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De nouvelles révélations concernant l’enquête sur l’assassinat de 3 militantes kurdes tuées à Paris en 2013

PARIS – Plus de huit ans se sont écoulés depuis l’assassinat de trois femmes kurdes (Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez) le 9 janvier 2013 à Paris et dont les services secrets turcs (MIT) sont mis en cause par les éléments de l’enquête judiciaire.

 
Malgré la mort du suspect Omer Guney, grâce à la persévérance des familles des trois victimes, le dossier du triple meurtre a été réouvert le 14 mai 2019 pour « complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Plus d’un an après la relance de l’affaire, les familles des victimes et la communauté kurde demandent la levée du secret défense dans l’enquête de ces assassinats politiques.

 

Le jeudi 27 mai 2021, les associations France-Kurdistan, Amitiés Kurdes de Bretagne et le Conseil démocratique kurde en France organisaient une visioconférence concernant l’enquête sur ce triple assassinat. Ils viennent de publier un compte-rendu de la visioconférence qu’on partage avec vous ci-dessous:

REVELATIONS. Assassinat de trois militantes kurdes « Rojbîn, Sakiné, Leyla » le 9 janvier 2013 à Paris: Pourquoi faut-il lever le « Secret Défense »
Compte-rendu de la Visioconférence du 17 mai 2021. (Une conférence bien suivie, instructive.)
 
8 ans après le lâche assassinat de trois militantes kurdes -Rojbîn, Sakiné et Leyla -en plein jour dans leur bureau à Paris le 9 janvier 2013 – dans lequel on connaît aujourd’hui l’implication des services secrets turcs -, la lutte juridique, politique et citoyenne pour obtenir la vérité et la justice est loin d’être terminée.
 
À cette étape où les familles étaient reçues pour la première fois par le juge d’instruction ce mois de mai 2021, une conférence publique suivie par 204 personnes s’est tenue le 27 mai, durant une heure et demie, en visioconférence. Celle-ci était organisée par le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F), les Amitiés kurdes de Bretagne et France-Kurdistan. Les intervenants, Maître Malterre, avocat des familles, Agit Polat du Conseil CDK-F, Rémi Féraud, sénateur de Paris, André Metayer, président fondateur des Amitiés Kurdes de Bretagne, un journaliste au Monde, Francis Wurtz, député européen honoraire, Eyyup Doru du HDP (Parti démocratique des Peuples de Turquie) et Sylvie Jan, présidente de France-Kurdistan, ont proposé une conférence instructive et combative.
 
Comme médiatrice, Sylvie Jan a exprimé l’émotion vive et toujours intacte que provoque l’évocation de ce triple assassinat en adressant l’amitié de tous et de toutes aux familles et en soulignant la remarquable persévérance de leurs avocats, de la communauté kurde et des associations engagées pour la vérité et la justice, comme celles présentes à cette conférence, membres de la Coordination nationale Solidarité Kurdistan (CNSK).
 
Une fois rappelés les éléments historiques essentiels de « cette procédure complexe et difficile « , Me Jean Louis Malterre, un des trois avocats des familles, (avec Me Antoine Comte et Me Sylvie Boitel), a confirmé qu’une nouvelle plainte avait été déposée par les avocats des familles visant « les commanditaires, les complices et les escadrons de la mort qui agissent en Europe comme cela a été révélé récemment en Belgique. Les familles reçues par le juge d’instruction sont sorties de cette rencontre « confiantes et rassurées », le Juge d’instruction leur ayant confirmé que les deux magistrats instructeurs « considéraient cette affaire comme une des trois principales sur les 40 qu’ils avaient à traiter et avec l’intention de poursuivre les nécessaires investigations ».
 
Toutefois, Me Jean Louis Malterre a fait part de sa vive inquiétude du fait que la demande du juge d’instruction auprès des ministères de la Défense et de l’Intérieur pour obtenir la levée du « Secret Défense » avait été partiellement refusée. Il a insisté sur cette indispensable levée du « Secret Défense » et sur la nécessité de déclassifier les documents en totalité. C’est, à ce stade, l’aspect essentiel à débloquer.
 
