IRAN – La Cour suprême iranienne a confirmé la peine de mort de Reza Abdali (Daghaaleh), un prisonnier politique arabe de 35 ans, signale l’ONG kurde Hengaw.
La peine de mort de Reza Abdali (Daghaaleh), un prisonnier politique arabe de 35 ans détenu dans le quartier 8 de la prison centrale d’Ahvaz (Sheyban), a été confirmée par la Cour suprême iranienne. Abdali avait été condamné à mort pour « guerre contre Dieu » (moharebeh).Selon les informations reçues par l’organisation Hengaw pour les droits de l’homme, le verdict a été officiellement communiqué à Abdali le jeudi 6 novembre 2025, confirmant la peine de mort et une peine supplémentaire de 15 ans de prison prononcées précédemment par le tribunal révolutionnaire d’Ahvaz, sans aucune modification.Abdali a d’abord été condamné par la 1ère chambre du tribunal révolutionnaire d’Ahvaz, présidée par le juge Adibimehr, pour avoir été accusé de moharebeh en lien avec l’Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran (MEK).Durant sa détention, Abdali s’est vu refuser l’accès à un avocat et aux visites de sa famille et a subi de graves tortures et mauvais traitements lors des interrogatoires. Il s’est également vu refuser le droit à un avocat lors de son procès.Reza Abdali a été arrêté en février 2025 par les forces de sécurité iraniennes à Ahvaz et transféré à la prison de Sheyban après ses interrogatoires.L’organisation Hengaw pour les droits humains souligne que le droit à la vie est le droit humain fondamental par excellence, sans lequel tous les autres droits sont dénués de sens. Hengaw appelle les organisations internationales de défense des droits humains et les acteurs diplomatiques à user de tous les moyens à leur disposition pour faire pression sur la République islamique d’Iran afin qu’elle mette fin aux exécutions, en particulier celles infligées aux prisonniers politiques.
IRAN / ROJHILAT – Le régime iranien continue la répression ciblant la population kurde.
Edris Menbari, professeur de langue kurde et membre du conseil d’administration de l’association socioculturelle Nozhin à Sanandaj (Sînê), dans la province du Kurdistan, a été envoyé à la prison centrale de Sanandaj pour y purger une peine d’un an.Le Réseau des droits de l’homme du Kurdistan (KHRN) a rapporté que Menbari a été convoqué le 4 novembre par le Bureau d’exécution des jugements du tribunal de Sanandaj pour commencer à purger sa peine.Il s’est présenté à la prison centrale de la ville le 8 novembre, accompagné de sa famille et de plusieurs membres de l’association socioculturelle Nozhin.Menbari a été arrêté une première fois par des agents du ministère du Renseignement à Sanandaj le 18 décembre 2022. Après 43 jours de détention, il a été libéré temporairement sous caution fixée à 10 milliards de rials (près de 10 000 dollars américains).En novembre 2023, la première chambre du tribunal révolutionnaire islamique de Sanandaj l’a condamné à 10 ans de prison pour « formation de groupes et d’associations dans le but de perturber la sécurité nationale ».La Cour d’appel de la province du Kurdistan a par la suite cassé le jugement et renvoyé l’affaire devant une juridiction parallèle pour un nouveau procès.À l’issue d’un nouveau procès, le même tribunal, présidé par le juge Karami, a condamné Menbari à un an de prison et à une peine supplémentaire d’un an avec sursis pendant trois ans pour le même chef d’accusation.Par ailleurs, en octobre 2023, la 106e chambre du tribunal pénal n° 2 de Sanandaj, présidée par le juge Bahman Omidzadeh, a condamné le militant à un an d’emprisonnement en exil et à 40 coups de fouet pour « trouble à l’ordre public ». (ANF)
PARIS – Des militant·es du mouvement social et des résistances démocratiques du Kurdistan de « Turquie » sont les lauréat·es du Prix Danielle Mitterrand* 2025. La remise du prix aura lieu le mercredi 10 décembre 2025, à partir de 18h30 à l’Académie du Climat, 2 Place Baudoyer, dans le 4e arrondissement de Paris.
Voici le communiqué de la Fondation Danielle Mitterrand pour la soirée du 10 décembre 2025
Cette année, la Fondation est très heureuse de remettre le Prix Danielle Mitterrand aux artisan·nes des résistances démocratiques du Kurdistan du Nord (Bakur) lors d’une soirée exceptionnelle « Municipales 2026 : pour contrer l’autoritarisme s’inspirer des communes kurdes».
Dans cette région, les habitant·es défendent depuis des décennies la démocratie locale et dessinent d’autres avenirs possibles ancrés dans la solidarité, l’écologie et l’émancipation. Autant de réalités des quelles apprendre et s’inspirer à l’heure de préparer nos territoires et nos mouvements à lutter contre les assauts d’une extrême-droite toujours plus puissante et d’autoritarismes chaque fois plus présent dans nos quotidiens.
Une source d’inspiration et d’espoir face aux autoritarismes
Les expériences au Kurdistan du Nord montrent que d’autres mondes existent. Alors que les fascismes gagnent du terrain, la démocratie peut se reconstruire d’en bas, par l’organisation collective. Il est possible de construire des espaces de résistance et d’autonomie même au cœur de régimes répressifs. Il est possible de créer des espaces de solidarité et de dignité, même lorsque les conditions matérielles se compliquent. Ces initiatives sont un exemple de construction patiente mais robuste de contre-pouvoirs capables de résister aux assauts autoritaires. Elles sont aussi la preuve que l’émancipation n’est pas donnée, qu’elle se cultive dans de multiples pratiques du quotidien.À quelques mois des élections municipales en France, il est plus que jamais essentiel de nous rappeler qu’une démocratie vivante ne se limite pas aux urnes, qu’elle ne naît pas seulement d’un scrutin, mais plutôt d’engagements concrets pour remettre en question l’ordre établi et proposer des alternatives. Dans un contexte où les libertés sont menacées par la montée inquiétante des extrêmes droites et leurs alliances avec le néolibéralisme, les résistances démocratiques et sociales des habitant·es du Kurdistan de Turquie offrent des perspectivesd’avenir.
Une démocratie vivante et des initiatives qui favorisent l’émancipation et l’autonomie
Depuis les années 2000, de nombreuses élections ont été remporté par le mouvement social et politique kurde dans la région Est-Anatolie. Loin d’être une fin en soi, l’accession au pouvoir local, est vu comme un outil parmi d’autres pour construire l’autonomie démocratique. Les municipalités sont ainsi devenues des laboratoires d’une autre manière de vivre et de gouverner — participative, écologique, égalitaire.Des assemblées fleurissent où les habitant·es prennent des décisions ensemble. La parité instaurée à la tête de chaque institution favorise l’émancipation des femmes et l’égalité. À Amed (Diyarbakır), à Mardin, à Van, des coopératives émergent comme alternative au système économique capitaliste. Les habitant·es organisent les luttes contre les grands barrages qui assèchent les terres et engloutissent les villages. Ils et elles défendent les jardins partagés menacés par la bétonisation. Les centres culturels redonnent voix à la langue kurde et aux mémoires effacées. La création de fermes pour transmettre les savoirs et de bibliothèques de semences paysannes dessinent les contours d’une écologie sociale. Les formations sur la jineoloji (« la science des femmes ») permettent de penser un vivre-ensemble hors du patriarcat. De ces initiatives foisonnantes, de ces pratiques d’organisation collective émerge un pouvoir populaire qui dépasse largement la participation aux élections.Ces expériences ont été et continuent d’être brutalement attaquées par l’État turc : vagues de destitutions des co-maires élu·es, peine d’emprisonnements, licenciements et fermetures arbitraires des structures associatives, des médias et des centres culturels. Malgré les couvre-feux et les bombardements au plus fort de la répression en 2016, les habitant·es continuent d’inventer au quotidien l’idée même d’un territoire démocratique. L’engagement au sein des associations, le temps investi dans des activités solidaires viennent compenser le manque de moyens et la destruction méticuleuse des institutions. Ces élans inspirent l’espoir. Par l’auto-organisation et la mise en œuvre de pratiques municipalistes, égalitaires et d’alternatives écologiques, ces habitant·es incarnent aujourd’hui une démocratie vivante résolument émancipatrice, profondément attachée à la dignité humaine et au vivre-ensemble.
