Belkî Sibê : un voyage à travers la guerre syrienne et la révolution du Rojava

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« Belkî Sibê (Peut-être demain, en kurde) : Un voyage à travers la guerre de Syrie et la révolution Rojava » est un documentaire planifié par Alexis Daloumis et The Shadow Crew, sur la guerre contre l’Etat islamique en Syrie et la révolution du Rojava.
 
Il couvre la période allant de la bataille de Manbij (été 2016) à la libération de la ville de Raqqa (15 octobre 2017) et à la destruction du califat islamique et aux élections du 2 décembre 2017.
 
Il a été produit par un volontaire internationaliste (Alexis Daloumis) et toutes les personnes qui ont apporté leur aide de nombreuses manières tout au long du processus (The Shadow Crew).
 
Dans ce documentaire, il n’y aura pas de personnage principal. Au lieu de cela, de nombreuses voix venant d’une multitude d’endroits se réunissent pour créer un récit collectif et dialectique, qui cherchent à éclairer les aspects tant militaires que civils / politiques de la situation qui se déroule toujours dans le nord de la Syrie, tant du point de vue internationaliste que local.
 
Le documentaire contient des images d’opérations et de batailles défensives auxquelles le réalisateur a participé (Manbij, province de Raqqa, Tabqa, ville de Raqqa), ainsi que de la vie quotidienne à l’arrière, d’occasions spéciales, de célébrations et de cérémonies. De plus, il y a de nobreuxes interviews de personnes de tous les horizons: officiers supérieurs, simples soldats, hommes politiques, civils, Kurdes, Arabes, Internationalistes, Turkmènes, Syriaques, etc.
 
Les auteurs du documentaire ont déclaré :
 
« Nous pensons que ce documentaire racontera de nombreuses histoires qui doivent être racontées, en mettant en contexte l’implication de nombreuses parties dans les luttes dans le nord de la Syrie au cours des dernières années.
 
Nous espérons que le documentaire inspirera et informera de nombreuses personnes à travers le monde, diffusant les mêmes leçons apprises par ceux qui ont vécu ces événements historiques en personne.
 
Mais au-delà du film lui-même, l’utilité de ce matériau peut largement dépasser le potentiel d’un documentaire long métrage. La guerre en Syrie et la révolution du Rojava sont des événements historiques d’une grande importance pour notre époque. L’intégralité du matériel deviendra de précieux extraits d’archives historiques, une anthologie de l’histoire orale, enregistrée telle qu’elle se passait. Nous voulons avoir la possibilité de tout traiter et de le rendre disponible pour la postérité. Après cela, il sera publié sous une licence Creative Commons ou similaire.
 
Enfin, ce film n’est pas une marchandise. Il ne sera pas vendu, il ne sera pas distribué au cinéma ou à la télévision. Il sera distribué dans autant de festivals que possible dans le monde entier et diffusé gratuitement sur Internet. »
 
Via ANF

Netflix fait passer des manifestants kurdes pour des islamistes

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La série-documentaire « In-extrimis » de Netflix diffuse des images de manifestants kurdes a l’époque de Kobanê et les fait passer pour des islamistes d’Allemagne (épisode 7, 4mn40). Dans cette séquence, on y voit une manifestation pour Kobanê suivie par celle d’islamistes, sans transition. Pour nous, il y a une volonté manifeste de faire passer les manifestants kurdes pour des islamistes alors que ces gens manifestent contre les islamistes ! Pour celles et ceux qui veulent, il est possible de contacter Netflix, sur Facebook par exemple, pour qu’il retire ces images qui salissent la lute honorable du peuple kurde contre les terroristes de Daesh, al-Nosra, etc.

Reims: Manifestation de solidarité avec le peuple kurde

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REIMS – Le Collectif AFRIN Reims organise une manifestation ce samedi 10 octobre en solidarité avec le peuple kurde.
 
Voici le texte du collectif présentant la manifestation :
 
« Afin de protester :
– contre la mise à l’isolement du leader du peuple kurde Abdullah OCALAN
– contre la nouvelle tentative d’invasion du Rojava par la Turquie et ses groupes djihadistes,
la communauté kurde de Reims organise une manifestation qui débutera sur le parvis de la Gare centrale de Reims le 10/11/2018 à 18h30.
 
Nous comptons sur vous tous ! »

Syrie : RSF condamne les attaques contre les journalistes kurdes commises par l’armée turque

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Reporters sans frontières (RSF) a condamné les récentes attaques de l’armée turque visant les journalistes kurdes dans les zones frontalières du Rojava, dans le nord de la Syrie. Voici le texte publié sur le site du RSF :
« Le 2 novembre, deux journalistes kurdes de Syrie ont été blessés par balles par l’armée turque dans le nord-est de la Syrie, à la frontière avec la Turquie, d’après l’agence de presse kurde syrienne ANHA/Hawar. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités turques d’assurer la protection des journalistes dans le cadre de leurs opérations militaires.
Le 2 novembre, alors qu’ils couvraient les affrontements entre les forces turques et kurdes et les bombardements transfrontaliers de l’armée turque sur la ville de Tal Abyad, au nord de la Syrie, (à la frontière avec la Turquie), deux journalistes de l’agence de presse kurde syrienne ANHA/ Hawar ont été blessés par un sniper turc, d’après leur agence. L’état de santé du journaliste Ibrahim Ahmad, blessé à la jambe, est stable, mais le cas de sa collègue Gulistan Mohammed, touchée au visage, est plus préoccupant.
L’agence Hawar a indiqué à RSF que les forces turques étaient suffisamment proches des journalistes, à quelques dizaines de mètres, pour les identifier comme tels, grâce à leurs caméras et micros.
“Les combattants doivent respecter la résolution 1738 sur la protection des journalistes dans les conflits armés,et ne pas les viser ou les détenir en otages comme s’ils étaient eux-mêmes des acteurs du conflit, déclare Sophie Anmuth, responsable du bureau Moyen Orient de RSF. Les autorités turques doivent prendre leurs responsabilités en ce sens, auprès de leurs forces armées et des groupes qu’elles soutiennent.”
Sur l’autre front dans le nord de la Syrie où les forces turques s’opposent aux forces syriennes kurdes depuis janvier 2018 et le début de leur intervention militaire dans la région d’Afrin, les forces armées syriennes soutenues par les Turcs se sont de leur côté rendues coupables de plusieurs enlèvements de journalistes cette année. Elles ont enlevé et détenu au moins quatre journalistes, pour une durée chacun d’environ un mois, au motif d”absence de permis de photographier”. Elles détiennent encore aujourd’hui au moins quatre autres collaborateurs de médias qui pigeaient pour la chaîne Al Hurra au moment de leur arrestation, et ce depuis le 22 juin 2018 (le fixeur Redwan Khalil, les assistants Kaniwar Khelif et Hasan Khelif, et Issam Abas).
La Syrie restait en 2017 le pays le plus dangereux pour les journalistes, et occupe la 177e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de presse 2018 établi par RSF. »

11 novembre: Erdogan n’est pas le bienvenu à Paris

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PARIS, Le Conseil démocratique kurde a annoncé que les Kurdes allaient participer à la manifestation contre la venue du président turc Erdogan à Paris pour assister à la cérémonie de commémoration du 11 novembre. RDV le dimanche à 14 heures Place de la République
Le hashtag #ErdoganNotWelcomeInParis (Erdogan n’est pas le bienvenu) est déjà visible sur Twitter.

La Ligue internationale des droits de l’Homme récompense une politicienne kurde

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BERLIN – La Ligue internationale des droits de l’homme a décerné la Médaille Carl von Ossietzky 2018 à la maire de Cizre, Leyla Imret, et au défenseur des droits humains Ottmar Miles Paul.
 
La Médaille Carl von Ossietzky est attribuée chaque année depuis 1962 par la Ligue internationale des droits de l’Homme à des citoyens ou des initiatives qui font avancer les droits fondamentaux. La distinction porte le nom de Carl von Ossietzky, lauréat du Prix Nobel de la paix. Ce pacifiste militant des droits de l’Homme est mort en 1938 des suites de sa détention en camp de concentration nazi.
 
La Ligue a publié communiqué dans lequel il a annoncé que la médaille 2018 avait été décernée à Leyla Imret, maire kurde de Cizre, et au défenseur des droits humains Ottmar Miles Paul. La Ligue a mentionné qu’Imret avait vécu en Allemagne et avait été élue co-maire de Cizre lors des élections de 2014.
 
Le communiqué poursuit ainsi :
 
« Imret a été élue avec 83 % des voix. Elle s’est efforcée de développer à nouveau Cizre après le lourd tribut de la guerre, et d’assurer l’égalité dans la ville. Après les élections législatives de 2015, le conflit turco-kurde a repris et un couvre-feu a été décrété à Cizre. Imret a par la suite été démise de ses fonctions et des enquêtes ont été ouvertes contre elle, ce qui l’a obligée à retourner en Allemagne.
 
Lors de la Cour internationale de justice qui s’est tenue à Paris en 2018, elle a parlé des crimes de guerre et des violations des droits de l’homme commis par l’Etat turc à Cizre. Elle s’est battue pour regagner son poste de maire de Cizre. Elle préconise une solution pacifique à la question kurde en Turquie et poursuit son travail à cette fin. »
 
La médaille sera remise aux lauréats lors d’une cérémonie qui se tiendra à Berlin le 16 décembre. L’ILHR a décerné la médaille Carl von Ossietzky au projet SOS-Mediterranee qui vise à sauver les réfugiés de la mer et le photographe Kai Wiedenhöfer en 2016. En 2014, le lanceur d’alerte, Edward Snowden, la réalisatrice Laura Poitras et le journaliste Glenn Greenwald ont reçu la médaille.
 
