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Rojîn Mokriyani : L’unité et la résistance des femmes ne sont toujours pas assez fortes

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La Communauté des femmes du Kurdistan oriental (Komalên Azadiya Jinên Kurdistan-KJAR) a organisé une conférence intitulée « Jin, Jiyan, Azadî » (femme, vie, liberté) à Stockholm.

Pendant la conférence, les universitaires kurdes Rojîn Mokriyani et Nîda Hoşeng ont attiré l’attention sur la destruction de la vie et des humains au Moyen-Orient ainsi que la lutte organisée des femmes pour les stopper ces génocides.

Nîda Hoşeng, académicienne connue pour ses travaux à l’Académie suédoise et canadienne, a parlé de la destruction des villes, de l’écologie et des zones d’habitation du Moyen-Orient, ainsi que de la révolution écologique et de la révolution des femmes.

Soulignant que les dirigeants du Moyen-Orient, en particulier le régime iranien, détruisent la nature et les villes de l’Iran et du Kurdistan afin de maintenir leur dictature, Hoşeng a déclaré : « Les vies de millions de personnes sont de plus en plus détruites. À l’heure actuelle, même l’eau potable n’est pas accessible à tout le monde en Iran. Le non-partage des ressources naturelles avec tous est devenu la cause de conflits majeurs entre les segments de la société. L’impact de la destruction de la nature a sans aucun doute été plus marqué sur les femmes. »

L’universitaire poursuit : « Lorsqu’il y a une crise dans la société toute entière, la partie de la société qui est la plus touchée par celle-ci est à l’avant-garde de la résistance. Si les femmes sont les plus touchées par la destruction de l’écologie, on peut dire qu’elles seront aux avant-postes de la résistance pour défendre la nature. Désormais, l’alternative de la résistance au nom de l’écologie est au centre de la résistance féministe. Nous constatons que les femmes migrent et quittent leurs terres à cause des politiques d’occupation. La violence de l’État à leur encontre n’a pas diminué et l’État a transformé le pays tout entier en une industrie militaire. Pour ces raisons, le mot « écoféminisme » est désormais à l’ordre du jour des femmes en Iran et au Rojhilat Kurdistan. Cette compréhension s’est encore renforcée après l’assassinat de Jina Amini et la rébellion de Jin Jiyan Azadi. »

Rojîn Mokriyani

La chercheuse Rojîn Mokriyani, diplômée de l’Université Cork College en Irlande et qui a travaillé sur la domination, l’occupation et la construction du pouvoir nationaliste, a déclaré que même si la résistance des femmes est évoquée partout dans le monde, ce fait doit être pris en considération et Pour l’unité de la résistance, il faut discuter du système d’État-nation, qui se construit sur la crise écologique, économique de l’agression et de l’occupation.

Génocide ethnique, violence sexuelle et destruction

Mokrîyani a ajouté : « Les problèmes actuels sur le territoire iranien sont devenus tels que nous examinons ensemble les racines et les sources de tous les problèmes. L’Iran est également un système d’État-nation. Par exemple, le système de domination masculine de l’État-nation et le capitalisme se sont combinés dans tous les aspects, et en conséquence, le génocide ethnique, la violence et la destruction sexuelles, l’exploitation du travail ainsi que la destruction écologique ont émergé. »

Rojîn Mokriyani a poursuivi : « Après le meurtre de Jina Amini, une rébellion si grande a éclaté que le monde entier parle désormais définitivement de l’unité et de la résistance des femmes. Cependant, les parties à cette résistance n’ont pas encore renforcé leurs relations de manière profonde et saine. Puisque la question nationale n’est pas abordée, tous les segments de la société ne peuvent pas prendre une part plus importante à la résistance. Par exemple, la question du Kurdistan ou du Baloutchistan n’a jamais été abordée pendant tout le processus de rébellion. Les partis de la Résistance n’ont pas pu construire un langage et un discours communs sur cette base. En particulier, l’incapacité à trouver une solution au problème multinational a provoqué des conflits majeurs entre les groupes et factions de gauche iraniens. KJAR a clairement déclaré dans sa déclaration que le mouvement pour la liberté a une véritable mission et un véritable paradigme pour la solution au problème national, et que l’architecte de ce paradigme est Abdullah Öcalan. S’ils s’unissent pour trouver une solution sur la base d’une nation libre, la source de tous les problèmes existants, à savoir l’État-nation, disparaîtra. »

IRAN. Un autre kolbar kurde tué par les forces iraniennes

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IRAN / ROJHILAT – Les gardes frontaliers iraniens ont tué par des tirs directs le kolbar Sadegh Mirzaei à la frontière de Nowsud.

Dans la nuit du samedi 20 janvier 2024, Sadiq Mirani, un kolbar kurde de Javanroud et père de deux enfants, a été victime de tirs meurtriers des forces du régiment frontalier à la frontière de Nowsud.

Selon les données de l’ONG Hengaw, l’année 2023 a été marquée par la disparition d’au moins 41 Kolbars kurdes dans les régions frontalières du Kurdistan.

Les Kolbars et Kasibkars sont systématiquement pris pour cible par les forces de sécurité iraniennes et turques. Chaque année, des dizaines d’entre eux sont tués sans qu’aucune mesure punitive ne soit prise. Outre les attaques systématiques, les kolbars luttent pour gagner leur vie dans des conditions climatiques difficiles, dans des zones géographiques dangereuses et dans des mines.

Kolber ou « kolbar » est dérivé des mots kurdes « kol » et « bar ». Kol signifie « dos », bar signifie « charger ». Les Kolbars gagnent leur vie en transportant des marchandises sur leur dos à travers des frontières dangereuses. Les marchandises qu’ils transportent comprennent des cigarettes, des téléphones portables, des couvertures, des articles ménagers, du thé et, rarement, des boissons alcoolisées. Ils doivent emprunter des routes dangereuses entre le Kurdistan du Sud et le Kurdistan de l’Est. Les marchandises apportées sont vendues à des prix relativement élevés dans les centres commerciaux comme Téhéran. Cependant, les kolbars qui effectuent le transport de marchandises au prix de leur vie ne reçoivent qu’un très petit salaire.

Kasibkar fait référence à ces personnes qui reçoivent les marchandises que les kolbars transportent au Kurdistan du Sud et trouvent des acheteurs dans les villes.

FRANCE. Appel à la longue marche kurde

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PARIS – Les organisations kurdes Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) et Mouvement des femmes kurdes en France (TJK-F) organisent une logue marche qui part de Paris ce lundi en direction de Strasbourg pour exiger la libération d’Abdullah Ocalan détenu à la prison turque d’Imrali depuis 1999.

La marche arrivera à Strasbourg le 15 février, jour de capture d’Ocalan, où un grand rassemblement aura lieu.

