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FRANCE. Justice politisée pour bafouer les droits des Kurdes?

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PARIS – Le vendredi 14 avril, le tribunal correctionnel de Paris a condamné 11 militants kurdes à des peines de prison allant de sursis à plusieurs années de prison pour « financement du terrorisme ». Dans le communiqué suivant, le Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F) accuse les autorités françaises de politiser la justice pour bafouer les droits des Kurdes.

Acharnement judiciaire contre les Kurdes: militants emprisonnés et justice politisée

« Le 14 avril 2023, le tribunal correctionnel de Paris a rendu son verdict dans l’affaire de 11 militants kurdes accusés d’appartenance au PKK. Nous sommes profondément choqués par les peines très lourdes infligées à ces militants qui ne sont rien d’autre que des défenseurs des droits humains et de la démocratie.

Nous condamnons fermement cette décision motivée par des considérations politiques et non juridiques. Les Kurdes sont un peuple pacifique qui cherche à exercer ses droits démocratiques et à lutter contre toutes les formes de discrimination et d’oppression.

Il est clair que le caractère terroriste n’est retenu que lorsqu’il s’agit de réprimer les Kurdes. Car quand il s’agit de poursuivre les crimes commis à l’encontre des Kurdes, la justice française ne retient pas la qualification terroriste, comme en témoigne le refus du parquet antiterroriste de se saisir dans l’affaire de l’attentat contre nos locaux qui a tué trois militants kurdes le 23 décembre 2022.

Nous sommes consternés par ces deux décisions qui montrent clairement que les Kurdes font face à une discrimination politique flagrante en France. Nous demandons la libération immédiate de tous les militants kurdes emprisonnés en France et dans d’autres pays européens.

Nous exhortons les autorités françaises à respecter les droits humains et les libertés fondamentales des Kurdes et à ne pas se laisser influencer par les pressions politiques. Nous demandons également aux autorités de faire toute la lumière sur l’attentat contre nos locaux et de poursuivre en justice les responsables, afin de garantir que de tels actes horribles ne se reproduisent plus jamais.

Nous appelons la communauté internationale, les organisations de défense des droits de l’homme et les médias à faire pression sur les autorités françaises pour qu’elles respectent les droits des Kurdes en France et dans le monde entier, et pour qu’elles fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les Kurdes contre les violences et les persécutions. »

Conseil Démocratique Kurde en France
16 Rue d’Enghien
75010 PARIS

Le Traité de Lausanne a ignoré les Kurdes et dépecé le Kurdistan

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SUISSE – Lors d’une table ronde organisée au Palais de Rumine, les historiens Hans-Lukas Kieser, Oliver Adad et Sedat Ulugana ainsi que le représentant du KCK Zübeyir Aydar ont discuté du Traité de Lausanne signé il y a cent ans et qui a fait du Kurdistan une colonie transnationale divisée en quatre parties.

Une table ronde intitulée « Lausanne 1923 : Où étaient les Kurdes ? » a eu lieu au Palais de Rumine, à Lausanne, avec comme intervenants les historiens Hans-Lukas Kieser, Oliver Adad et Sedat Ulugana ainsi que Zübeyir Aydar, membre du Conseil exécutif de la KCK (Communauté des sociétés du Kurdistan). L’événement était animé par la députée suisse Céline Misiego.

Le premier orateur était l’historien Hans-Lukas Kieser, spécialiste de l’Empire ottoman, l’histoire de la Turquie et ses relations avec l’Europe, dont la Suisse. Professeur à l’université de Zurich, Kieser est spécialiste de l’histoire moderne, en particulier du monde ottoman et post-ottoman. Il a commencé sa présentation par la question « Où étaient les Kurdes lors de la signature du traité de Lausanne? » et a expliqué que les Kurdes étaient ignorés et continuellement assimilés. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan veut maintenant réviser le traité de Lausanne signé il y a cent ans, avec comme objectif élargissement des frontières de la Turquie actuelle.

 

Dans sa présentation, Zübeyir Aydar a rappelé que le Kurdistan a été divisé entre quatre pays avec le traité de Lausanne il y a 100 ans. Pour les Kurdes, l’accord était un génocide. « Nous avons cette expérience depuis cent ans », a déclaré Aydar, faisant référence aux massacres du siècle dernier qui se poursuivent aujourd’hui, comme avec le nettoyage ethnique d’Afrin, canton du Rojava dans le nord de la Syrie, après l’invasion turque en 2018.

