TURQUIE – La police turque a attaqué un rassemblement de journalistes réuni.e.s à İstanbul-Şişhane pour faire une déclaration à la presse suite au meurtre de Nazim Daştan et Cihan Bilgin (journalistes kurdes tué.e.s par un drone turc le 19 décembre au Rojava).
Les journalistes, réunis sous la direction de l’Association des journalistes Dicle Fırat (DFG), de l’Association des femmes journalistes de Mésopotamie (MKG) et du syndicat de la presse DİSK Basın-İş, ont organisé une conférence de presse sur la place Şişhane pour les journalistes Nazim Daştan et Cihan Bilgin, assassinés par un drone turc alors qu’ils couvraient les développements au Rojava, dans le nord et l’est de la Syrie. Les représentants de nombreux partis politiques et organisations non gouvernementales ont également soutenu cette déclaration. La police a assiégé le groupe et arrêtés de nombreuses personnes, dont au moins 12 journalistes.
Les journalistes ont réagi à la situation avec le slogan « La presse libre ne peut pas être réduite au silence ».
Parmi les journalistes détenus, il y a des journalistes de l’agence Mezopotamya (MA) Ferhat Sezgin et Melik Çelik, la journaliste de JINNEWS Rozerin Gültekin, les journalistes Pınar Gayip, Enes Sezgin, Osman Akın, Hayri Tunç, Yadigar Aygün, Serpil Ünal, Zeynep Kuray, Mustafa Subaşı, Saliha Aras, Gülistan Dursun, Elif Bayburt, Umut Taştan.
Dilek Başalan, de l’association Kadin Zamani (Le Temps des Femmes), et Sidar Perçin, avocat de l’ÖHD, ont également été arrêtés.
Hier également, la police turque a attaqué des rassemblements de journalistes pour Nazim Daştan et Cihan Bilgin à Diyarbakir (Amed) et Van et détenu de nombreuses personnes.
KURDISTAN – 13 journalistes kurdes ont été tués et 7 autres ont été blessés lors d’attaques turques ciblant le Kurdistan irakien et le Rojava, Syrie du N-E ces cinq dernières années.
La Turquie cible également les journalistes dans ses attaques contre la région du Kurdistan d’Irak et les régions du nord et de l’est de la Syrie. La Turquie a également assassiné des journalistes le 19 décembre après avoir pris pour cible les appareils Kobanê FM sur la colline de Berkel, au sud de Kobanê. Les journalistes Nazim Dastan (32 ans), et Cihan Bilgin (29 ans) qui couvraient les combats entre les forces démocratiques syriennes et les mercenaires de la Turquie dans le nord et l’est de la Syrie, ont été pris pour cible par un drone armé turc sur la route entre le barrage de Tichrine et la ville de Sirrin le 19 décembre.
13 journalistes ont été assassinés
Nazim Daştan et Cihan Bilgin n’étaient pas les premiers journalistes visés par la Turquie dans le Rojava. Les journalistes qui ont couvert l’évolution de la situation depuis le jour où les attaques se sont poursuivies ont été la cible de frappes de drones ou d’artillerie turcs. Depuis 2019, à cause d’attaques turques ciblant les journalistes au Rojava et au Kurdistan irakien, 13 journalistes ont été tués et 7 journalistes ont été blessés. Nagihan Akarsel, membre de l’Académie de jinéologie et journaliste assassinée le 4 octobre 2022 dans la ville de Suleymaniye, au Kurdistan du Sud, fait parti des journalistes pris pour cible par les attaques turques.
Journalistes assassinés
11 octobre 2019 : Le journaliste Vedat Erdemci est tué dans l’attaque aérienne sur Serêkaniyê.
13 octobre 2019 : Seed Ehmed, journaliste de l’ANHA, et Mihemed Hisen Reşo, journaliste de Çira TV, ont été tués dans le bombardement en direction de Serêkaniyê.
13 octobre 2019 : Dilovan Gever a été tué lors de l’attaque du SIHA contre le véhicule des journalistes à Girê Spî.
2019 : Zîzis Sînke, membre de la Presse Frî Bor Marincir, perd la vie dans le bombardement de Til Temir.
4 octobre 2022 : Nagihan Akarsel est assassiné à Silêmaniyê.
19 novembre 2022 : le journaliste de l’ANHA Îsam Ebdullah a été tué dans la frappe aérienne à Dêrik.
23 août 2023 : Le véhicule de l’agence de presse féminine Jin TV a été bombardé sur la route entre Qamishlo-Amude. Necmedîn Feysel El Hac Sinan, employé de Jin TV, a perdu la vie dans l’attaque et la journaliste Delila Egîd a également été blessée.