Voici l’itinéraire de la Longue Marche 2024 pour la Liberté d’Ocalan:

TURQUIE. Une prisonnière kurde empêchée d’assister à l’enterrement de son père

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TURQUIE – Jiyan Ateş, prisonnière politique kurde dont la libération a été reportée depuis octobre 2021, n’a pas pu assister aux funérailles de son père Mehmet Şah Ateş. Les autorités pénitentiaires ont exigé près de 30 000 livres turques pour « frais du transport » de l’otage.

Pınar Ateş, la sœur aînée de Jiyan Ateş, qui est détenue à la prison d’Ankara / Sincan, a contacté la prison les informant du décès de son père, demandant à ce que Jiyan Ateş assiste à l’enterrement de son père décédé le 17 janvier à Diyarbakir (Amed). Mais le centre pénitentiaire l’a refusé, demandant à la famille 20-30 000 livres turques en « frais du transport » de l’otage. La famille n’ayant pas cet argent, la prisonnière n’a pas pu assister à l’enterrement de son père.

Jiyan Ateş, qui a été détenue à la prison de Sincan et condamnée à 12 ans et 9 mois pour « appartenance à une organisation terroriste [PKK] », est détenue depuis 11 ans et demi. Bien que la peine de Jiyan ait pris fin le 27 octobre 2021, sa libération a été reportée arbitrairement. La libération de Jiyan, qui a été traduite devant le Conseil d’administration et d’observation le 6 octobre 2023, a été à nouveau reportée car elle n’aurait pas formulé de « regrets » et « ne pas avoir voulu aller dans une celle indépendante [non politique] ».

Le régime turc détient la majorité des otages politiques kurdes dans des prisons qui sont à des milliers de km de leurs villes. Ainsi, on empêche leurs proches de venir les voir régulièrement, à cause de la distance et des frais de voyages exorbitants pour les familles pauvres.

Il y a 78 ans, naissait la République kurde de Mahabad

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KURDISTAN – Le 22 janvier 1946, des notables kurdes réunis autour du leader Qazi Muhammad proclamaient la naissance d’un État kurde sous le nom de la République de Mahabad, au Rojhilat (Kurdistan d’Est), sous l’occupation iranienne.

Fin août 1941, l’Iran fut envahi par les Alliés, les Soviétiques contrôlant le nord où ils ont tenté de rattacher le nord-ouest kurde du pays à l’Union soviétique. Mais les Kurdes ont choisi de déclarer leur autonomie dans les limites de l’État iranien. Ainsi, dès 1941, un comité de notables kurdes a pris en charge l’administration locale de la ville de kurde de Mahabad et la République de Mahabad a été déclarée en janvier 1946, avec Qazi Muhammad élu Président.
 
Drapeau de la République de Mahabad
 
Avec le départ des Russes en 1946, suite aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies demandant aux Soviétiques de quitter l’Iran, et malgré l’appel des Kurdes demandant la protection des Russes contre le régime iranien, les Soviétiques sont partis, laissant les Kurdes de Mahabad entre les mains du régime iranien qui a écrasé dans le sang l’éphémère État kurde de Mahabad qui englobait les villes de Mahabad, de Piranshahr et de Naghadeh.
 
Exécution des dirigeants de la République kurde de Mahabad
 
Le Président de la République kurde de Mahabad, Qazi Muhammad fut pendu le 31 mars 1947, à l’âge de 54 ans. En plus de Qazi Muhammad, la dynastie Pahlavi a pendu plusieurs dirigeants kurdes accusés de « trahison ».
 
Plus de 80 ans de massacres et de persécutions des Kurdes d’Iran
 
Depuis la chute de la République kurde de Mahabad le 15 décembre 1946, les régimes iraniens successifs n’ont cesser de massacrer les Kurdes du Rojhilat qui ont lutté pour leurs droits et leur autonomie.
 
L’État iranien est allé jusqu’à persécuter les Kurdes à l’étranger, dont en Europe où ils avaient cherché refuge. Par exemple, le 13 juillet 1989, le leader kurde, Abdul-Rahman Ghassemlou et deux de ses collaborateurs ont été assassinés dans un appartement de la banlieue de Vienne où ils s’entretenaient avec des envoyés du président iranien d’alors, Akbar Hashemi Rafsanjani.
 
Malgré les preuves de l’implication directe de diplomates-terroristes dépêchés par le régime islamique, le gouvernement autrichien a sacrifié la justice pour les intérêts politiques et commerciaux de son pays et a permis aux trois tueurs présumés, qui s’étaient réfugiés à l’ambassade d’Iran après les meurtres de 1989, de quitter le pays sans jamais être interrogés par les autorités autrichiennes.
 
Un an après le meurtre de Ghassemlou, une des filles de Qazi Muhammad, Efat Ghazi, a été tuée par une lettre piégée destinée à son mari, militant kurde Emir Ghazi, à Västerås, en Suède, en 1990. Un assassinat très probablement ordonné par le régime iranien…
 
Trahis et abandonnés par toutes les puissances mondiales, dont les Russes et les Américains, les Kurdes du Rojhilat et des autres parties du Kurdistan colonisé luttent pour leur survie, malgré d’innombrables massacres, génocides, déportations qu’ils ont subis et malgré les divisions inter-kurdes qui aggravent leur supplice.

L’Europe continue à criminaliser le mouvement kurde

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Il y a un peu plus d’un an, un [deuxième] attentat ciblait à Paris la communauté kurde [1à ans après un premier attentat antikurde]. Suite à cette attaque, des manifestations pacifiques étaient sévèrement réprimées, réaction désormais habituelle de l’État français, sans distinction ni compassion. Depuis, une répression sournoise est à l’œuvre à l’égard des militantes et militants kurdes en France, et dans d’autres pays de l’Union européenne. (Par l’Union Communiste Libertaire)

Mouvement kurde : La répression ne faiblit pas

La répression des idées politiques du mouvement kurde a une histoire en France. Dix ans après l’assassinat de Fidan Doğan, Sakine Cansız et Leyla Söylemez, membres du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), à Paris, le secret défense n’est toujours pas levé malgré les nombreuses demandes formulées par la communauté kurde, mais aussi par des responsables politiques français et européens. Une situation qui dévoile la position française.

Acharnement judiciaire et justice politisée

En 2021 et 2022, dans le cadre de l’enquête des inculpés du 23 mars 2021 1, plus de 800 personnes ont été interrogées par la DGSI et onze d’entre elles ont été condamnées pour appartenance au PKK. Le Conseil Démocratique du Kurdistan de France a condamné cette décision motivée par des considérations politiques et non juridiques.

Le caractère terroriste n’est retenu que lorsqu’il s’agit de réprimer les Kurdes. Quand il s’agit de poursuivre les crimes commis à leur encontre, la justice française ne retient pas cette qualification, comme le montre le refus du parquet antiterroriste de se saisir de l’affaire de l’attentat perpétré au CDK-F qui a tué trois militantes kurdes le 23 décembre 2022. De nombreuses et nombreux militantes kurdes subissent cet acharnement ces dernières années : convocations à répétition par les autorités, gel des avoirs bancaires, mises sur écoute, etc.