Ensuite, l’historien Oliver Adad a donné pris la parole pour parler de l’importance du Traité de Lausanne pour les minorités chrétiennes. Sedat Ulugana, historien et maître de conférences à l’Université de Berlin, a parlé du rôle de l’Angleterre et de la France dans la division du Kurdistan et a déclaré : « Avec le mouvement de libération kurde, les Kurdes sont revenus sur la scène de l’histoire en tant que sujet ».

ANF

 

TURQUIE. 9 prisonniers kurdes ayant purgé leurs peines gardés en otage car ils n’ont pas de remords

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TURQUIE / KURDISTAN – La libération du prisonnier politique kurde, Yaşar Aslan, qui a été condamné par la Cour de sûreté de l’État (DGM) dans les années 1990 et qui a passé 30 ans en prison, a été reportée pour la deuxième fois la semaine dernière car il ne présente pas de remords. 8 autres prisonniers kurdes ayant purgé leurs peines sont tenus en otage pour le même motif.

Yaşar Aslan

Aslan n’a pas obtenu de libération conditionnelle le 27 décembre 2022 pour la première fois, et sa peine de prison a été prolongée de trois mois supplémentaires. La raison en était que le comité de bonne conduite qui évalue la libération conditionnelle n’a pas donné son approbation.

L’agence Mezopotamya a rapporté la semaine dernière que le Comité a reporté la libération conditionnelle d’Aslan pour la deuxième fois de trois mois supplémentaires car « il n’a pas montré de regret ».

Aslan a été jugé pour des raisons politiques alors qu’il étudiait le droit à l’Université Dicle de la DGM et il a été condamné à la réclusion à perpétuité.

Huit autres prisonniers politiques kurdes gardés en otage

On signale que les rapports préparés par les comités d’administration et de surveillance des prisons continuent également d’empêcher la libération de huit prisonniers kurdes qui ont purgé la totalité de leurs peines.

Cinq prisonniers à Erzurum, deux prisonniers à Oltu et un prisonnier à Van ne sont pas libérés bien qu’ils aient purgé leur peine.

Il y a des prisonniers ayant purgé trente ans de prison, et des prisonniers de droit commun en plus des prisonniers politiques parmi ceux dont la libération est empêchée par des décisions administratives.

La liste des 8 autres prisonniers non libérés et la durée de leur détention supplémentaire:

* Sabri Yakut, détenu à la prison de haute sécurité n°1 de Dumlu, emprisonné pendant 30 ans : 1 an

* Doğukan, détenu à la prison de haute sécurité n°1 de Dumlu, prisonnier de droit commun : 6 mois

* Hakan Zertürk, détenu à la prison de haute sécurité n°1 de Dumlu : 6 mois ;

* Bilal Balkeş, détenu à la prison de haute sécurité n°1 de Dumlu : 3 mois

* Fadıl Aydemir, détenu à la prison de haute sécurité n°2 de Dumlu, emprisonné pendant 30 ans : 1 an

* Şemsettin Tekin, détenu à la prison de type T d’Oltu, emprisonné pendant 30 ans : 1 an

* Sevgi İlboğa, détenue à la prison de type T d’Oltu : un an et demi

* Mehmet Çengel, détenu à la prison de haute sécurité de Van, incarcéré pendant 30 ans : 6 mois.

Bianet

KURDISTAN. Deux civils kurdes tués par un bombardement turc dans la province de Duhok

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IRAK / KURDISTAN – Deux civils kurdes portés disparus depuis 3 avril dans la campagne de Duhok ont été retrouvés morts, tués par une frappe aérienne de l’armée turque.

Les équipes de Community Peacemaker Teams (CPT), l’ONG luttant contre la violence et défenseuse des droits humains, ont déclaré que 2 civils de Sheladizê ont été tués dans un bombardement effectué par l’État turc.

Le 3 avril, Arif Umer (40 ans) du village de Şabye, à Şêlazdizê, et Ahmet Hasan (35 ans) du village de Sîte se sont rendus au mont Dawidkê pour récolter des plantes sauvages. Depuis lors, il n’y a pas eu de nouvelles d’eux. Vendredi, les corps des 2 victimes ont été retrouvés près du village d’Erdêl à Sheladize.