Le sénateur Rémi Féraud, qui était maire du 10ème arrondissement de Paris au moment du triple féminicide, a exprimé sa vive émotion à l’évocation de ce drame. Engagé aux côtés des associations, il venait d’interroger le gouvernement au sujet de la levée du « Secret Défense » et avait reçu une réponse du ministre de la Justice, rapide et courtoise, mais sans élément concret, vu « qu’une enquête était en cours ». « Mais c’est précisément le juge d’instruction qui, pour faire la lumière sur les faits, demande la levée du « Secret Défense », s’est indigné Me Malterre. Remi Féraud a immédiatement sollicité son aide pour construire ensemble une nouvelle question au gouvernement, précise et circonstanciée. Cette conférence aura ainsi permis cette importante rencontre.
 
Par ailleurs, répondant à une sollicitation de Sylvie Jan, Rémi Féraud a accepté de contacter tous les groupes politiques du Sénat dans leur diversité pour tenter d’obtenir une demande commune, ou des démarches allant dans le même sens, afin d’exiger la levée du « Secret Défense ». Rémi Féraud s’y est engagé, même si ce travail « pouvait être long ».
 
À propos des commanditaires, nous savons maintenant que les services secrets turcs (MIT) sont impliqués et que de lourds soupçons interrogent le rôle de l’ex-ambassadeur de Turquie en France -directeur adjoint du MIT au moment des faits-, rappelé dans son pays au moment où il aurait pu être interrogé par le juge d’instruction.
 
Agit Polat a rappelé que le président de la République française avait pour principe de recevoir toujours les familles victimes d’un attentat terroriste, et qu’il était encore temps de le faire. Les familles de Rojbîn, Sakiné et Leyla ont confirmé leur détermination à aller jusqu’au bout pour connaître toute la vérité et obtenir justice. Par ailleurs, il a informé la conférence des poursuites administratives que subissent en France les militants kurdes opposants à R.T. Erdoğan.
 
André Métayer, à son tour, a dit sa très vive émotion à la pensée de Rojbîn et de ses amies assassinées. Il a souhaité que l’instruction entende Manuel Valls et les membres de son cabinet sur le contenu de la rencontre qu’ils ont eu 21 janvier 2013, 12 jours après le triple assassinat, avec l’ambassadeur de Turquie qui, dans une note adressée à ses supérieurs, tend à démontrer une certaine convergence de vue franco-turque dans « l’exécution des membres de l’organisation terroriste, tuées à Paris ». Après avoir salué le courage des familles et de leurs avocats, André Métayer a conclu par ces mots : « Nous n’abandonnerons jamais ».
 
Plusieurs intervenants sont revenus sur le verrou que constitue la qualification « d’organisation terroriste » pour le PKK, interrogeant l’attitude « deux poids, deux mesures » particulièrement critiquable de la France qui reconnait le PKK comme un allié lorsqu’il s’agit de lutter contre l’Etat islamique ou de détenir des terroristes de Daesh dans les camps en Irak, et qui, dans le même temps, le qualifie de « terroriste » quand il s’agit de la Turquie. Ce sont pourtant les mêmes Kurdes des deux côtés de la frontière.
 
Francis Wurtz, député européen honoraire a par ailleurs regretté l’hypocrisie constante de l’Union européenne, dont la France, qui se sert toujours des opposants kurdes comme monnaie d’échange dans leurs négociations avec la Turquie de R.T. Erdoğan.
 
Eyyup Doru, du Parti démocratique des Peuples (HDP), a remercié vivement les organisateurs de cette conférence et souligné toute l’importance de la solidarité internationale.
 
Actions à mener, concernant le triple assassinat du 9 janvier 2013
 
Les évolutions du dossier nous encouragent à poursuivre des actions dans différents domaines. La conférence en a retenu cinq :
 
1) Poursuivre notre soutien aux familles afin que celles-ci soient rapidement reçues par le président de la République, comme c’est le cas pour tout attentat terroriste.
 
2) Agir pour la levée du « Secret Défense » en coordination avec les avocats des familles et les élus.
 
3) Demander aux juges d’Instruction de rencontrer M. Valls, ministre le Intérieur en 2013, au moment des faits, E. Barbé, son conseiller diplomatique, et T. Lataste, son chef de cabinet, pour qu’ils donnent leur version de la rencontre avec l’ambassadeur de Turquie en France, le 21 janvier 2013, 12 jours après l’assassinat.
 
4) Agir auprès des parlementaires français et européens pour qu’ils demandent à l’Union européenne et à la France de retirer le PKK de la liste des organisations terroristes.
 
5) Soutenir le CDK-F et les militants kurdes, opposants de R.T. Erdoğan, victimes de poursuites judiciaires et de mesures administratives répressives sous la forme de gel de leurs avoirs.
 
6) Poursuivre les efforts d’information et de mobilisation auprès de toutes et de tous.