Double discours

L’État français joue un double jeu, organisant cette répression et se posant en soutien diplomatique de la cause kurde. Après les discours creux de Macron suite à l’attentat du 23 décembre 2022 et l’imbroglio médiatique qui a suivi, c’est sur le conflit israélo-palestinien que le gouvernement s’appuie pour condamner un peu la Turquie et apporter un semblant de soutien à l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie.

Dernièrement, c’est Jean-Michel Blanquer, ancien ministre, qui joue les ambassadeurs. Il s’est rendu en novembre 2023 au Kurdistan Syrien pour porter un message de soutien de la part de Macron aux dirigeantes de la région autonome (notamment au dirigeant des Forces Démocratiques Syriennes). Aucune journaliste sur place n’a été informée de sa visite. Aucun communiqué n’a été rédigé. Ce déplacement qui se veut « un pied de nez » à Erdogan a été maintenu secret jusqu’au retour de l’ancien ministre, provocation plutôt discrète, officiellement « non-reconnue » par l’Élysée. Un rapport lui aurait été commandé par Macron, reste à voir s’il sera rendu public tant le soutien de la France aux Kurdes syriens semble timide.

Dans le même temps, Macron recevait le président de la région autonome du Kurdistan irakien. « Les deux dirigeants ont partagé leur analyse de la situation au Proche et Moyen-Orient » a précisé le communiqué de la présidence. Aucun détail n’a été néanmoins communiqué. Effets de manche habituels alors qu’Erdogan a annoncé qu’il allait « continuer d’intensifier » les frappes aériennes en Syrie et en Irak contre le PKK, organisation qu’Ankara et ses alliés occidentaux considèrent comme « terroriste ».

La guerre menée par Erdogan n’est pourtant pas sans rappeler la stratégie russe contre l’Ukraine, largement plus critiquée. Dans les deux cas, le prétexte victimaire est identique pour imposer à la communauté internationale une politique du fait accompli. La stratégie militaire d’Erdogan est similaire à celle de Poutine : détruire par l’aviation, les drones et l’artillerie toutes les infrastructures civiles existantes, et pas seulement les positions militaires.

Pas de condamnation de la part de l’État français ni des autres puissances occidentales : la Turquie est membre de l’OTAN, elle a su se rendre indispensable dans le conflit ukrainien et continue son chantage aux migrants pour clouer le bec à ses détracteurs. Malgré sa volonté d’afficher un soutien à la cause kurde, Macron n’est plus crédible depuis l’abandon des FDS aux forces turques en 2019. La spécificité allemande

Aucun autre état de l’UE ne prend de mesures aussi sévères contre le mouvement kurde que l’Allemagne, et ce dans le but de maintenir les relations germano-turques. Pour justifier cette situation, il est le plus souvent fait référence aux combats du PKK contre l’armée turque. Les procédures visent à démontrer que la personne concernée est membre du PKK. Les peines de prison vont jusqu’à trois ans, comme le récent verdict rendu en France.

L’isolement cellulaire est parfois ordonné, là aussi non pas sans rappeler les mesures prises à l’encontre d’un internationaliste français (affaire des inculpées du 8/12). Les personnes libérées par la suite sont soumises à des conditions très strictes : contrôle judiciaire et interdiction de toute activité politique. Les conséquences sont plus graves pour les kurdes qui n’ont pas la nationalité allemande : ils et elles risquent l’expulsion ou le rejet de leur demande d’asile.

Plus de trente symboles sont désormais classés comme « symboles de remplacement du PKK ». Quiconque les affiche dans l’espace public s’expose à une amende de 1000 euros. Les perquisitions auprès des sympathisantes à la recherche de ces symboles sont courantes. Pourtant, en 1996, le leader du PKK, Abdullah Öcalan, avait annoncé à la télévision sa renonciation inconditionnelle à la violence en Allemagne après une rencontre avec le sénateur Heinrich Lummer, après quoi l’intensité de la persécution avait diminué.

Mais la pression turque est forte

Seule la Suisse semble constituer une exception : aucune forme de criminalisation vis-à-vis de la cause kurde. Récemment en Belgique, la cour de cassation a décidé que le PKK n’était pas une organisation terroriste, montrant la voie aux autres puissances de l’UE.

L’Allemagne, la France, avec l’aide des États-Unis se sont alliés aux YPG dans la lutte contre l’État Islamique. Fondamentalement, le PKK lutte également contre l’EI dans la région. Le projet démocratique populaire en cours de construction au Rojava, qui défend l’émancipation des femmes et le changement écologique devrait trouver écho auprès de ces gouvernements qui arguent vouloir s’emparer de ces thématiques. C’est tout le contraire. Face à ce constat, il faut renforcer notre solidarité avec le Kurdistan, propager les idées et les pratiques de la révolution du Rojava et les faire résonner avec nos luttes locales.

Ed. Wanted (UCL Grenoble)

MARSEILLE. Présentation de la revue Lêgerîn

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MARSEILLE – Le samedi 3 février, les Collectif Internationaliste Marseille-Kurdistan (CIMK) et Serhildan organisent une soirée de présentation de la revue Lêgerîn multilingue, véritable outil de diffusion des idées révolutionnaires du mouvement de libération Kurde.

Au programme :
Présentation sur la situation actuelle au Rojava, présentation de la revue Lêgerîn par des membres de l’équipe éditoriale et discussion puis repas végétarien et concert de musique kurde.

 

Affiche de la soirée de présentation de la revue Lêgerin

Cette soirée clôturera un cycle de 3 jours « internationalistes » à la Dar dans lesquels d’autres collectifs interviendront, en lien avec les comités de résistance du Soudan (le jeudi 1er février) et en solidarité avec les réfugié.e.s d’Artsakh en Arménie (le vendredi 2 févier).

RDV le samedi 3 février, à 18h30, à la DAR
127, rue d’Aubagne
MARSEILLE

 

IRAN. Les forces gouvernementales tuent une jeune femme au Lorestan

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IRAN / LORESTAN – Des membres des forces des renseignements iraniens ont tué Anahita Amirpour en ouvrant le feu sur le véhicule qui transportait la jeune femme et un autre civil, le 19 janvier à Borujerd, dans la province du Lorestan. Le conducteur du véhicule a été grièvement blessé et se trouve aux soins intensifs.

Anahita Amirpour est une des nombreuses femmes tuées directement depuis le meurtre barbare de Jina Mahsa Amini, une jeune étudiante kurde tuée à Téhéran en septembre 2022 à cause d’un voile « mal porté » et qui a déclenché les protestations « Jin, Jiyan, Azadi » (femme, vie, liberté) à travers tout l’Iran.

