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TURQUIE. Acquittement du policier qui a tué l’étudiant kurde Kemal Kurkut

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TURQUIE / BAKUR – AMED – Lors de la douzième audience du meurtre de Kemal Kurkut, tué par un policier lors des célébrations de Newroz à Amed le 21 mars 2017, le tribunal a ordonné l’acquittement du suspect. Une décision qui ne surprend aucun Kurde car en Turquie, la justice défend l’État turc contre les Kurdes.
 
La douzième audience du procès de l’affaire Kurkut* s’est tenue devant la 7e Cour pénale de Diyarbakır (Amed). Le tribunal a acquitté le suspect Y.Ş., poursuivi pour
« un possible meurtre intentionnel », et a décidé de déposer plainte pénale contre 72 policiers présents sur les lieux du crime afin d’identifier l’ « éventuel suspect ». Histoire d’étaler l’affaire dans le temps, pour finir par le classer sans suite…
 
Meurtre de Kemal Kurkut, énième crime raciste visant les Kurdes en Turquie 

Le 21 mars 2017, Kemal Kurkut, un étudiant kurde de 22 ans, a été abattu par un policier turc, devant des dizaines de journalistes et une foule rassemblée pour célébrer le Nouvel-An kurde, à Amed (Diyarbakir).
 
Après le meurtre de Kemal Kurkut, les policiers ont immédiatement confisqué les appareils des journalistes pour effacer les images afin de cacher leur crime. Mais le journaliste Abdurrahman Gök a réussi à cacher la carte de son appareil dans la poche arrière de son pantalon. Ainsi, quand les policiers ont fouillé son matériel, ils n’ont rien trouvé tandis que le journaliste leur a menti en disant qu’il n’avait pas eu le temps de prendre des images…
 
Des images qui rendent impossible le camouflage du meurtre
 
Les autorités turques, croyant avoir détruit les preuves du meurtre de Kemal Kurkut, ont fait une première déclaration affirmant que Kemal Kurkut était un kamikaze neutralisé par la police avant qu’il commette un attentat visant la fête de Newroz. Mais, le journaliste Abdurrahman Gök présente aussitôt les images du meurtre de Kurkut à la presse et à la justice turque, balayant les déclarations mensongères des autorités turques. Depuis, il est poursuivi par la justice turque qui l’accuse d’être « membre d’une organisation terroriste [PKK] ». 
 
Des images au secours de la famille Kurkut
 
Grâce aux images prises par le journaliste Abdurrahman Gök, la famille de Kemal Kurkut a pu porté plainte contre le policier qui a abattu le jeune homme il y a 3 ans et demie. Mais, malgré les images prises par les journalistes et des véhicules de police sur place, ainsi que des vidéos de surveillance des commerces voisins, montrant le moment où Kurkut a été abattu de sang froid par un policier turc, la justice turque refuse de condamner le policier et cherche d’autres subterfuges, comme la balle du policier qui aurait rebondit et touché Kurkut, sans que le policier ait eu l’attention de le viser, etc.
 
9 ans de prison pour le policier assassin, 20 ans pour le journaliste qui a pris des photos
 
Depuis, la famille de Kemal remue ciel et terre pour obtenir justice. Au bout de 10 audition, le procureur turc a demandé une peine de 3 ans à 9 ans de prison pour l’accusé Yakup Şenocak pour avoir « causé la mort par négligence délibérée ». La famille de Kurkut dit ne pas croire en la justice turque, quelque soit l’issus du procès, à cause du racisme anti-kurde étatique en Turquie. 
 
Le procès contre le journaliste Gök débutera en février
 
Le journaliste Abdurrahman Gök, dont les photos ont ​​été sacrées lors du Prix du journalisme Musa Anter et des Martyrs de la presse libre et du Prix du journalisme Metin Göktepe en 2017, sera devant la justice turque le 23 février 2021.
 
La première audience de l’affaire visant Gök accusé d’ « appartenance à une organisation terroriste » et de  » faire la propagande en faveur d’une organisation terroriste » sur la base des appels téléphoniques qu’il a passés avec des sources d’information, des publications sur les réseaux sociaux et les articles qu’il a écrits, aura lieu le 23 février 2021 à Diyarbakır. 
 
Alors qu’on est d’ors et déjà sûr que le policier criminel pourra échapper à la prison grâce à la clémence de la justice de son pays, Abdurrahman Gök qui a photographié la scène du crime risque 20 ans de prison… 
 
Pas de justice pour les Kurdes en Turquie
 
Dans un pays où les Kurdes sont considérés comme des « ennemis » de l’Etat, « menaçant l’intégrité du pays » car ils revendiquent leurs droits élémentaires comme parler leur langue, vivre leur culture et s’auto-gouverner, comment peut-on obtenir justice en tant que Kurde ? Jusqu’à présent, d’innombrables meurtres racistes visant les Kurdes ont été commis en Turquie. D’aucun de ces crimes n’a été puni tel-quel par la justice turque.
 
Certaines de ces affaires ont été portées devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) où l’Etat turc a été condamné régulièrement. Mais rien ne change à l’intérieur des frontières turques, surtout au Kurdistan colonisé par la Turquie. Les Kurdes sont victimes du racisme d’Etat institutionnalisé et c’est pourquoi la justice turque ne peut être impartiale quand elle a devant elle un dossier relevant du racisme étatique. 
 

Soutenons les écrivains kurdes, participons à l’éducation des enfants du Rojava

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LIVRES. Plusieurs organisations kurdes, dont Kurd’Înalco, Kurdish Intersociety Platform, SOAS Kurdish Society, ont lancé une campagne pour promouvoir les auteurs kurdes et aider les enfants du Rojava. Elles sont soutenues par Pirtukakurdî, site internet de vente de livres kurdes basé à Amed (Diyarbakir).
 
En effet, pour chaque livre acheté, 10% de la somme sera utilisé pour acheter du matériel de dessin pour les enfants du Rojava. Les organisateurs lancerons une autre campagne au printemps 2021 et partiront au Rojava pour apporter aux enfants le matériel de dessin acheté avec l’argent récolté.
 
Comment ça marche ? Commandez vos livres – à lire ou à offrir – sur le site internet pirtukakurdi.com par le biais du coupon « ROJAVA » et recevez-les au bout de 4 à 6 jours.
 
 
Voici le message (en français et en kurde) partagé par Kurd’Înalco basée à Paris :
 
« Soutenons les auteurs Kurdes, et aidons les enfants au Rojava !
Pour cela, vous pouvez commander des livres par le biais du coupon
« ROJAVA ».
C’est très simple : Pirtukakurdî nous soutient dans notre projet, 10% de chaque achat sera versé aux enfants de Rojava.
Dans ce but, nous Kurd’Înalco et les assoications kurdo-britanniques de la Kurdish Intersociety Platform @soaskurdsoc @kclkurdishsociety @uclkurdishsociety @kip_uk et d’autres, avons lancé la campagne.
Vous pouvez acheter des livres sur le site pirtukakurdi.com/ et les recevoir sous 4 à 6 jours (DHL).
Lecteur kurde ou non, vous pouvez soutenir financièrement les écrivains kurdes – et surtout, contribuer à l’éducation des enfants de Rojava !
 
Participez à notre campagne et apportez votre contribution.
 
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Piştgirî bidin nivîskarê kurd, û alîkarîyê zarokên Rojavayê bikin!
Ji bo vê yekê, hûn dikarin pirtûkan bi kûpona  »Rojava » bikirin.
 
Pirtûkakurdî di vê projeyê de piştgirî dide me, ji %10 a her kirînê bexşê zarokên Rojavayê dike.
Bi vê armancê ve, me wekî komeleya @kurdinalco û @soaskurdsoc @kclkurdsoc @uclkurdsoc @kip_uk, dest bi vê kampanyayê kir. Hûn dikarin pirtûkan ji ser siteya pirtukakurdi.com/ bikirin, hûn ê di nav 4-6 rojan de li mala xwe werbigirin. (DHL)
 
Hûn kurdî bixwînin yan jî nexwînin, hûn dikarin piştigiriyê bidin nivîskarên kurd, her weha perwerdeya zarokên Rojavayê.
Tevlî kampanyaya me bibin, Piştgiriyê bidin me. »
 
Image : Muhamad Mrad Akoyi
Affiche : Ciwan Cecen

Les minorités (non-kurdes) en Turquie

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Eh oui, la colère des Kurdes est à la hauteur des horreurs que l’État turc leur fait vivre sur leurs propres terres depuis des siècles. C’est pourquoi, on entend parfois leur cri (et leur lutte) à travers les médias occidentaux. Mais en plus des Kurdes, à l’intérieur des frontières de la Turquie, qui englobe une grande partie du Kurdistan, il y a de nombreux autres peuples et minorités religieuses, dont les Kurdes alévis.
Tous sont opprimés et presque aucun de ces peuples et religions n’est reconnu officiellement dans la Turquie fasciste qui se définie comme étant « Un Etat, Une race (sic), une langue, une religion… ». Ils sont tous condamnés à disparaitre au profit de l’identité « turque/sunnite ». 
 