Via ANF

La « troisième révolution » du parti du Kurdistan

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Dans son « Essai sur la révolution », la théoricienne politique Hannah Arendt analyse et compare les révolutions française, américaine et autres pour déterminer les « caractéristiques exceptionnelles de l’esprit révolutionnaire ». Elle les reconnaît dans la possibilité de commencer les choses avec un nouveau départ, ainsi que dans l’action collective des gens. Arendt s’intéresse particulièrement à la question de savoir pourquoi cet « esprit » (Geist) n’a pas réussi à trouver des « institutions » durables et a été perdu dans les révolutions. Ailleurs, écrit Arendt :
 
« Quand je dis qu’aucune des révolutions qui ont renversé une forme d’Etat et l’ont remplacée par une autre n’a pu ébranler la notion d’Etat, je me réfère à quelque chose que j’ai élaboré dans mon livre sur la révolution : depuis les révolutions du 18ème siècle, chaque grand bouleversement a développé une approche de forme étatique, qui découle immédiatement des révolutions elles-mêmes, indépendante de toute théorie, à savoir l’expérience d’action collective et la volonté de codéterminer. Cette nouvelle forme d’Etat est le système des conseils qui, comme nous le savons, a péri à chaque fois et partout, détruit soit directement par les bureaucraties de l’Etat-nation, soit par les bureaucraties des partis (…) Il me semble cependant que c’est la seule alternative à avoir émergé historiquement et à resurgir constamment. On peut vérifier l’émergence de conseils spontanés dans toutes les révolutions ; dans la révolution française, à Jefferson pendant la Révolution américaine, dans la Révolution française de 1870, dans les révolutions russes, pendant les révolutions en Allemagne et en Autriche à la fin de la Première Guerre mondiale, et finalement dans la Révolution hongroise ; à savoir, ils ne sont jamais apparus grâce à une tradition ou théorie révolutionnaire consciente, mais complètement spontanément, toujours comme si une telle chose n’existait pas auparavant. Ainsi, le système des conseils semble être vraiment dans la nature de l’action » (Hannah Arendt, Pouvoir et Violence).
 
Trois différences
 
Considérant les thèses d’Arendt, je voudrais m’attarder sur la révolution au Kurdistan et en particulier sur le changement de paradigme du mouvement de liberté kurde, le rôle du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et leur théoricien principal Abdullah Öcalan. Je considère la révolution au Kurdistan à côté des grandes révolutions de l’humanité, en raison de la puissance explosive qui lui est inhérente du fait de sa situation géographique centrale, mais aussi de sa notion de révolution et de son paradigme social. Le comité central du PKK a formulé cette revendication dans sa déclaration du premier mai, qui déclarait que la révolution au Moyen-Orient ouvrirait la porte à la révolution mondiale. Cependant, la révolution qui est menée par le PKK présente plusieurs différences significatives par rapport aux autres expériences précédentes décrites ci-dessus par Arendt.
 
Le PKK a en effet réussi à « secouer la notion d’Etat » et à trouver une « institution » pour « l’esprit révolutionnaire », c’est-à-dire le confédéralisme démocratique.
L’émergence du conseil au Rojava, qui est l’application pratique du paradigme Apoiste, ne s’est pas développée spontanément, mais par une décision consciente d’une force organisée.
 
Le système de conseils envisagé par le mouvement kurde est basé sur des traditions révolutionnaires conscientes au Moyen-Orient et au niveau mondial, ainsi que sur une théorie, à savoir le socialisme démocratique.
 
1. Le confédéralisme démocratique comme alternative à l’État
 
Avec le changement de paradigme initié au début des années 1990, en particulier sur la base des thèses d’Abdullah Öcalan, le mouvement de libération kurde a surmonté les notions d’un État-nation socialiste kurde, façonné par le realsocialisme, et a mis l’accent sur un paradigme basé sur la démocratie, l’écologie et la libération de la femme. En 2005, Öcalan a annoncé une réorientation stratégique du PKK avec la « Déclaration du confédéralisme démocratique ».
 
Depuis lors, le PKK poursuit ce qu’il décrit dans son programme comme le « modèle de solution du confédéralisme démocratique qui s’appuie sur l’organisation populaire des Kurdes de tous les peuples de la région ». Le nouveau paradigme du mouvement kurde – pour reprendre les mots d’Arendt – ébranle formellement la notion d’Etat. Ainsi, Öcalan définit l’État comme une entité extérieure à la société, comme le « cessez-le-feu temporaire entre la société et le pouvoir » (Abdullah Öcalan, Manifeste pour une civilisation démocratique). Öcalan approfondit : « Sans équation avec le pouvoir d’Etat, sans prétendre à des choses au nom du peuple ou du prolétariat, les auto-administrations démocratiques se rapprochent le plus d’un modèle de solution juste. C’est l’essence et la différence de l’auto-administration démocratique que de ne pas devenir un État au nom du peuple et de ne pas rester un simple appendice de l’État. »
 
Au plus haut niveau, le congrès est considéré comme la forme fondamentale d’organisation démocratique, tandis que les communes locales, les coopératives, les organisations de la société civile, les institutions des droits de l’homme et les structures communales fonctionnent au niveau local. Les expériences vécues dans le nord de la Syrie constituent un modèle pratique en ce sens. Avant l’invasion turque d’Afrin en janvier 2018, après les deux premières étapes des élections de 2017 (les élections de la coprésidence communale et les conseils), le vote pour un congrès du peuple était planifié, basé sur un principe d’organisation qui commence par le bas et progresse vers des instances supérieures, aboutissant à un congrès. « Notre formule prétend : L’Etat plus la démocratie – dans le but de rétrécir l’Etat et d’élargir la société démocratique », comme l’a déclaré Duran Kalkan, membre du conseil exécutif de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK) dans une interview. Selon des militants du Rojava/Syrie du Nord, cela n’indique pas seulement l’Etat sous la forme du régime Assad, mais surtout la mentalité étatiste dans l’esprit des gens eux-mêmes.
 
2. Le parti de la modernité démocratique
 
« Avec cette œuvre « Le Prince », Machiavel voulait créer le prince idéal du Moyen Age. En référence au prince de Machiavel, Gramsci considérait les choses dans le sens du parti révolutionnaire, de la direction du parti révolutionnaire et de sa stratégie et tactique. Tandis que le prince de Machiavel définit les attributs d’un prince à succès, Gramsci énumère les caractéristiques du parti révolutionnaire et de ses militants. Gramsci contribue d’importantes analyses sur l’organisation politique socialiste. J’ai fondamentalement adapté le prince moderne de Gramsci à la modernité démocratique et à ses militants épris de vérité. En fait, il y a des similitudes remarquables entre Gramsci et moi » (Abdullah Öcalan, Compte rendu de réunion de la prison d’Imrali).
 
Alors que le PKK défendait la mission de l’organisation d’avant-garde marxiste-léniniste classique avant son changement de paradigme, il articule maintenant sa mission comme étant un « guide pour la modernité démocratique ». Dans son programme, la mission principale de cette  » nouvelle avant-garde  » se situe dans la satisfaction des besoins mentaux notamment des trois piliers principaux du système : la société économique, écologique et démocratique (confédéralisme démocratique municipal, local, régional, national et transnational) (Abdullah Öcalan, Manifeste pour une civilisation démocratique).
 
Le PKK considère que l’existence du parti dans des conditions capitalistes est nécessaire jusqu’à ce que la société devienne une entité indépendante. Limiter la vie du parti à l’autonomisation de la société implique une grande foi dans le pouvoir et le potentiel de la société. La société est considérée comme capable de résoudre tous les problèmes de manière indépendante. La société est donc une force de solution et n’est pas considérée comme une « masse inconsciente et dirigeable ».
 
La tâche du révolutionnaire est de développer ce potentiel au sein de la société étatiste. Car le système capitaliste étatiste empêche le pouvoir de la société de se réaliser. Pour cette raison, le mouvement kurde estime que le rôle des révolutionnaires n’est pas la création d’une nouvelle société, mais l’élimination des obstacles qui empêchent l’émergence de la société déjà existante. La réappropriation des espaces par la société éthico-politique constitue la véritable révolution. Cette société avait été reléguée à l’arrière-plan et maintenue au bas de l’échelle par l’hégémonie de la civilisation centrale vieille de 5 000 ans, qui a culminé à l’âge de 400 ans de la modernité capitaliste.
 
De ce point de vue, il est évident qu’une révision de l’oppression ne peut se produire aussi rapidement que le refoulement de l’État dit islamique de Rojava. La société a besoin de moyens et de méthodes pour libérer son potentiel. C’est la tâche des révolutionnaires de les trouver. Xebat Andok, membre du comité central du PKK, écrit ce qui suit sur la signification du paradigme : « Nous aurions certainement connu le même sort que le KDP [Parti démocratique du Kurdistan] et le PUK [Union patriotique du Kurdistan], si nous n’avions pas induit un changement de paradigme. Parce qu’un combat pour l’Etat-nation est un combat pour le capitalisme. »
 
La différence de la révolution du Kurdistan est que, que ce soit dans le nord du Kurdistan (Bakur) ou dans l’ouest du Kurdistan (Rojava), ce n’est pas la création spontanée de conseils qui est en vue, mais la création de conseils et de structures locales d’auto-administration qui est consciemment dirigée par le parti, le PKK, et c’est une question centrale, idéologiquement et pragmatiquement, au sens propre.
 
