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Sustam : La guérilla kurde est désormais un mouvement populaire mondial – Partie II

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PARIS – Le Maître de conférences à l’université Paris 8, Engin Sustam déclare que le mouvement kurde n’est plus seulement une organisation mais un mouvement populaire international enraciné dans le socialisme, dans une interview accordée l’agence Firat News (ANF).

Engin Sustam

Le sociologue Engin Sustam a déclaré que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est devenu un bastion de résistance pour le peuple kurde et que sa lutte n’est pas terminée mais a plutôt évolué vers une nouvelle phase.

Sustam a souligné que le Mouvement pour la liberté kurde est bien plus qu’une organisation classique et s’est désormais transformé en un mouvement populaire international. Se référant à la dernière déclaration du congrès, il a déclaré que l’appel lancé aux socialistes était particulièrement significatif.

La première partie de l’entretien avec le sociologue Engin Sustam peut être lue ici.

Un autre problème soulevé par la décision de dissolution est la tentative de créer l’illusion que la lutte est terminée. Cette décision met-elle vraiment fin aux cinquante années de lutte du PKK ?

En tant que mouvement populaire, le PKK s’étend à de nombreux domaines et composantes : mouvement social, mouvement armé, politique légale, force culturelle, désobéissance civile et engagement intellectuel. Il incarne également l’histoire et la mémoire de ces dynamiques et est devenu un bastion de l’existence sociale et de la résistance du peuple kurde. Il entre aujourd’hui dans une nouvelle phase.

Je pense que le mot « fin » est une formule trop simpliste. Dans les mouvements antisystémiques, la dynamique de lutte se transforme physiquement, mais ne disparaît pas. Depuis sa fondation comme mouvement de rébellion, le mouvement kurde n’a pas disparu ; il s’est investi de nouvelles missions politiques. Même en se dissolvant, il ne cesse pas d’exister ; il crée de nouveaux espaces au sein de la dynamique évolutive de la lutte.

Certes, la lutte armée touche à sa fin, mais cela ne signifie pas pour autant que la lutte pour la liberté des Kurdes soit terminée. Cette structure politique a depuis longtemps reconnu les limites de la résistance armée, même depuis le milieu des années 1990, et n’a pas réussi à trouver un interlocuteur légitime avec lequel s’engager. On peut désormais dire que cette structure se transforme en laboratoire d’un nouveau type de résistance et de transformation sociale.

En ce sens, malgré certains risques, je vois cette démarche d’un bon œil et souhaite garder espoir. Comme beaucoup d’autres, je suis concerné par ce problème. Ayant été lynché, licencié et déplacé de force [après mon engagement au sein du collectif Académiciens pour la paix], je sais ce que l’exil peut représenter. Mais je sais aussi que l’expérience du déracinement est une réalité partagée par tous les Kurdes. Alors, bien sûr, nous avons nos peurs et nos angoisses.

Il est temps de se concentrer sur une politique qui renforce la langue kurde

L’une des premières étapes les plus cruciales de cette nouvelle phase de la lutte serait la démilitarisation complète de la région, ce qui contribuerait significativement au processus. Prendre des mesures politiques pour permettre le retour des personnes déplacées dans leurs foyers contribuerait à établir une désobéissance civile ancrée dans une solide expérience démocratique.

Plutôt que de parler à l’ombre des armes, nous pouvons désormais discuter de la grammaire de la liberté pour la question kurde et de l’égalité des citoyens kurdes dans un espace civil et démocratique. Et je le dis malgré les multiples couches de violence, de répression et de contrôle étatiques.

Il est peut-être temps d’insister sur un autre terrain de lutte, de se concentrer sur une politique qui valorise la langue kurde, considérée comme une source d’existence culturelle et un outil diplomatique. Par conséquent, cette dissolution ne signifie pas l’absence de revendications. Au contraire, de nombreuses revendications ont déjà été exprimées et obtenues, ouvrant ainsi un nouveau champ de lutte pour consolider ces acquis.

Cette situation dépasse les aspirations de l’État et les définitions faciles de la « défaite » que certains s’empressent d’utiliser. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère, celle où une nouvelle génération, post-PKK, commence à façonner sa propre expérience.

En tant que mouvement social, mouvement de résistance, organisation et mouvement de masse, le PKK a créé une ligne politique et une génération capables de produire une conscience collective susceptible de transformer le Moyen-Orient, le Kurdistan et la Turquie. Cela ne signifie pas que tout est terminé. Au contraire, un combat difficile commence, lié à un processus de paix dont le nom n’a même pas encore été prononcé.

Dans les mouvements sociaux antisystémiques, les acteurs changent constamment leurs méthodes de lutte. Les armes n’ont jamais été un objectif, mais une nécessité. Et aujourd’hui, ils abandonnent cette méthode de contre-violence.

Le mouvement kurde est devenu un mouvement populaire international

Les solides expériences de gouvernance municipale développées dans l’ère post-2000, et le fait que la représentation politique légale du mouvement kurde soit actuellement la troisième plus grande force d’opposition en Turquie, montrent que même si le PKK se dissout, il peut encore canaliser son énergie vers de nouvelles voies.

Après la révolution au Rojava en 2012, les pratiques d’autonomie et de confédéralisme sont devenues le seul modèle démocratique en Syrie. De même, il est désormais clair que le mouvement politique kurde en Turquie servira de fondement à une initiative démocratique populaire capable d’ouvrir un espace juridique sans violence. Malgré tous les risques, cela est crucial non seulement pour résoudre la question kurde, mais aussi pour démocratiser la Turquie grâce à sa propre dynamique interne.

Je le répète, ni les propos de M. Öcalan ni les décisions prises lors du 12e Congrès du PKK ne sont totalement nouveaux. On se souvient d’événements similaires sous l’ère Özal. Il ne s’agit pas d’une organisation avide de violence, mais d’une organisation qui l’a utilisée comme un moyen et qui, en tant qu’acteur de cette lutte, a décidé de se dissoudre.

Cela ne signifie pas que les événements des années 1980 et 1990 ne feront pas l’objet d’une réflexion critique. Au contraire, nous sommes en présence d’une structure politique qui a rendu visible le positionnement historique et la mémoire de la question kurde et a abordé la violence comme un outil dans un cadre anticolonial.

Comme vous le savez, les expériences politiques nationales kurdes ont été nombreuses et variées avant le PKK. Ce qui distingue le PKK des mouvements des années 1970, c’est que, pour la première fois dans l’histoire kurde, il a redéfini la position de cette question et l’a élargie à une dimension transnationale. Il est devenu un mouvement de guérilla transfrontalier et une force fondatrice d’une mémoire sociale, politique et culturelle collective.

Prenons l’exemple du Parti démocratique du Kurdistan (PDK). Après plus de soixante ans de lutte armée, il a obtenu des avancées politiques, aux côtés de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), après la chute de Saddam Hussein dans les années 1990. Cela a ouvert la voie à une structure fédérative au Kurdistan et contribué à la formation d’une mémoire décoloniale, inaugurant une ère post-conflit.