Dans une déclaration à Rojnews, les équipes de CPT ont rapporté que les deux citoyens avaient été tués lors d’une frappe aérienne menée par l’État turc.

ANF

Concert final du Festival culturel kurde de Paris a lieu le 12 mai

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PARIS – La deuxième édition du festival culturel kurde de Paris aura lieu du 6 mai au 12 mai 2023, avec au menu: défilé folklorique, pièce de théâtre, projection de films, danses traditionnelles, expo féministe, cuisine kurde, concert…

Le festival organisé par le Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F) sera clôturé le vendredi 12 mai par un concert exceptionnel réunissant le groupe Bajar, les musiciens Ruken Yilmaz et Mehmet Atli. Les billets du concert sont en vente sur le site de la salle Gaveau.

Le CDK-F invite le public à assister au festival culturel kurde de Paris et présente les invités du concert du 12 mai:

« La journée finale du Festival culturel kurde de Paris promet d’être un événement exceptionnel, avec un grand concert réunissant des artistes kurdes confirmés et réputés issus de diverses traditions musicales. Ce sera l’occasion de découvrir et de célébrer la richesse culturelle de la communauté kurde, tout en profitant d’un spectacle musical inoubliable. Venez nombreux pour vivre cette expérience unique et vous laisser emporter par la passion et l’énergie de ces artistes talentueux !

Bajar

Le groupe Bajar présente un mélange unique de traditions musicales du Moyen-Orient, de musique folk et rock, en mettant en avant la mixité culturelle comme une forme de rencontre dans la vie urbaine. Le groupe partage des préoccupations sociales et politiques avec son public, notamment, la discrimination culturelle et les normes culturelles nouvelles qui affectent les relations quotidiennes. Depuis 13 ans, Bajar poursuit son voyage musical en tant que groupe folk-rock kurde et contestataire.

Ruken Yilmaz

Issue d’une famille originaire de la région kurde de Siirt, Ruken Yılmaz est née à Istanbul en 1990. Elle a commencé à jouer de la guitare et à chanter dès son plus jeune âge et n’a pas tardé à faire ses débuts sur scène. Après avoir étudié au département de musique de l’université de Marmara en 2008, elle a rejoint le MKM (Centre culturel de Mésopotamie) où elle a joué et chanté dans plusieurs groupes et projets, avant de sortir en 2016 son premier album solo, « Zelî »,, suivi de plusieurs singles. En 2022, elle sort son deuxième album solo, « Sê Çiya »

Mehmet Atli

Mehmet Atlı est un musicien, architecte et écrivain kurde né en 1975 à Diyarbakir au nord-Kurdistan. Il a commencé sa carrière musicale dans les années 1990 avec le groupe « Koma Dengê Azadî » et a depuis sorti plusieurs albums solo. Il chante en kurde et joue de la guitare, du luth et du saz. Il est issu de la tradition musicale de protestation et cherche une expression musicale liée aux processus d’urbanisation de la langue et de la société kurdes. Mehmet Atlı considère la composition et l’interprétation des chansons comme des libertés fondamentales. Il a participé à de nombreux festivals et concerts en Turquie, au Kurdistan, à Chypre et en Europe. »

PROGRAMME

Clôture du Festival Culturel Kurde de Paris 2023 (2ème édition)

INTERPRÈTES

BAJAR, orchestre folk-rock kurde
RUKEN YILMAZ, guitare et chant
MEHMET ATLI, guitare, luth, saz et chant

Salle Gaveau
45-47 Rue La Boétie
75008 PARIS

Drones turcs: Liberté pour les Ukrainiens, mort pour les Arméniens et les Kurdes

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Alors que la Turquie a accentué les attaques de drones turcs visant les Kurdes de Syrie et d’Irak, le chercheur Matthew Petti et le défenseur des droits humains Dan Storyev cosignent un article sur la publicité faite autours des drones tueurs turcs sur le front ukrainien et la menace qu’ils pèsent dans le nord de la Syrie, de l’Irak mais aussi sur le front arménien où ils sont déployés.