Le journaliste Emile Bouvier a publié un premier volet sur ces minorités de Turquie. Il semble que Bouvier va le compéter avec deux autres articles.
 

« Minorités non-kurdes en Turquie : une mosaïque ethnique riche et discrète (1/3). Historique des minorités en Turquie et point de situation ethnographique synthétique »

A lire sur le site Les clés du Moyen Orient

Écocide: Les mercenaires de la Turquie ont abattu près de 300 000 oliviers à Afrin

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SYRIE / ROJAVA – Les mercenaires de la Turquie volent la récolte d’olives du canton kurde d’Afrin où ils ont brûlé 20 000 oliviers et abattu plus de 280 000 autres pour les vendre comme bois de chauffage. Des crimes écologiques et économiques commis par un pays membres des organisations internationales telles que l’ONU, l’OTAN, CEDH…
 
Le porte-parole de l’Organisation des droits de l’Homme d’Afrin, İbrahim Şêxo, a déclaré que les gangs avaient saisi des oliviers et abattu 280 000 arbres et brûlé plus de 20 000 arbres.
 
İbrahim Şêxo, a annoncé que les gangs se sont emparés des oliviers dans la campagne d’Afrin, de plus ils ont abattu 280 000 oliviers et brûlé plus de 20 000 arbres. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH/SOHR) a également rapporté que l’occupation turque avait pillé les réserves d’huile d’olive et que les huiles avaient été passées en contrebande.
 
Certains commerçants ont expliqué qu’ils avaient du mal à trouver d’huile d’olive sur le marché car l’État turc n’autorise pas la vente des produits d’Afrin en Syrie, tandis que l’huile d’olive produite dans la région est vendue sur les marchés étrangers avec des étiquettes turques.
 
Les entreprises turques volent les olives d’Afrin
 
Ibrahim Şêxo a souligné que pendant la saison des récoltes en 2018, 70000 tonnes d’huile d’olive d’Afrin a été conditionnée en Turquie et vendue aux pays européens par l’État turc via ses mercenaires. Le journal espagnol Publico a publié une nouvelle qui confirme les informations fournies par Şêxo,  en déclarant que l’État turc avait vendu les huiles d’olive qu’il avait introduites en contrebande depuis Afrin au marché étranger en les étiquetant comme un «produit turc». Sexo a ajouté qu’à Afrin, une société appelée « Kerim Kurdi » a collaboré avec les services de renseignement turcs et en faisant passer de l’huile d’olive d’Afrin en contrebande vers la Turquie sous le nom de sociétés fictives. Il a déclaré que les commerçants doivent payer des frais élevés aux contrebandiers pour faire passer des olives d’Afrin vers le marché syrien.
 
Selon les données disponibles, alors qu’il y a 18 millions d’oliviers à Afrin, des centaines de milliers d’arbres ont été coupés ou brûlés après l’occupation de la région par l’Etat turc. Les autres ont été saisis par les envahisseurs et les propriétaires d’oliviers qui pouvaient cultiver leurs oliveraies ont été forcés à payer des rançons.
 

Il risque 20 ans de prison pour avoir photographié le meurtre d’un Kurde par la police turque

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TURQUIE / BAKUR – La justice turque exige 20 ans de prison pour le journaliste kurde Abdurrahman Gök pour avoir photographié le meurtre de Kemal Kurkut à Amed, le 21 mars 2017, lors des célébrations de Newroz.
 
Les images qui dérangent l’État criminel turc
 
Le 21 mars 2017, Kemal Kurkut, un étudiant kurde de 22 ans, a été abattu par un policier turc, devant des dizaines de journalistes et une foule rassemblée pour célébrer le Nouvel-An kurde, à Amed (Diyarbakir).
 
Après le meurtre de Kemal Kurkut, les policiers ont immédiatement confisqué les appareils des journalistes pour effacer les images afin de cacher leur crime. Mais le journaliste Abdurrahman Gök a réussi à cacher la carte de son appareil dans la poche arrière de son pantalon. Ainsi, quand les policiers ont fouillé son matériel, ils n’ont rien trouvé tandis que le journaliste leur a menti en disant qu’il n’avait pas eu le temps de prendre des images…
 
Des images qui rendent impossible le camouflage du meurtre
 
Les autorités turques, croyant avoir détruit les preuves du meurtre de Kemal Kurkut, ont fait une première déclaration affirmant que Kemal Kurkut était un kamikaze neutralisé par la police avant qu’il commette un attentat visant la fête de Newroz. Mais, le journaliste Abdurrahman Gök présente aussitôt les images du meurtre de Kurkut à la presse et à la justice turque, balayant les déclarations mensongères des autorités turques. Depuis, il est poursuivi par la justice turque qui l’accuse d’être « membre d’une organisation terroriste [PKK] ». 
 
Des images au secours de la famille Kurkut
 
Grâce aux images prises par le journaliste Abdurrahman Gök, la famille de Kemal Kurkut a pu porté plainte contre le policier qui a abattu le jeune homme il y a 3 ans et demie. Mais, malgré les images prises par les journalistes et des véhicules de police sur place, ainsi que des vidéos de surveillance des commerces voisins, montrant le moment où Kurkut a été abattu de sang froid par un policier turc, la justice turque refuse de condamner le policier et cherche d’autres subterfuges, comme la balle du policier qui aurait rebondit et touché Kurkut, sans que le policier ait eu l’attention de le viser, etc.
 
9 ans de prison pour le policier assassin, 20 ans pour le journaliste qui a pris des photos
 
Depuis, la famille de Kemal remue ciel et terre pour obtenir justice. Au bout de 10 audition, le procureur turc a demandé une peine de 3 ans à 9 ans de prison pour l’accusé Yakup Şenocak pour avoir « causé la mort par négligence délibérée ». La famille de Kurkut dit ne pas croire en la justice turque, quelque soit l’issus du procès, à cause du racisme anti-kurde étatique en Turquie. 
 
Le procès contre le journaliste Gök débutera en février
 
Le journaliste Abdurrahman Gök, dont les photos ont ​​été sacrées lors du Prix du journalisme Musa Anter et des Martyrs de la presse libre et du Prix du journalisme Metin Göktepe en 2017, sera devant la justice turque le 23 février 2021.
 
La première audience de l’affaire visant Gök accusé d’ « appartenance à une organisation terroriste » et de  » faire la propagande en faveur d’une organisation terroriste » sur la base des appels téléphoniques qu’il a passés avec des sources d’information, des publications sur les réseaux sociaux et les articles qu’il a écrits, aura lieu le 23 février 2021 à Diyarbakır. 
 
Alors qu’on est d’ors et déjà sûr que le policier criminel pourra échapper à la prison grâce à la clémence de la justice de son pays, Abdurrahman Gök qui a photographié la scène du crime risque 20 ans de prison… 
 
Pas de justice pour les Kurdes en Turquie
 
Dans un pays où les Kurdes sont considérés comme des « ennemis » de l’Etat, « menaçant l’intégrité du pays » car ils revendiquent leurs droits élémentaires comme parler leur langue, vivre leur culture et s’auto-gouverner, comment peut-on obtenir justice en tant que Kurde ? Jusqu’à présent, d’innombrables meurtres racistes visant les Kurdes ont été commis en Turquie. D’aucun de ces crimes n’a été puni tel-quel par la justice turque.
 
Certaines de ces affaires ont été portées devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) où l’Etat turc a été condamné régulièrement. Mais rien ne change à l’intérieur des frontières turques, surtout au Kurdistan colonisé par la Turquie. Les Kurdes sont victimes du racisme d’Etat institutionnalisé et c’est pourquoi la justice turque ne peut être impartiale quand elle a devant elle un dossier relevant du racisme étatique. 
 

Cela fait 20 ans que l’exil parisien nous a volé Ahmet Kaya

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PARIS – Il y a 20 ans jour pour jour, le grand chanteur kurde, Ahmet Kaya nous quittait à l’âge de 43 ans, à Paris où il s’était réfugié pour échapper à la prison et aux risques d’assassinat en Turquie.
 
