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L’Europe continue à criminaliser le mouvement kurde

Il y a un peu plus d’un an, un [deuxième] attentat ciblait à Paris la communauté kurde [1à ans après un premier attentat antikurde]. Suite à cette attaque, des manifestations pacifiques étaient sévèrement réprimées, réaction désormais habituelle de l’État français, sans distinction ni compassion. Depuis, une répression sournoise est à l’œuvre à l’égard des militantes et militants kurdes en France, et dans d’autres pays de l’Union européenne. (Par l’Union Communiste Libertaire)

Mouvement kurde : La répression ne faiblit pas

La répression des idées politiques du mouvement kurde a une histoire en France. Dix ans après l’assassinat de Fidan Doğan, Sakine Cansız et Leyla Söylemez, membres du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), à Paris, le secret défense n’est toujours pas levé malgré les nombreuses demandes formulées par la communauté kurde, mais aussi par des responsables politiques français et européens. Une situation qui dévoile la position française.

Acharnement judiciaire et justice politisée

En 2021 et 2022, dans le cadre de l’enquête des inculpés du 23 mars 2021 1, plus de 800 personnes ont été interrogées par la DGSI et onze d’entre elles ont été condamnées pour appartenance au PKK. Le Conseil Démocratique du Kurdistan de France a condamné cette décision motivée par des considérations politiques et non juridiques.

Le caractère terroriste n’est retenu que lorsqu’il s’agit de réprimer les Kurdes. Quand il s’agit de poursuivre les crimes commis à leur encontre, la justice française ne retient pas cette qualification, comme le montre le refus du parquet antiterroriste de se saisir de l’affaire de l’attentat perpétré au CDK-F qui a tué trois militantes kurdes le 23 décembre 2022. De nombreuses et nombreux militantes kurdes subissent cet acharnement ces dernières années : convocations à répétition par les autorités, gel des avoirs bancaires, mises sur écoute, etc.

Double discours

L’État français joue un double jeu, organisant cette répression et se posant en soutien diplomatique de la cause kurde. Après les discours creux de Macron suite à l’attentat du 23 décembre 2022 et l’imbroglio médiatique qui a suivi, c’est sur le conflit israélo-palestinien que le gouvernement s’appuie pour condamner un peu la Turquie et apporter un semblant de soutien à l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie.

Dernièrement, c’est Jean-Michel Blanquer, ancien ministre, qui joue les ambassadeurs. Il s’est rendu en novembre 2023 au Kurdistan Syrien pour porter un message de soutien de la part de Macron aux dirigeantes de la région autonome (notamment au dirigeant des Forces Démocratiques Syriennes). Aucune journaliste sur place n’a été informée de sa visite. Aucun communiqué n’a été rédigé. Ce déplacement qui se veut « un pied de nez » à Erdogan a été maintenu secret jusqu’au retour de l’ancien ministre, provocation plutôt discrète, officiellement « non-reconnue » par l’Élysée. Un rapport lui aurait été commandé par Macron, reste à voir s’il sera rendu public tant le soutien de la France aux Kurdes syriens semble timide.

Dans le même temps, Macron recevait le président de la région autonome du Kurdistan irakien. « Les deux dirigeants ont partagé leur analyse de la situation au Proche et Moyen-Orient » a précisé le communiqué de la présidence. Aucun détail n’a été néanmoins communiqué. Effets de manche habituels alors qu’Erdogan a annoncé qu’il allait « continuer d’intensifier » les frappes aériennes en Syrie et en Irak contre le PKK, organisation qu’Ankara et ses alliés occidentaux considèrent comme « terroriste ».

La guerre menée par Erdogan n’est pourtant pas sans rappeler la stratégie russe contre l’Ukraine, largement plus critiquée. Dans les deux cas, le prétexte victimaire est identique pour imposer à la communauté internationale une politique du fait accompli. La stratégie militaire d’Erdogan est similaire à celle de Poutine : détruire par l’aviation, les drones et l’artillerie toutes les infrastructures civiles existantes, et pas seulement les positions militaires.

Pas de condamnation de la part de l’État français ni des autres puissances occidentales : la Turquie est membre de l’OTAN, elle a su se rendre indispensable dans le conflit ukrainien et continue son chantage aux migrants pour clouer le bec à ses détracteurs. Malgré sa volonté d’afficher un soutien à la cause kurde, Macron n’est plus crédible depuis l’abandon des FDS aux forces turques en 2019. La spécificité allemande

Aucun autre état de l’UE ne prend de mesures aussi sévères contre le mouvement kurde que l’Allemagne, et ce dans le but de maintenir les relations germano-turques. Pour justifier cette situation, il est le plus souvent fait référence aux combats du PKK contre l’armée turque. Les procédures visent à démontrer que la personne concernée est membre du PKK. Les peines de prison vont jusqu’à trois ans, comme le récent verdict rendu en France.

L’isolement cellulaire est parfois ordonné, là aussi non pas sans rappeler les mesures prises à l’encontre d’un internationaliste français (affaire des inculpées du 8/12). Les personnes libérées par la suite sont soumises à des conditions très strictes : contrôle judiciaire et interdiction de toute activité politique. Les conséquences sont plus graves pour les kurdes qui n’ont pas la nationalité allemande : ils et elles risquent l’expulsion ou le rejet de leur demande d’asile.

Plus de trente symboles sont désormais classés comme « symboles de remplacement du PKK ». Quiconque les affiche dans l’espace public s’expose à une amende de 1000 euros. Les perquisitions auprès des sympathisantes à la recherche de ces symboles sont courantes. Pourtant, en 1996, le leader du PKK, Abdullah Öcalan, avait annoncé à la télévision sa renonciation inconditionnelle à la violence en Allemagne après une rencontre avec le sénateur Heinrich Lummer, après quoi l’intensité de la persécution avait diminué.

Mais la pression turque est forte

Seule la Suisse semble constituer une exception : aucune forme de criminalisation vis-à-vis de la cause kurde. Récemment en Belgique, la cour de cassation a décidé que le PKK n’était pas une organisation terroriste, montrant la voie aux autres puissances de l’UE.

L’Allemagne, la France, avec l’aide des États-Unis se sont alliés aux YPG dans la lutte contre l’État Islamique. Fondamentalement, le PKK lutte également contre l’EI dans la région. Le projet démocratique populaire en cours de construction au Rojava, qui défend l’émancipation des femmes et le changement écologique devrait trouver écho auprès de ces gouvernements qui arguent vouloir s’emparer de ces thématiques. C’est tout le contraire. Face à ce constat, il faut renforcer notre solidarité avec le Kurdistan, propager les idées et les pratiques de la révolution du Rojava et les faire résonner avec nos luttes locales.

Ed. Wanted (UCL Grenoble)