En ce sens, le mouvement kurde en Turquie a dépassé le stade d’organisation traditionnelle. Grâce aux dynamiques institutionnelles, sociales, culturelles et politiques qu’il a générées, il s’est transformé en un mouvement populaire transnational et international. Parallèlement, il ouvre la voie à la politique civile et pose les bases du dialogue social.

Ce processus de dissolution nous incite également à nous interroger sur la possibilité, pour les parties impliquées dans un conflit armé, de communiquer en dehors du cadre des armes. Désormais, ce ne sont plus les armes qui doivent parler, mais la politique civile, guidée par le dialogue et l’engagement en faveur de la paix sociale.

La déclaration du congrès incluait un appel fort aux socialistes pour une lutte commune. Une telle coopération est-elle possible ?

La possibilité d’une lutte commune a toujours existé, et elle existe toujours. La véritable question est de savoir si les socialistes turcs y sont prêts. Je crois que ce n’est que lorsque nous cesserons de crier « Vive » ou « À bas » ceci ou cela, autrement dit, lorsque nous dépasserons les slogans et l’agitation pour entrer sur le terrain de la lutte et transformer les rues en espaces de paix et de solidarité sociale, que l’espace de la lutte commune se révélera naturellement.

Regardez le Rojava. Le champ de la lutte commune existe. De nombreuses dynamiques différentes agissent ensemble contre la violence, l’autoritarisme et le fascisme, et elles ne sont pas toutes socialistes ou de gauche.

La question fondamentale est la suivante : quand la gauche turque se libérera-t-elle de son engrenage nationaliste et étatique ? Si elle parvient à considérer le Kurdistan non pas à travers le prisme du « pacte national turc » (Misak-ı Milli), mais à travers un cadre de citoyenneté et d’autonomie partagées, alors je crois qu’elle ne reportera plus la libération kurde à une révolution future ou à un printemps lointain.

À ce stade, il serait peut-être utile de suivre une trajectoire historique. Peut-être devrions-nous considérer le mouvement kurde comme le dernier mouvement radical, insurgé et armé. À partir de là, nous devons nous demander si un véritable espace de lutte commune est possible et laisser le champ libre à cette question.

Avant tout, il est essentiel que les Kurdes eux-mêmes prennent une décision collective quant à une lutte commune. Naturellement, cet espace interagira avec les démocrates et les militants de gauche turcs, arabes et persans. Autrement dit, nous sommes confrontés à une longue histoire politique qui inclut de nombreux mouvements kurdes depuis les années 1960, tels que le KUK, Rizgarî, Kawa, le DDKO, le DDKD, le PSK et le TKDP. Mais depuis 45 ans, cette histoire kurde se perpétue à travers le PKK. Et aujourd’hui, dans cette mémoire, nous sommes arrivés à la fin de la lutte armée.

Le mouvement kurde est né de l’esprit de la génération post-coup d’État des années 1970, une génération radicalisée et réprimée par la violence militaire, qui a donné naissance à des mouvements sociaux et politiques anti-systémiques. À l’instar de l’Armée populaire de libération de Turquie (THKO) de Deniz Gezmiş, du Parti-Front de libération du peuple de Turquie (THKP-C) de Mahir Çayan ou du Parti communiste du travail de Turquie/marxiste-léniniste (TİKKO) d’İbrahim Kaypakkaya, dont l’analyse de la question kurde reste pertinente aujourd’hui, la jeunesse kurde de cette époque, fortement influencée par le Droit à l’autodétermination des nations (UKKTH) et par les traditions révolutionnaires soviétique, chinoise et guévariste, s’est engagée sur la voie de la liberté anticoloniale du peuple du Kurdistan.

À une époque où la gauche mondiale souffre, ils réaffirment qu’insister sur le socialisme, c’est insister sur le fait d’être humain.

Au-delà des théories du complot, le mouvement kurde est né de la faction la plus radicalisée de la génération de 1968, imprégnée de l’esprit de résistance palestinienne et des luttes anticoloniales en Algérie et au Vietnam, et portée intellectuellement par des figures comme Abdullah Öcalan et ses camarades Hakî Karer, Mazlum Doğan, Kemal Pir, Sakine Cansız, Rıza Altun, Ali Haydar Kaytan et Cemil Bayık. Ce mouvement est né de l’influence d’une génération d’étudiants des villes turques, profondément inspirés par les luttes socialistes de l’époque.

Cette formation n’est pas née uniquement du traumatisme du coup d’État militaire de 1980 ou des tortures infligées à la prison de Diyarbakır. Elle est aussi le fruit de la mémoire accumulée par tous les courants politiques kurdes depuis le début du XXe siècle, en particulier ceux qui ont pris de l’ampleur après les années 1960.

Le mouvement politique kurde est devenu un espace de transformation, un foyer de changements durables dans les régions kurdes. Il s’est radicalisé, résultat de tous les soulèvements kurdes passés, pour évoluer vers une lutte armée antisystémique qui s’est profondément infiltrée dans les couches les plus profondes de la société kurde et a finalement rejoint la gauche politique mondiale.

Il est devenu l’un des plus grands mouvements armés au monde, doté d’une vaste cartographie sociopolitique et de réseaux internationaux transfrontaliers. De l’Amérique latine à l’Europe, de l’Afrique à l’Asie de l’Est, le mouvement a tissé des liens avec de nombreuses luttes sociales et politiques, du Mouvement des travailleurs sans terre aux zapatistes. Il est remarquable qu’il soit aujourd’hui devenu un puissant mouvement populaire.

Il s’agit d’un phénomène sociologique et géopolitique, une réalité. Au cours des cinquante dernières années, il est devenu l’une des dynamiques les plus débattues, combattues ou admirées de l’ère moderne. Je me souviens des conférences de Wallerstein au début des années 2000, où il s’intéressait de près au mouvement kurde, le considérant comme une force d’opposition systémique exigeant une analyse approfondie de la part des philosophes européens.

Nous parlons de quelque chose qui dépasse largement les cadres classiques des mouvements politiques, d’un ensemble d’événements ayant ses propres rythmes, souvenirs et cycles historiques. Bien sûr, ce que Wallerstein décrit ne diffère pas de ce qu’il a coécrit avec Terence K. Hopkins et Giovanni Arrighi dans leurs ouvrages.

Les idées clés de ce cadre, qui ont retrouvé une importance accrue après l’effondrement de l’Union soviétique, analysaient la dynamique historique entre la Révolution française de 1789 et les soulèvements de 1968. Et, à bien des égards, je crois que cette dynamique s’applique également au mouvement politique kurde, notamment dans le contexte des luttes de classe pour la liberté. (À l’époque, Wallerstein suivait de près le mouvement kurde dans ses conférences.) Ce que j’ai le plus clairement compris de son analyse des mouvements antisystémiques était le suivant :

L’un des éléments fondamentaux de l’opposition systémique (qui fait ici référence au système capitaliste) est la capacité des individus, des groupes ou des mouvements politiques qui critiquent les institutions politiques dominantes à proposer des modèles alternatifs de gouvernance.