Quelques jours après son décès, des milliers de Kurdes étaient venus de toute l’Europe faire leurs adieux à Ahmet Kaya au cimetière de Père Lachaise, situé dans le 20e arrondissement de Paris où d’autres Kurdes morts en exil, dont le cinéaste Yilmaz Guney, le politicien Abdul Rahman Ghassemlou, sont enterrés.
 
Le musicien Ferhat Tunç était parmi les nombreuses personnalités kurdes également présentes à la cérémonie d’adieux au légendaire musicien kurde, dont l’aura dépassait les frontières du Kurdistan et de la Turquie. Lors de la prise de parole, Tunç avait rendu un hommage émouvant à son collègue et compatriote mort en exil, loin de son pays chéri. Aujourd’hui, Tunç lui-même, comme tant d’autres artistes, intellectuels, universitaires, militants ou journalistes kurdes, exilé en Europe pour les mêmes raisons qui ont jeté Ahmet Kaya sur les routes de l’exil…
 
Qui était Ahmet Kaya ?
 
Né le 28 octobre 1957 à Malatya, Ahmet Kaya était chanteur, écrivain et compositeur kurde, originaire d’Adiyaman.
 
Chanteur de la musique contestataire, Kaya a dédié sa courte vie à la paix et à la musique au milieux des persécutions étatiques en Turquie. Il se disait « Kurde de Turquie ».
Plusieurs des albums de Kaya ont battu des records de ventes. Avec plus de 20 albums, Kaya est de loin l’un des artistes les plus influents et les plus controversés contemporains en Turquie, qui s’était engagé sur des questions sociales et politiques.

Ahmet Kaya a dû fuir la Turquie pour avoir dit qu’il allait sortir un album en kurde. Il est mort à Paris en 2000. Une élégie « Ya beni sarsa memleket hasreti / Et si le mal du pays me prenait » raconte l’histoire de son agonie, de ses souffrances, de son désir pour son peuple et sa patrie dont il a été arraché.

Ahmet Kaya a payé cher son souhait de « chanter en kurde » lors d’une cérémonie de remise des prix en direct à la télévision en 1999. Les autorités turques ont lancé des poursuite à son encontre. Les journaux et les chaînes de télévision de tout le pays l’ont pris pour cible avec des informations fabriquées de toutes pièces le qualifiant de « traître » et de « terroriste ». Les médias turcs ont dépeint Kaya comme « faisant partie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour avoir déclaré qu’il était kurde.

 

 
La tombe d’Ahmet Kaya se trouve au cimetière parisien du Père-Lachaise, 71ème division, 1ère ligne face à la 72ème division.
 

ROJAVA. Havrin Khalaf a 36 ans aujourd’hui

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SYRIE / ROJAVA – Le 12 octobre 2019, la politicienne kurde et espoir d’une Syrie diversifiée et démocratique, Hevrîn Xelef, a été exécutée par des mercenaires de la Turquie dans le nord du Rojava. Aujourd’hui, elle aurait eu 36 ans.
 
Hevrîn Xelef, secrétaire générale du parti Avenir de la Syrie, a été assassinée par les gangs de l’État turc le 12 octobre 2019, tandis que l’État turc et ses mercenaires poursuivaient leurs attaques d’invasion sur le Rojava.
Capturée sur l’auto-route M4, près du village de Tirwazî, entre Soulouk et Tall Tamer, la politicienne kurde a été violée et lapidée par les membres du «Bataillon 123» de la milice djihadiste «Ahrar al-Sharqiya», allié de la Turquie. Ses bourreaux ont aussitôt diffusé sur les réseaux sociaux les images de son calvaire qu’ils ont filmé.
Le meurtre d’Hevrîn Xelef (Havrin Khalaf) a été l’un des nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par l’occupation turque dans la région.
 
Aujourd’hui Hevrin Xelef aurait eu 36 ans. Pour célébrer son anniversaire, de nombreuses femmes se sont réunies dimanche au cimetière des martyrs de Şehîd Dîcle pour rendre hommage à la politicienne en plantant du jasmin. Le jasmin est un symbole de paix dans de nombreuses régions du Moyen-Orient. Les fleurs blanches de la plante se retrouvent également dans le logo du Avenir de la Syrie (Hizbul Suri Mustakbel), qui est dirigé par un principe d’initiative démocratique populaire. Sûad Mustafa, la mère d’Hevrin Xelef, a également participer à la cérémonie.
 
UNE VIE DÉDIÉE À LA RÉVOLUTION DES FEMMES
 
Havrin Khalaf, ou Hevrîn Xelef, est née en 1984 à Dêrik, ville du nord de la Syrie. Elle a grandi enfant dans une famille socialement et politiquement engagée. Quatre de ses frères et la sœur d’Havrin, Zozan, ont rejoint la lutte de libération et sont tombés dans les rangs du mouvement de libération kurde.
 
Sa mère Sûad a participé à de nombreuses assemblées populaires d’Abdullah Öcalan. Ce qu’elle a appris ici a également eu une grande influence sur l’éducation et le développement de la personnalité de Havrin. Après avoir terminé ses études à Dêrik, Havrin a étudié l’agronomie à Alep. Après avoir terminé ses études, elle est retournée à Dêrik. Avec le début de la révolution au Rojava, Havrin a participé à la lutte pour la liberté et au travail du mouvement des jeunes. Peu de temps après, elle a commencé à organiser des activités de développement de la société civile et a assumé des postes de direction au sein du Conseil économique de Qamishlo. En 2015, avec la proclamation de l’Administration démocratique autonome, elle a pris la responsabilité de coprésidente adjointe du Comité de l’énergie de l’autonomie démocratique du canton de Cizière.
 
Dans son travail, elle a accordé une attention particulière aux besoins économiques des femmes et au développement de l’économie des femmes. En 2018, Havrin a participé au processus de création et de fondation du Parti Avenir de la Syrie dans le but de défendre les intérêts de tous les groupes de population syriens et un renouveau démocratique de la Syrie. Lors de la fondation de son parti le 27 mars 2018 à Raqqa, elle s’est engagée de manière désintéressée dans la tâche de la secrétaire générale. S’exprimant à l’occasion du 8e anniversaire du soulèvement populaire en Syrie, Havrin a exprimé sa conviction que la crise politique en Syrie ne peut être résolue par la guerre.
 
Dans chacun de ses discours, Havrin a souligné l’importance du dialogue entre les différentes forces politiques et communautés syriennes. Elle insiste pour que les peuples déterminent leur propre avenir et façonnent ensemble leur propre vie politique et sociale. À travers sa lutte politique, Havrin a appelé tous les cercles de la société et les acteurs politiques à participer à une solution démocratique à la crise en Syrie.
 
Avec le début de la guerre d’occupation turque contre les territoires de l’administration démocratique autonome du nord et de l’est de la Syrie le 9 octobre 2019, Havrin a résolument poursuivi sa lutte politique, jusqu’au jour de son exécution.
 
Havrin Khalaf a joué un rôle inoubliable dans la révolution des femmes du Rojava et de la communauté des peuples avec sa vie et son travail. La commémorer, c’est défendre plus résolument que jamais la révolution des femmes dans le nord et l’est de la Syrie qui est un espoir pour tous les pays du Moyen-Orient et du monde.
 
ANF
 

ROJAVA. Des coopératives pour développer une nouvelle économie

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SYRIE / ROJAVA – Les Kurdes syriens et leurs alliés développent les coopératives pour créer une nouvelle économie afin de faire face à l’inflation galopante, embargo partiel, guerre et épuisement des ressources par les forces d’occupation turques à Sere Kaniye, Tel Abyad et Afrin
 
« Les femmes sont les leaders de la construction d’une économie centrée sur la société, elles construisent les coopératives. Les coopératives sont, aux côtés des communes, considérées comme le deuxième pilier de l’administration démocratique. »
Karker, coprésident du Bureau des coopératives d’Heseke
 
Actuellement, la Syrie du Nord et de l’Est (NES) fait face à d’énormes difficultés économiques: inflation galopante, embargo partiel, guerre et épuisement des ressources par l’occupation des forces turques à Sere Kaniye, Tel Abyad et Afrin. Dans ce contexte de crise, NES développe un modèle économique qui vise l’autosuffisance et la durabilité. Le programme économique de l’Administration autonome de la Syrie du nord et de l’est (AANES) se présente comme une alternative aux économies capitalistes. Son objectif est de mettre en place une économie sociale démocratique, fondée sur des coopératives, qui fait avancer la société vers une économie plus communautaire.
 