Comme Arendt, le théoricien de gauche Murray Boockin, qui a influencé dans une large mesure les idées d’Öcalan sur le changement de paradigme, s’engage avec les révolutions américaine, française et russe dans son ouvrage digne d’intérêt « La troisième révolution » (Murray Bookchin, The Third Revolution : Popular Movements in the Revolutionary Era, Vol. 3). Dans l’introduction du livre, Bookchin décrit comment les noms, les actes et les idéaux des révolutionnaires, qui voulaient mener ces révolutions vers des sociétés libertaires, étaient assimilés à des tyrans tels que Robespierre ou Staline. Selon Bookchin, cependant, nous devons nous recentrer sur les révolutionnaires avant tout, qui ont directement dirigé les organisations démocratiques. Par cette affirmation, il change le regard sur les processus révolutionnaires du passé. La « première révolution » commence par le soulèvement des larges masses populaires qui chassent l’ancien régime, après quoi la « deuxième révolution » décolle. La « deuxième révolution » se termine par la concentration du pouvoir politique sous la forme d’un Etat central et la société ouvrière, qui a réalisé la première révolution, étant exclue des processus de décision. Vient ensuite l’organisation démocratique directe de la société qui souhaite regagner le pouvoir politique perdu. Ce mouvement qui veut conduire la « troisième révolte » est la dynamique actuelle avec laquelle Bookchin veut s’engager plus étroitement.
 
Il prend la rébellion des marins de Cronstadt en 1921 comme exemple de la Révolution russe pour réfléchir aux conflits entre le parti révolutionnaire et les structures communistes de la société, qui se sont concrétisés dans le slogan « Tout pouvoir aux soviets – aucun pouvoir au parti ». Öcalan, qui n’est pas d’accord avec l’idée léniniste que dans les conditions de l’impérialisme, le parti ne peut exister que s’il détient le pouvoir, définit le nouveau rôle du PKK comme une force motrice de la « troisième révolution » de la manière suivante : « Elle assume un rôle de leadership dans les mouvements sociaux avec un programme qui vise la transformation vers une société démocratique, libre et égalitaire, une stratégie commune pour tous les groupes de la société qui ont un intérêt dans ce programme, et une tactique qui vise une large organisation de la société civile, des groupes environnementaux, féministes et culturels et qui ne néglige pas la légitime défense en chemin » (Abdullah Öcalan, In Defense of a People).
 
3. Vivre l’histoire commune et une théorie révolutionnaire
 
Tout comme la révolution et la construction de l’auto-administration communale au Kurdistan ne sont pas des événements spontanés, les révolutionnaires du Kurdistan ont une tradition et une théorie conscientes et révolutionnaires. Dans le magazine mensuel Komunar de l’Académie PKK, la conception apoïste de l’histoire est expliquée de la manière suivante : « L’histoire porte le caractère de la civilisation démocratique plus que nous ne le pensons. Quand on lit l’histoire sur cette base, on peut trouver une quantité incroyable d’interdépendances idéologiques et de structures systématiques, ainsi que d’organisation ».
 
L’histoire du Moyen-Orient, en particulier, regorge de mouvements locaux et communautaires. Qui connaît des personnalités et des mouvements tels que le zoroastrisme, le mithraïsme, le manichéisme, les mazdakistes, les khurramites, Bābak Khorramdin, les ismaélites, Hasan-i Sabbāh, les Qarmatites, le mouvement Zanj, Mansour al-Hallaj, Shahab ad-din Yahya ibn Habash Suhrawardi, Baba Ilyas, Pir Sultan Abdal et Shaikh Bedreddin que le mouvement kurde considère comme leur héritage révolutionnaire ? L’histoire de la lutte des sociétés contre l’Etat ne se situe pas seulement au Moyen-Orient, mais aussi dans les mouvements des villes autonomes grecques et italiennes en Europe, le soulèvement des villes castillanes en Espagne et les mouvements municipaux contre l’absolutisme, les révolutions américaine et française, l’expérience de la commune de Paris, le rôle des conseils dans la révolution d’Octobre, les notions écologiques et anarchistes des communes après 1960 et surtout en 1968, la quête de liberté et l’orientation communale du mouvement zapatiste, le mouvement sans terre, les forums sociaux et autres initiatives locales et transrégionales similaires dans le monde. Ainsi, une déclaration de la Fédération démocratique de Syrie du Nord affirme qu’elle tire sa force « de la riche culture de la Mésopotamie et de la structure communale démocratique de la société naturelle qui, depuis le système clanique et tout au long de son histoire, a résisté à la forme sociale d’un État centralisateur » (document du Système fédéral démocratique du Rojava – Syrie du Nord).
 
A côté de cette tradition révolutionnaire consciente, le PKK est aussi en possession d’une approche théorique « en dehors de tout pouvoir d’Etat hiéarchique et de classe » (Abdullah Öcalan, In Defense of a People). Cette approche défend la thèse selon laquelle ce ne sont pas seulement les luttes de classe, mais aussi la grande résistance des valeurs sociétales communales qui sont les moteurs du progrès social.
 
Selon le raisonnement d’Arendt, le changement de paradigme du PKK est aussi le résultat d’une « action commune » et d’un « désir de co-détermination ». L’engagement du PKK dans le socialisme est la recherche d’une réponse à la question de savoir pourquoi « l’esprit révolutionnaire » n’a pas trouvé d’institution jusqu’à présent. L’effondrement du réal-socialisme, la question de la libération des femmes et le développement des mouvements de libération nationale, dont le PKK avait pris exemple, ont constitué une impulsion particulière pour cette réorientation. Avec sa notion du socialisme pour le 21ème siècle, le PKK présente une réponse. Il s’agit d’une nouvelle conception anticapitaliste de l’administration, d’un parti qui pousse à la « troisième » révolution, à savoir la communalisation contre les tendances étatistes, d’une théorie révolutionnaire et d’une nouvelle conception de l’histoire.
 

La résistance de Kobanê ne mourra jamais – Souvenirs d’une combattante des YPJ

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Il y a trois ans, les yeux du monde entier étaient dirigés vers Kobanê, où les forces démocratiques des YPJ et des YPG menaient une résistance historique contre les forces de l’État islamique qui conduirait à la libération complète de la région.
 
La libération de Kobanê n’était pas simplement une victoire militaire, mais aussi et surtout la démonstration d’une légitime défense populaire contre un ennemi profondément fasciste au nom de la liberté, de l’autodétermination des peuples et de la libération des femmes.
 
Le premier novembre a été déclaré Journée mondiale pour Kobanê afin de réclamer l’héritage de cette résistance basée sur l’auto-organisation des femmes et sur une large participation de toutes et de tous à la défense de ce territoire.
 
Réclamer la résistance de Kobanê signifie aujourd’hui, lutter pour la libération d’Afrin, pour la liberté d’Abdullah Ocalan et de tous les prisonniers politiques et maintenir vivant le souvenir des martyrs qui ont donné leur vie pour cette lutte. Parce que la révolution est maintenant et partout.
 
À l’occasion de cette journée, nous souhaitons donner la parole à Rojin Evrim, commandante des YPJ, en tant que camarade qui a vécu en personne le temps de la résistance de Kobanê.
 
« (…)’ J’étais déjà une partie des YPJ et géographiquement nous étions pas loin de Kobanê.
 
Quand j’ai décidé de prendre part à la résistance, la guerre n’était pas encore arrivée à Kobanê, l’Etat islamique s’est étendu aux villages voisins et c’est là que nous avons commencé notre résistance.
 
Beaucoup de femmes et hommes ont pris part à cette bataille, du Bakur (Kurdistan du Nord) tant de femmes et de jeunes de tous les pays, des camarades turcs, européens et arabes et tous ont participé à la résistance en tant que volontaires. Dans la bataille de Kobanê, le plus important était de prendre position en tant que femmes, car nous connaissions bien la mentalité extrêmement patriarcale de l’EIIL; nous connaissions les traitements sans scrupules que Daesh réservait aux femmes capturées. C’étaient les femmes que l’Etat islamique avait attaquées et les femmes devaient se libérer.
 
Nous n’avions pas assez de compagnons. Dans une petite ville comme Kobanê, nous pouvions le faire, mais nous ne pouvions pas défendre tous les villages, nous avons donc décidé de les évacuer et de transférer la population dans la ville. Lorsque l’Etat islamique a pris la route pour se rendre à Kobanê, les villages étaient vides et il leur était facile d’avancer, ils n’ont rencontré aucune résistance. C’était le bon choix car nous avons réussi à éviter de nombreux décès.
 
Tout le territoire des villages et de Kobanê se trouve près de la frontière avec le Bakur ; à partir de là, les camarades ont pu voir les mouvements de l’ennemi et ont pu coordonner notre défense.
 
Il y avait tellement de camarades qu’au cours de la bataille où ils se sont sacrifiés, il y a eu beaucoup d’actes de sabotage, en particulier de femmes, et nous étions déterminés à être nous-mêmes avant tout. Pour Daesh, nous étions bonnes à faire la cuisine, faire des enfants et être à leur service, nous n’étions que des corps.
 
Mais cette fois, c’est contre ces mêmes organismes qui ont dû lutter. Daesh a tout fait pour nous détruire, a énervé les camarades masculins en leur disant qu’ils permettaient aux femmes de se battre et se réfugiaient derrière elles parce qu’ils n’étaient pas capables de se battre : ils ont essayé de nous détruire psychologiquement.
 
Lorsque l’ Etat islamique est entré à Kobanê, c’était à l’époque où il était plus fort: ils avaient des armes lourdes, des armes chimiques et des chars . Numériquement, ils étaient supérieurs à nous, ils avaient de meilleures armes et ils étaient mieux préparés, alors que nous n’avions rien. La ville était encerclée et les camarades ne pouvaient pas nous procurer d’armes à feu ou de meilleures armes, nous devions nous battre avec ce que nous avions.
 
