La répression des Kurdes en Europe

Xelil Dağ (Halil Uysal) est un cinéaste kurde en Allemagne en 1973 et tombé en martyr le 1er avril 2008, tué lors d’une attaque turque contre le Kurdistan du Sud.
Dağ était un cinéaste et un guérillero. Le 1er avril 1995, il se rend au Moyen-Orient en tant qu’assistant d’un caméraman allemand pour une interview avec Abdullah Öcalan. Au cours de l’entretien, il a fait davantage connaissance avec les guérilleros de l’école centrale du parti du PKK. Après cet entretien avec Abdullah Öcalan, qui représente également son premier travail significatif, il décide de ne pas revenir et de poursuivre ici le chemin de sa vie. Depuis lors, sa vie s’est déroulée dans les montagnes du Kurdistan, aux côtés des combattants de la liberté kurdes.
La Commune Internationaliste du Rojava a publié le texte suivant de Dağ sur la langue à l’occasion de la Journée de la langue kurde célébrée le 15 mai.
Voici le texte « Langue » :
PARIS – Le Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F) appelle à manifester ce samedi 18 mai « contre la répression ciblant les Kurdes en France » alors qu’on assiste à une recrudescence d’arrestations et d’expulsion de militants kurdes réfugiés sur le sol français.
« Les Kurdes sont victimes du terrorisme, comme ils l’ont été à deux reprises en France en 2013 et 2022 ; ils ont combattu le terrorisme, comme à Kobanê, Raqqa, Shengal et ailleurs, où la lutte contre l’obscurantisme djihadiste a coûté la vie à des milliers de jeunes. » Mouvement de résistance contre l’oppression. Ses militants n’ont jamais représenté une menace pour l’ordre public français. Prétendre le contraire, c’est insulter les Kurdes et déshonorer les valeurs de la France », déclare le CDK-F dans son communiqué appelant à manifester le 18 mai à Paris.
« Pour faire plaisir au dictateur islamo-fasciste Erdogan, la France se sert du prétexte suivant : le PKK est sur la liste des organisations terroristes, à la demande de la Turquie via ses alliés américains. Or, suite à un long conflit judiciaire et politique, le PKK est reconnu par la justice belge comme une organisation qui prend part dans un conflit armé, et pas comme une organisation terroriste. La Turquie veut à tout prix empêcher que le PKK soit retiré de la liste des organisations terroristes.
Ainsi, dans le cadre des coopérations bilatérales avec la France, les militants kurdes qui se sont réfugiés en France font l’objet d’extraditions vers la Turquie alors qu’ils y sont condamnés à des peines de prison seulement pour avoir défendu leurs droits culturels et leur identité kurde. Il est désolant de voir une telle attitude du pays des Droits de l’Homme. Il s’agit des mêmes Kurdes que l’on a acclamés comme des héros et avec qui l’État français coopère en Syrie et Irak, mais qui sont taxés de terroristes une fois arrivés en Europe pour faire plaisir à l’islamo-fasciste Erdogan », déclarait le porte-parole de CDK-F, Agit Polat, dans un entretien accordé au site l’Avant-Garde le 5 mai dernier.
PARIS – Macron livre-t-il les Kurdes à la Turquie pour qu’Erdogan informe Paris d’éventuelles attaques jihadistes ciblant les #JO? Les Kurdes doivent-ils payer pour tous les péchés du monde?
Hier, lors de la conférence au barreau de Paris sur la répression des Kurdes en Europe, introduite par l’ancien bâtonnier de Paris Christian Charrière Bournazel, l’avocat des familles de 3 militantes kurdes tuées à Paris en 2013, Antoine Compte a dénoncé le cynisme de la justice française dans le traitement des affaires touchant les militants kurdes. Presqu’au même moment, dix militants kurdes étaient arrêtés en région parisienne dans le cadre d’une enquête ouverte après la manifestation du 27 mars dernier dans l’aéroport de Roissy – Charles de Gaulle contre l’expulsion du militant kurde Firaz Korkmaz visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) que la France livrait à la Turquie où il fut immédiatement emprisonné pour « terrorisme ».