Une délégation présente en France pour recevoir ce prix symbolique
Nous aurons l’honneur et le plaisir d’accueillir lors de ce prix des représentant·es de ce puissant mouvement social :
Les co-maires et ancien·nes élu·es de la municipalité de Diyarbakir pour leur engagement en faveur de la démocratie
Une membre du Mouvement des femmes libres – TJA(Tevgera Jinên Azad), engagé pour l’autonomie et l’émancipation des femmes ;
et un membre du Mouvement Mésopotamien pour l’eau, qui défend l’eau, les terres et la réappropriation des semences paysannes.
Pour venir les rencontrer et découvrir leurs témoignage nous vous attendons nombreux·ses lors d’une soirée de solidarité exceptionnelle !
TURQUIE / KURDISTAN – Aujourd’hui, 10 novembre, des millions de Turcs rendent hommage à Ataturk, un boucher qui a ordonné le massacre Arméniens, Grecs pontiques, Syriaques, Kurdes de Dersim, Zilan, Koçgiri… et qui a interdit les rituels alévis au profit de l’Islam sunnite, la religion d’État en Turquie…
Pendant que ces millions de Turcs pleurent leur Ataturk en ce 10 novembre, date à laquelle il est décédé [suite à une balle reçue sur le front de Dersim selon les dires des Dersimis] nous les Kurdes, nous pleurons nos millions de Kurdes massacrés, chassés de leurs terres, assimilés de force… depuis des décennies à Dersim, Zilan, Koçgiri, Halabja, Afrin, Serê Kanîyê, Sînê, Mahabad, Maras, Roboski… aux quatre coins du Kurdistan colonisé et nous nous recueillons devant la mémoire de Seyit Riza, Qazi Muhammad, Leyla Qasim, Sakine Cansiz, docteur Abdul Rahman Ghassemlou et tous les enfants, femmes, jeunes, vieillards kurdes massacrées par la barbarie colonialiste qui sévit d’Iran en Turquie, en passant par la Syrie et l’Irak, et ce, chaque fois que nos bourreaux rendront hommage à nos tyrans morts, qu’ils s’appellent Saddam Huseyin, Mustafa Kemal Ataturk, Rouhollah Moussavi Khomeini ou al-Assad père et fils…
IRAN / ROJHILAT – Dans l’article suivant, le militant des droits humains originaire d’Ourmiyeh, Gordyaen Benyamin Jermayi dénonce le nationalisme iranien et turc qui alimente le racisme anti-kurde à Ourmia.
Du Newroz aux matchs de football : comment le nationalisme iranien et turc alimente le racisme anti-kurde à UrmiaCes dernières semaines, plusieurs matchs de football à Urmia ont dégénéré en affrontements ethniques entre Kurdes et Turcs azerbaïdjanais. Les incidents qui ont suivi témoignent de la complexité des problématiques ethniques et religieuses de cette région.Urmia est une métropole historique et cosmopolite située dans la province d’Azerbaïdjan oriental (Kurdistan oriental ou nord-ouest de l’Iran). Abritant des Kurdes, des Turcs azerbaïdjanais, des Arméniens, des Assyriens et d’autres minorités ethniques et religieuses, elle a toujours été un lieu de tensions entre ces groupes.Les Kurdes et les Turcs azerbaïdjanais constituent la majorité de la population de la ville et de sa région. Cependant, la population turque détient un pouvoir et une influence politiques plus importants. Les Kurdes et les autres minorités sont systématiquement exclus et marginalisés par les politiques discriminatoires de l’État iranien. Ils sont également la cible d’un ultranationalisme turc croissant, soutenu et amplifié par l’Iran, la Turquie et l’Azerbaïdjan.Les récents matchs de football d’octobre 2025 dans le plus grand stade de la ville, qui ont suscité une attention et des réactions considérables sur les réseaux sociaux ainsi que dans l’espace politique, ont une fois de plus mis en lumière la manière dont les Kurdes et les autres minorités sont confrontés au racisme d’État, aux discours de haine et à la discrimination à Urmia.Le 10 octobre 2025, un match de football s’est déroulé au stade Bakeri d’Urmia entre l’équipe kurde Hoor Spor Urmia et Naft-e-Masjed Soleiman. Hoor Spor Urmia appartient à une chaîne de restaurants kurdes réputée, tandis que Naft-e-Masjed Soleiman est affiliée à la Compagnie nationale iranienne du pétrole.Le match s’est transformé en bien plus qu’une simple rencontre de football. Durant la rencontre, on a pu voir des supporters vêtus de tenues kurdes, chantant des chansons kurdes et scandant des slogans pacifiques tels que « Bijî Urmiye » (Vive Urmia).La présence de femmes dans le stade, vêtues de tenues kurdes et soutenant pleinement l’équipe, représentait également un développement nouveau dans un État qui interdisait auparavant aux femmes l’accès aux stades sportifs.Le match s’est terminé sur un score de 0-0, mais Hoor Spor Urmia a battu Naft Masjed Soleiman 8-7 aux tirs au but, ce qui a ensuite été célébré par les supporters à l’intérieur du stade et dans les rues.Ce n’était pas un match ordinaire ; c’était le premier du genre où des Kurdes se rassemblaient pour soutenir une équipe qui les représentait, leur identité niée et leur présence dans une ville comme Urmia – quelque chose de similaire aux matchs de football du Kurdistan du Nord et de Turquie, où les Kurdes soutiennent des équipes de football kurdes telles que Amed Spor ou Van Spor.Campagne de haine contre les KurdesLes nationalistes turcs azerbaïdjanais d’Urmia et d’ailleurs ont cependant réagi différemment. Sur les réseaux sociaux, certaines pages et plateformes médiatiques, comme Araz News, ainsi que des individus tels qu’Eliyar Makuyi, homme politique turc azerbaïdjanais connu résidant en Turquie et porte-parole de la GAMOH, organisation ultranationaliste turque affiliée à la fois au AK Parti et au Parti d’Action Nationaliste (MHP),ont lancé une campagne de diffamation et de haine contre les Kurdes en publiant des contenus racistes les accusant de terrorisme et de séparatisme, et les qualifiant de migrants et d’étrangers. Cette rhétorique, loin d’être un phénomène nouveau, reflète des décennies de propagande iranienne et turque visant à discréditer le peuple kurde en le présentant comme étranger et une menace pour son intégrité territoriale dans des régions comme Urmia.Trois jours plus tard, le 13 octobre, l’équipe turque azerbaïdjanaise 90 Urmiaaffrontait l’équipe iranienne Nasaji Mazandaran dans le même stade d’Urmia. Au lieu d’un match amical, la rencontre a dégénéré en manifestation anti-kurde. Les supporters ont appelé au massacre des Kurdes en scandant : « Hasani, où es-tu pour exécuter les Kurdes ? », en référence à Gholamreza Hasani, un religieux extrémiste et représentant du guide suprême iranien dans la province d’Azerbaïdjan occidental. Ce dernier avait joué un rôle notoire dans la promotion du racisme anti-kurde et dans la persécution et le massacre de Kurdes, notamment lors du massacre de Qarna en 1979.La foule turque azerbaïdjanaise a également brandi le symbole « Bozkurt » des Loups Gris dans le stade. Ce symbole représente l’ultranationalisme et le fascisme turcs, souvent utilisés par des groupes extrémistes turcs en Turquie, en Azerbaïdjan et en Europe. Il convient de noter que ces organisations, ces groupes et leurs symboles ont été interdits et qualifiés d’entités extrémistes par plusieurs États membres de l’UE.Dans le même temps, ils ont déployé le drapeau syrien dans le stade et ont fait l’éloge de l’État turc et de Recep Tayyip Erdogan pour avoir envahi Afrin, Gire Sipi et Sere Kaniye au Rojava (nord-ouest et nord-est de la Syrie) et ont scandé « Mort au PJAK, mort au PKK ».Des photos de l’exécution d’Ismail Agha Shikak ont également été affichées dans le stade et dans les rues, comme une menace pour les Kurdes : ils subiraient le même sort s’ils continuaient à manifester leur présence dans la ville.Certains comptes de médias sociaux appelaient également les Turcs à boycotter les entreprises kurdes et à s’abstenir