Ce qui définit une coopérative, par rapport à une entreprise privée, c’est qu’elle appartient à ceux qui y travaillent. Les coopératives recherchent le profit, mais le répartissent entre les membres (comme ils sont, idéalement, les propriétaires) ou l’utilisent pour investir dans des activités futures. Dans le cas de NES, les coopératives couvrent aussi directement les besoins de la population locale, sans commercialiser leurs produits, et soutiennent les organisations civiles.
 
Lorsque les régions de l’actuelle NES ont obtenu leur autonomie du gouvernement Assad en 2012, elles ont hérité d’une économie fondée sur les monocultures agricoles. Les champs de blé dominaient la région orientale de Jazira et les oliviers la région ouest d’Afrin. Le gouvernement Assad a fait peu d’efforts pour développer une industrie dans la NES – pas même des moulins pour moudre le blé – car le seul rôle économique donné à NES était de fournir des matières premières au reste du pays. Une majorité des terres cultivées appartenait au gouvernement syrien, puis repris par les structures de gouvernement autonomes désormais connues sous le nom d’AANES. Selon les principes démocratiques de base de l’AANES, une partie de ces terres arables a été cédée aux communes locales chargées de créer des coopératives pour cultiver la terre, diversifier les cultures et produire, et prioriser les nouvelles formes de production afin de couvrir les besoins de la population locale. Cet héritage économique a permis le développement des coopératives agricoles, qui constituent aujourd’hui l’essentiel des coopératives de NES. Mais les coopératives se sont également développées dans d’autres sphères économiques: principalement des boulangeries mais aussi des textiles, une production laitière, une petite industrie et même une mine de sel.
 
Conformément au rôle de premier plan de la lutte de libération des femmes dans le projet politique de l’AANES, les coopératives de femmes sont promues par les bureaux coopératifs qui existent dans chaque région. Elles sont également promues par Aboriya Jin , la branche économique de Kongra Star, l’organisation faîtière du mouvement des femmes de la NES. Ces coopératives sont fondées pour créer des opportunités d’emploi pour les femmes et pour soutenir leur indépendance économique, dans le cadre de l’économie collective.
 
Le paysage diversifié des coopératives dans la NES

Les coopératives de la NES varient en termes de taille et de domaine d’activité, mais aussi par type. Certaines sont des coopératives de travailleurs , qui produisent un bien ou fournissent un service et réalisent un profit à répartir entre les membres. D’autres sont des coopératives de services , qui sont un type particulier de coopérative de consommation : le capital financier est rassemblé par les membres afin de mettre en place un service pour la communauté, qui est directement fourni sans être commercialisé. Ceci est le plus souvent fait pour acheter un générateur d’électricité au diesel pour un quartier ou un village, qui peut fournir de l’électricité lorsque l’électricité générale est coupée.
 
En raison du système politique décentralisé de l’AANES, il est difficile de mener une évaluation complète des coopératives existantes dans la NES. Aucun organisme central ne collecte des informations sur tous les types de coopératives dans l’ensemble de la NES. Les coopératives se développent au niveau le plus local, les communes, avec le soutien de différents organes: le Bureau des coopératives de chaque canton ou région, les comités économiques des conseils locaux des femmes, et Aboriya Jin. En outre, les incursions militaires et les attaques de l’État turc continuent de prendre le pas sur un système qui n’en est qu’à ses tout débuts. Le territoire entre Sere Kaniye et Tal Abyad était l’une des terres arables les plus riches de la NES et abritait également la plus forte concentration de coopératives agricoles de la région. Plus de 12 000 hectares étaient utilisés par des coopératives agricoles, d’autres coopératives se développant en lien avec leurs activités. La plupart de ces coopératives ont été détruites, abandonnées ou pillées après l’invasion et l’occupation d’octobre 2019 (décrites plus en détail ci-dessous).
 
Néanmoins, en regardant au niveau régional et au travail des organes de l’économie des femmes, nous pouvons avoir une image de l’ampleur de l’économie coopérative dans la NES. La région de Jazira – l’une des sept régions officielles de la NES – abrite le plus grand nombre et la plus grande variété de coopératives de l’AANES en 2020. Cela est dû au fait que le système AANES est établi à Jazira depuis plus longtemps que dans d’autres régions de NES, et que de larges pans de Jazira sont des terres arables.
 
Les bureaux coopératifs de Jazira soutiennent environ 40 coopératives de travailleurs dans les deux cantons de la région, Qamishlo et Heseke. Une coopérative comprend généralement entre 5 et 10 familles. 23 sont situés dans le canton de Qamishlo, dont 13 sont des coopératives agricoles, cultivant 874 hectares de terres. Les autres coopératives travaillent principalement dans la fabrication et la production de vêtements ou offrent des services de couture. La situation varie fortement d’une région à l’autre: la région de l’Euphrate, par exemple, compte beaucoup moins de coopératives que Jaziria.
 
Quant aux coopératives de femmes ouvrières créées par Aboriya Jin, il y en a plus de 50 dans l’ensemble de la NES. 32 d’entre elles sont des coopératives agricoles (dont 18 sont situées dans la seule région de Jazira). Les autres coopératives sont des boulangeries, des magasins de vêtements, des restaurants ou des ateliers produisant des conserves. Environ 1500 femmes travaillent dans ces coopératives, dont environ 1 000 travaillent dans des coopératives agricoles.
 
Étude de cas: coopérative d’Umceren, dans la campagne d’Heseke

La coopérative Umceren comprend 54 membres de 7 villages et 54 membres. Les membres sont des chrétiens arabes, kurdes et assyriens, avec une participation égale des hommes et des femmes. La coopérative travaille dans plusieurs domaines. Elle cultive du blé et des légumes sur plusieurs hectares de terres, qui appartiennent en partie à l’AANES, et sont en partie la propriété des membres de la coopérative. Le produit est vendu sur le marché. Outre l’agriculture, le projet le plus important de la coopérative est la construction d’une école pour les enfants du village. L’accès à l’éducation est difficile pour les villageois car l’école la plus proche est à trois ou quatre kilomètres. En automne et en hiver, lorsque la pluie inonde les rues de boue, parcourir de telles distances devient compliqué. Avec le soutien du Bureau des coopératives d’Heseke, la coopérative a maintenu les coûts de construction bas en utilisant des matériaux locaux et en comptant sur la main-d’œuvre de ses membres. Un autobus scolaire rassemblera les enfants de huit villages pour les conduire à l’école, tandis que l’école devrait également accueillir des activités et des programmes éducatifs pour adultes. Un autre problème que la coopérative souhaite résoudre est la mauvaise alimentation en électricité et en eau. Deux villages n’ont pas du tout accès à l’électricité et la coopérative collecte des fonds pour organiser un générateur.
 

 

Les briques Kelbiç utilisées pour la construction de l’école d’Umceren sont faites de boue et de paille puis mises à sécher au soleil.

Comment fonctionnent les coopératives dans la NES?

Comment les coopératives démarrent-elles?

Pour lancer des coopératives, le Bureau des coopératives et Aboriya Jinentrer en contact avec les communes locales, identifier les besoins de la commune et leur faire découvrir le principe des coopératives à travers des sessions de formation. Le Bureau des coopératives a commencé à jouer un rôle plus proactif dans la création de coopératives, après avoir reconnu que le modèle des coopératives était fréquemment utilisé comme une forme d’investissement plutôt que comme un moyen de développer une économie locale et communautaire. De nombreuses familles contribueraient financièrement au démarrage d’une coopérative. Mais plutôt que de s’impliquer davantage dans le travail ou le développement de la coopérative, ils percevraient simplement les bénéfices (qui finissaient par être très faibles pour toutes les personnes impliquées, car le nombre d ‘«investisseurs» était trop élevé, ce qui signifie que dans certaines coopératives membres seulement recueilli l’équivalent de 1 dollars environ chaque mois).

Pour éviter de tels abus du modèle coopératif, les bureaux régionaux des coopératives et Aboriya Jin prennent désormais l’initiative d’identifier les besoins des résidents locaux et mettent en place des projets coopératifs en conséquence, en se concentrant sur l’intégration des ménages les plus pauvres d’une commune, ceux qui sont blessés dans la guerre contre l’EI. ou la Turquie, ou ceux qui ont perdu un membre de leur famille.