Par conséquent, lorsqu’on analyse un mouvement politique de masse comme le PKK, il est nécessaire de le considérer sous deux angles : à la fois comme un mouvement de résistance armée et comme un mouvement social. Car, dans les régions où cette dynamique existe, elle offre également un projet social global.

En tant que force antisystémique, le mouvement kurde ne peut être appréhendé uniquement à travers le prisme du Droit à l’autodétermination des nations (UKKTH). S’il propose une critique de classe du système colonial, il propose également une série de propositions antisystémiques. C’est un mouvement ancré dans la tradition socialiste qui promeut une forme fondamentale de pouvoir, tout en formulant des critiques sérieuses de la situation actuelle du capitalisme historique et du système mondial qu’il soutient.

C’est pourquoi, aujourd’hui, à une époque où la gauche mondiale est si profondément victimisée et peine à articuler un discours puissant, elle réaffirme ce principe : « Insister sur le socialisme, c’est insister sur le fait d’être humain. »

La gauche turque doit abandonner sa rhétorique du « frère aîné » pour une lutte commune

Sous cette forme, le mouvement kurde a non seulement organisé une résistance (serhildans) ancrée dans une mémoire transmise depuis l’époque ottomane, ou apporté une conscience politique au peuple kurde, mais il a également transcendé une lutte de résistance nationale de longue date, la transformant en une force transnationale. Ce faisant, il a contribué à la socialisation des enjeux politiques mondiaux au sein des régions kurdes.

Aujourd’hui, si le mouvement des femmes est si puissant dans de nombreuses régions du Kurdistan ou si les discussions écologiques ont profondément infiltré nos vies, si l’autonomie, les expériences municipales démocratiques, les activités culturelles et les débats philosophiques significatifs (ce n’est pas seulement mon opinion, mais aussi celle de Chomsky, Negri, Graeber, Hardt et Zizek) se sont étendus au-delà du domaine national kurde et ont atteint le monde, alors il est clair que le mouvement kurde a eu une très forte influence sur cela.

Bien qu’enraciné dans les expériences soviétique et chinoise, le mouvement kurde a, par sa critique ferme de ces modèles, créé son propre espace anti-systémique et anticapitaliste. Par exemple, le désir de transformation révolutionnaire qu’il a porté au Rojava et son incroyable contribution à la gauche mondiale continuent d’avoir un impact aujourd’hui.

Dans la région du Rojava, le dialogue et les possibilités d’autogestion et de liberté développés grâce à la structure de pouvoir fondamentale dans les zones libérées de la dictature baasiste illustrent la nature multidimensionnelle de cette politique. Cela démontre clairement que le dialogue et la lutte communs ne sont possibles que si nous avançons sur des bases communes et égales.

Il semble évident que la gauche turque, et plus particulièrement sa grande majorité, doit abandonner sa rhétorique paternaliste du « grand frère » et s’attaquer à des idéologies comme le kémalisme et le stalinisme afin de créer de véritables alliances pour une lutte commune sur un pied d’égalité. Bien sûr, le mouvement kurde et la gauche turque ont de nombreux points critiquables. Cependant, une chose est indéniable : le mouvement kurde n’est pas un mouvement ordinaire. Il est évident qu’il ne peut être compris comme un simple mouvement de lutte armée.

Dans une interview accordée à Bianet en octobre 2024, Michael Hardt a déclaré, ce qui, je crois, répond à votre question : « Le mouvement kurde est une source d’inspiration pour les mouvements du monde entier. » Il ne le dit pas à la légère, et il n’est pas le seul. Des personnalités comme Murray Bookchin, David Graeber et Antonio Negri, avant leur disparition, ainsi que Slavoj Žižek à différentes époques, ont exprimé des points de vue similaires.

Au risque d’invoquer des interprétations orientalistes extrêmes ou des critiques trop interprétatives, je tente de souligner que le réseau mondial du mouvement politique kurde, né des germes de la rébellion au Kurdistan, s’est désormais étendu bien au-delà de ces frontières.

Au-delà de son potentiel révolutionnaire organisé dans la région kurde, le mouvement kurde a également réalisé une révolution sociale et mentale au Rojava et au Bakur (Nord). Il a présenté un projet de paix sociale, concrétisé le contrat social et, dans un deuxième temps, renforcé la solidarité internationale. Cette dynamique a permis d’établir une synthèse permettant de situer ses contributions philosophiques et politiques.

Dans les années 1990, les montagnes étaient considérées comme un centre de guérilla classique, adhérant à l’idéologie marxiste-léniniste. Aujourd’hui, cependant, le mouvement a compris la transformation du monde, s’y engageant et créant un contrat social reconnaissant le pouvoir de la classe ouvrière. Il a créé plus d’une centaine de municipalités, de coprésidences et a créé une structure fondée sur l’égalité.

Il ne s’agit pas d’un groupe ou d’un parti d’avant-garde cherchant à s’emparer du pouvoir comme en Union soviétique. Au contraire, il a analysé ce modèle de manière critique, évoluant vers un mouvement anti-systémique de masse, un mouvement de résistance sociale de grande envergure. Aujourd’hui, il a dépassé les soulèvements armés et n’est plus un groupe de résistance insurgé. Il s’est transformé en une dynamique sociale qui a déposé les armes et cherche à dialoguer avec les autres.

La réalité est qu’à mesure que ces expériences, la création d’organismes de coordination régionale pour les communes autonomes et l’établissement de conseils de gouvernance démocratiques et communaux, se sont répandues, il existe un lien évident entre la dissolution du PKK et la croissance généralisée de ces pratiques.

La multiplication des expériences civiles, coopératives ou activités culturelles, ainsi que l’émergence d’une conscience politique plus forte dans la sphère publique et la société par rapport aux années 1990, ont été facilitées par de nombreuses expériences politiques différentes dans les régions kurdes reconquises (telles que le mouvement des femmes, les modèles de travail collectif, les gouvernements locaux, les organisations de quartier, etc.). De plus, les efforts pour établir un dialogue sociétal au Rojava sans s’appuyer sur le système judiciaire, la médiation ou les prisons, et le développement d’un système éducatif progressant par la santé et la pédagogie alternative, tous ces éléments créent des codes d’espoir plutôt que de pessimisme dans cette nouvelle ère.

Pensez-vous que le mouvement kurde va désormais démontrer sa force et sa dynamique dans différents domaines également, en termes de lutte commune ?

Absolument, c’est exactement le type de capacité auquel je fais référence. J’aimerais ajouter que l’espace de lutte commune ne se limite pas à la reconnaissance de la question kurde. Si le positionnement est certes important, un langage commun et un espace de solidarité construit autour de politiques antiracistes, antifascistes et démocratiques radicales pourraient porter la résistance kurde à un niveau inédit.