La journaliste Arian Bonzon déclare que des avocats ayant assisté à la conférence au barreau de Paris sur la répression des Kurdes en Europe affirment que l’intensification actuelle de la répression contre les militants kurdes ou du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) est liée au soucis de Paris d’obtenir la collaboration turque en matière d’échanges d’information concernant les attaques jihadistes possibles lors des Jeux Olympiques de cet été à Paris.
Voici ce qu’écrit Arian Bonzon sur X:


IRAN / ROJHILAT – Le prisonnier religieux kurde de Mahabad emprisonné depuis 15 ans, Khsraw Besharat a été exécuté ce matin à Karaj. Hier, deux autres prisonniers kurdes (Reza Gholamhosseini et Farrokh Khan Mohammadi) ont été exécutés à Ilam. Depuis début 2024, le régime iranien a exécuté des centaines de prisonniers, dont plus de 77 en avril.
La condamnation à mort de Khsraw Besharat, un prisonnier religieux kurde de Mahabad, a été exécutée après avoir passé 15 ans dans la prison Ghezel Hesar à Karaj. Il a été transféré à l’isolement deux semaines avant son exécution.

Selon un rapport reçu par l’Organisation Hengaw pour les droits de l’homme le mercredi 15 mai 2024, Khsraw Besharat, emprisonné depuis quinze ans, a été exécuté dans la prison Ghezel Hesar à Karaj.
Coïncidant avec l’exécution de l’un de ses coaccusés, Anwar Khezri, Khsraw Besharat a également été placé à l’isolement le mercredi 1er mai 2024.
Condamnant fermement l’exécution de Khsraw Besharat, l’ONG Hengaw souligne que ce prisonnier politique risquait d’être condamné à mort au terme d’une procédure totalement opaque, injuste et illégale au sein du système judiciaire de la République islamique d’Iran.
Outre l’exécution d’Anwar Khezri ces dernières semaines, quatre autres personnes appartenant au groupe des coaccusés de Khsraw Besharat, à savoir Davud Abdullahi, Ayoub Karimi, Qasim Abeste et Farhad Salimi, ont également été exécutées dans la même prison.
Khsraw Besharat, Farhad Salimi, Anwar Khezri, Qasim Abeste, Davoud Abdullahi, Kamaran Shekha et Ayoub Karimi ont été appréhendés le 7 décembre 2009 par les forces de sécurité et ont ensuite été transférés au centre de détention des services de renseignement de la ville d’Urmia.
La 28e branche du tribunal révolutionnaire de Téhéran, sous la direction du juge Moqiseh, a prononcé la peine de mort contre ces prisonniers. Les charges retenues contre eux dans l’affaire du meurtre présumé d’Abdul Rahim Tina incluaient « action contre la sécurité nationale », « propagande contre le gouvernement », « appartenance à des groupes salafistes » et « corruption sur terre ».
L’audience d’accusation contre ces 7 prisonniers religieux kurdes a eu lieu en mars 2015, les peines mentionnées leur ayant été officiellement communiquées le 25 mai 2016.
Il convient de noter que le verdict a été annulé par la 41e branche de la Cour suprême iranienne, dirigée par le juge Razini, en 2017. Un appel a été interjeté auprès de la 15e branche du tribunal révolutionnaire islamique iranien à Téhéran, où, en juin 2017, Khsraw Besharat et six autres coaccusés ont de nouveau été condamnés à mort par le juge Abolqasem Salvati.
Ce verdict a été confirmé par la 41ème chambre de la Cour suprême iranienne sous la pression répétée du département de renseignement iranien à Ourmia. Le lundi 4 mars 2020, elle a été officiellement communiquée à Mahmoud Walizadeh Tabatabai, l’avocat représentant ces sept prisonniers religieux kurdes.
Ces sept individus ont été initialement incarcérés à la prison de Gohardasht puis transférés à la prison de Ghezel Hesar à Karaj le 1er août 2023, suite à l’évacuation de la prison de Gohardasht.
Les deux prisonniers kurdes d’Ilam ont été exécutés dans la prison centrale d’Ilam. Les identités de ces deux prisonniers, Reza Gholamhosseini et Farrokh Khan Mohammadi, ont été vérifiées par Hengaw.

Selon un rapport reçu par Hengaw, le mercredi 15 mai 2024, les exécutions ont eu lieu à l’aube du mardi 14 mai 2024. Ces prisonniers avaient été condamnés à mort pour meurtre avec préméditation.
