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« Procès Kobanê », la Turquie se venge de la défaite de DAECH au Rojava

ANKARA – Ce lundi, 108 politiciens d’HDP, dont les anciens coprésidents Figen Yüksekdağ et Selahattin Demirtaş, et des militants kurdes sont jugés à Ankara dans le « Procès Kobanê » pour avoir soutenu la résistance de la ville de Kobanê contre le groupe terroriste État islamique (EI / DAECH).
 
Malgré la présence massive des forces de sécurité devant et à l’intérieur de la salle d’audience de Sincan, une foule énorme s’est formée ce matin devant le palais de justice de Sincan où le procès Kobanê a lieu.
 
Les forces de sécurité assises à la place des avocats de la défense
 
L’avocat Cahit Kırkazak présent à Sincan déclare que le régime turc a fait installer le personnel de sécurité jusque dans les rangs réservés aux avocats de la défense, à tel point que près de 100 avocats n’ont pas pu entrer dans la salle.
 
Le régime turc se venge de la défaite de DAECH à Kobanê
 
Les coprésidents d’HDP, Pervin Buldan et Mithat Sancar qui sont également sur place ont déclaré que : « L’affaire Kobanê n’est en aucun cas une affaire fondée sur le droit, c’est une affaire de conspiration. Son but est de se venger. Pourtant, ici, la vérité jugera les mensonges. Depuis cette salle d’audience, le courage va se répandre dans toute la Turquie. »
 
Le parti démocratique des Peuples (HDP) a lancé le hashtag #HDPyargılıyor (Le HDP juge) pour dénoncer ce procès de la honte.
 
Affaire Kobanê, le procès de la honte
 
Le procès – connu sous le nom d’ « affaire Kobanê » – les accuse pour un message Twitter d’octobre 2014 appelant à la solidarité avec les habitants de Kobanê contre les attaques de l’État islamique (DAECH / ISIS). Au total, plus de 37 personnes (essentiellement des Kurdes) ont été tuées lors des manifestations de 2014 pour Kobanê – la grande majorité par des tirs de la police turque.
 
Les procureurs accusent le tweet d’avoir incité à la violence. La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme n’avait trouvé aucune preuve pour soutenir cette accusation. En réexaminant l’affaire en décembre 2020, la CEDH avait estimé que le Tweet « restait dans les limites du discours politique, dans la mesure où ils ne peuvent être interprétés comme un appel à la violence », et a demandé la libération immédiate de Selahattin Demirtaş.
 
Le HDP, seule force politique défendant la paix  
 
Début avril, le HDP avait appelé les observateurs internationaux à assister au procès Kobanê en attirant l’attention sur le processus d’interdiction de leur parti enclanché par le régime turc.
 
« Le HDP est actuellement confronté à deux opérations judiciaires de grande envergure organisées par le gouvernement AKP. La première est la procédure de fermeture contre le HDP lancée récemment par le procureur de la Cour de cassation, un procureur qui avait été nommé par le président turc Recep Tayyip Erdoğan en juin 2020. L’affaire sera entendue par la Cour constitutionnelle, dont les membres sont principalement des juges nommés par le groupe majoritaire AKP-MHP au parlement.
L’autre procédure, connue sous le nom d’ »affaire Kobanê », a été introduite contre 108 personnes, dont les anciens coprésidents du HDP – M. Selahattin Demirtaş et Mme Figen Yüksekdağ -, la coprésidente actuelle Mme Pervin Buldan, ainsi que des députés et maires du HDP, actuels et anciens, tous membres du comité exécutif central du HDP en 2014. Cette affaire a été lancée comme une contre-attaque du gouvernement turc, deux semaines seulement après que la Grande Chambre de la Cour européenne des Droits de l’Homme ait rendu son arrêt définitif et exigé la libération immédiate de Selahattin Demirtaş. L’acte d’accusation de cette affaire demande plus de 15 000 ans de prison rien que pour Selahattin Demirtaş. L’affaire, cruciale en elle-même, est utilisée par le gouvernement pour bannir le HDP et éliminer ses dirigeants et ses cadres du champ politique.
L’acte d’accusation reproche au HDP un message Twitter posté le 6 octobre 2014 qui appelait à des manifestations de solidarité avec les habitants de Kobanê, une ville kurde du nord de la Syrie, qui luttait à l’époque contre les attaques de l’EI et l’embargo de la Turquie. Au moins 37 personnes ont été tuées pendant les manifestations, dont la grande majorité étaient des partisans du HDP tués par des tirs de la police turque. Le HDP a jusqu’à présent déposé de nombreuses propositions visant à créer une commission parlementaire chargée d’enquêter sur les manifestations, mettre à jour la vérité et trouver les instigateurs de la violence et les meurtriers. Mais toutes ces propositions ont été rejetées par l’alliance AKP-MHP au pouvoir au parlement. Jusqu’à présent, aucun officier de police turc n’a été effectivement poursuivi, aucune enquête n’a été menée sur les responsables de la mort des partisans du HDP. Ajoutant l’insulte à l’injure, le gouvernement utilise aujourd’hui, c’est-à-dire plus de six ans après les manifestations, un système judiciaire totalement politisé afin de punir le HDP pour le meurtre de ses propres partisans. Alors que le président Erdoğan accuse depuis longtemps les dirigeants du HDP d’avoir incité à la violence en appelant aux manifestations, la Grande Chambre de la Cour européenne des Droits de l’Homme a souligné, dans son arrêt du 22 décembre 2020, que les appels du HDP à manifester pour Kobanê « restaient dans les limites du discours politique, dans la mesure où ils ne peuvent être interprétés comme un appel à la violence ». »