PARIS – Depuis le triple meurtre des militantes kurdes à Paris le 9 janvier 2013, un sentiment d’insécurité s’était propagé parmi les réfugiés kurdes qui avaient fui les massacres commis au Kurdistan par les États colonisateurs turc, perse ou arabes. Le dernier attentat terroriste de la rue d’Enghien et la tentative de meurtre d’un coiffeur kurde par un fasciste turc à Roubaix le 25 décembre n’ont fait que renforcer ce sentiment d’insécurité chez les Kurdes de France qui exhortent leur pays d’accueil à les protéger des fascistes turcs qui sèment la terreur sur le sol français.
On ne veut pas mourir d’être kurde
Lors de manifestations organisées en hommages aux victimes de la rue d’Enghien ou sur les réseaux sociaux, simples citoyens franco-kurdes ou activistes de la cause kurde, de nombreuses personnes témoignent des menaces de morts dont ils font l’objet. Certains dénoncent même les agressions fascistes commises par des fascistes turcs vivant en France.
Une militante franco-kurde engagée en politique fait part des menaces de mort qu’elle reçoit depuis de nombreuses années, sans que la police les prenne au sérieux et poursuive leurs auteurs. Elle demande si elle doit être tuée à son tour pour qu’enfin les autorités compétentes agissent. La même militante dénonçait il y a quelques temps les connivences entre la droite française et les fascistes turcs installés en France. Elle évoquait « les marchés publics, retour d’ascenseur… » entre certains élus de droite des communes concentrant une forte communauté turque et l’hypocrisie de cette même droite qui verse des larmes de crocodile, notamment quand les Arméniens sont attaqués par l’Azerbaïdjan, alors même qu’elle marche main dans la mains avec le fascisme turc ici en France.
Un autre jeune activiste franco-kurde, Arya Jemo a déclaré qu’il a « brisé un dur silence de 3 années » au cours desquelles il a reçu d’innombrables menaces de mort.
La famille d’Arya appartient à la communauté kurde yézidie d’Afrin, dans le nord du Rojava, en Syrie et lorsqu’Afrin fut envahie par la Turquie et ses supplétifs jihadistes, Arya s’est engagé dans l’humanitaire pour venir en aide aux réfugiés d’Afrin mais aussi de Shengal où DAECH / ISIS a commis un génocide en août 2014. Cet engagement dévoué lui a prévalu des menaces de mort dès le début.
Après le récent massacre de Paris, Arya a décidé de rendre public son calvaire et pour que cesse enfin la persécution des Kurdes en France.
Extraits de son témoignage:
« Il n’est pas normal que la génération de mes parents se soit sentie en sécurité en France, mais que moi, la relève, étant né, ayant grandi en France avec les valeurs de notre démocratie, je me sente pas en insécurité. »
(…)
J’ai réalisé aujourd’hui qu’au lieu de le cacher. Je dois le montrer et en parler pour me sentir en sécurité. La peur doit changer de camps.
Je suis un simple citoyen Franco-Kurde qui croit en la charte universelle des droits de l’homme qui a été adoptée EN FRANCE, à Paris même, le 10 décembre 1948.
Je souhaite vivre en paix, avec tout le monde. »
Agit Polat: « On surveillé mais pas protégé »
Lors de la conférence de presse organisée au soir de l’attentat de la rue d’Enghien, le porte-parole du Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F), Agit Polat, déclarait que les militants kurdes étaient surveillés par les autorités françaises mais pas protégés, faisant allusion aux assassinats politiques commis par les escadrons de la mort téléguidé depuis la Turquie.
Une autre activiste kurde voulant garder l’anonymat déclare « On est fatigué de mourir d’être kurde même ici en France où nous nous sommes réfugiés » et ajoute qu’en tant que citoyenne franco-kurde, ils ne sent plus en sécurité.
Sur Twitter, de nombreux jeunes franco-kurdes interpellent les responsables français (président Macron, ministre de l’intérieur Darmanin…) pour qu’ils mettent fin aux menaces de mort proférées à l’encontre des Kurdes de France.
Un de ces jeunes nous a contacté hier soir, déclarant que lundi matin (26 décembre), des jeunes turcs encagoulés arrivés à bord de deux voitures ont sonné chez-lui (on ne donne pas le nom de la commune par mesure de sécurité]. Sa mère a demandé à travers la port qui ils étaient. N’ayant pas reçu de réponse, ils n’ont pas ouvert la porte et aussitôt appelé la police. Mais que des policiers venus sur les lieux ont dit qu’ils ne pouvaient savoir s’il s’agissait de cambrioleurs ou de fascistes turcs qui voulaient s’en prendre à une famille kurde.
Il a écrit: « [Lundi matin], plusieurs individus viennent toquer à notre porte
Ma mère demande « c’est qui ? » elle voit personne. Puis c’est à mon tour de m’approcher. Je vois des mains tenir la porte du couloir en face de l’appartement. Ils se cachent leurs visages derrière cette porte. Lorsque je dit « c’est qui? » , je vois qu’ils lâchent la porte [et partent]. En regardant par la fenêtre je vois des individus monter dans des voitures. J’appelle la police. 5 minutes plus tard, 4 policiers sont devant ma porte et ne savent pas si c’est des Turcs ou des cambrioleurs. »
(…)
« De plus, une fois dans le tramway à Paris, lorsque je parlais en kurde avec ma mère, un monsieur turc d’environs 50 ans, très agacé, à failli nous agressé, puis finalement il est parti.
Depuis cet épisode mes proches me demandent sans arrêt de ne pas prononcé un seul mot en langue kurde dehors, c’est complètement incroyable, qu’ici en Europe, en France plus particulièrement, d’avoir peur de prononcer un mot en kurde, de peur d’être physiquement attaqué par des nationalistes turcs, comme ce fut le cas à Roubaix pour un coiffeur, qui a osé diffuser de la musique kurde. »
Il a déclaré que sa famille avait été traumatisée par ce nouveau massacre visant les Kurdes au coeur de Paris, ajoutant: « « On est solidaire avec les Kurdes sans être activiste. On veut zéro problème. Avant cet incident d’hier matin, mes proches étaient déjà paralysé par la peur. »