Par exemple, lorsque le féminicide, la destruction écologique, l’exploitation du travail et les décès d’ouvriers sont abordés à travers le contexte colonial de la question kurde, il devient plus facile de reconnaître que la question kurde est aussi une question de classe face aux détenteurs du pouvoir. Et à partir de là, une lutte commune peut se construire. Autrement, pour être honnête, je ne crois pas que les acteurs politiques qui repoussent la question kurde à un avenir post-révolutionnaire, qui ne la considèrent toujours pas comme une question de liberté populaire, auront grand-chose à dire sur un avenir de vie commune ou de dialogue.

Ce qu’il faut, c’est une gauche traditionnellement orthodoxe, qui se situe non seulement à travers la classe, mais aussi à travers le genre, l’écologie, la mémoire du génocide, la question kurde et d’autres micro-identités, pour établir une forme de lutte fondée sur une lecture de classe renouvelée. Je ne parle pas d’approches staliniennes ou maoïstes, mais plutôt de la nécessité d’un nouveau cadre de classe. Cela ne doit pas être reporté à un futur proche, il faut commencer dès maintenant. Une telle démarche pourrait ouvrir la voie à une nouvelle communauté politique. Parallèlement, cette approche pourrait aider la gauche turque à s’éloigner des tendances d’extrême droite, nationales-socialistes ou kémalistes.

Je parle d’une sorte de prise de conscience où la gauche est capable de reconnaître, par exemple, que le 19 mai est aussi la date du massacre des Grecs pontiques. Mais les interprétations nationalistes extrêmes et réactionnaires du terrain, ainsi que certaines formations de gauche encore prisonnières de la paranoïa face à la division nationale, font obstacle à cette prise de conscience.

Prenons l’exemple des féminicides : chaque jour, leur nombre augmente à un rythme effarant. Au Kurdistan, sous les violences d’État, on observe des traces de forces paramilitaires (gardes villageoises) ou de l’appareil sécuritaire lui-même. Dans le cas de Rojin Kabaiş, nous avons vu des jeunes femmes enlevées et assassinées, des étudiantes et des enfants tués.

Peut-être le discours de cette nouvelle ère, de cette nouvelle politique, doit-il s’articuler autour d’une lutte prenant en compte tous ces domaines. L’organisation doit émerger de ces réalités, de la rue, et créer un pouvoir de résistance. La quête des droits, de la justice et de la reconnaissance doit passer de la rue au parlement, ou aux collectivités locales, mais elle doit toujours s’ancrer dans la rue.

Un processus de résistance décoloniale dans les régions kurdes de Turquie pourrait redéfinir la question kurde et, très clairement, redonnerait à la gauche sa place légitime de sujet rebelle et fondateur. Et, bien sûr, cela contribuerait à la formation d’une nouvelle mémoire à partir de laquelle ce champ de résistance pourrait se développer.

L’État ne doit pas être le distributeur de la justice ; il doit seulement être un outil pour y parvenir.

D’un autre côté, en tant que personne qui ne fait pas confiance aux États, je ne parle pas uniquement en fonction de mon identité intellectuelle ; je dois dire que les Kurdes ont produit un projet social profondément démocratique, qui est à la veille de changements significatifs au Moyen-Orient. Je crois qu’il est inutile de rappeler la contribution du mouvement kurde à ce projet. Le « Contrat social » au Rojava après la révolution est né de cette expérience ; il suffit de l’observer.

Il ne s’agit peut-être pas seulement d’intégrer la dynamique turque à ce processus, mais aussi celle de la Syrie et de l’Irak. Pour que ce processus soit constructif et réparateur, l’État doit, bien sûr, prendre certaines mesures juridiques et établir des garanties juridiques afin de permettre l’activation d’une justice réparatrice, favorisant ainsi la réconciliation sur de nombreuses questions qui constituent des piliers essentiels de la paix sociale.

Ce que je veux dire, c’est que l’un des processus les plus importants est la libération d’Abdullah Öcalan et de tous les autres prisonniers politiques. Parallèlement, la libération de personnalités clés comme Selahattin Demirtaş, Figen Yüksekdağ et tous les autres prisonniers politiques impliqués dans la politique légale est nécessaire pour que le processus se transforme en une dynamique politique fondatrice.

La question kurde en Turquie ne concerne pas seulement la cessation d’un outil de violence ; elle concerne le démantèlement des paramètres de violence politique, symbolique ou négationniste utilisés par l’État ou les appareils coloniaux, la reconnaissance des revendications kurdes d’autonomie et le droit à une citoyenneté égale.

Peut-être qu’il faut avant tout commencer par le langage, en y intégrant la paix, pour ne pas revenir au processus d’avant 2015 et éviter le langage du « terrorisme » qui stigmatise les Kurdes et les acteurs de leur mouvement politique, ainsi que cette rhétorique clivante et condescendante.

Par conséquent, toute approche qui ne s’attaque pas au problème, ne renonce pas au discours raciste répétitif et ne s’éloigne pas des mécanismes sécuritaires issus des instruments coloniaux sera néfaste. La seule chose qui puisse rendre ce processus plus fort et plus réparateur est d’obtenir justice grâce aux revendications kurdes.

L’État ne doit pas être le dispensateur de justice ; il doit seulement servir d’outil à sa réalisation. La justice ne peut être obtenue que par la satisfaction des revendications et la confrontation. (ANF)

ROJAVA. Les femmes mises à l’honneur au Festival Nûjîn

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SYRIE / ROJAVA – Depuis quelques jours, la scène culturelle de Qamishlo accueille un événement cinématographique sans précédent en Syrie : le Festival des films féminins Nûjîn, l’une des plateformes d’expression artistique féminine les plus importantes de la région. Ce festival marque une étape importante dans l’émancipation des femmes au sein du septième art, le cinéma.

Depuis le 25 mai, la ville de Qamishlo, dans le nord-est de la Syrie, s’est transformée en un espace cinématographique dynamique célébrant le parcours créatif et personnel des femmes. Le festival présente 37 films et documentaires du Kurdistan, du Moyen-Orient, des États-Unis, d’Arménie et d’Europe. Jusqu’au 31 mai, le Festival du film de femmes de Nûjîn (en kurde: Mihrîcana Nûjiyan a Filmên Jinan) met en lumière les problématiques féminines, offrant des perspectives diverses sur leurs histoires sous des angles humains, politiques et sociaux, réaffirmant ainsi que les femmes ne sont pas seulement des protagonistes, mais aussi des auteures, des réalisatrices et des architectes de leur propre récit.

Pour la première fois en Syrie, un festival de cinéma féministe d’une telle ampleur et d’une telle diversité est organisé. Il marque un tournant culturel et témoigne de la montée en puissance de la voix des femmes dans le cinéma mondial, une voix qui cherche à redéfinir leur rôle dans l’industrie cinématographique et à leur garantir l’espace qu’elles méritent pour raconter leurs luttes, leurs rêves, leurs questionnements – et même leur silence, lorsqu’il devient une forme de résistance.