Reza Gholamhosseini, 21 ans, a été arrêté l’année dernière, tandis que Farrokh-Khan Mohammadi, 60 ans, a été arrêté il y a 14 ans. Ils ont tous deux été reconnus coupables par le système judiciaire de la République islamique d’Iran.
TURQUIE – Nurhayat Altun, ancienne co-maire de la ville kurde de Dersim qui fut démise de ses fonctions en 2016, a été libérée de la prison de Kandıra après 7,5 ans de captivité.
Nurhayat Altun, élue co-maire de la municipalité de Dersim pour le Parti démocratique du peuple (HDP) en 2014 et emprisonnée le 17 novembre 2016, a été libérée aujourd’hui.
Nurhayat Altun a été libérée d’une prison de Kocaeli après 7 ans et 5 mois d’emprisonnement. La femme politique a été accueillie par des membres et des dirigeants du Mouvement des femmes libres (TJA), de l’Association d’assistance et de solidarité avec les prisonniers et les familles condamnées de Marmara (MATUHAYDER), du Parti pour l’égalité des peuples et la démocratie (DEM Parti), de l’Association des avocats pour la liberté (ÖHD) ainsi que ses proches.
Nurhayat Altun, qui a été accueillie par des applaudissements et des fleurs, a déclaré : « C’est bien d’être dehors, mais mon cœur est avec mes amies que j’ai laissés en prison. Une partie de mon cœur est toujours à l’intérieur. Notre esprit est toujours et partout libre ».
Nurhayat Altun s’est ensuite rendue à Ankara avec sa famille et ses amis.
L’organisation a averti que les journalistes travaillant pour des médias financés par des organisations internationales pourraient être emprisonnés en vertu de cette loi, mettant ainsi en danger les activités des médias indépendants. RSF a appelé la Turquie à retirer cette disposition.
Erol Önderoğlu, représentant de RSF en Turquie, a déclaré dans un communiqué que : « Compte tenu des pratiques judiciaires répressives bien connues en Turquie, nous craignons que cet amendement au Code pénal turc ne menace d’emprisonnement les journalistes travaillant pour des médias soutenus par des fonds internationaux. Malheureusement, cette disposition offre aucune garantie pour empêcher les abus judiciaires. Si cette loi vague et rédigée en termes généraux est adoptée par le parlement, tout journaliste qui déplaît aux autorités pourrait facilement être pris pour cible en tant qu’agent d’influence soutenant prétendument les intérêts d’un pays étranger ».
Le paysage médiatique turc est largement dominé par des conglomérats médiatiques étroitement liés au gouvernement. Dans cet environnement, les fonds internationaux jouent un rôle en soutenant les médias qui ne sont pas alignés sur le bloc au pouvoir ou sur le principal parti d’opposition, même si ces médias ne disposent pas des ressources financières et du capital humain des grandes entités médiatiques.
RSF a également fait référence à la « loi sur la désinformation » entrée en vigueur en octobre 2022 dans son communiqué. Notant que cette loi a été utilisée contre plus de 30 journalistes en 18 mois, RSF s’inquiète : « Accuser les journalistes d’être des agents d’influence risque d’affaiblir encore davantage la pratique d’un journalisme libre, pluraliste et indépendant en Turquie. »
La Turquie se classe 158e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2024 établi par RSF. Ce classement, en amélioration de sept places par rapport au 165e rang de 2023, ne signifie pas une évolution positive en matière de liberté des médias mais indique que la Turquie reste dans la catégorie « très grave » pour les questions de liberté de la presse. (Bianet)
IRAN / ROJHILAT- Moein Tawfiqpour, un civil kurde qui travaillait comme chauffeur dans la ville de Bane, au Rojhilat (Kurdistan sous l’occupation iraniennes), a été assassiné par les tirs directs des forces du régime iranien.
Le régime iranien a directement ouvert le feu sur un véhicule dans la zone frontalière du village de Çoman dans la ville de Bane. À la suite des tirs, un civil kurde nommé Mûîn Tofiq Pûre, habitant du village de Çoman, a été tué.