Le type de soutien qu’une coopérative reçoit pour démarrer son activité varie. Ils reçoivent généralement ou obtiennent de l’aide pour acquérir les outils et produits nécessaires pour commencer l’activité choisie. Pour une coopérative agricole, il peut s’agir de terres et de semences. Les membres rejoignant la coopérative collectent de l’argent pour démarrer leur activité et peuvent recevoir jusqu’à 25% du coût initial du Bureau des coopératives. Les coopératives de femmes qui démarrent leur activité avec l’aide d’ Aboriya Jin ont 100% des coûts initiaux pris en charge par Aboriya Jin, selon les besoins du projet. Les bureaux des coopératives et Aboriya Jin offrent également des formations et fournissent des contacts aux coopératives qui recherchent des partenaires commerciaux. Au-delà des compétences professionnelles et des aspects économiques des coopératives, les formations visent à transmettre les valeurs politiques et sociales de l’entreprise coopérative.

Les programmes d’éducation sont nécessaires pour la société, en particulier pour notre travail, pour les coopératives. Notre société a perdu la force de ses liens sociaux, il est donc nécessaire de changer les mentalités et de relancer la vie communautaire. Dans les coopératives, nous travaillons ensemble. C’est une manière de construire l’unité du peuple.

Mediya, membre du Comité directeur du Bureau des coopératives de Qamishlo

Mediya, membre du Comité directeur du Bureau des coopératives de Qamishlo

Comment les coopératives gèrent-elles la concurrence sur le marché?

En ce qui concerne la concurrence sur le marché, une partie des activités des coopératives se situe en soi en dehors du cadre commercial: c’est bien sûr le cas des coopératives de services, mais aussi des coopératives agricoles qui pourraient distribuer (une partie de) leurs produits directement à leurs membres. De plus, lors de la création de nouvelles coopératives, leur activité répond généralement à des besoins locaux auxquels l’économie de marché ne répondait pas jusqu’à présent. Pour s’assurer que les coopératives ne sont pas en concurrence les unes avec les autres, le bureau des coopératives vérifie que chaque coopérative couvre différents types de besoins et se complète dans son activité:

Il ne faut pas qu’une coopérative soit en concurrence avec une autre. Par exemple, le comité coopératif ne soutiendrait pas deux coopératives de pain dans un village. Ils procèdent selon les besoins des communautés locales.

Leyla Yousef, coprésidente de la Commission des coopératives

En ce qui concerne la concurrence avec d’autres entreprises privées, les coopératives peuvent attirer des clients avec des prix plus bas – qui visent également à abaisser généralement les prix du marché. La coopérative agricole créée dans le camp de déplacés de Tel Samen, par exemple, vend ses produits directement aux habitants du camp à la moitié du prix du marché. Plusieurs villes ont construit ou sont en train de construire de petits marchés dédiés à l’économie coopérative, de sorte que les coopératives de production ne dépendent pas d’intermédiaires qui prendraient une charge et feraient monter les prix. Les coopératives peuvent également proposer des prix plus bas car elles privilégient l’utilisation de matériel local au lieu d’importer des marchandises. Plus généralement,

Comment les coopératives partagent-elles les bénéfices?

Tout d’abord, il faut mentionner que tous les types de coopératives ne génèrent pas de profit. Comme mentionné précédemment, les coopératives de services fournissent simplement un service, qui n’est pas commercialisé. Les coopératives agricoles peuvent distribuer une partie ou la totalité de leur production directement à leurs membres. Pour ceux qui ne générer des gains financiers, les bénéfices sont divisés en quatre parties:

– une partie est payée à titre de taxe à l’organisme de soutien (à savoir Aboriya Jin ou le bureau local des coopératives), qui est ensuite réutilisée pour développer de nouvelles coopératives. Les coopératives normales paient une taxe de 5% lorsqu’elles réalisent un bénéfice. S’ils ne font aucun profit, ils n’ont pas à payer d’impôt. Pour les coopératives agricoles utilisant des terres fournies par l’AANES, la taxe peut atteindre 9%, et pour celles qui utilisent leurs propres terres, elle est de 5%. Quant aux coopératives soutenues par Aboriya Jin , une taxe de 5% du bénéfice devrait être payée après 6 mois d’activité afin de financer de nouveaux projets.

– une partie est réinvestie dans le développement de la coopérative en question (les directives pour les coopératives dans NES recommandent 25%, mais le montant typique mis de côté pour le réinvestissement est plutôt de 10%)

– une partie est utilisée pour le développement de projets locaux. Certaines coopératives sont liées à d’autres institutions, par exemple à la Sazîya malbatên şehidan (Organisation pour les familles des martyrs). L’organisation offre un soutien à la coopérative qui à son tour donne une part de ses bénéfices à cette organisation de la société civile, qui travaille avec les familles pauvres, les veuves, les handicapés ou les personnes touchées par la guerre. De même, celles liées au mouvement des femmes Kongra-Star via Aboriya Jin fournissent une part de leurs bénéfices pour soutenir le travail des femmes dans le nord et l’est de la Syrie. D’autres peuvent également soutenir des projets communautaires locaux individuels (voir ci-dessous).

– et le reste est réparti entre les membres

Hormis les taxes, le montant de toutes ces parties est décidé par chaque coopérative.

Étude de cas: coopérative de vêtements et cosmétiques, Hilleliyah, Qamishlo

Le quartier Hilleliyah de Qamishlo abrite plusieurs coopératives. L’un d’eux est la coopérative de vêtements et de cosmétiques Shilan. La coopérative Shilan a été créée en 2016, après plusieurs réunions de quartier qui ont discuté des besoins du quartier et des projets potentiels. Un groupe de femmes a finalement rassemblé des fonds pour ouvrir un nouveau magasin. Son objectif est de soutenir les ménages pauvres, en vendant des vêtements et des cosmétiques à un prix inférieur à celui des magasins habituels et en facilitant l’accès à ces biens dans un quartier éloigné du marché central. 

La coopérative achète des vêtements au prix de gros et les revend à un prix inférieur à celui des magasins ordinaires. En conséquence, la coopérative génère des profits minimes. La participation des membres est principalement motivée par l’idée de couvrir les besoins du quartier de manière communautaire. À ce jour, la coopérative compte 22 membres et est dirigée par 3 femmes. Le comité de direction fait le travail quotidien sans recevoir d’argent car il souhaite promouvoir le projet et l’économie coopérative, tandis que les autres membres apportent leur aide en cas de besoin. Elles reçoivent un rendement modeste chaque mois, en fonction du montant investi. De nombreuses membres de la coopérative Shilan participent également à la coopérative voisine Nesrin qui vend des produits de nettoyage, suivant des principes similaires. Leur projet est de construire un atelier de couture afin de produire des vêtements localement et de créer des emplois dans un secteur facilement accessible aux femmes. 

Impact de l’invasion de la Turquie en 2019 sur l’économie coopérative

Peu de temps avant l’invasion turque de Sere Kaniye et Tel Abyad en octobre 2019, les deux villes et leurs environs étaient un foyer fertile pour une forte concentration de coopératives. Autour de Sere Kaniye, plus de 12 000 hectares ont été cédés à des coopératives agricoles. Toutes les coopératives ont coordonné leurs activités, certaines spécialisées dans la production, d’autres dans l’achat et la vente. La coopérative Hevgirtin a réuni 1250 membres, cultivant de l’orge sur plus de 6000 hectares. Les bénéfices que les membres de ces coopératives agricoles avaient mis de côté tout au long de 2015 et 2016 leur ont permis d’ouvrir la coopérative Mezopotamya, une boulangerie semi-automatisée. De telles initiatives ont joué un rôle de pionnier dans l’économie coopérative de NES.

L’invasion de la Turquie en octobre 2019 et l’occupation continue de 5000 km 2 dans les régions de Sere Kaniye et de Tel Abyad ont détruit cette économie alternative en développement. Les forces soutenues par la Turquie ont pillé et pillé des propriétés privées et publiques, des entreprises et des coopératives (pour plus d’informations, voir le rapport de décembre 2019 du RIC: La guerre de la Turquie contre les civils). La boulangerie de Mésopotamie a été saisie par des factions soutenues par la Turquie, entraînant la perte de machines et de réserves. Des associations agricoles coopératives ont également été pillées, avec la perte totale de 800 tonnes de blé plus 1 500 tonnes d’engrais de 6 coopératives de la campagne de Sere Kaniye. L’impact psychologique doit être considéré à côté du dommage matériel: l’expérience ou la menace de destruction fait paraître vaine toute tentative de construction de futurs projets.

Lorsque la guerre s’est rapprochée, les gens ont hésité à s’engager dans des projets de coopération par crainte que l’État turc ne les détruise. Quel est l’intérêt de travailler le sol si l’ennemi vient tout prendre? Et avec la guerre, tout a été pillé et détruit.