Une jeune étudiante de Kohdasht, Anahita Amirpour, a perdu la vie à cause des tirs des forces en civil du département des renseignements de la ville de Borujerd, province du Lorestan. Les institutions de sécurité feraient pression sur la famille et les amis de l’étudiant, tentant d’associer cet incident aux explosions de Kerman. Cette décision est perçue comme une tentative de manipuler le meurtre délibéré sanctionné par le gouvernement pour en faire une affaire de sécurité par la fabrication de scénarios.

Selon un rapport obtenu par l’ONG Hengaw, dans la soirée du vendredi 19 janvier 2024, des forces en civil du département de renseignement de Borujerd, situé dans le quartier de Nizamabad de la ville, ont ouvert le feu sur les occupants d’une Peugeot 206. voiture. Cet incident a entraîné la mort d’Anahita Amirpour, une étudiante de 20 ans en cours de premier semestre d’éducation physique à l’Université islamique Azad de Borujerd.

M. Jalaifar de Borujerd et le conducteur de la voiture, également étudiant, ont été grièvement blessés et sont actuellement soignés au service de soins spéciaux de l’hôpital Chamran de Borujerd.

Selon une source fiable, l’incident s’est produit lorsque des agents en civil du Département de renseignement se sont approchés en toute hâte de la voiture des deux étudiants, leur ordonnant de s’arrêter et de sortir du véhicule. En raison de leur tenue civile, le conducteur, alarmé, a tenté de s’enfuir et, par la suite, la police du Département des renseignements a ouvert le feu sur les deux jeunes étudiants.

Hengaw a reçu des informations selon lesquelles les agences de sécurité ont exercé des pressions sur la famille et les amis de ces deux étudiants au cours des deux derniers jours, les exhortant à ne pas divulguer les détails de l’incident. Aujourd’hui dimanche, deux membres du personnel de l’hôpital Chamran de Borujerd auraient été convoqués par le service de renseignement de la ville et auraient fait l’objet de graves menaces.

Notamment, les agences de sécurité et d’application de la loi de Borujerd se sont abstenues de fournir tout commentaire sur cet incident. Cependant, dans sa première réponse à la nouvelle, Muslim Moradi, le gouverneur de la ville, a déclaré aux médias d’État : « En réponse aux assassinats d’agents affiliés à l’arrogance mondiale à Kerman, au Sistan-Baloutchistan, et pour lutter de manière décisive contre les activités criminelles, l’armée et les forces de l’ordre ont été en état d’alerte ces derniers jours pour enquêter, surveiller et prendre en charge tout individu perturbant la sécurité de la société. 

À cet égard, les forces de police de la ville de Borujerd soupçonnaient une voiture Peugeot 206. Après avoir ordonné à la voiture de s’arrêter, ses deux occupants, tous deux individuels, auraient ignoré les avertissements répétés des policiers et tenté de fuir. »

Moradi a conclu sans révéler l’identité des deux étudiants, mentionnant que l’un d’eux est décédé après avoir été transporté à l’hôpital, tandis que l’autre reçoit actuellement des soins médicaux. Contrairement au récit du gouverneur, des sources de Hengaw affirment que les forces du département de renseignement ont tiré sur ces deux jeunes étudiants, entraînant la mort d’Anahita Amirpour.

Des activistes de Borujerd affirment que le gouverneur et les institutions de sécurité locales cherchent à justifier le rôle du gouvernement dans le meurtre de l’étudiante. Ils affirment que les autorités relient la situation sécuritaire de la ville aux explosions survenues lors de l’anniversaire de la mort de Qassem Soleimani à Kerman et aux récents conflits au Sistan-Baloutchistan. Les militants affirment que cette stratégie vise à faire pression sur la société civile pour qu’elle se taise concernant le meurtre d’Anahita sanctionné par l’État.

IRAN. L’avocate kurde Golaleh Vatandoost condamné à 6 ans et 7 mois de prison

IRAN / ROJHILAT – Golaleh Vatandoost, célèbre avocate kurde et militante des droits des femmes, a été condamnée à 6 ans, 7 mois et 20 jours de prison par le système judiciaire de la République islamique d’Iran. Elle a été arrêtée lors du mouvement Jin, Jiyan, Azadi.

Selon un rapport obtenu par l’ONG Organisation Hengaw, Golaleh Vatandoost, une éminente avocate de Marivan, fait face à des accusations telles que « propagande contre le régime », « action contre la sécurité nationale » et « appartenance à des groupes d’opposition ». La 1ère chambre du tribunal révolutionnaire de Sanandaj (Sînê) a rendu la sentence.

Son audience au tribunal, qui s’est tenue fin septembre de l’année dernière, a abouti à la peine de prison susmentionnée. La sentence a été renvoyée devant la Cour d’appel de la province du Kurdistan (Sanandaj) pour révision.

Golaleh Vatandoost a été arrêtée le 3 octobre 2022, lors du mouvement « Jin, Jiyan, Azadi » (femme, vie, liberté), par les agences de sécurité de la ville de Sanandaj. Après un certain temps, elle a été libérée sous caution.

Il convient de noter que Golaleh Vatandoost a fait l’objet de nombreuses convocations, interrogatoires et menaces de la part des agences de sécurité ces dernières années.

En tant qu’avocate et militante, elle s’est activement engagée dans la promotion des droits des femmes et des enfants, en fournissant des documents précieux dans ces domaines.

TURQUIE. Le Prix Tahir Elçi pour les Droits de l’Homme et de la Liberté décerné aux Mères du Samedi

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TURQUIE – Le Prix Tahir Elçi pour les Droits de l’Homme et de la Liberté a été décerné aux Mères du Samedi.

Le 2ème Prix de la Fondation Tahir Elçi pour les Droits de l’Homme a été décerné aux Mères du Samedi lors d’une cérémonie qui s’est tenue hier à Ankara.

Le premier prix de la Fondation Tahir Elçi avait été décerné à titre posthume à Jina Mahsa Amini tuée par la police des mœurs iranienne pour un voile « mal porté » et qui avait déclenché les protestations dans tout l’Iran.

De nombreuses personnes ont assisté à la cérémonie de remise des prix qui s’est tenue au Centre d’art contemporain Taşdelen.