de commercer avec les Kurdes de la ville.RéactionsLa réaction de l’État iranien face à de tels agissements a toujours été favorable aux nationalistes iraniens et turcs. Ironie du sort, les services de sécurité iraniens ont arrêté Shayan Hushyar,chercheur et militant turc azerbaïdjanais modéré, pour avoir condamné les discours de haine et le racisme antikurdes à Urmia lors des matchs de football, au lieu de poursuivre en justice les auteurs de ces propos racistes.Alors que la loi iranienne criminalise tout acte considéré comme « séparatiste », elle a systématiquement et intentionnellement fermé les yeux sur les slogans pro-turcs et pro-azerbaïdjanais ainsi que sur les symboles et groupes associés appelant à la violence contre les Kurdes ou à la séparation des régions azerbaïdjanaises de l’Iran.Comme l’ont montré ces événements, l’affichage des drapeaux turc et azerbaïdjanais est totalement ignoré, tandis que ceux qui appellent à la paix et à la coexistence et les citoyens kurdes ordinaires qui expriment leur identité sont confrontés à des poursuites et à des menaces.Le 17 octobre 2025, lors d’un autre match entre l’équipe kurde Ronahi Urmia et Qaraquyunlu Shahin Dezh au stade Takhti d’Urmia, les supporters kurdes ont condamné les slogans racistes scandés par 90 supporters d’Urmia les jours précédents.Après la victoire de Ronahi, la foule a envahi les rues du centre-ville, scandant des slogans condamnant le racisme et rendant hommage à Simko Shikak, en référence à Ismail Agha Shikak , un chef kurde qui s’est révolté contre les dynasties Qajar et Pahlavi dans les années 1920 et 1930 dans la région d’Urmia.Au cours de ces manifestations, certains Turcs ont été vus en train de filmer et de photographier la foule pour la signaler aux autorités iraniennes, et leurs agissements ont été dénoncés par la jeunesse kurde.Cet acte a été perçu comme une provocation par certains militants, médias et groupes politiques turcs. Ils ont repris la même rhétorique raciste qui perdure depuis des décennies, qualifiant les Kurdes de terroristes, de séparatistes et de migrants.En réaction officielle aux événements d’Urmia, le Parti de la vie libre du Kurdistan (PJAK) a mis en garde contre les agissements de « certains groupes » qui chercheraient, selon lui, à semer la division et l’hostilité entre Kurdes et Turcs. Le parti a affirmé que les slogans provocateurs scandés à Urmia et Tabriz s’inscrivent dans la stratégie de l’État iranien et que ces confrontations et divisions ethniques sont contraires à la philosophie du « Jin, Jiyan, Azadi » (Liberté, Liberté) et à l’histoire de la coexistence pacifique des peuples de la région. Des militants kurdes ont également réagi à cette déclaration sur les réseaux sociaux, reprochant au PJAK d’accuser les Kurdes de provoquer les Turcs et d’attiser les conflits ethniques dans la région, sans pour autant aborder le racisme turc, profondément enraciné et systémique, comme cause principale.Dans un autre communiqué , l’association culturelle Nojîn a réagi aux incidents en déclarant : « L’organisation Nojîn, tout en soulignant l’identité kurde d’Urmia, insiste simultanément sur la nécessité de protéger et de préserver les droits de tous les groupes ethniques, religieux, de genre et linguistiques du Kurdistan – y compris les Azéris – et appelle chacun, y compris les organisations, les mouvements, les individus et les sympathisants du Kurdistan, à se distancer de la honte historique et interne qui a été institutionnalisée dans l’esprit du peuple kurde tout au long de l’histoire, à adopter une position claire et explicite concernant la ville la plus stratégique du Kurdistan oriental et à empêcher que la crise identitaire et foncière qui y sévit ne se poursuive et ne s’aggrave. »Discrimination systématique et politique de l’« Azerbaïdjan occidental »Ces dynamiques ne constituent pas un phénomène nouveau à Urmia. Elles s’enracinent dans une discrimination et un racisme systémiques soutenus par l’État iranien, qui, depuis la création de la « province d’Azerbaïdjan occidental » en 1937 par la dynastie Pahlavi, affaiblit, opprime et nie l’existence des Kurdes dans la région d’Urmia. Ce changement de nom de la région d’Urmia s’inscrivait dans une politique plus vaste visant à assimiler et à fragmenter davantage le Kurdistan.Parallèlement, l’État iranien encourage et promeut depuis longtemps les changements démographiques dans les régions à majorité kurde d’Urmia, attisant la compétition et l’hostilité entre les deux populations dans le cadre d’une stratégie de « diviser pour mieux régner » constamment contestée par les Kurdes depuis un siècle. Du fait de ces politiques, Urmia, jadis bastion de la culture et de la politique kurdes, est devenue une ville où les Kurdes subissent systématiquement la répression de l’État iranien ainsi que le nationalisme et l’agression des Turcs azerbaïdjanais.Du Newroz au football : un schéma de répressionOn a également observé la même dynamique récemment, en mars 2025, lors des célébrations du Newroz [Nouvel-an kurde]. Les Kurdes d’Urmia ont organisé le plus grand festival de l’histoire de la ville, voire du Kurdistan oriental. On estime que 80 000 à 100 000 personnes se sont rassemblées à l’ouest de la ville pour célébrer le nouvel an en chantant des chansons kurdes, en dansant et en mettant à l’honneur leurs costumes traditionnels et leur identité.Bien qu’il s’agisse d’un événement culturel et pacifique, il a provoqué la colère des nationalistes turcs. Menés par des personnalités comme Nader Qazipour, commandant extrémiste des Gardiens de la révolution, homme politique et ancien député, ils ont réagi violemment en envahissant les rues, armés de bâtons et de battes, et en scandant « Heydar, Heydar », un chant invoquant le premier imam chiite, généralement utilisé par des groupes affiliés aux organisations religieuses et militaires de l’État iranien. Lors de ces manifestations, ils ont proféré des slogans hostiles aux Kurdes et appelé à leur massacre, en citant des personnalités comme le mollah Hasani et en faisant l’éloge du président turc Erdogan.Au lieu de poursuivre les incitateurs à la haine et à la violence, les autorités iraniennes ont une fois de plus réagi en s’en prenant aux personnes visées par ces incitations. Elles ont arrêté et interrogé plusieurs citoyens kurdes, dont des femmes et des mineurs, pour avoir porté des vêtements traditionnels kurdes et publié des contenus sur les réseaux sociaux.Aujourd’hui, Urmia est un microcosme des tensions ethniques qui traversent l’Iran. Dans cette région, l’identité et l’existence kurdes sont systématiquement opprimées et niées, tandis que le nationalisme et le racisme turcs et iraniens prospèrent grâce à la tolérance sélective de l’État à leur égard. Du fait des politiques anti-kurdes menées depuis des décennies, toute expression visible de l’identité et de la solidarité kurdes, que ce soit à travers la culture, le sport ou la langue, est qualifiée de crime politique, contrairement à l’identité et à l’existence des Turcs azerbaïdjanais. L’État iranien a toujours utilisé cette stratégie du « diviser pour mieux régner » afin de contrôler certaines communautés dans des régions stratégiques et diverses comme Urmia.Les manifestations et protestations qui accompagnent des événements tels que les célébrations de Newroz, les matchs de football ou d’autres manifestations culturelles dans cette ville ne sont pas des incidents isolés. Elles témoignent d’une discrimination ethnique organisée et systématique, alimentée par les nationalismes iranien et turc, qui cible la population kurde d’Urmia dans sa vie quotidienne.