C’était une résistance très difficile, Daesh a tout détruit et chaque jour nos camarades sont tombés en martyrs. Presque au début de l’attaque de l’Etat islamique, il a réussi à occuper la colline de Mishtenur, d’où ils pourraient facilement contrôler toute la ville. Ce jour-là, il y a eu un véritable génocide, il y a eu environ trois cent blessés et cent martyrs. Au fur et à mesure que la bataille progressait, nous nous sommes retrouvés obligés de nous retirer jusqu’à ce que l’Etat islamique occupe 80% de la ville et que nous soyons barricadés sur 20% du territoire.
 
Dans ce petit espace, cependant, nous avons construit une ligne de défense indestructible, personne ne pourrait la briser et, grâce à cette ligne, nous pourrions continuer notre résistance.
 
Mais nous n’avons pas seulement résisté, nous avons infiltré des groupes ennemis, nous nous sommes habillés comme Daesh en entrant dans leurs groupes, nous avons saboté leurs armes et nous avons ainsi libéré de nombreuses zones. Certains d’entre nous sont sortis de la frontière turque pour aller soutenir les actions de sabotage derrière l’ennemi.
 
Ces actions étaient très importantes pour notre moral, la nouvelle a vite tourné: « nous avons libéré une pièce », puis une maison, une école, « nous avons libéré le quartier ». Après de nombreux efforts, nous avons finalement réussi à libérer Mishtanur, et pour la première fois après six mois, d’avancer sur la ligne de défense.
 
Nous ne pouvions pas regarder la télévision quand nous étions à Kobanê.
 
Erdogan a déclaré que cela tomberait dans trois jours, tout le monde s’attendait à ce que nous nous rendions, mais nous n’avons jamais baissé notre garde, nous n’avons jamais hésité, nous avons toujours appris à nous en tirer pour gagner.
 
Quand j’ai vu la télévision à l’hôpital, j’ai réalisé que le monde entier était avec nous, il y avait des manifestations partout. Les gens à la frontière du Bakur nous aidaient et nous soutenaient, organisaient des gardes à la frontière pour nous protéger de l’ennemi.
 
Beaucoup sont venus pour se battre et beaucoup sont morts, certains d’entre eux il n’y a pas d’image et de nom sur la tombe, nous ne nous connaissions pas mais nous étions unis et il est juste de se souvenir d’eux.
 
Notre objectif était de ne pas de perdre Kobanê.
 
Avant Kobanê, il y avait la guerre, mais les gens ne nous connaissaient pas, ils ne connaissaient pas les luttes des femmes.
 
Kobanê était une opportunité d’unité pour tous, en particulier pour les femmes.
 
Nous avons constaté la solidarité des femmes dans le monde entier. Kobanê a montré que l’ennemi peut être partout et contre nous, notre union est tout. Kobanê était une source de révolution, une source de force pour les femmes, le début d’un avenir libre. Après Kobanê, de nombreuses femmes ont décidé de rejoindre les YPJ depuis l’Europe, les États-Unis, des pays arabes et d’autres lieux. De nombreuses camarades sont venues au YPJ inspirées par la résistance de Kobanê.
 
Les YPJ sont un souvenir de la société démocratique.
 
Nous voyons des images de belles femmes avec le pistolet dans leurs mains.
 
YPJ n’est pas seulement cela, c’est un souvenir de la société opprimée qui se libère et lutte.
 
Si nous ne considérons pas les YPJ de cette manière, il est impossible de comprendre leur signification.
 
La lutte armée n’est qu’une partie des YPJ.
 
Si nous ne sommes pas libres, que faisons-nous avec notre corps?
 
Les femmes savent ce qui est arrivé à Shengal, elles se souviennent de la torture et de l’humiliation.
 
La mémoire des femmes est indélébile et nous ne laisserons ni Daesh ni qui que ce soit d’autre nous ramener à l’état d’esclavage.
 
C’est précisément pour cette raison que la victoire contre Daesh est notre rédemption, notre revanche contre une société esclavagiste et patriarcale; cela nous a également permis de recevoir la confiance des gens en tant qu’organisation indépendante de femmes.
 
Les YPJ ont également joué un rôle fondamental dans Afrin: les femmes se sont placées en première personne pour protéger la population; nous n’avons jamais pris du recul.
 
La camarade Avesta Xabur, qui s’est sacrifiée pour détruire les tanks de l’ennemi, est un bon exemple de résistance. Ces actions ne doivent pas être lues uniquement en termes militaires, mais aussi comme une position radicale adoptée par les femmes.
 
L’ennemi joue avec les corps de nos compagnons martyrs; en les violant, en les humiliant, en leur coupant la poitrine, en croyant qu’ils peuvent vraiment les gratter, au lieu de cela, ils ne font que les rendre plus belles et plus significatives.
 
La Turquie soutient, entraîne, éduque et restaure les forces de l’Etat islamique. Cela est clair pour tous et nous en avons été largement témoins. Les États continuent toutefois à détourner le regard pour continuer à tirer parti des avantages procurés par les accords conclus avec le gouvernement turc.
 
Pour nous, entre Daesh et les soldats turcs, il n’y a pas de différence.
 
La Turquie nous attaque, occupe nos territoires, tue notre peuple, détruit nos vies en coupant les arbres. Quelle est sa différence avec Daesh ? La seule différence est que, la Turquie étant un État, le monde reste silencieux. Mais nous ne permettrons jamais à la Turquie de rester tranquillement à Afrin, nous ne permettrons pas d’opprimer et de tuer d’autres hommes et femmes, d’enseigner aux enfants le turc dans les écoles. Nous ne permettrons jamais que d’autres oliviers soient coupés. Nous ne pourrons jamais faire un pas en arrière, jamais.
 
Nous avons montré à tous ce qu’est la résistance, ce que signifie lutter et maintenir le système confédéral libre. Nous avons montré qu’un système de femmes est possible.
 
C’est le sens le plus important de la résistance de Kobanê.
 
Nous avons redonné espoir.
 
Nous avons montré que c’était possible. »
 

Le Rojava va persévérer

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La Turquie ne peut pas lancer une attaque sur les forces kurdes à l’est de l’Euphrate comme elle a fait à Afrin, a déclaré un haut responsable de l’administration du Rojava. Le rapport de forces, en particulier compte tenu de la position internationale, est complètement différent, a expliqué Aldar Khalil dans un entretien accordé à Rudaw.
 
La Turquie a une « phobie envers les Kurdes », a-t-il déclaré, expliquant qu’il était à craindre qu’une révolution telle que celle qu’ils ont organisée au Rojava soit attaquée, mais que les habitants du Rojava persévèrent.
 
Khalil est l’ancien coprésident de la coalition gouvernementale TEV-DEM (Mouvement des sociétés démocratiques) au Rojava et actuel représentant diplomatique de la région autonome du nord de la Syrie.
 
Interview a été réalisée le 2 novembre 2018.
 
RUDAW: Maintenant, la Turquie attaque Manbij, Kobanê et Gire Spi. Quelle est votre évaluation de la situation ?
 
KHALIL : Les attaques de l’Etat turc contre le Kurdistan occidental [Rojava] et contre le nord et l’est de la Syrie en général ne sont pas nouvelles. Les Turcs et leurs gouvernements ont agi contre la volonté kurde à travers l’histoire, peu importe où. Ils n’accepteront jamais l’émergence de la volonté kurde et l’avancée d’un processus démocratique aux frontières.
 
Si vous vous en souvenez bien, le printemps populaire a commencé en Syrie en 2011. Depuis lors, la Turquie a lutté contre toutes les composantes et a progressé dans la région. Ils nous ont attaqués à travers les médias, politiquement et militairement, de différentes manières. Ils ont envoyé des groupes militaires à Sare Kaniye en 2012. Ils ont ensuite envoyé des groupes à Afrin et dans les environs. Plus tard, ils ont attaqué Kobanê. Tous ces groupes ont attaqué selon les instructions de la Turquie. Ils continuent maintenant.
 
Si vous vous en souvenez, lors du référendum organisé par le Kurdistan du Sud (région autonome du Kurdistan), la Turquie s’y était opposée avant tous les autres. Cela signifie que la Turquie est contre toute volonté du peuple. Généralement, ils ont une phobie envers les Kurdes.
 
Cela pourrait être le début d’une vaste offensive. Si oui, sera-t-il arrêté ?
 
Cela dépend des progrès, des préparations et des positions. En tant que Kurdes et autres personnes qui vivent avec nous et partagent un projet avec nous, nous pouvons certainement créer une pression si nous menons des activités diplomatiques et culturelles par le biais d’organisations internationales et sensibilisons le public. De plus, s’il y a des préparatifs locaux et que les gens travaillent avec diligence, ces éléments seront certainement pris en compte. Cependant, nous reconnaissons que les Turcs n’accepteront jamais facilement ou rapidement une expérience ou un projet démocratique dans cette région.
 
Alors comment va-t-il l’accepter ? Quelles alternatives avez-vous pour convaincre la Turquie de l’accepter ?
 
Nous organisons une révolution. Nous avons commencé notre révolution pour libérer notre pays, établir un système démocratique, assurer la stabilité dans la région et laisser notre région devenir démocratique. Cela nécessite une lutte. Nous n’avons jamais eu l’idée que nous pouvons réaliser cette démocratie et cette liberté et que tout se déroulera normalement, sans lutte ni difficultés. Lorsque vous organisez une révolution, vous devez comprendre que l’ennemi peut vous attaquer et vous créer des obstacles. Vous devez être prêt à réagir.
 