Au cours des deux dernières semaines, au moins six kolbars et civils kurdes ont été assassinés à la suite de tirs directs des forces du régime iranien. Depuis le début de l’année, le nombre de kolbars et de citoyens assassinés cette année par le régime iranien au Rojhilat a atteint 33. En outre, 210 kolbars et civils ont été blessés.
TURQUIE – Au moins 31 personnes ont été arrêtées lors de raids politiques à Istanbul et à Izmir. Les perquisitions ont eu lieu dans le cadre des protestations contre la tentative d’usurpation à Van.
Au moins 15 personnes, dont Ünal Yusufoğlu, membre de l’Assemblée du parti (PM) du Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (DEM Parti), des dirigeants de l’Association des détenus et des familles de condamnés et de solidarité de Marmara (MATUHAYDER) et de nombreux membres du parti kurde, ont été arrêtés lors de perquisitions à domicile à Istanbul. Alors que les détenus ont été emmenés au commissariat de police d’Istanbul à Fatih.
Certaines des personnes arrêtées sont les suivantes : Adil Gümüş, Fikri Baş, Zübeyir Taş, Vildan Doğan, Ünal Yusufoğlu, Alamettin Demir, Necla Aktay, Suat Yıldız, Ertan Hamitoğlu, Zübeyde Gülsüm, Suzan Gezici, Ahmet Altınışık, Bingüzel Ulu, Filiz Aydın et Yaşar Gokdemir.
Izmir
Un mandat d’arrêt a été émis contre 19 personnes à Izmir. 16 personnes ont été placées en garde à vue lors des perquisitions à domicile effectuées par la police ce matin. Parmi les personnes arrêtées figuraient des membres du Parti de la liberté sociale (TÖP), du Parti des travailleurs turcs (TİP), de l’Initiative de lutte socialiste, de la Jeunesse démocrate et des Maisons du peuple.
Parmi les personnes détenues par la police provinciale d’Izmir figurent: Erkan Gökber, Tuğçe Kızıldemir, Mehmet Kasar, Emine Akbaba, Berfin Büyükertaş, Arda Duvarcı, Azat Kunur, Elif Yerlikaya, Muhammet Arda Bulgan, Nilüfer Yıldız, Samet Sağnıç, Serdar Aktürk, Sezgin Zevkibol et Sude Timagur.
A l’occasion de la Journée de la langue kurde célébré ce 15 mai, nous voulons vous raconter un exemple tragi-comique de l’interdiction de la langue kurde imposée dans les années 1980 dans le Nord du Kurdistan par l’État colonialiste turc.
Nous sommes dans les années 1980, dans une région kurde sous occupation turque. Un paysan court à la boulangerie de son village au retour de son champ et voudrait acheter un pain avant le coucher du soleil qui est proche, car dans cette région kurde, l’Etat turc a décrété un état d’urgence avec couvre-feu au couché du soleil. Le paysan lance à la hâte « ka nanakî, bi tirkî.* » en kurde, qu’on pourrait traduire en « un pain, en turc. » Ce pauvre paysan ne sait pas parler le turc mais il fallait bien qu’il achète son pain d’une façon ou d’une autre.
Maintenant, imaginons un instant que cette scène ait lieu en France, pendant l’occupation nazi : Un paysan corrézien de retour de son champ, court à la boulangerie de son village. Le soleil va bientôt se coucher, or, il y a le couvre-feu à la tombée de nuit. Les Nazis ont interdit de parler le français et ont imposé la langue allemande dans tout le pays mais notre paysans corrézien ne parle pas un mot d’allemand. Alors, il dirait, vraisemblablement : « Un pain, en allemand. »
En effet, l’État turc avait interdit le kurde dans tout le pays, y compris dans les régions kurdes et ce, depuis la création de la Turquie en 1923. Même au sein de leurs foyers, les Kurdes ne pouvaient parler leur langue sous peine d’être arrêtés et/ou torturés, en plus de payer une amende. (L’État turc avait dépêché des fonctionnaires à cet effet dans tout le Kurdistan.)
Encore aujourd’hui, en Turquie, la langue kurde reste interdite dans la pratique, même si dans le cadre de la vie privée on peut la parler…

* « Ka nanakî bi tirkî / Bana türkçe bir ekmek ver » est le nom d’une nouvelle de Cezmi Ersöz, écrivain et journaliste kurde.
