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TURQUIE. « Victoire » des Mères du Samedi

ISTANBUL – Attaquées par la police et empêchées de se rassembler sur la place de Galatasaray où elles se réunissaient chaque samedi depuis 1995 pour réclamer la fin des disparitions forcées, demander des informations sur le lieu où se trouvent leurs proches et rendre justice aux victimes, les Mères du Samedi ont enfin pu se réunir de nouveau sur la place après 5 ans de lutte acharnée.

La police d’Istanbul, après 30 semaines de perturbations, a autorisé une petite manifestation des Mères du samedi, un collectif de femmes et de leurs supporters qui se réunissent sur la place Galatasaray depuis 1995 pour réclamer justice et responsabilisation concernant leurs enfants, victimes de disparitions forcées pendant les années 1980 et 1990 en Turquie.

Dans une puissante démonstration de résilience et de détermination, le groupe, accompagné de défenseurs des droits humains, s’est rassemblé pour sa 972e semaine de manifestations continues, surmontant un blocus de 30 semaines imposé par les autorités.

Dirigé par Ikbal Eren, qui a perdu son frère suite à une disparition forcée, le groupe s’est adressé à la foule dans une zone qu’ils ont appelée leur « Espace mémoire ». Eren a exigé que les autorités révèlent le sort des disparus et a appelé à la poursuite des responsables.

Jusqu’à cette semaine, les manifestants se sont régulièrement réunis semaine après semaine, animés par le désir de découvrir la vérité et d’obtenir justice pour leurs proches disparus alors qu’ils étaient en garde à vue. Néanmoins, leurs efforts persistants pour convoquer et accueillir une conférence de presse sur la place Galatasaray ont toujours été entravés par la police.

Suite au communiqué de presse, les mères et les militants ont déposé des œillets sur le site et sont repartis vers l’Association des Droits de l’Homme, marquant ainsi la fin de leur manifestation.

Depuis 28 ans, les mères du samedi s’arment d’œillets contre la police turque

Le samedi 27 mai 1995, les Mères du Samedi (en kurde: Dayikên Şemiyê, en turc: Cumartesi Anneleri) descendaient pour la première fois sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour exiger la fin des disparitions forcées et demander qu’on leur rende leurs proches portés disparus.

Les « mères du samedi » reproche l’État turc de ne pas avoir enquêté sérieusement pour établir la vérité sur ceux qui ont disparu après leur mise en détention par les autorités turques.

Selon l’Association des droits de l’Homme (IHD), entre 1992 et 1996, 792 disparitions forcés et meurtres (de journalistes, syndicalistes, médecins, enseignants, enfants ou simples paysans) par l’État ont été signalés dans les régions kurdes de Turquie.

Le 25 août 2018, les autorités turques ont annoncé que le gouvernement avait interdit la réunion. Suite à cette annonce, lors de leur 700ème manifestation pacifique, les mères de samedi ont subi des violences policières et plusieurs des participants ont été arrêtés, dont Emine Ocak, une mère de plus de 80 ans. Par la suite, la cour constitutionnelle turque a déclaré que la police avait violé le droit de manifester des Mères du Samedi, en les arrêtant, mais la police d’Erdogan avait refusé de se conformer aux lois de son propre pays.

Le 5 mai 2023, la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe dénonçait les violations des droits en Turquie, en attirant l’attention sur les violences subies par les Mères du Samedi : « Les autorités ne respectent toujours pas le droit à la liberté de réunion pacifique des « Mères du samedi » et des autres personnes qui manifestent ce jour-là pour demander que la lumière soit faite sur la disparition de leurs proches, alors que la Cour constitutionnelle turque a déjà conclu deux fois à la violation de leur droit de manifester. Les membres de ce groupe font même l’objet d’une procédure pénale, engagée tout récemment, pour avoir exercé ce droit. La manière dont sont traitées les « Mères du samedi » est une illustration supplémentaire des risques inhérents à un contexte dans lequel les droits humains ne sont pas protégés de manière effective. »