 

Le Festival Nûjîn (Nûjiyan Women Film Festîval), organisé par le collectif de cinéastes femmes Kêzî (dirigé par Sevinaz Evdike) en collaboration avec l’association du Cinéma des femmes du Rojava (Sîne Jin Rojava) et le Mouvement culturel des femmes du Rojava Hîlala Zêrîn, rejoint un réseau mondial croissant de festivals de cinéma dédiés au cinéma féministe :

 

Au Canada, le Female Eye Film Festival de Toronto, fondé en 2001, est l’un des plus anciens festivals à présenter exclusivement des films réalisés par des femmes. Il met l’accent sur les récits féministes et suscite des discussions approfondies sur les défis auxquels sont confrontées les femmes dans l’industrie.

 

En Europe, nous avons le Festival Elles Tournent (Dames Draaien), Brussels International Women’s Film Festival fondé en 2008 et qui met à l’honneur le travail de réalisatrices de tous horizons.

 

En Asie, le Women Make Waves Film Festival de Taïwan, fondé en 1993, présente des films abordant les questions féminines sous des angles locaux et internationaux. De même, le Seoul International Women’s Film Festival (fondé en 1997) constitue une plateforme incontournable pour les réalisatrices indépendantes, mettant en avant les thèmes de l’identité, du genre et de la discrimination.

En Afrique, le Festival du film féminin Ndiva au Ghana, lancé en 2017, célèbre la créativité des femmes sur le continent à travers des films qui explorent les récits féminins, les droits, les traditions et la violence sexiste.

Au Moyen-Orient, l’Égypte joue un rôle majeur avec le Festival international du film de femmes d’Assouan, fondé en 2017 et premier du genre en Haute-Égypte. Il vise à mettre en lumière les problématiques des femmes arabes et soutient les jeunes réalisatrices par le biais de projections et d’ateliers sur des thèmes tels que la violence, l’égalité et l’indépendance économique.

Au Caire également, le Fest Film Women Western Eastern propose une rencontre artistique entre l’Orient et l’Occident, présentant un éventail diversifié de perspectives féminines dans le but de favoriser les échanges et le dialogue culturels féministes.

Au Liban, le Festival international du film de femmes de Beyrouth, lancé en 2016 sous le slogan « Femmes pour le changement », a joué un rôle majeur dans la promotion des thèmes de libération et d’égalité. Le festival présente des films axés sur l’autonomisation des femmes et leurs défis quotidiens, et met à l’honneur les réalisatrices, les directrices de la photographie et les actrices.

De Qamishlo à Toronto, de Taipei à Beyrouth, les histoires de femmes convergent dans des festivals façonnés par leurs propres mains – des espaces de liberté qui reflètent leurs réalités, leurs ambitions et leur engagement envers le cinéma comme outil de transformation.

Dans un monde où de nombreux appareils photo sont encore tenus par des mains masculines, ces festivals offrent de nouveaux objectifs – des objectifs féminins – qui voient, racontent et créent avec authenticité et vision. (ANHA) 

TURQUIE. Raids et arrestations à Dersim

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TURQUIE / KURDISTAN – Ce matin, la police turque a mené des raids à Pertek (Pêrtag), dans la province kurde de Dersim, arrêtant au moins deux civils.

Il s’agit encore une fois d’arrestations politiques visant à intimider la société kurde qui lutte pour ses droits élémentaires.

SYRIE. Les prisonnières de guerre kurdes transférées en Turquie ?

SYRIE / ROJAVA – Hier, un échange de prisonniers qui devait avoir lieu entre le régime de Damas et les autorités kurdes à Alep a échoué car les prisonnières de guerre kurdes YPJ n’ont finalement pas été libérées. Il semblerait que ces dernières ont été transférées illégalement dans des prisons de la Turquie, comme on l’avait vu avec Çiçek Kobane qui fut condamnée à la réclusion à perpétuité pour « avoir détruit l’unité et l’intégrité de l’État turc et commis des meurtres » et qui subit des mauvais traitements.
 
 
Il faut que l’ONU et les organisations compétentes fassent pression sur la Turquie afin de libérer ces prisonnières de guerre d’un autre État emprisonnées illégalement sur le sol turc où elles subissent torture et mauvais traitements depuis des années.
 
Qui est Çiçek Kobanê ?
 
La combattante kurde des YPJ, Çiçek Kobanê a été capturée par les gangs de la Turquie en octobre 2019 lors de l’invasion de Serê Kaniyê, au Rojava, et fût transférée illégalement vers la Turquie où elle est emprisonnée depuis. La Cour de cassation turque a confirmé la peine de réclusion criminelle à perpétuité infligée à Çiçek Kobanê pour « avoir détruit l’unité et l’intégrité de l’État turc et commis des meurtres ».
 
La combattante des YPJ, Dozgin Temo (nom de guerre: Çiçek Kobanê) est tombée en captivité de la milice djihadiste Ahrar al-Sham à Ain Issa, dans le nord de la Syrie, en octobre 2019. Le groupe fait partie des troupes djihadistes turques par procuration et est impliqué dans l’invasion du Rojava. Après sa capture, la femme kurde de Kobanê, née à Raqqa, a été emmenée en Turquie. Depuis lors, elle est détenue dans une prison de haute sécurité de la province d’Urfa, à la frontière syrienne. Le 23 mars 2021, la combattante des YPJ a été condamnée à la réclusion à perpétuité car la jeune femme aurait « détruit l’unité et l’intégrité de l’État turc et commis des meurtres ».
 
La combattante des YPJ a non seulement été condamnée à la réclusion à perpétuité aggravée pour « trouble de l’unité et de l’intégrité territoriale de l’Etat turc » mais aussi à 10 ans et 10 mois de prison pour « meurtre délibéré ».
 
A l’époque, sur les photos et les vidéos de la capture de Çiçek Kobanê sont apparues sur les réseaux sociaux, dans lesquelles les gangs ont annoncé que la combattante serait exécutée. Ce n’est qu’après les protestations internationales qu’elle a été transférée en Turquie. Blessée par deux balles reçues au niveau des jambes, elle ne pouvait pas se tenir debout ni prendre soin d’elle au moment de sa capture, après quoi elle a été emmenée au département antiterroriste du siège de la police et placée dans une prison turque et ensuite condamnée à la prison à vie alors qu’elle garde des séquelles des balles reçues aux jambes et qu’elle est victimes de mauvais traitements…  

SYRIE. Damas accusé d’avoir fait échouer l’échange de prisonniers prévu aujourd’hui

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SYRIE – Le comité chargé de mettre en œuvre les termes de l’accord signé entre les autorités kurdes et celles de Damas à Alep a annoncé le report de la deuxième phase de l’échange de prisonniers qui été prévue aujourd’hui. Damas est accusé d’avoir fait saboter l’échange en refusant de libérer notamment les membres des Unités de protection des femmes (YPJ).

Ce retard est imputé à plusieurs raisons majeures, notamment le refus des autorités de Damas de libérer les combattantes des Unités de protection des femmes (YPJ), ainsi que d’autres détenues. Ce refus a été jugé comme une violation des dispositions fondamentales de l’accord, notamment de la clause relative à la libération totale des détenues – communément appelée « évacuation des prisons ».

