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TURQUIE. L’appli de surveillance du ministre de l’Intérieur enfreint la protection des données

Süleyman Soylu ou une sortie, deux délits.

Au volant de sa voiture, le ministre turc de l’Intérieur a fait la démonstration d’une application sur son téléphone qui peut identifier une personne en deux secondes après la prise de la photo. Et la manipulation d’un téléphone en conduisant une voiture et une telle application qui enfreint les réglementations sur le traitement des données personnelles sont des délits passibles d’amandes/prison. Mais comme la Turquie est un pays où les sbires d’Erdogan sont au-dessus des lois, Süleyman Soylu ne risque rien, du moins, jusqu’aux élections* du 14 mai prochain…

Le ministre turc de l’Intérieur, Süleyman Soylu, a fait la démonstration d’une application mobile controversée appelée « KİM » (un mot turc qui signifie « qui » en français) dans une vidéo publiée sur YouTube dimanche, rapporte le site Medya News dans l’article suivant.

Soylu a affirmé que l’application pouvait identifier une personne en seulement deux secondes après avoir pris sa photo avec un smartphone. Cependant, l’application a été critiquée par des avocats et des politiciens pour avoir enfreint les réglementations sur le traitement des données personnelles.

La vidéo montre Soylu conduisant une voiture et faisant la démonstration de l’application « locale et nationale » au fondateur de la chaîne Youtube, Hakkı Alkan, qui lui demande de décrire ses fonctionnalités. Soylu dit: « C’est plus précieux que WhatsApp, et il a toutes les fonctionnalités. » Il prend ensuite la photo d’Alkan, la scanne avec l’application et, en 1,9 seconde, reçoit les informations complètes de son identité.

L’écran affiche le nom d’Alkan, sa photo supposée et son nom de famille. Le numéro de sa carte d’identité est affiché avec un point d’interrogation.

Soylu déclare que l’application « filtre tout sur les réseaux sociaux et tous les événements en Turquie ». Il explique que l’application lui est exclusive et qu’elle peut suivre tout ce qui se passe dans le pays.

L’application a été critiquée par des avocats et des politiciens en raison de violations de l’utilisation des données personnelles.

Selon Umut Zorer, spécialiste de l’informatique et du droit de la protection des données personnelles, l’application viole la loi turque car le traitement de données personnelles sensibles est illégal à moins qu’un consentement clair ne soit donné ou qu’il ne soit spécialement autorisé par la loi. Zorer a également déclaré à BBC Turkish que le ministère de l’Intérieur n’a aucune autorité en vertu de la loi turque pour traiter de telles données sensibles.

Gürsel Tekin, membre du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), a critiqué le ministre pour avoir potentiellement exposé les données de tous les citoyens turcs aux États-Unis, car l’application ne fonctionne que sur les téléphones Apple. Il soutient que c’est un crime.

Veysel Ok, co-directeur de l’Association des médias et des études juridiques (MLSA), a également mis en doute la légalité de l’obtention et du stockage des données personnelles des personnes sans leur consentement. Il a demandé comment l’application avait été installée sur un téléphone non sécurisé et combien d’autres personnes avaient l’application.

Le syndicat de la police turque a déclaré qu’il n’était pas normal que l’application, conçue comme un outil de surveillance pour les agences de renseignement et la branche antiterroriste, ait été installée sur un téléphone par un membre du parti au pouvoir et soit partagée avec le public.

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*Après plus de 20 ans de règne quasi absolu, le président turc et candidat à sa succession, Erdogan est sur le point d’être « remercié » par les électeurs lors du scrutin présidentiel (et législative) du 14 mai prochain. En effet, la pauvreté galopante, la crise économique, la polarisation de la société turque, la corruption de la classe dirigeante et la mauvaise gestion du séisme du 6 février 2023 ont achevé la popularité du sultan qui rêvait d’instaurer un califat islamiste en envahissant les régions kurdes de Syrie et d’Irak cent ans après la chute de l’empire ottoman.