8 juillet 2024 : Une attaque aérienne a été menée contre le véhicule transportant les employés de Çira TV et Çira FM qui suivaient l’actualité dans la région yézidie de Shengal. Le journaliste de ÇİRA TV, Murat Mîrza, blessé lors du bombardement, est décédé le 11 juillet 2024.
23 août 2024 : Un véhicule appartenant à la société de médias Chatr Production a été bombardé par des drones turcs dans le quartier Seyidsadık de Silêmaniyê. Les journalistes Gulîstan Tara et Hêro Behaddîn ont perdu la vie et 6 autres journalistes ont été blessés dans l’attaque.
19 décembre 2024 : Les journalistes Nazim Daştan et Cihan Bilgin, qui couvraient les affrontements armés dans le nord et l’est de la Syrie, ont été tués dans une attaque de drone turc sur la route entre le barrage de Tişrîn et la ville de Sirin.
Dans la soirée du vendredi, une voiture a foncé sur la foule dans le marché de Noel de Magdebourg, capitale du Land de Saxe-Anhalt, faisant de nombreuses victimes. Alors qu’on privilégie la thèse d’un attentat terroriste qui serait commis pas un ressortissant saoudien. Il s’agirait du conducteur de la voiture qui a été arrêté. L’activiste kurde, Scharo Maroof rappelle que le groupe État islamique (EI ou DAECH) reste une menace sérieuse pour la sécurité des pays européens et signale que le groupe terroriste a réactivé ses cellules dormantes dans plusieurs zones syriennes. De plus, des dizaines de milliers de membres de DAECH / ISIS détenus au Rojava, dans le Nord de la Syrie, risquent de se retrouver dans la nature grâce aux attaques turco-jihadistes ciblant les Kurdes syriens qui furent le fer de lance de la colation internationale dans la lutte contre l’État islamique.
Voici l’intégralité du message de Scharo Maroof:
« Ce qui s’est passé à Magdebourg est vraiment horrible. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu une nation entière sous le choc et en état de deuil.
Le jour même où l’attaque terroriste a eu lieu, le ministre allemand des Affaires étrangères Baerbock a exigé que les Kurdes déposent leurs armes.
Les YPG/J ont non seulement mené la guerre contre l’État islamique, mais ils l’ont également vaincu.
La seule force militaire efficace en Syrie qui serait capable d’arrêter la résurgence de l’EI devrait déposer les armes d’ici à ce que l’Allemagne.
L’implication des Kurdes dans les activités de renseignement est également significative : une quantité considérable d’informations précieuses sur les cellules de l’EI en Europe provient des FDS.
Ne me croyez pas sur parole, demandez-le à votre gouvernement : ces dernières années, toutes les actions entreprises par les services de renseignement allemands contre les cellules de l’EI provenaient de sources extérieures et d’agences de renseignement alliées.
C’est presque satirique que l’Allemagne exige désormais que les Kurdes déposent les armes et laissent libre cours aux Turcs. L’Allemagne croit-elle que la Turquie remplira ce rôle ?
La Turquie n’informe même pas l’Allemagne des masses de terroristes qui voyagent de Syrie vers l’Europe via Istanbul.
Ou bien l’Allemagne croit-elle sérieusement que les Kurdes maintiendront la mission anti-EI tout en regardant leurs Kurdes se faire massacrer par l’armée turque et l’Armée nationale kurde dirigée par la Turquie – comme nous l’avons vu à Afrin ?
Selon l’Allemagne, que va-t-il se passer ensuite ? – La Syrie va bientôt entrer dans une nouvelle guerre civile. Baerbock va-t-elle alors permettre aux Kurdes de reprendre les armes ? Peut-être même leur demander s’ils peuvent à nouveau affronter l’EI ?
L’EI est physiquement de retour : il contrôle désormais de vastes zones du désert syrien et l’augmentation massive des frappes aériennes américaines dans le désert syrien devrait être votre première indication que la situation devient incontrôlable.
Ils ont tenté de prendre Sukhna et Palmyre mais ont été repoussés par les frappes aériennes américaines il y a quelques jours.
Si vous croyez que HTS, qui partage une grande partie des convictions de l’EI, les affronterait, vous vous trompez lourdement.