Gordyaen Benyamin Jermayi est un militant kurde des droits humains né à Ourmia, au Kurdistan oriental. Diplômé en génie civil, il est membre d’une organisation humanitaire qui documente les exactions de l’État iranien au Kurdistan oriental. Depuis 2020, il présente et soumet des documents à des organismes internationaux, notamment au CDH et aux Forums des minorités Moyen-Orient-Afrique des Nations Unies. Il est également le fondateur de la plateforme Kurdistani People sur Instagram, qui œuvre à sensibiliser le public aux questions kurdes et à connecter les Kurdes de la diaspora.
Article original à lire sur le site The Kurdish Center for Studies « From Newroz to Football Matches: How Iranian and Turkish Nationalism Fuel Anti-Kurdish Racism in Urmia«
Cinquante ans après la mort de Franco, l’Espagne est aux prises avec son héritage tandis que les familles se précipitent pour exhumer les charniers, une quête douloureuse que les Kurdes comprennent profondément.
Une douleur partagée à travers les continents : le lien kurdeLa quête déchirante des familles espagnoles pour exhumer les victimes d’un régime fasciste trouve un écho profond et douloureux chez le peuple du Kurdistan, une nation qui a enduré un siècle de persécution systématique, d’extermination de masse et l’horreur d’innombrables charniers non découverts.Pour les Kurdes, les images de restes squelettiques soigneusement nettoyés du sol aragonais ne sont pas un lointain écho historique, mais une réalité viscérale et contemporaine, une expérience partagée de confrontation avec les preuves matérielles d’une mentalité génocidaire qui cherche à effacer un peuple de la surface de la terre.La lutte menée en Espagne pour obtenir justice historique, offrir des sépultures dignes et garantir que de telles atrocités ne se reproduisent jamais est une lutte que le peuple kurde connaît trop bien, pour avoir subi la même brutalité calculée de la part de l’ancien régime baasiste en Irak.La semaine dernière encore, comme l’a rapporté Kurdistan24, le président Massoud Barzani s’est adressé à la cinquième Conférence internationale sur la reconnaissance du génocide kurde, où il a méticuleusement relaté les campagnes d’extermination systématiques menées contre son peuple.Il a évoqué la campagne d’Anfal, au cours de laquelle plus de 182 000 Kurdes ont été assassinés, dont beaucoup enterrés vivants dans les déserts du sud de l’Irak. Il a parlé du bombardement chimique d’Halabja, où des nourrissons et des femmes enceintes ont été gazés dans les rues, et du génocide perpétré contre les Yézidis en 2014.« Le destin du peuple kurde, à travers l’histoire, n’a été que douleur, souffrance et oppression », a déclaré le président Barzani, un sentiment qui trouverait un triste écho dans les foyers de Pinsoro.Les parallèles sont troublants. Alors que l’Espagne doit faire face à quelque 140 000 disparus suite à sa guerre civile, les Kurdes recherchent toujours les dépouilles de dizaines de milliers de victimes.Pas plus tard que le mois dernier, Dhiaa Karim, directeur général du département irakien des affaires et de la protection des charniers, a déclaré à Kurdistan24 que si 81 des 98 charniers confirmés de l’époque Baas avaient été fouillés, les recherches se poursuivaient, car le nombre de tombes connues était encore bien inférieur au nombre de victimes recensées.Le serment solennel du président Barzani lors de la conférence – « jusqu’à notre dernier souffle, nous nous efforcerons de faire en sorte qu’aucun os de nos martyrs ne reste non rendu » – est la même promesse qui anime les enfants vieillissants des victimes de Franco en Espagne.Les défis scientifiques et émotionnels présentent également des similitudes frappantes.Le reportage de l’AFP en provenance d’Espagne souligne la difficulté de l’identification par l’ADN, l’absence de base de données génétiques nationale et le décès de la plupart des parents directs rendant presque impossible l’identification de la grande majorité des restes exhumés.Au Kurdistan, ce défi est relevé grâce à un effort scientifique concerté et financé par l’État. Lors de la conférence de Duhok, le professeur Yassin Karim a révélé le pouvoir glaçant de la médecine légale moderne, annonçant que des preuves scientifiques avaient démontré qu’au moins 45 enfants avaient été tués dans le ventre de leur mère pendant la campagne d’Anfal.Cette nouvelle approche, fondée sur des données scientifiques et rapportée par Kurdistan24, s’inscrit dans un tournant stratégique visant à construire un dossier irréfutable en faveur d’une reconnaissance et d’une justice internationales, une voie que suivent également les militants espagnols.Un paysage marqué par des tombes anonymesAlors que l’Espagne s’apprête à commémorer le 50e anniversaire de la mort de Franco, le 20 novembre 1975, le pays est contraint de prendre conscience de l’ampleur des injustices historiques perpétrées par son régime. Le gouvernement socialiste du Premier ministre Pedro Sánchez estime à plus de 3 300 le nombre de charniers datant de la guerre civile.La plus grande de ces tombes se trouve dans un imposant monument près de Madrid, autrefois connu sous le nom de Vallée des Morts, où quelque 33 000 corps des deux camps du conflit ont été enterrés, dont beaucoup de républicains déplacés là sans le consentement de leurs familles.Franco lui-même fut enterré sur le site jusqu’en 2019, date à laquelle le gouvernement exhuma sa dépouille et la transféra dans un caveau familial plus discret, un acte hautement symbolique dans la bataille qui se poursuit autour de la mémoire historique de la nation. (Kurdistan24)
ETATS-UNIS – Un groupe de personnalité religieuses américaines invite Donald Trump à faire pression sur al-Sharaa pour la protection des minorités en Syrie, citant la violence persistante, la famine et les déplacements de population qui touchent les chrétiens, les Kurdes, les Druzes et les Alaouites à travers le pays.Une coalition de chefs religieux américains a exhorté le président américain Donald Trump à exprimer ses préoccupations concernant la situation des minorités religieuses en Syrie et à faire pression sur le président Ahmed al-Sharaa pour qu’il lève les restrictions sur l’aide humanitaire dans les régions du sud, en particulier à Soueïda.Dans une lettre commune obtenue vendredi par The Daily Wire, les signataires ont appelé Trump à intervenir en faveur des communautés persécutées, citant la violence persistante, la famine et les déplacements de population qui touchent les chrétiens, les Kurdes, les Druzes et les Alaouites à travers la Syrie.