Nos gens ont fait un excellent travail depuis 2011, notamment en ce qui concerne les résistances historiques. Ils sont devenus des exemples pour la région et le monde entier pour leurs compétences en matière de combat et leur niveau de sacrifice élevé. Ils ont également sacrifié leurs enfants pour sauver leur vie et progresser dans leur révolution.
 
Nous avons pris de bonnes mesures jusqu’à présent, mais nous avons un long processus devant nous. Nous ne dirons jamais et n’avons jamais dit que tout était terminé. Nous croyons que nous sommes aux premiers stades de la révolution. Nous sommes en train de révolutionner, nous devons donc nous attendre à des difficultés.
 
La communauté internationale, principalement les États-Unis, vous a-t-elle promis de mettre fin à ces attaques ?
 
Ces pays ont des intérêts dans la région, en Syrie et dans notre propre région. Chacun agit conformément à ses intérêts. Ils pourraient avoir un intérêt à court terme en restant à nos côtés ou préférer notre existence dans la région. Mais quand leurs intérêts changent demain, ils peuvent négliger leurs promesses. Nous essayons toujours d’améliorer nos relations avec eux, de les faire décider en notre faveur. Et quand ils veulent prendre une décision à propos des Turcs et de nous, nous essayons de les approcher.
 
Nous réalisons que nous ne devrions pas dépendre uniquement de leurs promesses dans notre révolution. Ces promesses peuvent parfois fonctionner, mais le plus important est notre propre promesse – que nous puissions ou non poursuivre cette révolution et que nous continuions à travailler collectivement pour un état et une vie libres. Si nous remplissons nos propres promesses, la réalisation des promesses des autres n’a pas d’importance. S’ils les remplissent, notre travail sera plus facile. Sinon, nous devons persévérer.
 
Au cas où ils ne respecteraient pas leurs promesses, quelles cartes de pression avez-vous pour contraindre la Coalition internationale? Par exemple, la lutte contre ISIS.
 
La lutte contre Daesh est un fait sur le terrain et elle se poursuit. Les dernières zones de l’Etat islamique autour de Deir ez-Zor sont en train d’être assiégées et les FDS progressent. De plus, nous gouvernons plus de 30% du territoire syrien. Nous avons assez de pouvoir pour avoir notre mot à dire sur l’avenir de la Syrie.
 
Ces forces doivent faire quelque chose pour trouver une solution politique après la disparition de l’Etat islamique. S’ils veulent vraiment faire quelque chose ou maintenir leur présence ici, ils doivent reconnaître notre présence pour la solution politique ou nous considérer comme une force. Ils doivent prendre en compte certaines choses pour nous inclure et obtenir notre approbation. Sinon, l’avenir de la Syrie sera compliqué.
 
Une autre chose est que nous, les Kurdes, ne nous sommes pas révoltés seuls, mais avons fait des Arabes, des Assyriens, des Turkmènes et d’autres personnes qui vivent ici avec nos partenaires. S’ils commettent une injustice, cela affectera également le projet. S’ils commettent une injustice envers le projet, cela affectera également d’autres composantes ethniques et religieuses. Ce sera un fardeau pour eux. Par conséquent, ils doivent prendre en compte ces éléments.
 
Personne au Moyen-Orient n’a un projet de fraternité populaire comme le nôtre, où tout le monde pratique la liberté et vit ensemble. Nous voulons résoudre la question kurde sans nous écarter des autres groupes. Nous disons plutôt que nous allons résoudre notre question aux côtés des problèmes des autres peuples.
 
Ils voient que cela ne se trouve pas dans d’autres pays. Par conséquent, ils doivent considérer ces choses.
 
Vous avez dit que vous représentiez une force efficace et contrôliez 30% de la Syrie. Vous avez eu la même force dans Afrin. Que pouvez-vous faire pour éviter un scénario similaire dans d’autres parties du Rojava ?
 
L’affaire Afrin était quelque peu différente en ce qui concerne les forces dominantes et les forces internationales. Les soldes étaient différents. La Turquie avait déjà contrôlé diverses zones du centre du Rojava et d’Afrin. C’était difficile parce qu’il y avait le régime au sud et les Turcs à l’est. L’offensive d’Afrin s’est déroulée dans trois directions. Et politiquement, la région était sous le contrôle de la Russie, qui ne peut décider seule. Tous ces pays doivent s’unir pour signer un accord contre nous.
 
Si la Russie souffrait du soutien des Turcs, leurs souffrances seraient multipliées par dix dans l’Euphrate. Quelles sont ces difficultés? Nous sommes ici le centre de la lutte et la force dominante, et la région est géographiquement étendue. De plus, les forces existantes, comme la coalition, sont dominantes, contrairement à la Russie. La Russie n’a aucun pouvoir ici. Là aussi, les branches de sécurité du régime, les forces arabes, syriaques, assyriennes et kurdes.
 
Cela signifie que la situation ici est très différente de celle d’Afrin. Tous ces facteurs peuvent créer une image différente. Cependant, cela ne signifie pas que tout va bien et qu’il n’y aura pas d’attaque. Nous devons être préparés et assurer la protection par notre force et nos décisions.
 
La présence de bases américaines à Kobanê aura-t-elle un impact, même s’il ne s’agit pas de bases aussi vastes que celles trouvées en Turquie et à Chatt al-Arab ?
 
Si les Américains sont présents ici, ils auront sûrement un impact. Si deux de leurs soldats sont quelque part, ils peuvent apporter de nombreux changements pour le bien de leurs soldats. Bien sûr, tant qu’ils seront présents, ils constitueront un obstacle pour les Russes, les Turcs et le régime lorsqu’ils voudront faire quelque chose. Néanmoins, ils peuvent déplacer leurs bases s’ils parviennent à un accord. Vous ne pouvez pas dire cela uniquement parce qu’ils sont ici que rien ne se passera. Au lieu de cela, nous devons profiter de leur présence. S’ils décident de partir, ils peuvent abandonner ici en quelques heures.
 
Envisagez-vous de demander l’aide du gouvernement syrien pour empêcher les forces turques de progresser à l’est de l’Euphrate?
 
Il y a quelque chose de mieux que de soutenir, qui est le représentant syrien aux Nations Unies. Il a également un représentant au Conseil de sécurité. Toutes les forces internationales contactent le régime lorsqu’elles discutent de la Syrie. Les Nations Unies ne viendront pas dans une région sans l’approbation du régime. Le régime doit faire son devoir puisqu’il représente la Syrie. En utilisant ce mandat, le régime syrien doit insister auprès des Nations unies et d’autres lieux pour qu’il n’y ait aucune attaque contre les territoires syriens, aucune zone ne soit séparée de la Syrie ou que les attaques turques cessent. Il ne faut pas fermer les yeux sur ces problèmes. Il est important que le régime soutienne officiellement cette affaire et clarifie sa position. S’ils ne le font pas, cela signifie qu’ils et la Russie sont également d’accord pour faire venir des Turcs.
 
Avez-vous été invité à participer à la rédaction d’une nouvelle constitution pour la Syrie ? Quelles demandes allez-vous présenter si vous participez aux pourparlers ?
 
En l’absence d’une nouvelle constitution pour la Syrie, il n’y aura aucun progrès dans la résolution de la crise, de l’accord ou de la stabilité. En outre, un avenir ne peut être construit. Il n’y a pas eu d’invitation. On en discute encore, mais rien n’est clair à ce sujet. Lorsque le nouveau représentant aux Nations Unies commencera à travailler, de nouveaux sujets seront abordés et les efforts pour apporter des amendements commenceront.
 
Cependant, il y a une réalité: comme je l’ai dit, nous sommes une force en Syrie, gouvernant 30% du pays. En ce qui concerne la constitution, qu’est-ce qu’une constitution? C’est un accord entre ceux qui vivent ensemble et qui disent que leurs relations sont basées sur certains principes ou qu’ils gouverneront leur pays d’une certaine manière. Il n’est pas possible pour une constitution de nous exclure.
 
Quelles sont vos demandes spécifiques pour la constitution ?
 
Certes, les droits, les libertés, la culture, l’histoire et l’identité des Kurdes sont pratiquement présents dans le Kurdistan occidental [Rojava]. Ceux-ci sont des faits indéniables. Le Kurdistan occidental ne prévaudra pas s’il est uniquement dirigé par des Kurdes. Si nous disons que le Kurdistan occidental est réservé aux Kurdes et évitons tout partenariat avec d’autres nations dans le cadre de ce projet, il n’y aura pas de système démocratique et le Rojava ne prévaudra pas.
 
Cependant, la Syrie ne sera pas non plus démocratique si les droits des Kurdes ne sont pas accordés et si leur présence est négligée. Nous pensons que la clé de ce problème réside dans un système fédéral, ce qui signifie que nos régions feront partie du gouvernement fédéral syrien. Les régions ne comprendront pas seulement le Kurdistan occidental, mais laisseront toute la partie nord de la Syrie devenir une région fédérale comprenant des régions et des cantons autonomes et séparés.
 
Qu’adviendra-t-il de l’administration du Rojava si une région fédérale se forme dans le nord ? Qu’en est-il du Kurdistan ?
 
Le Kurdistan occidental [Rojava] sera une région de la région fédérale. La région fédérale ne sera qu’une étiquette géographique car à l’heure actuelle, certaines régions du nord de la Syrie ne sont pas considérées comme faisant partie du Rojava. Eux, vous ne pouvez pas les décrire comme le Rojava.
 
Cela signifie-t-il que vous allez soumettre ce projet de la région nord de la Syrie, y compris le Rojava, si vous assistez à la convention pour une nouvelle constitution?
 
C’est vrai. Il y aura un système fédéral qui sera formé à l’issue des négociations. Il y a des régions côtières, nord et sud en Syrie. Ce seront toutes des régions fédérales distinctes. Dans chacune de ces régions, il y aura un système d’administration fédérale et le Kurdistan occidental sera l’un d’entre eux.
 
