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Quand le consulat turc essaye de faire taire les amis des Kurdes en France

FRANCE – Des fascistes pro-Turquie ont perturbé une réunion publique sur le Rojava, organisée le vendredi 8 mars à Châtillon-sur-Chalaronne, dans l’Ain. Le journaliste français, Raphael Lebrujah revient sur les faits et dénonce l’intervention des responsables turcs en France pour faire taire les ami.e.s des Kurdes.
 
« Tentative d’intimidation le vendredi 8 Mars contre une réunion sur le Rojava, la lutte des femmes et mon livre organisée par une section locale de la Libre Pensée, organisation laïque, à Châtillon-sur-Chalaronne dans l’Ain. Les faits :
 
La réunion devait avoir lieu à 20h, elle avait été annoncée par une campagne d’affichage dans la localité, dans le journal régional Le Progrès et par le biais d’invitations (courriers, mails, …). Une salle avait été prêtée par la mairie.
 
Vers 17h45 une des organisatrice reçoit un coup de fil de la gendarmerie de Bourg en Bresse . On lui demande, si nous voulions faire l’apologie du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, sur la liste des organisations terroristes de l’UE à la demande de la Turquie)
 
La gendarmerie pose de nombreuses questions sur les organisateurs et l’événement. L’organisatrice lui répond qu’il n’avait jamais été question du PKK à la conférence. Aucun document ou article diffusé ne faisait référence au PKK.
 
La gendarmerie informe qu’elle a été appelée par le consulat de Turquie pour avertir que la réunion heurtait la sensibilité de la communauté turque locale.
 
Vers 18h30 la gendarmerie de Châtillon sur Chalonne appelle pour demander les mêmes information toujours à la même organisatrice. En ajoutant : « êtes vous seule à l’organiser » ?
 
L’Organisatrice et moi même arrivons sur les lieux de la conférence, vers 18h45, et là nous attendaient 3 individus, qui nous interpellent immédiatement : « C’est vous Mr Lebrujah ».
 
L’organisatrice lui demande si nous nous connaissions.« Non, mais je me suis renseigné sur vous, vous faites l’apologie des YPG, une organisation terroriste. J’ai appelé le consulat. »
 
Les YPG (unités de défense du peuple, milice kurde syrienne) ne sont pas classées comme une organisation terroriste par la France (et même soutenues par cette dernière par le biais de la coalition dont elle fait partie : les Forces démocratiques syriennes – FDS)
 
Par contre, la Turquie considère les YPG comme une organisation terroriste. J’indique à l’individu en question que c’était son droit de penser ce qu’il voulait et lui rappelait que cette milice est armée par la France.
 
Il ajoute : « vous avez été sur le front pendant 1 ans vous ? » Je lui répond que « je ne suis jamais allé sur le front. ». Je tiens à préciser que je ne suis pas un militaire, que je ne l’ai jamais été.
 
Un autre homme lance :« Vous savez comment ils se financent ? Avec le trafic d’organes, le kidnapping de femmes ». Sur ce l’organisatrice dit que nous avons pas le temps de discuter car nous devons préparer la salle.
 
Nous nous enfermons dans la salle, à plusieurs reprises les individus à l’extérieur qui étaient de plus en plus nombreux, ont commencé à taper sur les vitres et à vouloir rentrer. Nous signalons la situation à la gendarmerie.
 
Cette dernière décide d’envoyer plusieurs équipes sur place (entre 2 et 3). J’envoie dans la foulée un tweet à 19h24 plus une précision à 19h56 (pour répondre à des questions) avant que les gendarmes ne rentrent dans la salle.
 
Les gendarmes viennent, d’autres participants arrivent entre temps. Je leur signale, que dehors, ce sont visiblement des islamistes pro-Erdogan qui ont eu des comportements dangereux par le passé. Réponse : « On ne fait pas de politique. »
 
Un des gendarmes nous informe que les Turcs sont venus ici pour contredire tout ce que dira le conférencier et que leur but est de faire dégénérer la conférence. Il y avait donc un risque de trouble à l’ordre publique.
 
Etant donné, que pour les gendarmes, la conférence est ouverte, ils ne peuvent pas empêcher les turcs de rentrer et qu’ils ne joueront pas nos « portiers ». Ils nous incitent à annuler. Puis repartent dehors discuter avec nos « contradicteurs ».
 
Plus tard, un gendarme revient, disant : « c’est vous Raphaël Lebrujah ? », je réponds tout de suite à l’affirmative et il me dit : « Alors, vous allez arrêter de twitter tout de suite. Vos tweets sont des provocations qui perturbent mon travail ! »
 
« Vous arrêtez tout de suite, suis-je bien clair ? Si il y a des troubles à l’ordre publique les organisateurs, l’association et vous même serez responsables! Tweetez encore et vos tweets finiront sur le bureau du préfet ! Est-ce clair ? »
 
« Je répond oui, et demande s’il s’agit là d’une menace », ce que le gendarme nie avant d’ajouter « La liberté de penser c’est bien mais pas pour ce soir. » Avant de nous inciter à annuler la conférence.
 
Face à la situation, nous décidons d’annuler la conférence publique que nous avons transformée en conférence privée en nous déplaçant ailleurs.
 
Lors de notre sortie de la salle municipale, contents d’eux, très provocateurs, les Turcs ricanent : «Vous avez peur de débattre ? Pourquoi vous annulez ? Alors la conférence, ohh.»
 
Le président de la Libre Pensée de l’Ain déclare qu’il allait réagir à ce qu’il considère comme une atteinte à « la liberté d’expression et de se réunir dans le cadre d’une offensive plus large contre la laïcité en France. »
 
P.S: Cette tentative n’a pas empêché de tenir une réunion sur le sujet annoncé avec une vingtaine de participants. Il n’empêche que c’est une atteinte directe au droit de réunion et d’expression en France et avec l’implication du consulat turc à la politique islamiste. »