Ashref, ancien membre du Bureau de l’économie de Sere Kaniye

Pourtant, les coopératives se développent même parmi ceux qui ont fui la guerre. Le bureau des coopératives tente de susciter la création de nouveaux villages en donnant des terres arables aux habitants qui vivent dans des camps de déplacés internes. Dans la campagne de Heseke, la coopérative Kaniya Jin rassemble trois familles qui ont fui l’invasion de Sere Kaniye. Ils cultivent l’ail et les oignons sur un hectare de terre.

Pourtant, motiver les personnes déplacées à s’installer dans un nouvel endroit est difficile. Ceux qui ont fui Sere Kaniye préfèrent rester dans le camp de déplacés, car ils espèrent rentrer un jour chez eux. Dans d’autres cas, par conséquent, les coopératives se développent directement à l’intérieur des camps de personnes déplacées.

Étude de cas: Coopérative agricole dans le camp de déplacés de Tel Samen, campagne de Raqqa

Le camp de déplacés de Tel Samen est une ancienne base militaire américaine convertie en camp de déplacés après l’invasion d’octobre 2019, lorsque les forces américaines se sont retirées des régions orientales de la NES pour ouvrir la voie à l’assaut turc. La population du camp d’environ 700 familles est principalement composée de familles arabes et kurdes, ainsi qu’une minorité importante de familles turkmènes, qui ont toutes fui Tel Abyad face à l’occupation turque. Début 2020, l’administration du camp a aidé à collecter des fonds pour démarrer l’activité de plantation de divers légumes, 100 familles contribuant financièrement au projet. Six hectares de terres sont actuellement cultivés.

La population du camp bénéficie de deux manières de la coopérative. Premièrement, il offre aux PDI la possibilité de gagner un salaire. Chaque jour, 15 à 20 personnes de familles différentes travaillent pour la coopérative, chaque personne étant payée un salaire journalier typique d’un ouvrier agricole de 3000SYP. Deuxièmement, tous les habitants du camp peuvent acheter les produits de la coopérative à la moitié du prix du marché, ce qui leur permet de nourrir leur famille. Ce qui reste est vendu sur le marché de Raqqa et les bénéfices des ventes sont partagés entre les 100 familles qui ont contribué financièrement à la coopérative. Actuellement, la coopérative négocie avec le Bureau des coopératives pour étendre son activité et acquérir des moutons et des poulets.

Conclusion

À ce jour, l’économie coopérative de NES en est encore à ses balbutiements. Son développement est entravé par plusieurs aspects, notamment la menace de guerre et un faible niveau d’éducation et de sensibilisation de la population en général. Les coopératives représentent encore une part marginale de l’économie locale par rapport à la production, à la consommation et aux besoins globaux de millions de résidents locaux. Cependant, les coopératives conservent une importance particulière dans la NES car elles représentent un système économique alternatif émergent qui vise à répondre aux besoins économiques et écologiques urgents de la région en:

– diversifier la production agricole pour s’éloigner de la monoculture;

– développer des constructions et des méthodes agricoles écologiquement durables;

– promouvoir l’autosuffisance et réduire la dépendance à l’égard des produits importés;

– aider les femmes à gagner leur indépendance économique;

– et offrant une perspective économique aux familles pauvres.

Les coopératives jouent donc un rôle central dans le projet politique plus large en cours au sein de l’AANES, et en particulier ses objectifs d’aller vers l’autonomie alimentaire, une économie sociale et écologique et l’égalité des sexes.

Il faut du temps et de la stabilité pour permettre à ce modèle de se développer. Comme le dit le porte-parole du Bureau de l’économie:

Tout cela est un processus lent et ascendant. À l’avenir, nous évoluerons progressivement vers une économie coopérative. Bien sûr, la guerre est une possibilité qui pourrait détruire ces efforts. Nous espérons parvenir à une société sans plus de pauvres ni de riches, mais une vie égale pour tous.

Walid, porte-parole du Bureau d’économie de la NES 

Sources

Les informations présentées dans cet article s’appuient sur des entretiens menés avec des personnes en charge du développement des coopératives dans la NES:

– Walid, porte-parole du Bureau de l’économie, et Azad, coprésident de la fabrication dans la région de Jazira, août 2019

– Dr Hassan Betay et Leyla Yousef, coprésidents de la Commission coopérative, août 2019

– Armanc, coordinateur avec Aboriya Jin, branche économique de Kongra Star, Qamishlo, septembre 2020

– Firdaws, coordinateur du Bureau des coopératives du canton de Qamishlo, septembre 2020

– Mediya, comité de gestion du Bureau des coopératives du canton de Qamishlo, septembre 2020

– Karker, coprésident du Bureau des coopératives de Heseke, septembre 2020

– Ashref, ancien membre du Bureau de l’économie de Sere Kaniye, septembre 2020

– Newroz, coordinateur du bureau des coopératives du canton de Heseke, octobre 2020

FÉMINICIDES: Au moins 256 femmes tuées en dix mois en Turquie

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TURQUIE / BAKUR – Au moins 256 femmes ont été assassinées et au moins 197 autres sont mortes dans des circonstances suspectes de janvier à octobre 2020 en Turquie et dans les régions kurdes du Bakur (Kurdistan du Nord).
 
Le Centre de recherche socio-politique sur le terrain a publié son rapport de 10 mois sur le féminicide. Le rapport couvre les mois de janvier à octobre 2020 et souligne qu’au moins 256 femmes sont mortes des suites d’un meurtre et qu’au moins 197 femmes sont décédées dans des circonstances suspectes au cours de la période de 10 mois.
 
Le rapport a été compilé en comparant les données obtenues de nombreuses agences, sites et publications, dont la plate-forme « Nous stopperons les féminicides » (« Kadın Cinayetlerini Durduracağız Platformu »), Bianet, Jînnews, agence Mezopotamya.
 
Selon les données du rapport, les trois principales villes pour le nombre de féminicides enregistrés sont Istanbul (37), Izmir (19) et Antalya (13). Les provinces où aucun féminicide n’a été signalé dans les médias sont Artvin, Bayburt, Hakkari, Karaman, Malatya, Siirt, Tokat et Dersim.
 
Istanbul a également été la première ville en ce qui concerne les femmes décédées dans des circonstances suspectes (19), suivie par Antalya (18) Amed (11) Aydın (11) et Mardin (10).
 
Le rapport indique que 37,9% des femmes assassinées ont été tuées par le mari de leur ancien mari, 18,4% par des connaissances / parents et 16% par l’homme avec qui elles étaient.
 
Le rapport ajoute que 57,8% des femmes ont été tuées par des armes à feu, 27,3% par des outils coupants, 6,6% par noyade et 3,5% par des coups. Dans 3,5% des meurtres, la manière dont les victimes ont été tuées n’a pas été établie.
 
En examinant les données sur la façon dont le féminicide s’est produit année après année, le rapport indique qu’il existe une relation directe entre l’augmentation du féminicide / meurtre et l’augmentation de la possession d’armes personnelles.
 
En outre, 54,3% des femmes ont été tuées à la maison, 33,6% dans la rue, au travail et dans des lieux publics…
 

Il y a 83 ans, la Turquie pendait le leader kurde Seyid Riza et ses compagnons

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TURQUIE / BAKUR – Le 15 novembre 1937, Seyid Riza, un dignitaire alévi et chef du mouvement kurde en Turquie pendant la rébellion de Dersim*, fut pendu à l’âge de 74 avec son fils et de nombreux autres compagnons.

Au début de la création de l’Etat turc, le pouvoir a essayé d’assimiler les Kurdes en les opprimant, en interdisant les publications en kurde, en persécutant ceux qui parlaient kurde, en expulsant de force les gens des régions fertiles du Kurdistan pour les régions pauvres d’Anatolie où beaucoup ont péri. Les prisons étaient pleines de non-combattants, les intellectuels étaient fusillés, pendus ou exilés dans des endroits reculés.

Seyid Riza, son fils et ses compagnons avant leur exécution pour avoir exigé de vivre en liberté et en paix dans leur propre pays.
 
*La rébellion de Dersim

Le massacre de Dersim a eu lieu suite à la rébellion du Dersim (en turc: Dersim İsyanı), soulèvement des Kurdes zazas (dialecte kurde) alévis contre le gouvernement turc dans la région du Dersim. La rébellion a été dirigé par Seyid Riza, un notable kurde alévi. À la suite de la campagne militaire turque de 1937 et 1938 contre la rébellion, des dizaines de milliers de Kurdes zazas de confession alévie sont morts, leurs enfants ont été placés dans des familles turques pour les assimiler et de nombreux autres ont été déplacés à l’intérieur du pays.
 