Discours d’ouverture de remise du Prix Tahir Elçi

S’exprimant lors de l’ouverture de la cérémonie de remise des prix, l’avocate, députée et épouse de Tahir Elçi*, la députée du CHP d’Istanbul, Türkan Elçi, a déclaré : « Tahir a hérité de l’héritage d’un avocat qui a consacré presque toute sa vie professionnelle aux droits de l’homme et à la lutte contre l’impunité, et qui a lutté pour la construction d’un ordre dominé par le droit et la justice, avec une imagination de société anti-guerre et non-violente. La Fondation Elçi a jugé digne de décerner le prix de cette année aux Mères du samedi. »

Évoquant la lutte des Mères du samedi**, Elçi a déclaré : « Parce qu’elles réclament justice avec des photographies transformées en pierres tombales sur leur poitrine face à l’impunité, qui est une tache sombre sur le système judiciaire, parce qu’elles luttent pour leurs droits sans protection civile, sans recourir à la violence, sans blesser, parce qu’elles attendent la justice malgré tous les obstacles et l’illégalité. Parce qu’elles n’abandonnent pas, parce qu’elles portent cette croyance sur leur poitrine comme une photographie et la maintiennent toujours, parce qu’elles sont une parole, une bouche, contre les couches de la société qui ne peuvent pas s’exprimer, contre ceux qui usurpent leurs droits, contre ceux qui volent leur vie, elles réclament le droit de vivre, oublient le droit d’affronter et coupent la tradition de l’impunité. À notre avis, la lutte des Mères du Samedi, composées de proches d’assaillants inconnus, qui ont la même voix que celles qui disent ‘Nous ne voulons pas d’armes, de conflits ou d’opérations’ parce qu’elles veulent et exigent la justice, qui est leur droit le plus naturel, occupe une place très importante. »

L’ancien président du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu, a décerné le Prix des droits de l’homme et de la liberté aux Mères du samedi. Kılıçdaroğlu a déclaré : « L’histoire de l’humanité est pleine de douleur, mais le fait qu’une personne ait été victime d’une injustice et ait donné sa vie est un événement que les gens ne devraient pas oublier. C’est ainsi que nous avons perdu Tahir Elçi. L’agresseur n’a toujours pas été retrouvé. est un événement auquel chacun de nous, en tant qu’êtres humains, devrait réfléchir individuellement et partager sa douleur. Les mères savent le mieux à quel point leurs enfants sont précieux pour une mère. Elles ne veulent pas grand-chose, en fait, elles veulent savoir où leurs enfants le sont. Elles veulent aller sur leurs tombes et prier. »
Kılıçdaroğlu a déclaré : « Pour un État, un incident non résolu est la plus grande honte de cet État. Un État doit absolument se débarrasser de cette honte. Si nous défendons la démocratie et les droits de l’homme et valorisons les personnes, nous devons sauver l’État de cette honte. (…) »

*L’avocat kurde et ancien président du barreau d’Amed, Tahir Elçi a été assassiné à Sur en 2015, tué par balles. La « justice » turque n’a toujours pas élucidé son meurtre.

 

**Les mères du Samedi 

Il y a 28 ans, les Mères du Samedi (en kurde: Dayikên Şemiyê, en turc: Cumartesi Anneleri) descendaient pour la première fois sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour exiger la fin des disparitions forcées et demander qu’on leur rende leurs proches portés disparus.

Les « mères du samedi » reproche l’État turc de ne pas avoir enquêté sérieusement pour établir la vérité sur ceux qui ont disparu après leur mise en détention par les autorités turques.

Selon l’Association des droits de l’Homme (IHD), entre 1992 et 1996, 792 disparitions forcés et meurtres (de journalistes, syndicalistes, médecins, enseignants, enfants ou simples paysans) par l’État ont été signalés dans les régions kurdes de Turquie.

Zelal Zagros, luttant pour la liberté des femmes et du peuple kurde

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« L’État turc agit comme un réseau d’assassins afin d’affaiblir le niveau de lutte atteint par les femmes kurdes. Il suppose qu’il peut dissuader les femmes et les Kurdes de lutter pour la liberté et de résister par le biais de massacres. Cependant, les pratiques de résistance des femmes kurdes au cours des cinq dernières décennies montrent qu’il s’agit là d’une grave erreur. Chaque massacre et chaque attaque ont renforcé la volonté des femmes kurdes et leur détermination à conserver leur place dans les rangs de la lutte révolutionnaire. »

Firyal Silêman Xalid s’est battue pendant plus de trois décennies pour la liberté des femmes et du peuple kurde sous le nom de Zelal Zagros. Son assassinat à Kirkouk, au Kurdistan du Sud, n’arrêtera pas la lutte de libération des femmes kurdes.

L’État turc mène systématiquement des attaques contre les révolutionnaires kurdes. Plus récemment, Faryal Suleiman Khaled a été abattue dans une rue de Kirkouk, au Kurdistan irakien. Kongra Star a déclaré que Zelal Zagros s’est rendue à Kirkouk dans le but de rencontrer des organisations de femmes, de tenir des réunions et de trouver des solutions communes aux problèmes des femmes.

 

Qui était Zelal Zagros?

Faryal Suleiman Khaled, née à Amûdê en 1975, et membre du mouvement des femmes Kongra Star, s’est fait appeler Zelal Zagros au sein du mouvement de libération et a lutté pour la liberté des femmes et de son peuple pendant plus de trois décennies.

Elle a fait la connaissance du mouvement kurde au Rojava au début des années 1990. Elle a été guérilla dans les montagnes pendant 15 ans, puis a travaillé pendant huit ans dans la société kurde d’Arménie. Pendant la révolution du Rojava, elle est retournée dans sa région natale pour participer à la construction de structures démocratiques de base.

À Tirbespiyê, elle a apporté son expérience à la création de municipalités et de conseils et a contribué au renforcement des relations égalitaires entre les populations kurdes, arabes et chrétiennes.

Lorsque l’Etat islamique a envahi le nord de la Syrie, elle a été l’une des femmes courageuses qui ont pris les armes contre les islamistes. Après la libération de Manbij en 2016, elle a fait campagne pour l’émergence d’un gouvernement autonome civil, dans lequel toutes les composantes de la mosaïque multiethnique de la population sont encore impliquées aujourd’hui.

Firyal Silêman Xalid est arrivée à Deir ez-Zor début 2018 et a poursuivi son engagement en faveur de la fraternité des peuples dans des conditions difficiles et dangereuses. Elle a ensuite travaillé à Damas pour organiser les Kurdes qui y vivaient et établir des liens avec d’autres mouvements de femmes. Elle a mis un accent particulier sur le travail éducatif auprès des Arabes et de toutes les femmes de Syrie.

Plus récemment, elle se trouvait au Kurdistan du Sud pour le mouvement des femmes, où elle a été assassinée le 18 janvier. L’attaque de Kirkuk était une nouvelle tentative de réprimer par tous les moyens la lutte de libération des femmes kurdes. Zelal Zagros était également un camarade d’Evîn Goyî (Emine Kara), abattu à Paris le 23 décembre 2022.