« Nous vous exhortons à aborder directement le massacre des chrétiens, des Kurdes, des Druzes et des Alaouites en Syrie, notamment dans la région de Soueïda », indique la lettre. « Ces minorités religieuses sont confrontées à des violences constantes, à la mort, aux déplacements forcés, à la famine et à la privation d’eau et de soins médicaux, tandis que des femmes et des enfants innocents sont pris en otage par les terroristes de l’EI. »Parmi les signataires de la lettre de vendredi figurent le Ben Carson ; Tony Perkins, président du Family Research Council ; Matthew Faraci, conseiller principal pour la liberté religieuse à la National Association of Christian Lawmakers ; l’ancien ambassadeur itinérant des États-Unis pour la liberté religieuse internationale, Sam Brownback ; et d’autres personnalités religieuses importantes.Ils ont salué le « leadership de Trump dans la lutte contre la persécution des chrétiens au Nigéria » et la désignation du pays comme « pays particulièrement préoccupant ». La lettre stipule : « Vous êtes le seul dirigeant mondial d’envergure à défendre la liberté religieuse, et nous avons de nouveau besoin de vous pour parler au nom de ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes. »Les chefs religieux ont exhorté Trump à « obtenir l’engagement du président al-Sharaa à ouvrir un corridor humanitaire sécurisé entre Hader et Soueïda, dans le sud de la Syrie », insistant sur l’urgence de la situation à l’approche de l’hiver. Ils ont salué l’initiative de Trump d’« acheminer en urgence l’aide humanitaire vers le sud de la Syrie », soulignant qu’un tel corridor permettrait « d’assurer la sécurité de l’acheminement de l’aide et l’évacuation des civils, témoignant ainsi de l’engagement du nouveau gouvernement en faveur des droits des minorités et de la stabilité ».« Votre engagement en faveur des persécutés nous inspire », ont conclu les signataires. « Nous sommes prêts à soutenir vos efforts et prions pour que les discussions soient fructueuses. Comme l’ambassadeur Mike Huckabee vous l’a écrit un jour : “Vous avez été appelé pour un temps comme celui-ci.” »Cet appel intervient dans un contexte d’instabilité croissante à Soueïda, où les pénuries de nourriture, de médicaments et de carburant ont aggravé la situation humanitaire. Les habitants continuent de réclamer des comptes et une protection suite aux récentes violences dans la région.La rencontre prochaine entre Trump et le président al-Sharaa devrait attirer l’attention internationale, car l’accès humanitaire et la liberté religieuse restent des enjeux clés dans les efforts de redressement et de stabilisation de la Syrie. (North Press Agency)
SYRIE / ROJAVA – Hier, une attaque armée attribuée au groupe terroriste DAECH a fait un mort parmi les combattants des forces arabo-kurdes dans la région de Deir ez-Zor.
Un combattant des Forces démocratiques syriennes (FDS) a été tué dimanche et deux autres ont été blessés lors d’une attaque armée dans la campagne orientale de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie.Une source militaire des FDS à Deir ez-Zor a déclaré à North Press Agency que des hommes armés non identifiés, probablement affiliés à l’État islamique (EI), ont ouvert le feu avec des mitrailleuses sur une patrouille militaire des FDS près de l’un de leurs postes sur les rives de l’Euphrate dans la ville de Susah, à l’est de Deir ez-Zor.La source a ajouté que l’attaque a tué le combattant des FDS Ahmad al-Khalaf et en a blessé deux autres, tandis que les assaillants ont réussi à prendre la fuite.Suite à l’attaque, les patrouilles des FDS ont établi un cordon de sécurité autour de la ville et lancé une opération de ratissage pour retrouver les auteurs.La source a noté que Susah a récemment connu une recrudescence des attaques, notamment la détonation d’un engin explosif visant une patrouille des FDS deux jours auparavant.
SYRIE / ROJAVA – Dans un entretien avec le réalisateur kurde Numan Yiğit, on comprend mieux comment le Rojava produit des films en temps de guerre : collectivement, politiquement et contre l’oubli. « Heval Birako » est inspiré de l’histoire vraie de Nazım Daştan, journaliste kurde assassiné par un drone turc le 19 décembre 2024.
Avec le film Heval Birako (Camarade Birako), bientôt à l’affiche, le collectif cinématographique du Rojava offre un aperçu saisissant de la force collective du cinéma dans des conditions difficiles. Le film raconte non seulement une histoire de résistance et de libération, mais reflète aussi la réalité d’une région où l’art est indissociable de l’engagement politique et de la survie communautaire.Le cinéaste Önder ÇakarLe scénario est inspiré d’une histoire du journaliste kurde Nazım Daştan, assassiné en 2024 lors d’une frappe de drone ciblée menée par l’État turc près de Kobanê. Heval Birako illustre la manière dont la Commune du film du Rojava (Komîna Film a Rojava) développe, produit et diffuse collectivement des récits issus du peuple, dans le cadre d’une résistance culturelle. Le film ouvrira le Festival international du film du Rojava le 13 novembre. Il a été réalisé par Numan Yiğit, également coprésident de la Commune du film du Rojava. Pour lui, Heval Birako est bien plus qu’un film : c’est un projet de mémoire collective qui donne une expression cinématographique à l’histoire et à la lutte d’un peuple.Le tournage a eu lieu à Sebahiya, un village situé entre Raqqa, Qamishli et Amudê. Le scénario est signé par le célèbre auteur Önder Çakar. L’histoire, inspirée de faits réels, est centrée sur deux frères et sœurs yézidis qui s’échappent des griffes du groupe terroriste « État islamique » (EI / DAECH / ISIS). Dans un entretien avec Numan Yiğit, ils évoquent la création du film, le rôle du collectif de cinéastes, l’importance du travail collectif et la manière dont une tradition cinématographique alternative et engagée se développe au Rojava malgré la guerre et la rareté des ressources.Comment est née l’histoire de « Heval Birako » ? Et comment l’avez-vous reliée à l’histoire de Nazım Daştan ?Il y a environ trois ans, nous avons reçu trois scénarios, tous écrits par Önder Çakar, chacun destiné à être réalisé par un metteur en scène différent. J’ai accepté de réaliser « Heval Birako ». Ce n’est que plus tard que nous avons appris que l’histoire originale venait de Nazım. Dès le départ, le film était une œuvre collective, fruit d’un travail d’équipe. L’histoire que Nazım avait recherchée, ressentie et partagée avec d’autres a été transformée en scénario grâce à un processus collectif. Notre immersion dans l’histoire des Yézidis et leurs expériences nous a permis d’approfondir la dimension émotionnelle et historique du récit. C’est précisément ce qui rend ce film si particulier : c’est une histoire profondément ressentie par Nazım et qui a repris vie grâce au cinéma.Nous n’avons jamais rencontré Nazım personnellement, mais nous nous sommes beaucoup reconnus dans ses écrits et son histoire. Il n’était pas seulement journaliste ; il avait aussi une formation de cinéaste et une sensibilité esthétique très développée. Prisonnier politique, il avait lui-même connu l’emprisonnement et était en même temps un chroniqueur dévoué de la société kurde. Son travail à Sinjar, en particulier, a contribué à donner une voix à la population yézidie. J’ai moi aussi vécu des expériences similaires – en tant que cinéaste, mais aussi à travers l’emprisonnement et l’activisme politique. C’est pourquoi je ressens un lien personnel profond avec son histoire. Ce lien m’a insufflé un grand sens des responsabilités – envers le film et envers le récit de Nazım. Tragiquement, il a été tué peu avant la fin du tournage. Nous avons terminé le film avec le sentiment de poursuivre son œuvre inachevée.Dans quelle mesure Nazım Daştan vous a-t-il accompagné durant le processus de création ?Le scénario est inspiré d’une histoire vraie. Nazım en fut à la fois le