Pour ne pas laisser de trace kurde dans la région, l’État turc a également changé les noms kurdes des localités et des régions kurdes en turc. Ainsi, Dersim est devenu Tunceli (main de bronze en turc) pour dire qu’ils ont écrasé Dersim d’un coup de poing en bronze. (Par ailleurs, la langue kurde a été interdite dans tout le Kurdistan. On disait que la langue kurde – de la famille indo-européenne, contrairement au turc qui fait partie de la famille des langues altaïques – était en réalité le turc déformé parlé par des « Turc des montagnes », pour ne pas dire les Kurdes…)
 
Au milieu des années 1930, Dersim était la dernière région du Kurdistan du Nord qui n’avait pas été efficacement placée sous le contrôle du gouvernement central turc du fait de sa zone géographique montagneuse qui la protégeait d’agressions extérieurs. Les tribus kurdes de Dersim n’avaient jamais été soumises par aucun gouvernement précédent. Elles ne s’opposaient pas au gouvernement en tant que tel, tant qu’il n’intervenait pas trop dans leurs affaires.
 
La campagne militaire contre Dersim a été montée en réponse à un incident relativement mineur, et il semblerait que l’armée ait attendu un prétexte direct pour mettre enfin à genou Dersim la rebelle perchée aux creux de ses montagnes verdoyantes. Un jour de mars 1937, un pont stratégique en bois a été incendié et des lignes téléphoniques ont été coupées. Seyyit Riza et les tribus alliées ont été accusés d’être derrière cet incident. Pour l’armée turque, c’était le début de la rébellion tant attendue.
 
Les premières troupes, envoyées pour arrêter les suspects, ont été arrêtées par des hommes armés. Les confrontations ont rapidement dégénéré. Lorsque les tribus refusèrent de livrer leurs chefs, une grande campagne fut lancée. Les opérations militaires pour soumettre la région ont duré tout au long de l’été 1937. En septembre, Seyyit Riza et ses plus proches associés se sont rendus à condition qu’on ne touche pas à la population, mais le printemps suivant les opérations ont été reprises avec encore plus de force. Ils ont été d’une violence et d’une brutalité sans précédent.
 
De 70 à 90 000 personnes seraient massacrées à Dersim selon les habitants. On rapporte que des cadavres des femmes mortes ont été violées par des soldats et des enfants ont été tués à coups de bûches de bois « pour ne pas gaspiller » les balles…
 
Plus de 10 000 Kurdes de Dersim ont été déportés vers des régions pauvres de Turquie, la plupart étant morts de faim et d’épuisement sur le chemin de la déportation. Des fillettes kurdes alévies ont été enlevées à leurs familles et données à des familles d’officiers turcs pour être assimilées de forces.
 
En 2008, le Parlement européen a organisé une conférence sur le génocide de Dersim. Et le comité de la conférence « Dersim 38 » s’est adressé à la Cour pénale internationale.
 
Des initiatives personnelles ont également été prises par des victimes du génocide de Dersim. Par exemple, Efo Bozkurt, qui a perdu toute sa famille dans le massacre, a déposé une plainte en justice pour «crimes contre l’humanité» en 2010, mais sa plainte a été rejetée.
 
Le procureur général d’Hozat a décidé d’abandonner les procédures le 18 février 2011. Il a été déclaré que « le droit pénal turc en vigueur au moment des incidents qui se seraient produits à Dersim en 1938 n’incluait pas le génocide et les crimes contre l’humanité imputés par la plaignante ». Il a en outre été dit dans la décision que les prétendus cas de décès devaient être qualifiés d’« homicides » et relevaient donc du délai de prescription.
 
Dans les années 2010, un journal turc pro-gouvernemental Yeni Şafak a publié un document de renseignement top secret révélant que Mustafa Kemal (Atatürk) avait rencontré Seyit Riza la veille de son exécution, en lui disant qu’il serait épargné s’il demandait pardon. Seyit Riza a refusé et a été pendu avec 6 de ses camarades tôt le matin suivant. Le document prouve que les condamnations à mort ont été décidées à l’avance. Le document mentionne que Mustafa Kemal a dit à Seyid Riza que les habitants de Dersim sont des « Turcs du Khorasan » et que les corps de Seyit Riza et de ses compagnons ont été brûlés après avoir été exposés en public.
 

Quand les stéréotypes se transforment en croyances dominées par l’ignorance

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Texte écrit par Gulistan Sido, l’universitaire kurde du Rojava
 
« Inconsciemment ou involontairement, et sans s’en apercevoir ni même en tenir compte, et quelle que soit l’étendue de notre conscience ou de notre culture, ils sont présents dans notre vie et imprègnent ses moindres détails et nous contrôlent et en général ne représentent pas nécessairement la vérité, et leurs impacts forment un grave danger pour les personnes et les sociétés. Le fait de ne pas analyser ou rechercher les causes de leur émergence peut conduire à des résultats négatifs et désastreux. Ce sont les « clichés » ou les « stéréotypes ».
 
Nombreuses sont les définitions de ce terme ou de ce concept. D’une part c’est une image mentale d’autrui préfabriquée ou toute faite, ou le jugement porté sur l’existence d’une idée antérieure et la diffusion d’une certaine idée par un groupe particulier, de sorte que l’interlocuteur l’habille comme un attribut générique ou une idée préconçue qui reflètent des caractéristiques spécifiques et fixes portant sur tous les membres d’une classe ou d’un groupe. Cette image inchangeable et défigurée qui contient de fausses informations contrôle notre regard et nos émotions.
 
Chaque société a son propre système de stéréotypes qu’elle adopte et qui se transforment en croyances, et renforce leur présence dans la vie publique à travers les programmes éducatifs, les médias, le cinéma, les arts, les sites de réseautage social, et les espaces d’études et de recherche dirigés contre l’autre. La diffusion de l’ignorance de la réalité des autres (peuples et civilisations) mène à l’absence de communication et d’échange culturel.
 
Les sociétés se construisent une grande prison et en deviennent prisonnières à cause de ces stéréotypes, et se cantonnent à un espace confiné et clos dans tous les domaines. Nos sociétés patriarcales, par exemple, ont leur propre vision préfabriquée des femmes, de leur rôle et de leur définition. De nombreuses productions intellectuelles et littéraires occidentales décrivent incorrectement le monde oriental, tandis que nous, dans le subconscient collectif oriental, avons des jugements prêts, irréfléchis sur le monde occidental. Partout où nous nous tournons, nous trouvons des stéréotypes qui nous envahissent, et en vertu de l’habitude ou de la répétition de la même chose, le contenu en devient évident et naturel, et se transforme parfois en destin inévitable, cette situation me fait penser à la réaction nerveuse.
 
Sans aller plus loin, depuis l’annonce de sa sombre organisation terroriste dans la région, l’Etat islamique a tenté de tirer parti des médias sociaux et des moyens technologiques avancés dans le domaine des médias pour créer une image et un modèle typique de l’organisation forte, invincible, agitée et en expansion, en diffusant des vidéos soigneusement réalisées de décapitation et diverses méthodes de torture pour faire peur et terroriser les gens et répandre en eux un esprit de soumission et de passivité. Mais les combattants/es des YPG et YPJ ont réussi à briser cette image fausse lors de la bataille épique de Kobanê quand ils ont remporté la victoire contre eux le 1er novembre 2014, et Arîn Mîrkan et ses compagnons sont devenus des icônes de la résistance et de la volonté libre qui ont fait tomber le masque de Daech.
 
Il est urgent de savoir que, tout au long de l’histoire, malgré toutes les histoires mythiques, les contes et les croyances négatives qui sont racontées sur les femmes et sur leur incapacité et leur faiblesse, œuvrent à les rabaisser et à cacher leur vérité et à leur dessiner un espace typique. Mais l’histoire a été témoin et l’est toujours de la naissance des femmes qui ont pu changer cette image, de la belle philosophe Hypatie à Nefertiti, considérée comme l’une des femmes les plus puissantes d’Égypte, ainsi que Simone de Beauvoir et son célèbre dicton « On ne naît pas femme mais on le devient », qui a travaillé avec sa production intellectuelle et littéraire à remettre en question l’identité des femmes, avec l’affirmation selon laquelle il s’agit d’une identité aliénée de la création des hommes et de sa libération qui est sa capacité à sortir des chaînes du stéréotype créé par la société, et ainsi elle a ouvert la voie à la théorisation du concept de « genre ».
 
