de noyade. Les bâtiments éternels et archéologiques, ainsi que le patrimoine spirituel et intellectuel, témoignent de la grandeur de nos ancêtres, de la vérité et du sens de notre existence.
 
Dans la crise étouffante que nous traversons depuis dix ans, les marchands de guerre ou les fossoyeurs de cultures et de civilisations cherchent à vider les sociétés de leur sens et à couper leurs racines. Par exemple, le projet sombre et expiatoire de DAECH a conduit à la destruction et au vol de monuments anciens en Syrie, en Irak et dans de nombreuses régions, bref, au commerce de l’histoire.
 
L’élimination du sens par la fusion et l’annihilation des cultures et la rupture des liens des peuples avec leur passé est, selon le penseur Abdullah Ocalan, le plus grand danger pour la chute des sociétés, et nous invite à prendre conscience qu’ « aucune force n’est supérieure à la force du sens, et disons qu’aucune force ne survivra à la chute au niveau d’une fausse démonstration de force sur le pouvoir du sens ». Il n’est pas possible de parler de la vie dans un lieu dépourvu de sens. Et toute société qui perd son sens ne peut exprimer son essence et son identité. Les résultats de la perte de sens, d’esprit et d’esthétique sociale sont terribles, et nous ne pouvons parler que d’une entité vivante mais avec la tête amputée ou un cadavre laissé à se décomposer. Les sociétés qui ont réalisé leurs essences ont atteint un niveau de sophistication et d’émancipation plus élevé.
 
Sisyphe voulait déjouer la mort et la tromper, alors les dieux le punirent, et il commença à rouler la pierre sur la montagne, répétant sans cesse et essayant désespérément d’arriver à une conclusion. Nos ennemis veulent nous imposer la mort sous toutes ses formes et nous faire du mal. Je pense que nous devrions reconsidérer les concepts de vie et de mort, il n’y a peut-être pas d’échappatoire à la mort, mais c’est le fait de posséder notre propre perspective qui change les choses et le plus important est de vivre une vie pleine à chaque seconde au nom de causes ou d’objectifs plus élevés et d’adopter l’éthique du combattant samouraï contemporain.
 
Pour transcender la mort et l’absurde, nos peuples n’ont qu’à se protéger les uns les autres, nous sommes dans le même bateau et devons partager sagement le leadership pour parvenir au salut par la solidarité et comprendre les dangers qui nous attendent.
 
Être comme des arbres qui poussent sur leurs racines comme le dit le proverbe kurde, revenir à l’essentiel, aux expressions et aux symboles incarnés dans nos cultures, et avoir l’esprit de responsabilité historique pour les transmettre aux générations futures de la meilleure manière possible et préserver leurs particularités. Il n’y a pas de capitulation, pas de défaite, pas de peur, mais une insistance sur la vie et le chant à haute voix, comme dans la chanson de l’artiste égyptien Mohamed Mounir, « Élevez votre voix et chantez ».
 
Par Gulistan Sido, responsable des relations extérieures de l’Université du Rojava, Qamishlo, Syrie, 28 septembre 2020
 
La version espagnole à lire ici