témoin et le narrateur. Nous n’avons jamais eu l’intention d’en faire un personnage à part entière ; pour moi, il était la caméra elle-même. Dans Heval Birako, Nazım est présent comme un regard observateur, comme quelqu’un qui comprend et accompagne les émotions des personnages. La séparation des deux frères et sœurs yézidis, leur quête, leur désir ardent et leur espoir de se retrouver : tout cela est saisi et porté par le regard de Nazım.Parallèlement, il est témoin de la résistance à Raqqa, observant les combattants et documentant leur parcours. Dans l’histoire des deux frères et sœurs, il est tantôt journaliste d’investigation, tantôt caméraman en première ligne. Dans ce film, Nazım est la caméra elle-même, et par conséquent une voix consciente, sensible et narrative.Le tournage s’est déroulé le long de la route Raqqa–Qamişlo–Amûdê. Comment était-ce de tourner un film dans ces conditions ?Je vis au Rojava depuis environ quatre ans et, durant cette période, j’ai accumulé une multitude d’expériences. Chaque film, chaque lieu, chaque situation m’apporte de nouveaux enseignements. À Raqqa, par exemple, les cicatrices de la guerre étaient encore très visibles. En parcourant les ruines, on ressent l’immense destruction, mais en même temps, on perçoit aussi la vie qui renaît. Tantôt la caméra s’attarde sur un amas de décombres, tantôt juste à côté, sur un bâtiment fraîchement construit. Ces contrastes créent des impressions émotionnelles et politiques fortes. C’est précisément ce que reflète la réalité du Rojava : d’un côté, les plaies ouvertes de la guerre, et de l’autre, la vie qui renaît grâce à la résistance.Bien sûr, la sécurité était une préoccupation constante. Nous avons dû prendre des risques pendant le tournage. Mais grâce à la vigilance collective de l’équipe, à la confiance mutuelle et au soutien de la communauté locale, nous avons pu surmonter ces difficultés.Comment la situation sécuritaire et les ressources techniques limitées au Rojava affectent-elles votre travail de cinéaste ?Créer de l’art au Rojava est en soi un acte de résistance. Même l’utilisation d’un drone pour une scène peut s’avérer risquée. Lors d’un tournage, nous avons dû récupérer notre drone suite à un avertissement de la partie adverse ; une autre fois, il s’est écrasé contre un mur. Ce qui semble être un problème purement technique révèle en réalité une réalité politique et géographique. Malgré ces circonstances, nous n’avons jamais renoncé à nos ambitions esthétiques. Même avec des ressources limitées, nous nous sommes efforcés de préserver la puissance visuelle du cinéma et de maintenir la dimension émotionnelle du récit.Quelles ont été les relations avec la population locale pendant le tournage ?Ce fut pour nous l’aspect le plus instructif de tout le processus. Dans les régions où nous avons tourné, les gens nous ont témoigné un grand intérêt et une empathie palpable. À Amûdê, ils ont ouvert leurs maisons, leurs villages et leurs hameaux pour le tournage. Même chose à Raqqa : certains ont mis leurs appartements à disposition, d’autres ont cuisiné pour l’équipe, et d’autres encore ont intégré le décor. Cette forme de solidarité a véritablement fait du film un projet collectif. Au Rojava, le cinéma n’est pas seulement un art ; c’est l’expression du peuple. Nombreux sont ceux qui ont dit : « Ce film, c’est aussi mon histoire. » Et c’est là que réside la force de cette œuvre.N’est-il pas particulièrement difficile de créer de l’art en temps de guerre ?Bien sûr, c’est difficile, mais c’est précisément dans de telles conditions que l’art acquiert profondeur et sens. Nous concevons l’art comme une forme d’expression personnelle, mais aussi comme un moyen de rendre visible l’expérience vécue sous une forme esthétique. Un environnement libre et prospère facilite peut-être la production artistique, mais l’art créé en temps de guerre devient une forme de résistance plus profonde, plus humaine.Aujourd’hui, réaliser des films au Rojava n’est plus un obstacle insurmontable. L’expérience, les méthodes et une mémoire collective se sont développées. Chacun est conscient que le cinéma fait partie intégrante de cette révolution. Cette position partagée est non seulement une source de soutien pour les artistes, mais aussi l’expression de la résistance de toute la société.Quel rôle la population locale a-t-elle joué dans l’occupation et la production ? Et comment fonctionnait concrètement le modèle de production collective ?Nos acteurs sont pour la plupart des amateurs. Certains avaient une expérience théâtrale ou avaient participé à des projets de moindre envergure. Mais environ 70 à 80 % n’avaient aucune expérience préalable du cinéma ou du jeu d’acteur. Pourtant, ils se sont investis avec un grand dévouement et, grâce à une préparation et une formation ciblées, ont atteint un niveau de performance remarquable. Parmi eux, des mères, des ouvriers et des enseignants – des personnes qui n’avaient jamais joué dans un film auparavant. Il est particulièrement important de souligner la participation de membres d’organisations militaires au projet. Leur contribution a été essentielle, tant devant que derrière la caméra. Ensemble, nous avons élaboré une vision commune de ce que le film devait exprimer, sur les plans émotionnel et conceptuel. Ce processus a favorisé une vision partagée qui dépassait le simple cadre cinématographique. Leur engagement a été crucial pour la réalisation de ce projet dans toute sa profondeur.La bande-annonce dévoile des scènes d’action impressionnantes, dignes des plus grandes productions. Comment avez-vous atteint un tel niveau de qualité technique ?Le collectif cinématographique Rojava bénéficie désormais d’une dizaine d’années d’expérience. Nous avons réalisé des projets tels que le film Kobanê, Ji bo Azadiyê , et deux séries. Dans toutes ces œuvres, une question centrale se posait : comment réaliser des productions d’envergure avec des ressources très limitées ?Nous avons beaucoup appris de nos collègues expérimentés, notamment dans le domaine des effets spéciaux. Le soutien des forces armées a également été crucial. Nous avons pu bénéficier de leur expertise pour les explosions et les scènes de combat, en veillant à ce qu’aucun blessé ne soit à déplorer tout en conservant un rendu réaliste.Cette expertise a influencé non seulement la réalisation, mais aussi le jeu des acteurs et la mise en scène. De ce fait, des séquences visuellement saisissantes et techniquement irréprochables ont été créées malgré un budget restreint. Le collectif de cinéastes a accumulé un savoir-faire considérable dans ce domaine et le partage régulièrement.Est-ce finalement l’esprit collectif qui a permis de surmonter tous ces défis ?Absolument. Réaliser des productions d’envergure avec des budgets restreints n’est plus un obstacle pour nous. Notre expérience nous permet désormais de planifier jusqu’à trois longs métrages par an. Notre priorité n’est pas la mise en scène de productions fastueuses, mais plutôt de raconter chaque histoire – quelle que soit son ampleur – de la meilleure façon possible avec les ressources disponibles.L’esprit collectif est au cœur de tout ce que nous faisons. Et cet esprit englobe bien plus que les seuls