Une délégation du Rojava s’est récemment rendue en France et des représentants français se sont également rendus au Rojava. Peut-on dire que c’est un bon début pour renforcer les relations avec la France ? Est-ce à votre agenda ?
 
Nos relations avec la France ont atteint un niveau élevé et certaines choses ont atteint le point de contact quotidien. Nos réunions continuent. Leurs délégations viennent ici et les nôtres vont là-bas. Ce ne sont pas que des délégations françaises, mais d’autres délégations d’autres pays puissants du monde viennent toujours au Rojava. Ces pays puissants ont eu des réunions de haut niveau avec l’administration du Rojava et la nouvelle administration du Nord. La France a une place exclusive dans ces rencontres. Nous aspirons à faire de ces relations une force pour développer notre projet et obtenir les droits de notre peuple.
 
L’Irak al’intention de fermer Semalka à la frontière syrienne. Quelqu’un a-t-il discuté de ce sujet avec vous ? Si la frontière est fermée, le Rojava subira un autre siège.
 
Nous n’en avons entendu parler que dans les médias.
 
Et si c’est fermé ? Comment allez-vous réagir ?
 
Généralement, nous ne voulons pas être assiégés. Il y a déjà un siège. Il ne devrait pas y avoir d’embargos sur ces régions et des actions – diplomatiques et autres – seront entreprises afin que cette région puisse avoir une porte ouverte aux négociations.
 
Avez-vous des alternatives au cas où cette frontière serait fermée?
 
Des efforts ont également été faits pour ouvrir la frontière transfrontalière Tal Kochar – [Rabia]. Au cours de la guerre menée par l’Etat islamique, nos portes avec les régions syriennes ont été coupées, mais elles sont maintenant ouvertes, comme Alep. Cependant, il est important d’ouvrir également les passages frontaliers avec d’autres régions.
 
Les frontières transfrontalières en Syrie pourraient être différentes de celles des autres régions du Grand Kurdistan. Quelles sont vos relations avec la région du Kurdistan?
 
Nous espérons que nos relations ne se limiteront pas aux frontières, comme si nous venions de deux pays différents. Ces frontières, résultant de la division du Kurdistan, ne devraient pas être là. Notre pays a une détermination mutuelle. Par exemple, pendant la lutte de Kobané, notre peuple du sud [région du Kurdistan], de l’est [Kurdistan iranien] et du nord [Kurdistan turc], et même de ceux qui ont migré vers l’Europe, menait des activités et poursuivait un but commun. La même réaction a été observée lors de la lutte d’Afrin.
 
Même maintenant, lorsque des attaques sont menées contre le nord de la Syrie, la même réaction est observée. C’est une chose sacrée. Cela signifie que les frontières qui ont été dessinées par les envahisseurs étaient fondamentalement sans signification. Par conséquent, il n’y aura pas de frontières entre nous. Cependant, il y a une réalité: ces pays ont été divisés par la communauté internationale et nos relations se font donc par des frontières.
Qu’en est-il des relations du Conseil démocratique syrien (CDS) avec le gouvernement syrien ? Après deux réunions infructueuses, existe-t-il un espoir de parvenir à un accord avec Damas ?
 
Oui, c’est possible à l’avenir. Il y a des efforts en cours. Nous pouvons trouver un moyen et un dialogue doit être suivi. Malgré les difficultés et les difficultés, nous devons trouver un moyen de développer ce dialogue, peu importe aujourd’hui, demain, le mois prochain ou l’année prochaine.
 
Avez-vous des projets pour une autre réunion avec le régime bientôt ?
 
Vous devez adresser cette question au CDS.
 
Quels ont été les conflits entre vous et le gouvernement syrien lors des réunions ?
 
Fondamentalement, nous ne voulions pas que des différends surgissent parce que c’était une réunion initiale, pas une discussion sur une solution. La discussion portait sur l’opportunité de commencer à discuter d’une résolution ou non. De plus, le représentant de la DDC a présenté son projet à la DDC et l’a commenté. Ils étaient censés se revoir mais ils ne l’ont pas encore fait.
 
Ils [la délégation de la DDC] ne nous ont pas informés de telles choses. Mais pour autant que nous comprenions, le régime ne veut pas travailler sur une nouvelle constitution et veut également rétablir la situation d’avant 2011. Il dit également: « Je serai plus proche des Kurdes ». Ils ont pour objectif de nous fournir des droits modestes et fondamentaux en tant que minorité vivant avec eux et en tant que citoyens. Il n’a pas atteint le point de dire que nous devons changer la constitution de la Syrie et apporter de nouveaux changements. Il craint de prendre ces mesures. Il ne veut pas prendre de mesures sérieuses, mais des mesures pour la survie dans le moment.
 
À l’heure actuelle, 52 bureaux d’ENKS ont été fermés sur l’ensemble du Rojava. Pourquoi ne pas approcher les partis kurdes comme vous abordez les Arabes et le Syriaque?
 
Je ne savais pas qu’il y avait 52 bureaux. Si c’est le cas, c’est bien.
 
Cinquante-deux bureaux de l’ENKS ont été fermés.
 
Oui, mais vous savez que personne ne les a empêchés. Ils peuvent désormais rouvrir leurs bureaux en se rendant dans des institutions officielles. Cela existe dans tous les pays démocratiques. Lorsque quelqu’un veut ouvrir un bureau, il doit visiter les autorités compétentes pour l’informer de l’emplacement du bureau et de ses activités. Ensuite, ils reçoivent le permis et ouvrent le bureau. Personne ne les a arrêtés.
 
Le bureau de votre téléviseur est présent ici. Qu’est-ce que vous avez fait ? Vous avez visité le conseil de presse, reçu le permis et…
 
Nous sommes des médias, mais ce sont des partis politiques kurdes. Pourquoi n’ont-ils pas le droit de mener leurs activités politiques ici en tant que partis kurdes, sans être obligés de demander une autorisation – comme ils le prétendent?
 
Ils ont le droit. Le PYD a reçu un permis du comité des partis. Qu’est-ce qu’un permis? Il n’a rien à voir avec les règlements ou d’autres choses. Ils doivent seulement dire: « Je suis une fête, mon bureau est situé dans un certain lieu ou une ville, mes bureaux sont situés dans ces certaines zones et je veux commencer à travailler. » Ils soumettent leur programme et le comité l’approuve et assure sa protection. Et quand il aura une activité, un congrès, une réunion ou une marche, Asayesh [sécurité] et les autorités compétentes les protégeront.
 
Cependant, ils n’ont pas fait ces visites. Laissez-les visiter demain et s’ils obtiennent un permis, nous pourrons être côte à côte.
 
avec eux contre l’administration du nord de la Syrie et Rojava. Nous pouvons également leur demander: « Pourquoi ne le publiez-vous pas? » Mais pour autant que je sache, ils ne l’ont pas visité.
 
Leur donnerez-vous des permis s’ils visitent ?
 
Bien sûr. Je ne suis pas celui qui le donne, mais le comité associé à l’administration. Pour autant que je sache, l’administration leur a souvent demandé de leur rendre visite, leur offrant un soutien.
 
À cet égard, vous avez été critiqué. Certains membres de l’Etat islamique ont été libérés à différentes occasions grâce à une amnistie générale. Mais on vous reproche de garder certains membres de l’ENKS en prison. Pourquoi ne les libérez-vous pas?
 
Vous pouvez demander au tribunal et à la justice de leur cas et de leur peine. Les prisonniers ont besoin d’un décret judiciaire. En fait, je ne sais pas s’ils sont un, deux ou dix. Nous avons souvent demandé et, autant que je sache, ils ne sont pas aussi nombreux que ceux mentionnés dans les médias. Ils pourraient être un ou deux. La raison de leur arrestation n’est pas leur association avec ENKS, mais d’autres condamnations et crimes. Ces choses sont liées à la cour. Ils peuvent engager un avocat et se rendre au tribunal pour faire le suivi de leur affaire et déterminer si l’affaire est en cours ou non, ou si une peine a été infligée ou non. Il s’agit d’une question judiciaire et non politique.
 
Nous manquons de temps, mais je voudrais également poser des questions sur les erreurs qui ont entraîné la perte d’Afrin. Étiez-vous sous pression ? Ou vos calculs étaient-ils faux ?
 
Pire que des erreurs, c’était un puissant ennemi comme la Turquie, membre de l’OTAN qui a attaqué Afrin. C’était une question de pouvoir telle que des avions et des guerres. Et pendant les guerres, il faut tenir compte du fait que deux camps s’affrontent : l’un attaquant avec des capacités militaires et l’autre résistant. Tous les experts ont pensé qu’il serait impossible pour nous de résister pendant dix jours. Certains pays ont même douté de notre résistance pendant trois jours.
 
Qui étaient-ils ?
 
Quelques pays amis qui voulaient être au courant de la situation à Afrin. A cette époque j’étais en France. Les officiels français ont demandé: « Pouvez-vous résister pendant trois jours ? » Nous avons résisté pendant 58 jours, pas trois jours, ce qui n’était pas prévu.
 
Nous avons eu plus de 1 500 martyrs. Notre peuple n’a quitté la ville qu’au dernier moment. Tous les préparatifs – médicaments, logistique, eau et nourriture – ont été fournis. Tout cela était disponible jusqu’au dernier moment. Cependant, nous étions militairement faibles. Près de 32 avions ont survolé Afrin à des fins d’observation en plus des frappes aériennes en continu.
 