Matthew Petti et Dan Storyev concluent leur article en déclarant : « Qu’il symbolise la résistance ou l’oppression, la réputation du drone sert de publicité gratuite aux États puissants à la recherche d’un outil militaire bon marché. »

Article publié (en anglais) sur le site Kurdish Peace Institute: Turkey’s Drones: Freedom for Ukrainians, Death for Armenians and Kurds

 

Des militantes kurdes d’Iran réalisent un dessin animé en soutien au Parti de la gauche verte

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IRAN / ROJHILAT – Des femmes artistes kurdes du Kurdistan iranien ont réalisé un dessin animé en soutien au Parti de la gauche verte (Yeşil Sol Parti) à la veille des élections turques du 14 mai.

Le film d’animation « Rêhevalên Jîna Aminî (Camarades de Jina Amini) » montre une femme née d’une feuille d’arbre, marchant avec un drapeau violet à la main parmi des femmes qui scandent « Jin, Jiyan, Azadi » (Femme, Vie, Liberté) et protestent contre le régime iranien, Kawa le forgeron (le héro de la mythologie kurde qui a libéré le peuple kurde des mains du tyran Dehak) ainsi que des femmes et hommes qui dansent des rondes folkloriques kurdes.

A mesure que la femme court de branche en branche, les bourgeons s’ouvrent et verdissent l’arbre qui se transforme alors en logo du Parti de la gauche verte.

A la fin du film d’animation, on peut lire la phrase « Em rêhevalên Jîna Aminî ne (Nous sommes les camarades de Jina Amini) ».

TURQUIE. « Si Erdoğan tombe, les prix chuteront également »

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TURQUIE – « Si Erdoğan tombe, les prix chuteront également », déclare le Parti de la gauche verte fondé récemment pour remplacer le parti pro-kurde HDP menacé d’interdiction imminente.

À environ un mois des élections présidentielles et législatives turques, le parti parti de la gauche verte (Yeşil Sol Parti) et le Parti de la future gauche (Sol Gelecek Partisi) continuent d’ouvrir des bureaux électoraux en Turquie et au Kurdistan du Nord.

Les deux partis d’opposition pointent du doigt la responsabilité du président Erdogan dans la crise économique sans précédent qui frappe le pays et ont imprimé des affiches électorales dénonçant la vie chère.

Sur certaines de ces affiches où on voit le président Erdogan tomber d’un cheval, on peut lire: « Si Erdoğan tombe, les prix chuteront également », Si Erdoğan tombe, le taux de change / le prix de l’immobilier / le prix des voitures / le prix des médicaments / le taux de chômage… chutera également ».

ANF

KURDISTAN. Pionnières d’un soulèvement révolutionnaire féministe

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Somayeh Rostampour, chercheuse kurde d’Iran, revient sur les origines de la révolution « femme, vie, liberté » en Iran parti du Kurdistan iranien suite au meurtre de Jina Mahsa Amini par la police des mœurs à cause d’un voile « non conforme » à Téhéran, le 16 septembre 2022.

Jina (Mahsa) Amini, jeune femme de 22 ans d’origine kurde, tuée par la police des mœurs pour « tenue indécente », cristallisait simultanément plusieurs oppressions dans son identité. De ce fait, la récente révolte se distinguait des précédentes par une intersection de la classe, de l’ethnicité et du genre. Ses funérailles se sont transformées en une manifestation publique protestataire avec le slogan « Femme, vie, liberté », inspiré par la lutte des femmes kurdes au Rojava. Il était scandé pour la première fois, ce jour-là, par les habitants en colère de Saqqez, sa ville natale au Kurdistan, qui sont venus courageusement en ce matin historique pour contrecarrer le projet du gouvernement d’enterrer secrètement Jina.

Ce slogan est l’héritage du mouvement des femmes kurdes de Turquie, une région connue des Kurdes sous le nom de Bakur, fortement influencée par la philosophie politique proposée par le fondateur et leader charismatique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan. Depuis 2013, ce slogan est réutilisé au Rojava puis dans d’autres régions du Kurdistan et même dans de nombreuses villes d’Amérique latine, d’Europe et des États-Unis. Les femmes pro-PKK (à la fois guérillas et militantes politiques civiles) ont été les sujets qui ont progressivement fait de « Jin, Jiyan, Azadi » le slogan le plus central de ce mouvement en amenant une vision intersectionnelle : à la fois contre le gouvernement mais aussi contre le patriarcat capitaliste local et même de leur organisation. Cela facilite également le voyage transfrontière du slogan.