La Communauté des femmes du Kurdistan (KJK) a déclaré dans un communiqué que depuis l’assassinat de Sakine Cansız (Sara), Fidan Doğan (Rojbîn) et Leyla Şaylemez (Ronahî) le 9 janvier 2013 à Paris au Kurdistan du Nord, du Sud et de l’Ouest, des dizaines de Kurdes des femmes révolutionnaires, politiciennes et militantes ont été assassinées. Le communiqué dit : « L’État turc agit comme un réseau d’assassins afin d’affaiblir le niveau de lutte atteint par les femmes kurdes. Il suppose qu’il peut dissuader les femmes et les Kurdes de lutter pour la liberté et de résister par le biais de massacres. Cependant, les pratiques de résistance des femmes kurdes au cours des cinq dernières décennies montrent qu’il s’agit là d’une grave erreur. Chaque massacre et chaque attaque ont renforcé la volonté des femmes kurdes et leur détermination à conserver leur place dans les rangs de la lutte révolutionnaire. »

La guerre, c’est la paix : Erdoğan qualifie l’agression du Rojava d’« auto-défense »

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La Charte des Nations Unies interdit le recours à la force, mais l’article 51 prévoit une exception pour les cas de légitime défense. On a eu tendance à étendre cette disposition pour inclure les attaques préventives même lorsqu’il n’y a pas de menace immédiate, et l’article 51 est de plus en plus invoqué pour justifier des actes d’agression. L’examen de cette semaine se concentre sur les attaques de la Turquie contre le nord et l’est de la Syrie, mais examine également la frappe de missile iranien sur Erbil, les attaques contre les Baloutches par l’Iran et le Pakistan, les détentions et la violence dans la politique turque, ainsi que certaines réactions politiques en Europe.

Par Sara Glynn 

En 1837, une milice anglo-canadienne franchit la frontière fluviale vers les États-Unis, incendia un bateau à vapeur, le détacha de ses amarres et le laissa disparaître au-dessus des chutes du Niagara. Le nom du bateau était le Caroline et il avait été utilisé pour transporter des combattants et des fournitures aux rebelles combattant l’administration britannique canadienne. En réponse aux affirmations britanniques selon lesquelles ils avaient agi en état de légitime défense, le secrétaire d’État américain a fait valoir que le gouvernement britannique devrait démontrer « une nécessité d’autodéfense, instantanée, écrasante, ne laissant aucun choix de moyens ni aucun moment pour délibération » ; et aussi qu’ils n’avaient « rien fait de déraisonnable ou d’excessif »; puisque l’acte, justifié par la nécessité de légitime défense, doit être limité par cette nécessité et clairement contenu dans celle-ci.

Cette formule est connue sous le nom de Doctrine Caroline et est désormais reconnue comme le droit international coutumier régissant le droit de légitime défense.

La Charte des Nations Unies, adoptée en 1945, interdit le recours à la force, mais l’article 51, très cité, prévoit une exception pour les cas de légitime défense, et la plupart des gens conviennent que cela inclut la légitime défense préventive, selon la Doctrine Caroline. Pour que le recours à la force par un gouvernement contre un autre acteur étatique ou non étatique soit considéré comme de la légitime défense, la force doit être proportionnée et la menace imminente et nécessaire et ne pouvant être résolue par d’autres moyens. Cependant, ces termes ne sont pas clairement définis. Il y a eu une tendance, notamment de la part des États-Unis et d’Israël, et maintenant de la Turquie, à ignorer l’exigence d’immédiateté, leur permettant ainsi de mener ce qu’ils considèrent comme des actions « préventives ». Cette tendance a été massivement renforcée par la réaction américaine au 11 septembre – la guerre contre le terrorisme et la doctrine Bush, qui revendiquait un droit moral à des attaques préventives même là où il n’y a pas de menace immédiate, comme lors de l’invasion de l’Irak. L’article 51 est de plus en plus invoqué pour justifier des actes d’agression.

Le Tribunal de Nuremberg a considéré les guerres d’agression comme le crime international suprême. Les auteurs d’aujourd’hui qualifient l’agression d’autodéfense, alors que nous entrons dans un monde orwellien où « la guerre c’est la paix ».

Il y a une semaine, devant la Cour internationale de Justice, les avocats israéliens ont tenté de prétendre que leur génocide contre la population de Gaza était une légitime défense. La semaine dernière, la Turquie a encore une fois cité l’article 51 pour justifier la destruction délibérée et ciblée des infrastructures vitales essentielles à la vie quotidienne dans le nord et l’est de la Syrie.

Attaques turques dans le nord et l’est de la Syrie

L’armée turque n’a jamais arrêté ses attaques contre la région, malgré les cessez-le-feu après leur invasion de 2019, négociés par la Russie et les États-Unis. Mais maintenant, les attaques de faible intensité ont été remplacées par des bombardements intenses pour la troisième fois en trois mois et demi. Les avions et l’artillerie turcs ont particulièrement ciblé les centrales électriques et l’unique usine d’embouteillage de gaz de la région. Au milieu de l’hiver, des millions de personnes se retrouvent dans le froid et l’obscurité, sans gaz pour cuire leurs aliments. Pas de réseau électrique signifie pas de pompes pour amener l’eau, des services de santé sévèrement restreints, pas de moulins à farine, pas de fours à pain. Les unités industrielles ne peuvent pas fonctionner ; les écoles et les universités ne peuvent pas fonctionner. D’autres frappes turques ont visé la production pétrolière, principale source de revenus, ainsi qu’une liste apparemment aléatoire de maisons, d’entreprises et d’entrepôts. De nombreuses installations ciblées venaient tout juste d’être remises en service avec des réparations temporaires de base après les précédentes attaques turques. Même après ces ravages considérables, le président Erdoğan a promis que d’autres choses se produiraient dans les mois à venir, et il a été soutenu par une large majorité parlementaire, y compris par l’« opposition » dominante. (Bien que la Turquie ait affirmé avoir également tué des combattants des FDS, cela a été catégoriquement nié par les FDS.)

Le fait de prendre pour cible des civils et des infrastructures civiles constitue en soi un crime de guerre, mais il s’agit là aussi d’un autre exemple flagrant d’agression déguisée en légitime défense. La raison apparente des attaques avancées par le gouvernement turc – comme pour les attaques similaires à Noël – était une contre-attaque réussie des guérilleros du PKK contre les forces turques envahissant les montagnes du nord de l’Irak où le PKK a ses bases. Alors que le PKK a appelé à plusieurs reprises à des pourparlers de paix (et a déclaré un cessez-le-feu unilatéral lors du tremblement de terre de février dernier, qui a duré jusqu’aux élections de mai), le gouvernement turc s’est engagé à éliminer les revendications des droits des Kurdes en recourant à l’oppression militaire. Ils mènent une guerre contre le PKK et, dans les brouillards et les tempêtes de neige de l’hiver, les guérilleros du PKK ont réussi à tuer un grand nombre de soldats turcs. La Turquie a reconnu neuf morts à cette dernière occasion, tandis que le PKK affirme que ce chiffre est bien plus élevé et que la Turquie cache ses pertes réelles.