Quand ils ont ciblé le centre de la ville (hôpital, centre-ville et maisons), les combattants se sont rendus compte que plus les combats dureraient, plus de personnes mourraient parce que la ville était encerclée. Les combattants se seraient battus jusqu’au dernier moment s’ils étaient seuls. Mais lorsque les avions turcs ont visé l’hôpital et les habitants, il était clair que l’agression turque avait atteint un point tel qu’ils ne pourraient pas se retirer.
 
La Turquie est la deuxième force en importance au sein de l’OTAN et la cinquième dans le monde, mais vous vous êtes retiré rapidement. Y avait-il un accord international ?
 
Non non, il n’y avait pas d’accord. C’était simplement une question de terrain et militaire, liée aux commandants militaires sur le terrain et à la condition de la population, comme je l’ai déjà mentionné. Ces combattants avaient l’intention de se battre jusqu’au dernier moment, mais quand des civils sont impliqués dans la guerre, on ne peut pas faire certaines choses. Ce n’était pas une question politique ou liée à des accords.
 
Pouvez-vous répondre « Oui » ou « Non » à propos d’une éventuelle offensive sur le Rojava similaire à celle d’Afrin ?
 
Une attaque du type comme celle contre Afrin n’est pas possible car les autres endroits sont différents d’Afrin. Mais il y aura une pression pour apporter des changements similaires à Afrin – mais pas les mêmes.
(…)

Contre la division des questions sociales : Le point de vue de la jineolojî

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Depuis 2008, le mouvement des femmes kurdes développe la « Jineolojî », la science des femmes et de la vie. Pour beaucoup de gens, la jineolojî (ou jinéologie » en français) est l’un des sujets qui suscitent la curiosité et l’excitation d’une part, et la confusion d’autre part. Ceci est dû à sa prétention ambitieuse de présenter une alternative à la mentalité de la modernité capitaliste, qui est déterminée par des paradigmes positivistes, dominés par les hommes et colonialistes du savoir et de la science. Ces dernières années, le mouvement des femmes kurdes a partagé ses idées de jineolojî avec des milliers de femmes à travers le monde. Le discours suivant a été présenté par Necîbe Qeredaxî au nom de la commission de la jineolojî en Europe lors de la journée de la 1ère Conférence internationale des femmes « la Révolution en marche », par le Réseau « Les femmes tissent l’avenir » qui s’est tenue à Francfort les 6-7 octobre 2018. Elle a fourni une perspective par la jineolojî pour les nombreux ateliers auto-organisés auxquels des centaines de femmes du monde entier ont participé.
 
Chers camarades,
 
Permettez-moi de commencer par quelques remarques sur la méthodologie de l’État, l’hégémonie du système capitaliste et du patriarcat et leur impact sur la plupart des mouvements sociaux alternatifs et sur la manière dont ces derniers définissent les problèmes et leurs sources, ainsi que leurs méthodes pour y faire face. En effet, les méthodes de résolution des problèmes reproduisent en quelque sorte des problèmes et rendent les choses plus difficiles pour la société, la nature et les femmes au point d’engendrer le chaos. Cela signifie qu’une telle méthodologie catégorise les problèmes d’une manière qui donne la priorité à un aspect du problème, tout en ignorant les autres. Bien sûr, la femme, en tant qu’identité, existence et statut, est souvent ignorée. Une autre méthode problématique consiste à chercher des solutions à l’intérieur du système et avec les outils du système lui-même ; cela ne mène qu’à des illusions, plutôt qu’à de véritables solutions. De même, il est dangereux d’ignorer la question du patriarcat dans nos redéfinitions des concepts d’esclavage et de liberté. De plus, la maladie de l’individualisme, la désorganisation et notre chute dans les pièges du système nous amènent à agir dans les sources de connaissances qui renforcent le Pouvoir, alors que nous cherchons et suivons les paradigmes de la science et du savoir qui nous déconnectent chaque jour davantage de la société et de l’intelligence émotionnelle.
 
La dernière question que je voudrais mentionner est que considérer les problèmes de la société comme des problèmes individuels prive notre point de vue des aspects sociologiques et collectifs de ces problèmes.
 
Si nous voulons faire des recherches sur les femmes, la société matriarcale et l’histoire de la Mésopotamie à partir des pratiques actuelles de la connaissance et de la science, on nous demandera certainement de fournir des preuves pour la notion de société naturelle. Mais en fait, le Kurdistan et beaucoup d’autres régions et géographies indigènes ont beaucoup de sources orales de données culturelles et historiques non écrites. Les sites historiques qui montrent la lutte des femmes et l’oppression de l’État, de la hiérarchie et de l’hégémonie patriarcale peuvent être des preuves pour montrer les aspects et les réalités cachés de l’histoire qui doivent être révélés. Nos sites historiques ont été camouflés par ceux qui représentent l’État et la mentalité patriarcale, mais ils méritent d’être soulignés. Comme le dit Abdullah Öcalan, « l’histoire de l’esclavage n’a pas été écrite et l’histoire de la liberté attend d’être écrite ». Par conséquent, nous demandons : Si les sciences sociales prétendent chercher des solutions aux problèmes sociaux, comment se fait-il qu’elles favorisent et soutiennent l’hégémonie de ceux qui sont au pouvoir ? On pourrait facilement et sans doute dire que ces sciences sociales sont rationalistes, qu’elles collaborent avec les systèmes de domination, qu’elles deviennent des outils pour leur développement, qu’elles ne considèrent pas les femmes comme des sujets de recherche, mais qu’elles déforment leur réalité et se concentrent sur l’instinct capitaliste pour générer du profit.
 
Nous devons redéfinir l’existence et l’énergie de la femme pour découvrir la vérité. Cela doit inclure des analyses de la société, de la femme et de la vie ; les relations entre les femmes et les hommes et leurs relations avec la société ; la culture et les sociétés de la maternité et leur destruction ; la cause du développement de la mentalité patriarcale ; les méthodes utilisées par la mythologie, la religion, la philosophie et la science, et leur approche de la vie féminine.
 
Au cours des dernières années et dans le cadre d’un processus toujours en cours, la recherche de la jineolojî s’est penchée sur la manière dont les femmes ont été définies par ces méthodes. Nous nous sommes demandé s’il est vrai que le savoir est l’analyse du sens et de l’accumulation historique que les communautés ont obtenus en donnant un sens à leur vie et en trouvant des solutions aux problèmes auxquels elles sont confrontées, et si la science est l’institutionnalisation du savoir dans le but de comprendre l’univers et de répondre aux besoins sociaux – pourquoi y a-t-il tant de chaos, de guerre, de violence et de migrations forcées ?
 
Nous pouvons surmonter cette mentalité en remettant en question la relation créée entre l’homme oppresseur et la femme opprimée, en passant du paradigme urbain, moderniste et autoritaire à un paradigme démocratique, en analysant la société, la famille et la relation entre homme et femme. La première étape de cette transformation de nos luttes pour la liberté doit commencer par la transformation des individus en structures organisées.
 
Il ne s’agit pas ici de réformes sociales, politiques, économiques et juridiques, mais bien d’une révolution. Une révolution qui s’épanouit grâce à l’autodétermination des femmes. Une révolution dans laquelle les femmes ne sont pas seulement partiellement incluses, mais sont au cœur de la révolution en la dirigeant et en la planifiant avec leur propre esprit. Quand on parle de femme, on ne parle pas d’une existence biologique, mais d’une existence politique et sociale. Nous parlons du lien entre l’histoire et le présent. Nous parlons à la fois de progrès pratiques et théoriques. Nous parlons de la vérité qu’il y a des milliers d’années, dans les terres de Mésopotamie, la colonisation, la socialisation et la première révolution agricole se sont développées autour des femmes.
 
Sans analyser et examiner la relation entre le système capitaliste, la domination de l’Etat et du genre et la tyrannie, il est difficile de parler d’alternatives et de proposer des solutions à la question universelle de la liberté. Sans toucher aux racines historiques de la société et à la réalité des époques matriarcales de la vie et au-delà, nous ne pouvons pas comprendre le passé ou le présent ni comment « tisser notre avenir ».
 
Ainsi, pour créer de nouvelles potentialités et des changements sociaux durables, il faut aussi que des transformations de genre se produisent au sein de la société et c’est ce que fait le mouvement des femmes au Kurdistan et, en raison des conditions, plus concrètement au Rojava. Pour aider la société à se défendre mentalement et idéologiquement, l’une des méthodes les plus importantes est le développement du concept de co-vie libre (hevjiyana azad) et de l’être (xwebûn).
 
Pour ceux qui entendent pour la première fois le terme « jineolojî » : le terme « jineolojî » est composé de deux mots : « jin » et « loji ». « Jin » est un mot kurde, qui signifie « femme » et « lojî » vient du terme grec « logie » désignant la science. C’est un cadre d’analyse radicale que le mouvement de liberté kurde, et en particulier le mouvement des femmes du Kurdistan, développe depuis 2008. Il tente de transférer les avancées du mouvement des femmes kurdes dans la société, sur la base d’une critique des sciences sociales. Elle montre comment les sciences positivistes ont monopolisé les systèmes entre les mains des hommes et ont donc créé d’énormes écarts entre la société et la vérité, la société et la vie, la société et la science.
 
La jineolojî est le résultat du progrès dialectique du mouvement des femmes kurdes, ainsi qu’un début de réponse aux contradictions et aux problèmes de la société, de l’économie, de la santé, de l’éducation, de l’histoire, de la démographie, de l’écologie, de l’éthique et de l’esthétique, en développant une méthodologie alternative.
 
Hêlîn Dersîm, qui a été membre du premier comité de la jineolojî dans les montagnes du Kurdistan, mais qui a été tuée par les bombardements de l’État turc, a laissé un héritage si riche de recherches et de connaissances sur l’histoire non écrite des femmes que l’histoire doit la reconnaître avec fierté.
 