UN SOULÈVEMENT INTERSECTIONNEL

En contraste direct avec la structure dominante masculine meurtrière et répressive de la République islamique, qui a refusé toute forme de liberté à divers groupes, en particulier aux femmes et aux queers, aux militant·es ethniques ou environnementaux, ou à d’autres groupes marginalisés comme les travailleurs, « Jin, Jiyan, Azadi » agit comme une alternative unificatrice qui englobe les oppressions plurielles. La société iranienne a mis du temps à accepter que l’oppression sexiste et ethnique ne soit pas seulement le problème des concerné·es, mais une nécessité absolue pour une démocratie basée sur la justice sociale dans tout le pays. Se débarrasser de l’oppression de classe est profondément dépendant de la résolution simultanée d’autres formes d’oppression qui ont rendu certaines personnes, dont les Kurdes, « minoritaires » voire « inférieurs ». Le soulèvement révolutionnaire de Jina a pu visibiliser ces fractions et ainsi en faire un sujet principal : les périphéries marginalisées deviennent le centre du soulèvement.

Il ne faut pas oublier que pendant des années, les forces de gauche en Iran ont non seulement ignoré la « question kurde » et plus largement les revendications des minorités nationales pour le droit à l’autodétermination, mais elles ont également nié l’importance du féminisme ou la nécessité d’en faire une priorité. Dans le même temps, les nationalistes kurdes ont également essayé d’alimenter le mythe selon lequel le patriarcat n’existe pas au Kurdistan, et que s’il y a de la violence, elle est principalement enracinée dans l’oppression de l’État central colonialiste, qui nie l’existence des Kurdes. C’est bien l’aspect intersectionnel du soulèvement récent qui change le discours masculiniste dominant en faveur d’une narration féministe.

DES RÉALITÉS TRANSFRONTALIÈRES

Sur ce point également, il existe des similitudes entre la situation de l’Iran et celle de la Turquie, provoquant aussi des révoltes dans les deux cas : la vie quotidienne et les espaces privés sous le contrôle du dirigeant oppresseur patriarcal sont en crise dans la forme d’un état d’urgence permanent et les femmes sont les pionnières du changement parce qu’elles sont les premières victimes. Il est donc possible de retracer les luttes des femmes kurdes de manière transfrontalière. C’est notamment l’autoritarisme de l’État qui a créé une condition sociopolitique similaire pour les Kurdes dans deux pays. Avec l’établissement du Parti de la justice et du développement (AKP) et la tentative d’islamiser les domaines liés au genre, cette similitude s’est accrue de jour en jour.

UNE ÉVOLUTION POLITIQUE DE LONGUE DATE

Dès le début du soulèvement révolutionnaire en Iran, les femmes kurdes ont joué un rôle très important. Elles en ont payé le prix : au moins cinq femmes kurdes ont été tuées par les forces d’oppressions du régime, des centaines blessées et arrêtées. Ces résistances et la magnifique performance des femmes kurdes le jour des funérailles de Jina au Kurdistan (point de départ du soulèvement) en agitant leurs foulards et en transformant le symbole de l’oppression étatique en drapeau de la lutte féministe sont de la même manière le résultat d’une tradition organisationnelle à Rojhelat (Kurdistan situé en Iran), transmise de génération en génération en dépit de la répression brutale. Les graines de la lutte pour l’émancipation qui ont été plantées en 1979, à l’occasion d’un processus qui est resté inachevé, ont germé aujourd’hui quatre décennies plus tard au Kurdistan et ont bénéficié à l’ensemble de l’Iran.

Conséquences de la marginalisation politico-économique, en Iran comme en Turquie, les actes d’oppression nationale du gouvernement central sur le peuple kurde ont entraîné des réactions collectives sous la forme de divers mouvements avec une hégémonie des nationalistes kurdes et des socialistes. Dans les deux cas, le militantisme de ces forces organisées, qui ont notamment émergé dans le vide du pouvoir et l’ouverture politique causés par la chute du régime Pahlavi en 1979, ont ouvert la voie à la présence active des femmes kurdes en politique. Certains mouvements, comme le parti maoïste de Komala (1979-1991), bien que de manière minime mais pionnière, ont également fourni une plate-forme pour que les femmes de Rojhelat puissent entrer dans le champs politique ou armé (même avant le PKK).