Détails du report

Conformément à l’accord conclu entre le Conseil général des quartiers de Cheikh Maqsoud et d’Achrafieh et les autorités de Damas, qui prévoit la libération complète des détenus des deux parties, il était prévu que chaque camp libère des détenus aujourd’hui. Plus précisément, 285 prisonniers devaient être libérés par le Conseil et 161 personnes affiliées devaient être libérées par Damas dans le cadre de la deuxième phase d’échange.

Cependant, le comité de mise en œuvre a confirmé que l’échange a été retardé en raison du refus des autorités de Damas de libérer les détenues femmes membres des YPJ, violant ainsi l’une des dispositions centrales de l’accord.

Déclaration de la direction du Conseil

Dans une interview exclusive accordée à l’agence ANHA, Hevin Suleiman, coprésidente du Conseil général des quartiers de Cheikh Maqsoud et d’Achrafieh et signataire du projet d’accord, a déclaré que ce report résultait directement du refus des autorités de Damas de libérer les détenues YPJ. Elle a souligné que l’accord exigeait des deux parties la libération de toutes les prisonnières sous leur garde, et que le Conseil était pleinement préparé à remplir cette obligation.

Suleiman a également souligné que les autorités de Damas ont violé cette obligation en retenant de manière sélective des détenus spécifiques, en particulier des combattantes, et a affirmé qu’il n’y avait aucune justification légitime au non-respect des termes de l’accord.

« La raison de ce report est non négociable », a-t-elle déclaré. « Les autorités de Damas doivent procéder à l’évacuation de leurs prisons et garantir la liberté de tous les détenus, en premier lieu des combattantes des YPJ. »

L’avenir de l’accord

Interrogée sur l’avenir de l’accord, Suleiman a précisé que l’accord n’a pas été annulé et reste en vigueur, mais que sa mise en œuvre continue de se heurter à des obstacles importants – des obstacles qui, selon elle, sont systématiquement créés par les autorités de Damas.

Violation de la clause d’évacuation des prisons

Qahraman Bakr, responsable des Forces de sécurité intérieure et membre du comité chargé de la mise en œuvre de l’accord, a souligné que la clause 12 de l’accord appelle explicitement à « vider les prisons ».

« Nous avons mené à bien la première phase de l’échange deux jours après la signature de l’accord », a déclaré Bakr. « Grâce à la coordination entre les deux parties, la deuxième phase devait suivre. Cependant, les autorités de Damas ont perturbé le processus en refusant de libérer les détenues YPJ. »

Bakr a confirmé qu’en plus des membres des YPJ, il y avait d’autres détenus dont la libération avait également été bloquée par la partie de Damas.

Il a conclu : « Par ces actions, les autorités ont clairement violé l’accord. De notre côté, nous étions tout à fait disposés à remettre leurs détenus sans complications. Cependant, nous restons inébranlables dans notre exigence : la libération complète et inconditionnelle de tous les prisonniers doit être respectée. » ( ANHA)

 « L’unité appartient au peuple kurde, aux femmes kurdes »

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TURQUIE / KURDISTAN – Depuis ce matin, Diyarbakir accueille la première « Conférence des femmes parlementaires kurdes ».

La conférence de deux jours organisé par le Mouvement des femmes libres (Tevgera Jinên Azad-TJA) se tient au Centre des congrès de Çand Amed sous le slogan « Démocratisons la politique, construisons une société démocratique » avec la participation des femmes parlementaires kurdes du Kurdistan, du Moyen-Orient et d’Europe.

Après une minute de silence, Gülcan Kaçmaz Sayyiğit, coprésidente de l’Initiative d’unité démocratique, a prononcé le discours d’ouverture de la conférence, en déclarant que: 

« Certaines de nos amies ne peuvent pas y assister en raison des restrictions aux frontières et du refus de l’État d’autoriser leur entrée. Nous leur adressons nos salutations. J’adresse également mes salutations à Leyla Güven, Semra Güzel, Pakshan Azizi et à tous les autres amies qui poursuivent leur résistance en prison. »

Remarquant que les femmes et le peuple kurdes ont traversé des moments difficiles, Gülcan Kaçmaz Sayyiğit a poursuivi : « Les États-nations nous ont montré trois voies. Premièrement, ils ont divisé le peuple kurde en quatre. Deuxièmement, ils ont tenté de l’anéantir et de l’assimiler. Troisièmement, ils n’ont pas laissé les Kurdes se rassembler et former une unité. Cependant, aujourd’hui, nous, parlementaires kurdes, œuvrerons pour l’unité. Nous devons maintenir les déclarations et les décisions prises ici. Si nous le faisons, nous parviendrons à l’unité. La Troisième Guerre mondiale approche. Au milieu des difficultés et des luttes, la philosophie « Jin, Jiyan, Azadî » (Femme, Vie, Liberté) montre la troisième voie pour le Kurdistan et le Moyen-Orient. Tout comme les femmes kurdes s’expriment dans le monde entier avec la philosophie « Jin, Jiyan, Azadî », je suis convaincue que nos amis partageront leurs expériences ici et que de bonnes choses en sortiront. Dans ces conditions, de grands efforts sont déployés aujourd’hui dans les quatre parties. du Kurdistan et de la diaspora. Les femmes prouvent leur présence en politique. La résistance des femmes kurdes se poursuit et se poursuivra. »

Faisant référence à l’« Appel à la paix et à la société démocratique » lancé le 27 février par le leader kurde Abdullah Öcalan, Sayyiğit a déclaré : « L’appel de M. Öcalan a trouvé un écho dans le monde entier. Nous, les femmes, devons intensifier nos efforts pour parvenir à une société démocratique. Notre responsabilité est grande, mais notre foi et notre confiance le sont encore plus. »

Gülcan Kaçmaz Sayyiğit a conclu : « Nous devons nous en tenir aux décisions qui seront prises lors de cette conférence. Démantelons la mentalité d’État masculin et ses politiques. L’unité appartient au peuple kurde, aux femmes kurdes. Elle sera indéniablement réalisée. »

Après le discours d’ouverture, une présentation vidéo sur la lutte des femmes kurdes a été projetée. (ANF)

 

 

TURQUIE. Une cinéaste franco-kurde arrêtée pour « propagande terroriste »

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ISTANBUL – La cinéaste, scénariste et féministe franco-kurde, Kudret Günes a été arrêtée par la police turque le mardi 27 mai. L’autrice du célèbre roman graphique « La Liberté dans le sang », racontant le combat d’une jeune femme ayant rejoint les YPJ, Küdret Günes est accusée de faire de la « propagande terroriste ». 

 

Son camarade écrivain, Amar Benhamouche a lancé une pétition demandant la libération immédiate de Küdret Günes.