Dans sa lettre qui nous est adressée, elle écrit :
 
« Nous devons nous concentrer sur la réalité de la société dans les montagnes de Zagros, qui est le berceau de la société matriarcale. Afin d’acquérir des connaissances, j’ai rencontré et parlé à des bergers, des guérisseurs et des collectionneurs d’herbes. J’ai passé des heures à marcher dans les montagnes. Jineolojî révèle la relation entre la femme et la vie à travers plusieurs facettes et définit la vie à travers les perspectives des femmes. Par conséquent, dans cette perspective, le concept d’homme doit être redéfini. Ce fait peut être retracé à travers les mots kurdes « camer » ou « camerd », qui signifie « généreux/généreuse ». « Ca » ou « cî » en kurde est mère. Il est suggéré qu’à l’époque néolithique, l’homme vivait selon des règles régies par la femme. Cela a encore un impact au Kurdistan et dans l’ensemble de la région. D’autre part, il est important d’analyser le caractère des hommes chasseurs et marchands. Il est important d’évaluer la culture du viol et du fascisme à travers la mentalité des hommes à la recherche du pouvoir. Le mot « zilam » en kurde vient de « zulm » qui signifie « tyrannie ».
 
Partout dans le monde, de véritables tentatives sont faites pour résoudre les problèmes de toute urgence. Nous devons faire attention à ne pas tomber dans le cycle des soi-disant organisations de la société civile qui sont liées à l’État. Il faut plutôt tenter de prendre des mesures locales et pratiques et de développer l’académie pour une éducation alternative afin de changer les mentalités. Sans changer notre mentalité, il est difficile de créer un changement radical et de s’émanciper des astuces du système et de ses institutions. A chaque prise de conscience, nous sommes obligés d’utiliser des méthodes de critique et d’autocritique.
 
Nous devons considérer chaque événement dans son contexte historique. Notre traitement de l’histoire pourrait être basé sur une vision des choses comme exemple vivant de phénomènes.
 
Est-ce une coïncidence qu’après 4 000 ans, le modèle sociopolitique du Rojava soit basé sur la co-présidence plutôt que sur une dictature centraliste et patriarcale des hommes ? Nos grands-mères disent : l’herbe reverdira à nouveau sur ses racines. Considérez la signification des images du dieu et de la déesse sur des trônes égaux, comme dans Tal Xalaf ! Telle est la philosophie qui sous-tend cette révolution. Elle est en train de restructurer les valeurs de la société matriarcale. La mère n’est pas une simple entité biologique. Elle est une valeur qui peut équilibrer et traiter avec la première nature (l’univers) et la seconde nature (l’humain et la société).
 
En ce qui concerne la démographie, il faut savoir que la question de la surpopulation est liée à celle de l’objectivation de la femme, de la colonisation de son corps, de sa volonté et de son identité au nom de l’honneur, de la fausse liberté et du faux amour. C’est ainsi que le système promeut un mode de vie dans lequel les sociétés mettent trop l’accent sur le genre et le sexe, plutôt que sur l’égalité de vie.
 
Nous devons savoir qu’il existe une relation forte entre le système capitaliste et toutes ces crises qui sont définies comme des catastrophes environnementales. Quand la moralité est diminuée, des catastrophes écologiques se développent. L’innovation durable a été remplacée par la destruction. Cela a commencé par la destruction du statut, de l’existence et du rôle de la femme. Nous devons comprendre que les concepts de moralité et d’éthique peuvent être définis non seulement comme des concepts religieux, mais aussi comme le cadre d’une relation symbiotique entre l’homme et la nature, les femmes et la nature et les femmes et les hommes. Pour cela, il doit y avoir un mouvement qui ne se concentre pas seulement sur la préservation de l’environnement, mais qui doit être basé sur un changement conscient et éthique du système.
 
La jineolojî ne suit pas le système économique dominant qui est abstrait de l’écologie et de la vie. La connaissance de la démographie a été détournée de l’économie et de l’écologie sous le nom de plus-value, mais elle ne peut être qualifiée que d’anti-vie. Notre paradigme de la modernité démocratique avec ses principes de démocratie radicale, directe et communautaire, d’écologie et de libération des femmes analysera les questions de pouvoir en considérant les questions entourant l’écologie comme des questions principales. Ce paradigme préconise des révolutions éco-technologiques contre l’industrialisation.
 
Peut-on voir une vision plus écologique que l’attitude des femmes analphabètes, qui disent : « Ne versez pas d’eau chaude sur la terre. Elle nuit à la terre, à l’herbe et à ces créatures qui vivent dans la terre ». Nous avons besoin d’un paradigme de la science et de la connaissance pour révéler les faits plutôt que de les couvrir pour les utiliser comme outil d’intérêt et de capital. Notre travail doit être honnête et au service de la société.
 
La jineolojî en tant que science de la femme, de la vie, de la société et de la liberté est un point de départ contre la partition des problèmes sociaux et la recherche de solutions à l’intérieur et à travers le système. Tous les problèmes qui découlent du patriarcat et de la hiérarchie doivent être analysés et résolus de manière interconnectée et dans leur ensemble.
 
Il n’est donc pas surprenant que nous suggérions que dans les ateliers, l’évaluation de la géographie montagneuse soit prise en compte. Les montagnes ont une signification cruciale dans tous les mouvements alternatifs et anti-systèmes. Même pour les individus, nous pouvons voir la valeur de la montagne pour la réorganisation du moi ou pour séparer le moi des impacts destructeurs du système.
 
Il est urgent de quitter les prémisses de la science contemporaine imposées par le système et de créer un nouvel environnement de discussion. Les séminaires, panels et conférences ne suffisent pas. Nous avons besoin d’un autre type d’académie qui puisse, systématiquement et pas à pas, travailler sur la manière dont nous pouvons atteindre nos objectifs, des révolutions mentales aux transformations sociales. Cela ne peut se faire sans légitime défense.
 
L’autodéfense ne consiste pas seulement à ramasser des armes. La Jineolojî elle-même est une science d’autodéfense.
Nous avons le devoir de révéler les faits pour le bien des peuples, des femmes et des jeunes afin de pouvoir lutter contre le fascisme. Par exemple, nous ne pouvons pas considérer l’Iran comme anti-impérialiste, alors que le régime commet des exécutions quotidiennes de personnes innocentes. Le pays constitue une prison encore plus grande, où les gens sont privés de liberté. Nous ne pouvons pas regarder les réfugiés à travers le prisme de la pitié. Nous devons mettre en évidence les causes profondes et les raisons de leur état. Nous devons examiner les enjeux à l’échelle locale et dans une perspective non étatique. Les mouvements locaux et ceux qui veulent faire partie d’un front alternatif – antifasciste et anti-patriarcal – ne doivent pas voir les choses à travers des notions individualistes de liberté ou de société à travers le prisme de la victimisation. Au lieu de cela, ils doivent chercher des cadres théoriques qui peuvent se mettre eux-mêmes et soumettre les questions sociales à la critique pour se poser la question de ce que nous avons perdu et où nous l’avons perdu.
 
Ce n’est que lorsque la mentalité du Pouvoir et l’hégémonie de ses institutions seront paralysées que nous pourrons parler de notre existence comme d’une alternative. Cela n’est possible qu’au moyen d’une méthode qui est organisée et qui peut penser en dehors du cadre du système. De même, les solutions à nos problèmes doivent également sortir du cadre du système. Nous pouvons à juste titre nous demander si nous sommes prêts pour cela. À quoi ressembleraient nos outils, nos concepts, nos théories et nos organisations ? Il y a plusieurs exemples dans l’histoire ancienne et nouvelle pour ces derniers, mais l’histoire écrite du paradigme positiviste actuel les a toujours niés. De nos jours, cela s’incarne dans la révolution en cours au Kurdistan du Rojava.
 
La théorie est-elle importante ou la pratique ? S’il n’y a pas de pratique de la vie, les théories perdraient leur valeur. Si la théorie ne peut être collective et sociétale, elle resterait au niveau individuel et seulement sur les papiers de l’histoire. Une théorie alternative ne peut être efficace que par des rénovations continues et vivantes. La mesure en est la mesure dans laquelle elle apporte une réponse aux besoins de la société et dans quelle mesure elle se libère de la mentalité de la hiérarchie et du pouvoir.
 
Notre conscience de soi quotidienne peut nous montrer comment nous sommes attirés de nouveau dans le système et comment nous nous y fondons à nouveau, ainsi que comment éviter que cela ne se produise. Ce n’est pas un hasard si, dans les mêmes pays où le fascisme s’est érigé et a été vaincu, la maladie de l’ultra-nationalisme, l’islamophobie, la haine contre les réfugiés, les vues orientalistes et la pacification des mouvements alternatifs et sociaux sont à nouveau en hausse pour que le système travaille à reproduire le fascisme. Les mouvements sociaux et politiques alternatifs qui prétendent lutter contre le système restent toujours dans le domaine de la « charité ou du soutien » envers les mouvements d’autres régions du monde. Ils restent faibles lorsqu’il s’agit de se compléter mutuellement en tant qu’acteurs.
 
La lutte contre l’occupation, le fascisme et le patriarcat ne peut être menée uniquement par la réaction. Néanmoins, la lutte continue contre la mentalité patriarcale et les mentalités traditionnelles des femmes doit partir de la critique et de l’autocritique. Au tout début de sa lutte, Abdullah Öcalan a déclaré : « Pour détruire le château de l’ennemi, nous devons d’abord détruire le château qui a été construit dans notre esprit ». Pour Sakine Cansiz, la philosophie de cette lutte était : « Rien n’est impossible ».