cinéastes. Mères, militants, enseignants, enfants – tous ceux qui se sentent concernés par une histoire contribuent à un objectif commun, une préoccupation partagée. Lorsque l’histoire devient la leur, le budget cesse soudainement d’être la priorité. Nous ressentons très concrètement cet esprit collectif lors des tournages. Et c’est un élément essentiel de notre réussite.Le collectif cinématographique du Rojava conçoit le cinéma comme « un outil permettant au peuple de raconter sa propre histoire ». Quelle place occupe « Heval Birako » dans cette conception ?Au Kurdistan, comme dans de nombreuses autres régions du monde, il existe des valeurs, des souffrances et une histoire partagées. Heval Birako raconte l’histoire du peuple yézidi [êzdî], partie intégrante du peuple kurde. Le yézidisme est l’une des expressions les plus authentiques et les plus pures de la culture kurde. Leurs souffrances, leurs traumatismes et les tentatives d’extermination dont ils ont été victimes sont profondément ancrés dans la mémoire collective de notre société.Parallèlement, le film raconte aussi l’histoire de familles brisées, de déracinement, de séparation et de retrouvailles – des expériences que beaucoup vivent en temps de guerre. Nous connaissons les conséquences du colonialisme, qui a perpétré un génocide culturel contre les Kurdes et les Yézidis. Cette histoire nous appartient à tous. Mais il en va de même pour la lutte pour préserver notre culture – et avec elle, notre dignité.Heval Birako s’adresse ainsi non seulement au public kurde, mais à tous ceux qui possèdent une conscience morale et humaine. Le film montre également que la guerre n’est pas l’exception pour les Kurdes et pour toute la région, mais une réalité. La bataille de Raqqa en 2017 a été un moment décisif, non seulement pour le Kurdistan, mais pour le monde entier. Les YPG, les YPJ et maintenant les FDS ont mis fin à la terreur de Daech dans cette ville.À l’époque, le monde entier craignait que Daech n’étende encore davantage son règne de terreur. Mais ce sont les enfants de ce peuple qui ont mis fin à ce cauchemar. Heval Birako raconte précisément cette histoire et le souligne : cette histoire n’appartient pas seulement au Kurdistan. Elle fait partie de l’histoire de l’humanité.Vos films mettent souvent en scène des habitants de la région plutôt que des acteurs professionnels. Est-ce un choix délibéré ou plutôt dû aux circonstances ?Bien sûr, tout cinéaste rêve de travailler avec des acteurs expérimentés. Mais la réalité au Rojava est différente. Ici, le cinéma est étroitement lié à la révolution ; c’est un domaine relativement nouveau. Rares sont ceux qui exercent ce métier de façon régulière et systématique. Très peu parviennent à vivre de leur art.En tant que Commune du cinéma du Rojava, nous nous efforçons de faire progresser ce processus. Cependant, la guerre, l’insécurité et l’absence de structures stables ont jusqu’à présent empêché la production cinématographique de s’organiser pleinement. Nous ne pouvons recruter un grand nombre de nos acteurs que pour un seul film ; ensuite, le processus recommence avec de nouveaux visages.Bien que nous collaborions désormais régulièrement avec quelques acteurs, la majorité reste composée de personnes sans expérience cinématographique préalable. Ce travail avec la population locale relève d’une démarche artistique délibérée : il apporte une authenticité et un naturel qu’on n’obtient pas toujours avec des professionnels.Avec la multiplication des productions, des festivals de cinéma, des ateliers et des programmes de formation, le nombre d’artistes expérimentés augmentera également. Mais pour nous, travailler avec le public est et demeure une nécessité et un choix délibéré pour un cinéma authentique et accessible.Comment évaluez-vous l’état actuel de la communauté cinématographique du Rojava, notamment en ce qui concerne les nouveaux projets, le travail éducatif et les jeunes cinéastes ?Le collectif de cinéma a été fondé le 14 juillet 2015, dans un esprit de création collective et de solidarité, en phase avec la révolution. Des soutiens internationaux et des cinéastes expérimentés ont joué un rôle crucial dans sa création et ses premiers projets. Depuis, nous avons créé nos propres écoles de cinéma et formé de nouvelles générations. Au départ, nous nous concentrions principalement sur les courts métrages et les documentaires ; les longs métrages étaient rares. À l’époque, nous nous interrogions : serions-nous capables de gérer des productions d’envergure ? Devrions-nous dépendre indéfiniment de financements extérieurs ? Aujourd’hui, ces doutes sont levés. Nous pouvons désormais développer et réaliser plusieurs projets de films simultanément, et non plus seulement tous les deux ou trois ans.Bien sûr, des défis persistent : la guerre, l’insécurité économique et les réalités du quotidien rendent difficile l’institutionnalisation pérenne du cinéma. Mais une chose est claire : ce qui a été construit doit désormais être systématiquement développé et consolidé. En tant que collectif de cinéma, nous sommes actifs dans presque toutes les régions du Rojava : projections, ateliers et projets de courts métrages, avec pour seul objectif d’inspirer les jeunes, notamment, et de leur transmettre la passion du cinéma. À Dêrik et Hassakê, nous avons même mis en place, pour la première fois, des cursus d’études cinématographiques sur trois ans. C’est une étape importante pour former la prochaine génération de cinéastes et pour le développement durable d’un cinéma libre et collectif au Rojava.Comment le modèle du cinéma communautaire est-il perçu à l’international ? Existe-t-il des collaborations avec des cinéastes étrangers ?Notre approche du cinéma communautaire et collectif est perçue à l’international avant tout comme une expression de solidarité et de création collaborative. Avec la révolution du Rojava, l’attention portée à notre travail cinématographique s’est également accrue. De nombreuses personnes à travers le monde s’intéressent aux histoires que nous racontons et à la manière dont nous les racontons. Grâce aux festivals, aux contacts directs et aux projets communs, de nombreux liens se sont tissés. Des cinéastes internationaux ont rejoint nos productions ; certains ont même séjourné longuement au Rojava pour y travailler. Nous avons également invité des intervenants de divers pays à notre prochain festival. Cela favorise un échange réciproque d’expériences, de connaissances et de perspectives. En conclusion, on peut affirmer que le cinéma collectif au Rojava – en tant que partie intégrante d’un mouvement culturel révolutionnaire – suscite un intérêt et un soutien croissants à l’échelle mondiale.Quel est votre avis sur l’avenir du cinéma au Rojava ?Différentes traditions cinématographiques se sont développées dans les quatre régions du Kurdistan. Cependant, une certaine fragmentation persiste. Réunir ces traditions sous l’égide d’un « cinéma kurde » indépendant, doté de sa propre langue et de son identité propre, constitue une étape cruciale.La révolution au Rojava a insufflé une nouvelle vie au cinéma. Conçue et organisée collectivement, elle a inspiré une participation active de nombreuses personnes. Notre objectif est d’intégrer