Et, à l’occasion de la manifestation du 8 mars 1979, plusieurs milliers des femmes à Sanandaj, Marivan ou Kermanshah ont protesté contre le hijab obligatoire avec les slogans comme « Pas de foulard, pas d’humiliation, mort à la dictature », « Nous n’avons pas fait de révolution pour revenir en arrière ». Le noyau responsable de la préparation réussie de cette manifestation a créé peu après, au début de l’année 1980, le Conseil des femmes de Sanandaj dont les membres étaient principalement issues de diverses tendances de la gauche. Ces activités ont jeté les bases de la tradition progressiste et radicale du 8 mars au Rojhelat, qui se déroule encore aujourd’hui de manière continue et sous différentes formes.

Historiquement, les hommes ont été les principaux acteurs des mouvements nationalistes kurdes selon une vision patriarcale d’après laquelle la patrie était considérée comme une femme que les hommes devaient protéger en tant que leur propriété. Mais, avec la croissance des mouvements radicaux et socialistes au Kurdistan, et, en particulier, au cours des deux ou trois dernières décennies, ce discours a été progressivement marginalisé et remplacé par des idées égalitaires et progressistes. Cette nouvelle position politique se construit au coeur de plusieurs champs d’oppression et d’exploitation intersectionnels auxquels les femmes font face : avec le patriarcat des hommes kurdes et non-kurdes, le fondamentalisme et l’oppression structurelle imposée par le régime en place, les chauvins iraniens et le féminisme centriste (souvent nationaliste), ainsi que l’homophobie et le racisme. Grâce à ces efforts, les femmes sont devenues l’un des principaux piliers de la lutte et de la résistance du mouvement révolutionnaire du Kurdistan comme en témoigne le soulèvement de Jina.

Somayeh Rostampour

Texte publié initialement sur le site Union communiste libertaire – UCL

SUISSE. Procès d’un internationaliste qui a combattu DAECH aux côtés des forces kurdes syriennes

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Ce 14 avril 2023, s’ouvre à Sion le procès d’un internationaliste suisse qui a combattu DAECH aux cotés des forces kurdes syriennes. Il est accusé « d’atteinte à la puissance défensive du pays » et de « service militaire à l’étranger ».

Ce matin, plus de 100 personnes sont rassemblées devant le tribunal militaire de Sion, dans le canton suisse du Valais. De nombreuses organisations ont répondu à l’appel et prennent la parole.

Le site secours rouge écrivait le 6 mars dernier que « L’État suisse reproche à notre camarade d’avoir pris les armes contre Daesh, sans pour autant en avoir quelconque preuve. Il nous semble important de noter qu’il ne s’agit en réalité pas seulement de réprimer ce type d’engagement, mais encore de criminaliser l’internationalisme et le soutien à la révolution du Rojava. »

Le site Secours rouge a condamné la criminalisation des internationalistes qui soutiennent activement la révolution du Rojava et mène depuis 7 avril une semaine d’actions « contre les soutiens et alliés occidentaux » du régime turc.

 

Photo via le Réseau Serhildan

CONFÉRENCE: Un soulèvement intersectionnel en Iran

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PARIS – Le jeudi 12 avril, lors d’une conférence organisée à la Bibliothèque Couronnes, à Paris, la chercheuse kurde d’Iran, Hawzhin Baghali a contextualisé la révolution « Femme, vie, liberté » en cours en Iran depuis mi-septembre 2022, suite au meurtre de Jina Mahsa Amini par la police des mœurs à Téhéran à cause d’un voile « non conforme ».

Lors de la conférence d’hier soir, Hawzhin Baghali est revenue sur les mouvements de contestation en Iran depuis les années 2000 et qui n’ont cessé de s’accentuer depuis, pour devenir nationales et féministes suite au meurtre de Jina Amini et dont les Kurdes et Baloutches, deux des peuples les plus marginalisés d’Iran, en sont les moteurs.