La Turquie a réagi à l’humiliation de la perte de ses soldats et à l’échec de la deuxième plus grande armée de l’OTAN à éradiquer les bases de guérilla, en lâchant ses armes sur la population du nord et de l’est de la Syrie. Comme Israël à Gaza, ils suivent une voie criminelle de punition collective, mais dans le cas syrien, ils n’attaquent même pas la zone où est basé le PKK. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ne sont pas le PKK, même si la Turquie affirme à plusieurs reprises qu’il s’agit des mêmes. Ils n’ont pas attaqué la Turquie et ont clairement fait savoir qu’ils n’avaient pas l’intention de le faire – même s’ils ont naturellement défendu leur territoire contre les attaques turques.

La Turquie n’autorisera aucun élément d’autonomie pour une région à prédominance kurde qui suivrait les idées d’Abdullah Öcalan sur la démocratie radicale, les droits des femmes et la coexistence multiethnique, même si cette région fait partie d’un autre pays. Ils ont déjà envahi et occupé deux parties du nord de la Syrie, à majorité kurde, les plaçant sous le contrôle de milices djihadistes brutales, et ils n’ont pas caché leur désir d’envahir à nouveau. (Les violations des droits de l’homme commises par les milices contrôlant Afrîn, occupée par la Turquie, font l’objet d’une plainte pénale déposée jeudi par des organisations de défense des droits de l’homme auprès du parquet fédéral allemand.) La Turquie s’est jusqu’à présent abstenue de procéder à une nouvelle invasion parce que ni les États-Unis ni la Russie vont déplacer leurs troupes, mais ils ont constaté que, bien qu’elles soient garantes des cessez-le-feu de 2019, aucune de ces puissances ne fera quoi que ce soit pour arrêter les attaques aériennes ou les bombardements à travers la frontière.

Au grand dam de la Turquie, les États-Unis considèrent non seulement les FDS comme distincts et différents du PKK, mais les considèrent également comme des alliés essentiels dans la lutte contre l’EI. La Coalition internationale, dominée par les États-Unis, a fourni la puissance aérienne nécessaire à la défaite de l’EI en tant que force territoriale, mais les FDS ont mené l’action sur le terrain, et ce sont les combattants des FDS dont les tombes remplissent les cimetières par milliers.

La seule menace que fait peser sur la Turquie l’administration autonome démocratique du nord et de l’est de la Syrie est celle d’un bon exemple de société pacifique et démocratique, mais c’est précisément cela que visent les attaques de la Turquie. La destruction des infrastructures vitales et de l’économie de la région, la connaissance que chaque réalisation peut être détruite en un instant et la menace constante de mort aérienne sont de nature à rendre le développement social impossible. Les attaques visent à forcer les gens à partir et à générer de l’incertitude et de l’insécurité qui font perdre confiance aux gens dans l’administration autonome.

Les attaques de la Turquie créent des conditions qui permettent à l’EI de recruter et de se régénérer. Et au cours de ces attaques, alors que les FDS se concentrent sur la défense de la région, elles doivent également protéger les nombreux prisonniers de l’EI que le monde a abandonnés à leur charge et qui sont prêts à exploiter la situation pour s’échapper. Mardi déjà, il y a eu une attaque à la roquette et une tentative d’évasion déjouée dans la prison de Hassaké, qui avait connu une évasion massive il y a deux ans.

Les États-Unis maintiennent 900 soldats dans le nord et l’est de la Syrie et prétendent que leur seule fonction est d’éliminer l’Etat islamique. Mais ils ne font rien pour empêcher leurs « alliés » turcs de l’OTAN de déstabiliser la région et de prendre pour cible les vies et les réalisations de leurs alliés des FDS dans la lutte contre l’EI. Pour la Russie, tout affaiblissement de l’administration autonome doit être salué car il génère une pression sur l’administration pour qu’elle recherche la protection par le biais d’un accord avec le régime d’Assad soutenu par la Russie, dans des conditions qui priveraient le nord et l’est de la Syrie de leur autonomie.

Alors que ni l’OTAN ni la Russie ne veulent attirer l’attention sur les crimes de guerre de la Turquie et que les yeux du monde sont tournés vers Gaza, les médias n’ont pratiquement pas pris en compte ce qui se passe. Les rapports publiés citent généralement les arguments turcs sans critique.

L’attaque iranienne à Erbil

En revanche, l’attaque de missiles iraniens, lundi soir, contre la maison d’un célèbre homme d’affaires kurde à Erbil, dans la région du Kurdistan irakien, a bénéficié d’une large couverture médiatique – et, contrairement à la destruction par la Turquie dans le nord et l’est de la Syrie, a fait l’objet de critiques par un tweet du Département d’État américain. L’attaque a tué l’homme d’affaire kurde Peshraw Dizayee et des membres de sa famille, ainsi qu’un homme d’affaires en visite, Karam Mikhail. L’Iran a affirmé que Dizayee travaillait pour le Mossad, ce qui a été largement démenti. Il y a de forts échos de l’attaque iranienne de mars 2022 contre la maison (alors vide) d’un autre homme d’affaires, qui, selon eux, était une base israélienne.

Le New Arab affirme que « l’attaque de l’Iran était une démonstration de force militaire suite aux frappes israéliennes et américaines contre ses intérêts régionaux, mais aussi un message aux dirigeants kurdes irakiens ». L’attaque a démontré la puissance et les capacités iraniennes et a servi d’avertissement au gouvernement régional du Kurdistan de ne pas nuire aux intérêts iraniens. Pour la consommation intérieure iranienne, il s’agit d’une réponse aux attentats-suicides du début du mois qui ont tué 84 personnes assistant à une commémoration en l’honneur de Qasem Soleimani. Ces attentats à la bombe ont été revendiqués par l’État islamique, que l’Iran a présenté comme dirigé par Israël. Pour l’Iran, la villa Dizayee était une cible sûre qui ne provoquerait pas de représailles. Pour la plupart de ces objectifs, la véracité des affirmations du Mossad n’est pas importante.

La Turquie dans la région du Kurdistan irakien

Alors qu’Erbil est la cible de l’Iran, la Turquie menace l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), le deuxième parti de la région du Kurdistan, centré sur Souleimaniyeh. Les forces peshmergas de l’UPK ont travaillé avec les FDS et la Coalition internationale dans la lutte contre l’Etat islamique, et la Turquie prétend que cela est une preuve de leurs liens avec le PKK. Lors du débat parlementaire turc sur les attaques contre le PKK en Irak et les FDS en Syrie, le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan a accusé l’UPK d’ouvrir Sulaymaniyah au PKK et a menacé de « poursuivre les actions » contre eux.

Les services de renseignement turcs sont soupçonnés d’être à l’origine du meurtre, jeudi, d’une militante kurde du Rojava, tuée dans la rue de Kirkouk par deux hommes circulant sur une moto tirant avec un pistolet silencieux. La mort de Firyal Suleiman Halid s’ajoute à une liste croissante d’assassinats de militants kurdes dans la région du Kurdistan irakien attribués à l’État turc.