pleinement le cinéma au quotidien. Nous sommes convaincus d’y parvenir grâce à une production continue, des projections régulières et la formation des jeunes. Les longs métrages et les séries que nous avons produits ces dernières années témoignent du développement rapide du potentiel créatif et des compétences techniques dans la région. Avec la création récente de départements cinéma dans les académies de Dêrik et Hesekê, ce processus va s’intensifier. Nous sommes persuadés que, dans un avenir proche, le cinéma au Rojava gagnera en influence et en visibilité.Notre message à tous les cinéastes kurdes est donc le suivant : mettez votre expérience et votre énergie au service du cinéma révolutionnaire du Rojava. Le Rojava se reconstruit de ses cendres, et le cinéma est le langage le plus puissant de ce nouveau départ. Un cinéma qui naît du travail collaboratif, de la responsabilité collective et d’une résistance déterminée, et qui poursuit ainsi son chemin.Que représente le cinéma pour vous personnellement ? Comment le décririez-vous ?Pour moi, le cinéma est à la fois art et responsabilité politique – les deux sont indissociables. Je crois qu’il est impossible de séparer l’art de la politique, car la politique, c’est la vie elle-même. Mon rapport au cinéma a commencé avec les films de Yılmaz Güney et Halil Dağ. Je me suis demandé : comment exprimer au mieux mon histoire, ma vie ? Et j’ai compris que l’art peut précisément le faire : dire la vérité de manière esthétique.Pour moi, il est impossible, en tant qu’artiste, de se détacher de la politique. Surtout pour un Kurde, le politique est présent dans tous les aspects de la vie, y compris dans l’art. C’est pourquoi je conçois le cinéma non seulement comme une responsabilité politique, mais aussi comme une nécessité. C’est un moyen de rendre visible la réalité sociale avec sensibilité et esthétique. Si l’art se détache de la réalité, que lui reste-t-il à exprimer ?C’est pourquoi le cinéma est pour moi une forme d’expression indispensable. Et je crois que tous les artistes devraient travailler en ayant conscience de cela. Se couper de la politique, c’est en fin de compte se couper de la vie elle-même.Ceux qui ont connu Nazım Daştan le décrivent comme réservé mais profond. Que représente-t-il pour vous personnellement ?Je ne vois pas Nazım uniquement comme un journaliste ou un cinéaste. Quand je considère sa vie, je vois un homme animé d’un profond besoin de raconter l’histoire de son peuple avec vérité et dignité.Sa quête, sa force intérieure, sont pour moi comme un héritage. Il est de notre devoir de perpétuer cet héritage, avec la même sensibilité, le même sens des responsabilités. En tant que cinéastes, nous portons cette responsabilité, surtout lorsqu’il s’agit de récits visuels comme Heval Birako .Le titre du film et l’histoire des deux frères et sœurs ont une résonance particulière pour moi. J’y reconnais des échos de ma propre vie, de mes propres expériences. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles ce récit m’a tant touchée. Sans trop entrer dans les détails – la recherche d’un frère, le sentiment de séparation, le désir ardent de retrouvailles, les souvenirs partagés : j’ai moi aussi vécu tout cela.Nazim Dastan, journaliste krude tué par la TurquieHeval Birako n’est pas qu’un récit cinématographique. C’est un espace où nos souvenirs et expériences partagés se ravivent – un espace que Nazım a ouvert avec son histoire. Et nous avons investi cet espace de conscience et de responsabilité.À propos de Numan YiğitNuman Yiğit est né en 1989 à Adana, ville du sud de la Turquie, dans une famille kurde originaire d’Amed (Diyarbakır en turc). Il a étudié la radio, la télévision et le cinéma à l’Université égéenne d’Izmir. En raison de son militantisme politique, il a été condamné à plusieurs années de prison dès son plus jeune âge et a passé environ cinq ans dans les prisons turques – une expérience formatrice qui a profondément marqué non seulement ses convictions politiques, mais aussi sa conception esthétique du cinéma.Après son emprisonnement, Yiğit a continué à œuvrer dans le domaine culturel et artistique à Amed avant de se consacrer entièrement à la construction d’une scène cinématographique alternative et collective dans la région autonome du Rojava, durant la révolution. Il est aujourd’hui coprésident de la Commune du cinéma du Rojava.Pour Yiğit, le cinéma est bien plus qu’un simple moyen d’expression artistique : c’est un outil de transformation sociale, un lieu de mémoire et un vecteur de résistance. Cette approche imprègne l’ensemble de son œuvre cinématographique. Parmi ses projets précédents figurent des documentaires, des séries et des longs métrages tels que Evîna Kurd , Payizok , Pêlava Sor et Tava Sor . Dans toutes ces œuvres, il explore des thèmes comme la mémoire collective, l’oppression politique et l’aspiration persistante à la liberté. (ANF)
TURQUIE / KURDISTAN – Le conseil municipal de la localité kurde de Nusaybin a redonné son nom d’origine au village syriaque d’Arbo qui avait été changé en « Taşköy » par l’État turc il y a plusieurs décennies.
Le village chrétien araméen d’Arbo, situé à Nisêbîn (en turc : Nusaybin), a retrouvé son nom historique. Il y a plusieurs décennies, ce village au pied des monts Bagok avait été rebaptisé « Taşköy » dans le cadre des politiques de turquification. Désormais, son nom d’origine, Arbo, est officiellement rétabli.Le changement de nom a été initié à la demande des villageois d’Arbo auprès du conseil municipal de Nisêbîn, dirigé par le DEM Parti. Le conseil a approuvé la demande en octobre, et la décision a ensuite été confirmée par le conseil de district. Le nouveau panneau d’entrée du village a été dévoilé dimanche lors d’une cérémonie officielle.« Un jour important pour notre village »Parmi les personnes présentes à l’événement figuraient les co-maires de Nisêbîn, Gülbin Şahin Dağhan et Selahattin Ay, ainsi que l’ancien maire de Mêrdîn (Mardin), Devrim Demir. Les députés George Aslan et Saliha Aydeniz, des représentants de la communauté syriaque et de nombreux habitants étaient également présents.Dans un discours, George Aslan, un homme politique DEM de la région, a déclaré : « Aujourd’hui est un jour historique pour notre village. Le nom qui nous avait été volé nous est rendu. Nous espérons que cet exemple fera jurisprudence et que d’autres localités de la région retrouveront également leur nom d’origine. »Le prêtre du village, Begendi : Un signe de respectSon collègue du parti, Saliha Aydeniz, a souligné la portée culturelle de cette décision : « Le retour du nom Arbo est un signe fort. Nous espérons que les habitants de cette région pourront à nouveau vivre pleinement leur identité, leur langue et leur culture. »Le prêtre syriaque orthodoxe de l’église du village, Şemun Begendi, a également exprimé sa satisfaction : dans un discours en araméen, il a déclaré qu’ils étaient heureux du rétablissement du nom d’origine du village. C’était un signe de respect pour la langue et la culture du peuple Suryoye.Après la coupure du ruban, les invités se sont réunis dans la salle des fêtes du village pour discuter de la signification du nom et d’éventuels autres changements de nom dans la région. (ANF)