La chercheuse a déclaré que le régime islamiste des mollahs a perdu toute légitimité aux yeux des Iranien.e.s et tient debout uniquement par la répression massive, ajoutant que la pauvreté généralisée, manque de libertés et le contrôle total du corps des femmes que les mollahs ont voulu effacer de l’espace public sont les principales raisons des contestations généralisées en Iran.

La chercheuse a ensuite répondu aux questions du public.

La première partie de l’intervention de Hawzhin Baghali peut être visionnée sur la page Facebook « Kurdistan au féminin » 

Les Kurdes commémorent les victimes du génocide d’Anfal

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KURDISTAN – Les Kurdes commémorent les victimes du génocide kurde ce 14 avril, Journée de commémoration du génocide d’Anfal* commis par le dictateur irakien Saddam Hussein au Kurdistan d’Irak en 1988.

Entre février et septembre 1988, le régime irakien a massacré plus de 182 000 Kurdes, dont des femmes, enfants et vieillards, par des armes chimiques et dans des camps de concentration, tout en détruisant 5 000 villages.

Le plus connu de ces massacres à eu lieu à Halabja où plus de 5000 civils kurdes ont péri le 16 mars.

Il y a 35 ans, la ville d’Halabja, au Kurdistan du Sud, était bombardée à l’arme chimique sur ordre de Saddam Hussein. Cette attaque au gaz a fait plus de 5.000 morts kurdes, dont de nombreux enfants qui sortaient de chez eux au cri de « Ça sent la pomme » (odeur du gaz chimique)…

La ville d’Halabja était sous la protection des forces Peshmerga de l’Union patriotique du Kurdistan et des habitants de la ville contre le règne de l’occupation baathiste du Kurdistan en mars 1988 et à l’approche de la guerre Iran-Irak à partir de la fin du conflit. À cette époque, le régime baathiste, dirigé par Saddam Hussein, a bombardé la ville de roquettes et d’artillerie sous la supervision d’Ali Hassan al Majid (surnommé Ali le chimique), le 15 mars 1988 et les forces de Peshmerga se sont retirées dans les montagnes, où les femmes et les enfants sont restés dans la ville.

Le 16 mars 1988, le régime baathiste jeta des gaz chimiques depuis des avions de combat sur la ville, qui abritait plus de 40 000 civils, pour commettre le massacre le plus flagrant de l’histoire de l’humanité, qui s’est déroulé à l’aide de gaz toxiques. L’attaque a tué plus de 5 000 civils kurdes dans cette ville et contraint des dizaines de milliers de personnes à être déplacées de force dans des camps situés de l’autre côté de la frontière avec l’Iran.

La nouvelle du massacre s’est répandue aussi vite que ces armes avaient volé la vie de milliers de personnes en quelques heures ou moins, pour entrer dans la ville dans un calme terrible et paralysant devant le génocide silencieux qui a tué des milliers d’enfants, femmes et hommes sans une goutte de sang ni blessures.

Tous ont été tués sur place, dans les rues de la ville et dans des hameaux remplis de martyrs, sur les routes, devant des maisons et à l’intérieur, dans des écoles, des mosquées et des marchés, les corps gisant sans une goutte de sang ni blessure, et peut-être que la plupart des images qui sont restées dans la mémoire du monde en général et du peuple kurde en particulier sont celles d’Omar Hawar embrassant son nouveau-né et de la famille qui a perdu la vie ensemble.

Vingt ans plus tard, le général Ali Hassan al-Majid a été pendu en 2010 pour avoir ordonné les attaques au gaz toxique. Il a été condamné à quatre condamnations à mort mais a insisté sur le fait qu’il a agi dans l’intérêt de la sécurité irakienne et qu’il n’exprimait aucun remords.

En 2012, le gouvernement irakien a remis aux autorités d’Halabja la corde utilisée pour sa pendaison.

Saddam Hussein lui-même sera pendu en 2006, trois ans après l’invasion de l’Irak par les États-Unis.

*Saddam Husein a donné le nom Anfal, qui signifie « butin » en arabe et qui est une sourate du Coran, à la campagne de bombardements systématiques, de gazages et de massacres de masses commis par les forces irakiennes dans plusieurs régions kurdes d’Irak entre février et septembre 1988.