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« Happy Dreams Hotel », ou comment va le Kurdistan?

PARIS – Les 7, 8 et 9 octobre dernier, le Théâtre Municipal Berthelot-Jean Guerrin accueillait le comédien kurde Aram Taştekin pour son spectacle « Happy Dreams Hotel » (anciennement« Happy Dreams, une histoire kurde ») qui avait fait peau neuve. Le metteur en scène d’Happy Dreams Hotel, Elie Guillou a enrichi la pièce, en y intégrant comme acteur le musicien Neşet Kutaş qui auparavant accompagnait le spectacle avec des percussions.

Lors de la reprise de «Happy Dreams Hotel» dans le théâtre montreuillois, de très belles surprises attendaient ceux qui avaient assisté aux précédentes représentations du spectacle depuis 2 ans. En effet, le talentueux Aram n’était plus l’unique acteur sur la scène. Il y avait aussi ce cousin (joué par Neşet Kutas) avec qui le héros avait grandit dans une belle complicité. L’hôtel miteux où les deux jeunes hommes attendent le RDV du cousin qui rejoindra la guérilla donne le « la » à cette comédie burlesque. Le reste du spectacle est un vertigineux voyage qu’Aram effectue au Kurdistan, toujours sous le regard attentif du cousin…

« Happy Dreams Hotel », ou comment va le Kurdistan ?

Il faut beaucoup d’imagination pour ne pas effrayer le public tout en lui racontant des horreurs, mieux encore, il faut le « divertir » car « les gens vont au théâtre pour se changer les idées puisqu’ils ont déjà assez de soucis comme ça » (phrase entendue maintes fois). C’est ce qu’Aram Tastekin a fait avec brio au théâtre municipal de Montreuil. Il a raconté la guerre au Kurdistan, les disparitions forcées des Kurdes, les incendies des villages kurdes par l’armée turque, l’exil forcé, la prison, la destruction de la nature et le patrimoine du Kurdistan, le génocide linguistique et la résistance du peuple kurde… le tout avec un air faussement naïf d’un jeune qui rêve juste d’être un grand acteur, comme le légendaire Yilmaz Guney.

Happy Dreams Hotel, une histoire drôle et amer à la fois
 
Dans « Happy Dreams Hotel », Aram Taştekin nous emmène dans son village montagneux de Xarabguryan, au fin fond du Kurdistan, où un gamin de 6 ans découvre que sa langue maternelle est interdite, qu’être Kurde l’est également. Il voit un de ses cousins rejoindre la guérilla kurde. Il apprend que, bien qu’il s’appelle Aram, il est « Ikram » pour l’État turc, que même la montagne de son village a deux « prénoms », un en kurde, l’autre en turc… Aram assiste à l’incendie de son village par les soldats turcs qui chassent tous les habitants de la région.
 
Aram doit s’adapter à sa nouvelle vie citadine à Diyarbakir (Amed). Un fois ado, il part en cachette à Antalya voir des filles russes et où il travaille comme animateur pour enfants de touristes dans le grand hôtel « Happy Dreams ». Un voyage qui se termine quand Aram rencontre une troupe de théâtre kurde qui cartonne à cause d’un quiproquo.
 
Malgré son sujet difficile, le spectacle nous fait rire grâce aux anecdotes – souvent absurdes – qu’Aram nous raconte. Par exemple, comment passer sans encombre 
un barrage militaire alors qu’il accompagne son cousin rejoindre la guérilla, son obsession d’être un « vrai » Kurde (même pour sa mère à la colère terrible qui est une Arménienne « auto-assimilée »), l’histoire de trois bouteilles de coca qui privent le village d’eau potable pendant une semaine, le petit garçon qui doit dire aux soldats turcs qu’il ne parle pas le turc, sa troupe de théâtre qui fait un tabac à cause de son titre que l’armée turque considère comme un message subliminal faisant la propagande de la guérilla kurde…

Elie Guillou, Neşet Kutas et Aram Tastekin
« Happy Dreams Hotel » a été écrite par Elie Guillou à partir du récit d’Aram Tastekin. Guillou a été assisté par Noémie Régnaut dans la mise en scène du spectacle.

En plus d’endosser le rôle du cousin, Neşet Kutas joue des percussions entre chaque sketch.

Pour ceux qui n’ont pas encore vu « Happy Dreams Hotel », il sera à l’affiche du Théâtre Antoine Vitez, à Ivry Sur Seine, les 9 et 10 décembre 2021. Un spectacle à voir pour prendre le pouls du Kurdistan qui résiste, encore et toujours…