 

Amar Benhamouche a écrit au sujet de l’arrestation de Kudret Günes:

 

« Les régimes autoritaires ont l’intelligence en horreur. Ainsi combattent- ils les écrivains, les poètes, les artistes, toute voix subversive et indomptable, libre. Eux cajolent les soumis, les bigots, les timorés et les versatiles. 

Ce mardi 27 mai 2025, la cinéaste, la scénariste, bédéiste et militante féministe Kudret Günes a été arrêtée par la police turque. Motif de cette arrestation : apologie du PKK. Or il se trouve que cette autrice est éloignée philosophiquement de la vision politique de cette organisation. 

 

Cette énième arrestation péremptoire renseigne sur la continuité de la discrimination des kurdes en Turquie et sur le racisme d’état exercé à leur encontre. Nous appelons tous les acteurs culturels et animateurs de la vie culturelle dans le monde à signer cette pétition en guise de soutien à Kudret Günes et à tous les hommes et femmes de culture kurdes prisonniers ou persécutés. »

 

Pétition à signer ici: Pétition de soutien à Kudret Günes ( cinéaste, scénariste BD et militante féministe kurde)

 

Deux élues kurdes interdites d’entrer en Turquie

TURQUIE / KURDISTAN – Deux anciennes députées du Mouvement Gorran, Nasrin Jamal et Gulistan Saeed, ont été interdites d’entrée en Turquie au poste frontière avec la région du Kurdistan alors qu’elles se rendaient à la conférence de femmes députées kurdes organisée par DEM Parti et l’ONG féminine TJA à Diyarbakir (Amed).
 
Les deux femmes politiques ont déclaré : « Malheureusement, à notre arrivée et après des contrôles de passeport et une enquête, nous avons été détenues pendant deux heures, puis informés que, par ordre spécial d’Ankara, nous ne sommes pas autorisées à entrer sur le territoire turc, ni maintenant ni à l’avenir. »

FRANCE. Paris veut expulser une journaliste d’opposition turque

PARIS – La militante révolutionnaire et ancienne prisonnière politique de Turquie, Zehra Kurtay a été arrêtée le 26 mai 2025 alors qu’elle s’était rendue à la Préfecture de Créteil (94) concernant sa procédure d’asile politique. Elle a été arrêté et envoyée au Centre de Rétention Administrative d’Oissel en vue d’une expulsion vers la Turquie où elle risque la prison / torture / nouvelles persécutions judicaires. Elle a entamé une grève de la faim contre son arrestation.
 
 
Un Comite « Liberté Pour Zehra Kurtay » a été formé tandis que des militant.e.s de gauche et antifascistes kurdes, turcs et internationalistes mènent actuellement une campagne exigeant la libération immédiate de Zehra Kurtay, ancienne rédactrice en chef du média de gauche Kurtulus ayant passé 9 ans dans les geôles turques pour ses idées socialistes. En la livrant à la Turquie, la France violerait la Convention de Genève de 1951, l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la Convention des Nations Unies contre la torture, ainsi que la jurisprudence établie de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui interdisent strictement l’expulsion d’une personne vers un pays où elle risque d’être soumise à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.
 
 
 
#FreeZehraKurtay #LibertéPourZehraKurtay

Quelques précisions sur la future université kurde d’Allemagne

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ALLEMAGNE – Actuellement, il y a de nombreuses informations erronées circulant sur les réseaux sociaux au sujet de la future Université kurde d’Allemagne qui devrait ouvrir ses portes en automne 2025.

La Plateforme européenne de la langue kurde (PZK-E) a publié une déclaration pour clarifier la désinformation circulant sur les réseaux sociaux concernant l’Université kurde multilingue actuellement en cours de création en Allemagne.

La plateforme a annoncé la création officielle de l’université, dont les langues d’enseignement sont le kurde, l’allemand et l’anglais. L’objectif est d’accueillir ses premiers étudiants à la rentrée 2026.

Selon Lezgin Botan, porte-parole du PZK-E, l’université sera implantée à Dresde et proposera des formations dans des domaines tels que la langue, la culture et l’histoire kurdes, ainsi que la littérature, l’histoire, la sociologie, les arts et la culture, et la technologie. L’université sera connue sous l’abréviation IKHS.

Le recteur de l’université est le professeur Christoph Scholz, et l’établissement compte actuellement une équipe de dix professeurs et un conseil d’administration de onze membres. Il a été noté que des dizaines de candidatures ont déjà été soumises par des universitaires souhaitant rejoindre le corps professoral.

La plateforme a souligné que toutes les mises à jour et informations officielles sur l’université doivent être suivies uniquement via ikhs.de, avertissant le public de ne pas faire confiance au contenu spéculatif sur les réseaux sociaux.

L’université devrait organiser son ouverture officielle avec une réception en 2026. Une campagne de dons sera également lancée prochainement et une réunion complète avec le personnel académique est prévue pour septembre. (ANF) 

« Si chacun reçoit une éducation dans sa langue maternelle, on peut parler de fraternité »

TURQUIE / KURDISTAN – Le linguiste Zana Farqînî a déclaré que le kurde est en danger d’extinction même si les politiques actuelles sont abandonnées, ajoutant que l’État avait une dette envers les Kurdes longtemps interdits de parler leur langue maternelle. « Il devrait faire une discrimination positive pour que cette langue [kurde] ne disparaisse pas. » 

Suite à l’appel à la paix et à la société démocratique lancé par le leader du peuple kurde Abdullah Öcalan, les discussions sur la solution de la question kurde se poursuivent. L’une des principales revendications des Kurdes est que le kurde soit la langue officielle et la langue d’enseignement. Les associations et organisations opérant en langue kurde organisent également depuis un certain temps diverses actions et événements répondant à des revendications similaires.

 

La linguiste Zana Farqînî a souligné que la mentalité qui considère le kurde comme une menace doit changer. Farqînî a souligné que la Turquie était construite sur « l’unité » et a noté que les langues, les cultures et les identités autres que le turc étaient interdites.

 

Farqînî a souligné les pressions constantes exercées sur le kurde, déclarant : « Dans les administrations et les services publics, cette langue n’est pas utilisée. Depuis plus de 100 ans, la mentalité en Turquie repose sur cette unité et il existe une intolérance envers les langues autres que le turc. Les concerts kurdes sont toujours interdits. Les théâtres kurdes, tout ce qui touche aux Kurdes, ne peuvent être libérés des interdictions et des obstacles. » Farqînî a souligné que malgré toute l’oppression, les Kurdes ont revendiqué leurs droits de manière plus organisée, en particulier au cours des 40 dernières années.