L’Iran et le Pakistan contre les Baloutches

Les forces iraniennes ont été occupées cette semaine, après une période où elles semblaient éviter la confrontation directe et s’appuyer plutôt sur les actions des milices alliées. Outre l’attaque d’Erbil, ils ont mené une frappe de missile sur ce qu’ils prétendent être le quartier général basé au Pakistan de Jaish Ul-Adl, un groupe séparatiste iranien baloutche qui a été responsable de la mort de nombreux policiers iraniens. Deux jours plus tard, le Pakistan a riposté contre les séparatistes pakistanais baloutches basés en Iran. Bien que les deux attaques auraient eu lieu contre des bases militantes, les décès enregistrés concernent deux enfants baloutches au Pakistan, ainsi que trois femmes et quatre enfants baloutches en Iran.

Au Pakistan comme en Iran, les Baloutches ont été victimes de discrimination, d’insurrection et de contre-insurrection brutale. Zahedan, dans le Baloutchistan iranien, a été le théâtre de manifestations hebdomadaires le vendredi après la mort de Jina Amini. Au cours des dernières semaines, ces attaques ont été empêchées par une présence massive des forces de sécurité, mais hier, les gens étaient dehors, dans le froid et l’humidité, pour protester contre ces attaques.

En Turquie

En Turquie, les bombardements du nord et de l’est de la Syrie se sont accompagnés d’une répression intérieure accompagnée de nouvelles détentions politiques. Samedi dernier, 113 personnes ont été arrêtées dans 32 villes et accusées de liens avec le PKK, et des raids tôt le matin de mardi ont conduit à l’arrestation de 165 autres hommes politiques et militants kurdes.

Le parti de gauche pro-kurde DEM (anciennement HDP) a profité de la mort des soldats turcs pour appeler à la paix et souligner que les soldats tués sont toujours issus de familles pauvres. Comme l’ a dit le coprésident du parti, Tülay Hatimoğulları , « la douleur a une classe ».

Les élections locales doivent avoir lieu fin mars, et malgré toutes les détentions et le licenciement de presque tous les maires élus la dernière fois, il y a encore de nombreux candidats pour devenir candidats du parti DEM. L’expérience consistant à recourir aux primaires pour sélectionner les candidats a été récompensée par un taux de participation élevé.

Entre-temps, une plainte déposée par le parti DEM contre l’enregistrement massif d’électeurs à des adresses fictives dans la province de Diyarbakir (Amed) a été rejetée par le conseil électoral du district.

L’intolérance et la violence de la politique turque ont été clairement mises en évidence cette semaine. Devlet Bahçeli, président du Parti du mouvement nationaliste (MHP) d’extrême droite, principal partenaire de coalition du Parti de la justice et du développement (AKP) d’Erdoğan, a affirmé que la présence de membres du parti DEM au Parlement était une « honte pour la démocratie ».

Meral Akşener, qui a quitté le MHP en 2017 pour former son propre parti İYİ, était ministre de l’Intérieur en 1996-97, lorsque de nombreux Kurdes et gauchistes ont été tués par l’État profond. Jeudi, elle a déclaré lors d’un rassemblement électoral : « Nous avons été témoins d’assassinats politiques dans notre passé, mais ils étaient honorables. C’est pourquoi aucun d’entre nous n’avait peur à l’époque. » Cette approbation des meurtres politiques comme étant « honorables » a reçu une large couverture médiatique. Eren Keskin, coprésidente de l’Association des droits de l’homme, a observé : « Nous savons qui elle entend par « meurtre honorable », n’est-ce pas ?… Elle parle de nos morts ». Aussi choquant que cela puisse paraître, ce n’est guère une surprise. En 2016, Akşener a déclaré lors d’un rassemblement : « Je suis désolée (…) certains sur les réseaux sociaux disent : « Meral Akşener ne peut pas être la dirigeante du MHP, elle est responsable de meurtres non résolus ». Qu’ils disent ce qu’ils veulent ; Tout ça me va. Si quelque chose est nécessaire pour ce pays, pour l’unité et la solidarité de cette nation, j’en assumerai la responsabilité jusqu’au bout. »

A l’approche du 25e anniversaire de l’enlèvement et de l’emprisonnement d’Abdullah Öcalan, ses avocats ont rendu leur rapport annuel. Mais ils doivent préciser que « 2023 a été une nouvelle année de détention au secret absolu, au cours de laquelle nous n’avons pas pu recevoir un seul signe de vie de nos clients ».

Réaction politique en Europe

La difficulté d’amener les politiciens internationaux à réagir à tout cela a été illustrée cette semaine par la nouvelle en provenance d’Écosse selon laquelle le Premier ministre Humza Yousaf avait invité Erdoğan à venir en Écosse lors de sa prochaine visite au Royaume-Uni. Yousaf, qui a un beau-père palestinien, a gagné l’admiration pour avoir fait preuve d’une véritable humanité à l’égard de Gaza, et semble avoir pris au pied de la lettre le soutien rhétorique d’Erdoğan aux Palestiniens.

De manière plus positive, c’est devenu l’occasion de souligner que tout ce pour quoi Erdoğan critique à juste titre Israël, il le fait lui-même aux Kurdes ; et les médias grand public ont été heureux de dénoncer les doubles standards de Yousaf. Avant même que les organisations de la société civile écossaise n’aient publié une lettre de condamnation détaillée, Yousaf avait fait l’objet de vives critiques sur la BBC. Sa réponse initiale a été révélatrice : « Pourquoi diable l’Écosse ne chercherait-elle pas à s’engager avec un allié de l’OTAN et bien sûr avec quelqu’un avec qui nous chercherions à faire des affaires et à faire du commerce ? » Cet exemple classique de realpolitik a été qualifié par les organisations écossaises d’« hypocrite » venant du chef d’un parti qui « se positionne à part de Westminster et avec un regard plus perspicace sur les violations des droits de l’homme et l’autonomie régionale ».

Les hommes politiques n’ont pas tous un angle mort lorsqu’il s’agit des Kurdes. Cette semaine, les présidents du Groupe d’amitié kurde au Parlement européen ont écrit au Haut Représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, l’appelant à utiliser le pouvoir de son bureau pour faire pression sur le gouvernement turc afin qu’il cesse ses attaques contre le Nord. et l’est de la Syrie. Mais pour l’instant, les dirigeants politiques sont généralement trop soucieux de contrarier la Turquie pour prendre position en faveur des Kurdes. Nous avons encore beaucoup de campagne à faire pour qu’il soit difficile pour eux d’ignorer nos voix.

Sarah Glynn est écrivaine et activiste – consultez son site Web et suivez-la sur Twitter