Tous les mouvements féministes internationaux ont cherché à travers leur lutte et tentent toujours de changer la réalité des femmes et de les libérer des restrictions qui leur sont imposées afin d’obtenir leurs droits à la justice et à l’égalité, mais les femmes sont toujours soumises aux violations et à la discrimination sexuelle, même dans des pays que l’on croit libres. Lors de l’une des récentes élections américaines, le monde a été alerté et choqué par le Lilly Ledbetter Act, une loi votée en 2009 par le Congrès pour promouvoir les droits des femmes et des minorités qui font face à la discrimination professionnelle, mais en fait, aux États-Unis, c’est toujours la même situation. Les professions ont les mêmes avantages, mais les hommes gagnent un salaire plus élevé.
 
En fait, nous commettons une grave erreur lorsque nous pensons que ce qui nous semble clair l’est de même pour les autres. Même pour le féminisme, en tant que mouvement ou en tant que concept, est enchaîné par des stéréotypes qui n’expriment pas son contenu. Dans le livre « Nous sommes toutes des féministes », l’écrivaine et militante féministe nigériane Shimmanada écrit sur les interprétations du féminisme et comment le fait d’être féministe dans son pays vous vaut d’être jugé et d’être accusé de terrorisme et sur le fait que c’est une culture occidentale qui n’a rien à voir avec la société nigériane-africaine. Il est peut-être très important de libérer le féminisme de certaines interprétations erronées. Il convient de noter que l’éducation et les programmes d’enseignement contribuent grandement à consolider les stéréotypes et les préjugés, à définir des rôles sociaux stéréotypés et à transmettre des idées fausses à travers les générations. Ne devrions-nous pas reconsidérer nos programmes éducatifs, nos méthodes d’enseignement et le niveau d’émancipation mentale atteint par les enseignants eux-mêmes ? L’éducation est un point de départ pour la création d’un monde meilleur et juste, dans lequel les femmes considèrent les hommes et les hommes les femmes avec une vision des pairs basée sur le respect pour un monde plus brillante et plus belle.
 
Enfin, il est important d’indiquer le rôle des intellectuel·le·s et des universitaires et leurs responsabilités dans le travail pour élever le niveau de la société cognitive et sa prise de conscience des dangers d’être attirés par les stéréotypes et d’en être trompés. Il est nécessaire de tout réexaminer et de tout revoir en toute transparence pour combler le fossé entre les différents individus et identités et aller vers une société créative et libre non stéréotypée. »
 
Gulistan Sido, après un cursus de littérature française, et de traduction et d’arabisation à l’Université d’Alep, poursuit ses études à l’Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris 3) dont elle est titulaire du master de Lettres Modernes, puis amorce un second master à l’INALCO qu’elle se voit obligée d’interrompre en 2009. Elle a enseigné l’arabe et le français à partir de 2003 à Alep.
Membre fondatrice de l’Institut de Littérature et Langues Kurdes « Viyan Amara » à Afrin, Vice-présidente du Comité Éducation-Rojava-Afrin, Vice-présidente de l’Université du Rojava à Qamishli où elle est aussi Responsable du Comité Académique et membre du Comité des relations internationales.
Domaines de recherche : Théories de l’oralité, Littératures orales kurdes, Révolution sociale et luttes des femmes.
 
Publié en arabe sur le site Kenoozarabia et en français sur le site transglobal studies
 

Des gangs de la Turquie kidnappent 4 civils kurdes à Afrin

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SYRIE / ROJAVA – Les gangs de la Turquie poursuivent leurs crimes visant les Kurdes du canton d’Afrin, au nord de la Syrie, qui est occupé par l’armée turque et ces mercenaires islamistes depuis deux ans et demi.
 

La structure dite de «police militaire» du groupe de mercenaires al-Nixba, soutenu par la Turquie, a enlevé quatre civils du village d’Emara, à Mabata, un district d’Afrin.

D’après les informations sur le terrain, les noms des personnes enlevées sont les suivants; Eli Eli Mistefa (30), Henan Eli Mistefa (32), Mistefa Henif Roto (29), Henif İbrahim Roto (57).

Les civils kidnappés ont été emmenés au siège de la soi-disant «police militaire», qui était une école avant l’occupation turque.

Afrin est occupée par la Turquie depuis mars 2018. Les enlèvements sont une source de revenus commune pour les mercenaires islamistes de l’État turc. Depuis le début de l’occupation d’Afrin, les violations des droits de l’homme et les crimes de guerre sont à l’ordre du jour dans ce qui était autrefois la région la plus sûre de toute la Syrie. Outre une politique coloniale classique, la Turquie continue de pratiquer une politique de nettoyage ethnique, qui a chassé des centaines de milliers de personnes de leurs colonies ancestrales. Le changement démographique en faveur de la Turquie et de ses forces d’invasion islamistes, des crimes tels que les enlèvements, la torture, l’extorsion et le meurtre se produisent avec l’approbation de facto de la communauté internationale des États.

Même deux ans et demi après l’occupation d’Afrin dans le nord-ouest de la Syrie par la Turquie et les milices djihadistes, la violence excessive, les pillages et les expulsions continuent d’être à l’ordre du jour dans l’ancien canton autonome. Telles sont les conclusions d’un rapport mensuel de l’Organisation des droits de l’homme d’Afrin. Le bilan des violations des droits de l’homme enregistrées en septembre a été présenté dimanche au camp de Serdem dans le canton de Shehba. Le contenu du rapport est; deux civils tués, dont un enfant, plus de quatre-vingts enlevés, et trois mineurs mariés à des mercenaires islamistes contre la volonté de leurs familles.

En septembre, la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne a publié un rapport de  25 pages  présentant ses conclusions sur la base d’enquêtes menées du 11 janvier 2020 au 1er juillet 2020.

Documentant les violations et les abus continus par presque tous les acteurs du conflit contrôlant le territoire en Syrie, le rapport met en évidence une augmentation des crimes ciblés tels que les assassinats, la violence sexuelle et sexiste contre les femmes et les filles, et le pillage ou l’appropriation de la propriétés privée appartenant aux Kurdes notamment.

À Afrin et dans les environs, le rapport documente comment l’armée nationale syrienne soutenue par la Turquie a pu commettre les crimes de guerre de prise d’otages, de traitements cruels, de torture et de viol. Dans la même région, des dizaines de civils ont été tués et mutilés par de gros engins explosifs improvisés, ainsi que par des bombardements et des attaques à la roquette.

En particulier, le rapport indique que depuis 2019, les femmes kurdes des régions d’Afrin et de Ra’s al-Ayn [Serêkaniyê] ont été confrontées à des actes d’intimidation de la part de membres de la brigade de l’armée nationale syrienne, ce qui a engendré un climat de peur omniprésent qui les a confinées chez elles. Des femmes et des filles ont également été détenues par des combattants de l’Armée nationale syrienne et soumises à des viols et à des violences sexuelles – causant de graves préjudices physiques et psychologiques au niveau individuel ainsi qu’au niveau communautaire, en raison de la stigmatisation et des normes culturelles. Au cours de cette période, des cas de violence sexuelle contre des femmes et des hommes dans un centre de détention d’Afrin ont été documentés.

La Commission a également reçu des informations faisant état de mariages forcés et d’enlèvements de femmes kurdes à Afrin et Ra’s al-Ayn [Serêkaniyê], qui impliquaient principalement des membres de la division 24 (la brigade Sultan Murad) de l’armée nationale syrienne.

« La situation des droits de l’homme dans certaines parties du nord, du nord-ouest et du nord-est de la Syrie sous le contrôle des forces turques et des groupes armés affiliés à la Turquie est sombre, avec la violence et la criminalité qui sévissent », a averti vendredi la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme Michelle Bachelet.

Alors que les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire contre les civils se poursuivent dans toute la Syrie, le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a noté ces derniers mois un schéma alarmant de graves violations dans ces régions, notamment à Afrin, Ras al-Ain et Tel Abyad, où les meurtres ont augmenté. Des enlèvements, des transferts illégaux de personnes dans le but de changer la démographie de la région, des saisies de terres et de propriétés et des expulsions forcées ont été documentés.

Du 1er janvier au 14 septembre 2020, le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a vérifié la mort d’au moins 116 civils à la suite d’engins explosifs improvisés (IEDS) utilisés par des auteurs non identifiés et des restes explosifs de guerre (REG). Les personnes tuées comprenaient 15 femmes, 20 garçons et deux filles. Quelque 463 civils ont été blessés.

ANF