 

Insister sur le monolinguisme provoque des conflits

 

Faisant référence à l’existence de pays multilingues dans le monde, Farqînî a déclaré : « Ils se basent sur le pluralisme. Mais comme ce pays est fondé sur le monisme depuis le jour de sa fondation, lorsque les droits et la liberté des Kurdes ou les langues d’autres peuples sont évoqués, ils commencent à dire : « Notre pays sera déchiré, comment allons-nous nous comprendre ? » Cependant, comme cette idée fausse est ancrée dans leur esprit depuis le début, ils ressentent cela. Il existe aussi du pluralisme dans le monde, du multilinguisme et du multiculturalisme. C’est la richesse de la société, elle ne la détruit pas. L’État doit se construire et se structurer sur la sociologie de la société. Il doit se renouveler en accord avec cette réalité. Lorsque l’attention est attirée sur le pluralisme, ils disent : « Non, nous ne serons qu’une seule couleur » lorsque leurs inquiétudes et leurs craintes sont exprimées. Cependant, l’insistance sur le monisme provoque des troubles, des réactions et des conflits. » 

 

 

Attirant l’attention sur les développements consécutifs à l’appel d’Abdullah Öcalan, Farqînî a déclaré : « On parle désormais d’un nouveau processus, d’un changement de paradigme. J’espère que cette situation perdurera, que les citoyens pourront désormais exprimer leurs idées sans crainte et utiliser tous les moyens démocratiques et pacifiques pour défendre leurs droits et leurs libertés. L’État devrait également abandonner son ancien concept et aborder ces revendications selon le nouveau processus. L’État devrait considérer la lutte démocratique comme un droit et ouvrir la voie, et les citoyens devraient pouvoir s’organiser librement et exister. Il devrait également pouvoir se prononcer en faveur d’un système démocratique, multilingue, multiculturel et socialement diversifié, compatible avec la sociologie du pays. »

 

La langue kurde doit avoir un statut légal

 

Farqînî a souligné que l’idée selon laquelle « s’il retrouve ses droits et sa liberté, mes droits et mes libertés seront perdus » ne sert pas la paix. Farqînî a déclaré : « Si les gens continuent d’exister avec leur propre identité, la paix et la tranquillité sociales y règneront. Les membres de cette société vivent en paix les uns avec les autres. La couleur et l’identité de chacun sont considérées comme un droit. Les gens sont très tolérants. Chacun considère la langue, l’identité et la couleur de l’autre comme un droit fondamental. L’usage du kurde, son statut et son statut de langue d’enseignement, ainsi que les services en kurde dans les institutions publiques ne constituent jamais un obstacle à la langue turque. Lorsque la société prend sa décision, lorsqu’elle déclare : « Nous voulons vivre ensemble et dans l’égalité des droits », lorsqu’elle accepte l’existence de chacun, elle peut vivre ensemble sans problème. Mais si l’un nie les droits de l’autre, une véritable démocratie fondée sur le déni, une société démocratique, ne peut se construire. » 
« L’État devrait pratiquer une discrimination positive »
Avertissant que le kurde est menacé de disparition même si les politiques actuelles sont abandonnées, Farqînî a déclaré : « L’État a une dette ; il devrait pratiquer une discrimination positive pour que cette langue ne disparaisse pas. Si chacun connaît la langue de l’autre, la valorise et se considère avec cette perspective, alors la paix et la paix linguistique seront instaurées. Si nous nous disons frères, que se passera-t-il si l’un des frères ne connaît pas la langue de l’autre, ne la reconnaît pas comme un droit fondamental ? Si un frère dit : « Laisse ta langue, prends la mienne, voyons-nous comme des frères », ce sera une fausse fraternité. Une véritable fraternité sera instaurée, fondée sur les droits et la justice. Si la langue est reconnue, si chacun reçoit une éducation dans sa langue maternelle, considère l’autre comme un peuple et reconnaît tous les droits qui découlent de l’appartenance à un peuple, alors nous pourrons parler d’une véritable fraternité. » 
« L’État doit prendre des mesures convaincantes »
Farqînî a déclaré : « Si un nouveau paradigme doit être créé, il ne doit pas évoquer celui d’il y a cent ans. Un nouveau paradigme doit être adapté aux conditions et aux circonstances de ce processus, afin que l’État devienne de plus en plus au service de la société, qu’il devienne démocratique et que la société le devienne également. Si des lois sont créées en fonction de cette réalité et que des mesures sont prises dans ce cadre, un climat de confiance s’instaure. La confiance se développe au sein de la société grâce aux mesures sincères prises. Autrement dit, l’État doit prendre des mesures convaincantes pour que le peuple croie en ce processus. Les Kurdes ont pris des mesures pour ce processus, l’État doit maintenant prendre des mesures qui inspirent confiance. »
Soulignant que chacun devrait parler sa langue maternelle et recevoir une éducation, Farqînî a poursuivi : « Les familles devraient pouvoir parler leur langue maternelle à leurs enfants sans aucune inquiétude. Intellectuels, universitaires, artistes, hommes politiques, bref, tous les Kurdes devraient protéger leur langue, leur culture et leur identité. Car la langue est le signe fondamental de l’existence d’un peuple. Les parents kurdes, les intellectuels et ceux qui dirigent les Kurdes doivent savoir que leur langue prime sur toute autre langue. Abandonner sa langue et passer à une autre est assimilation et catastrophe. » (Agence Mezopotamya)

 

TURQUIE. Décès de l’homme politique kurde, Hamit Geylani

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TURQUIE / KURDISTAN – L’homme politique kurde, Hamit Geylani est décédé dans un hôpital d’Ankara à l’âge de 78 ans.

 

Hamit Geylani, né 1947 à Urmia, au Rojhilat, a été élu député de Colemêrg pour le 23e mandat du Parti de la paix et de la démocratie (BDP). Homme politique, l’écrivain et poète, Hamit Geylani est décédé dans un hôpital d’Ankara ou il était soigné.

 

Qui est Hamit Geylani ?

La famille de Hamit Geylani a émigré en Iran en raison des révoltes de Şemzinan (Şemdinli) et des événements de 1925. Il est né en 1947 dans le village de Mirgever de la ville d’Urmia du Rojhilat (Kurdistan iranine). La famille Geylani est revenue au village de Dêman à Şemzînan avec l’amnistie déclarée par le Parti démocrate en 1951. Geylani a rejoint la politique pour la première fois pendant le processus des Centres culturels révolutionnaires de l’Est (DDKO). Il a étudié à l’École de génie civil pendant deux ans et à la Faculté des sciences politiques d’Ankara pendant un an. Il est diplômé de la Faculté de droit d’Ankara en 1979.
Geylani, l’un des fondateurs du Parti du Travail du Peuple (HEP), a assumé des fonctions et des responsabilités à tous les niveaux, à commencer par la présidence provinciale, y compris la présidence de tous les partis kurdes ouverts et fermés. Après la fermeture du HADEP, Geylani s’est vu interdire toute activité politique pendant cinq ans et a été envoyé en prison à trois reprises. 
Au cours de sa carrière d’avocat, Geylani a défendu les droits devant les tribunaux de sécurité de l’État de Colemêrg, Wan, Amed, Adana, Erzirom, Ankara et Istanbul et les tribunaux pénaux du réseau, et a défendu des partis politiques, des individus et des institutions devant la Cour constitutionnelle et la Cour européenne des droits de l’homme.

 

Geylani a écrit de nombreux ouvrages, dont des recueils de poésie.