Et si vous pensez que la Turquie affrontera l’EI, faites simplement une recherche rapide sur ce qui s’est passé à Al Bab. »
SYRIE / ROJAVA – Quelques heures avant leur meurtre par un drone turc, les journalistes kurdes Cîhan Bîlgîn et Nazim Dastan étaient sur le front des combats près du barrage de Tichrine. Les deux journalistes avaient interviewé les combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS) et des unités de protection des femmes (YPJ). Ces derniers déclaraient qu’ils défendraient Kobanê face à la Turquie et ses mercenaires, comme ils l’ont fait contre DAECH entre septembre 2014 et janvier 2015, jurant que « Kobanê ne tombera pas aux mains de l’État turc et de ses gangs. »
Les combattants des FDS présents sur la ligne de front ont déclaré : « Si nous avons vaincu l’EI, nous vaincrons aussi les nouveaux envahisseurs ! Kobanê ne tombera pas aux mains de l’État turc et de ses gangs. »
Les attaques lancées par les gangs que l’Etat colonialiste turc a recrutés parmi l’EI et d’autres groupes jihadistes (aujourd’hui rebaptisés l’Armée nationale syrienne – ANS / SNA) dans le nord et l’est de la Syrie se poursuivent pour le 11e jour. Les gangs de l’ANS, qui ont intensifié leurs attaques notamment sur les fronts du barrage de Tishreen et du pont de Qereqozax, sont violemment réprimés par les Forces démocratiques syriennes (FDS) et les combattants du Conseil militaire de Manbij. Les dernières attaques de mercredi soir ont été repoussées par les forces de l’ANS.
Alors que les drones turcs sont en mouvement constant dans le ciel de la région, des endroits comme Kobanê et Tishreen ont également été bombardés.
La principale cible des attaques est Kobanê. Les gangs tentent d’ouvrir un front vers Kobanê en prenant le pont de Qereqozax et ses environs. La résistance des FDS et de leurs composantes s’étend de la campagne de Kobanê jusqu’au barrage de Tishreen. Des combattants des FDS sur la ligne de Qereqozax ont parlé au micro de Nazim Dastan.
Le combattant des FDS Tolhildan Zagros a attiré l’attention sur le fait que l’État turc mène une sale guerre contre les habitants de la région ces derniers jours. Zagros a ajouté que les habitants de la région ont résisté aux attaques qui les ont ciblés, tant lors des affrontements que lors des opérations spéciales. Il a déclaré qu’ils contrôlaient à la fois le barrage de Tishreen et le pont de Qereqozax. Zagros, qui a déclaré qu’occuper les deux fronts n’était pas facile, a déclaré : « Ils nous menacent de Kobanê d’ici. La révolution du Rojava résiste à ces attaques non seulement aujourd’hui mais depuis 13 ans. L’État turc veut effrayer notre peuple. Cependant, malgré sa rhétorique de guerre spéciale et ses attaques quotidiennes contre nous, nous sommes à la fois au barrage de Tishreen et au pont de Qereqozax. »
Un autre combattant, Şêrgo Kobanê, a souligné que toutes les forces et composantes protégeant leur pays sont sur le front. Le combattant Kobanê a déclaré que l’État turc et ses gangs affiliés à l’Armée nationale kurde veulent augmenter leurs attaques, et a ajouté : « Maintenant, ils veulent prendre le barrage de Tishreen et le pont de Qereqozax. Prendre ces endroits créerait de très graves dangers pour Kobanê. Ils se préparent à attaquer Kobanê par ces lignes. Kobanê a développé une histoire contre l’EI en 2014. Nous et nos amis avons combattu et mis fin à l’EI. Maintenant, l’État turc essaie de ramener la situation à celle de 2014. Kobanê ne tombera pas entre les mains de l’État turc et de ses gangs. Même s’il reste une personne des FDS, YPG et YPJ, personne ne peut provoquer la fin du peuple kurde. Ils ne peuvent pas assombrir notre avenir. »
Le combattant Kelteş Kobanê a déclaré qu’ils se dressaient contre l’État turc et ses gangs sur les fronts. Le combattant a déclaré qu’ils ont repoussé les attaques contre Qereqozax et Tishreen, et a poursuivi : « Ils menacent à nouveau Kobanê. Nous n’avons pas peur de leurs menaces. S’il doit y avoir une guerre, nous y sommes prêts. Tout comme nous avons vaincu l’EI à Kobanê, nous le briserons aussi. Ils bombardent Kobanê de plusieurs manières, par des drones et des bombardements terrestres. Maintenant, ils veulent se diriger vers Kobanê via Qereqozax. Nous y sommes. Si nous restons unis, nous résisterons. Les habitants de Kobanê de 7 à 70 ans ont levé les armes contre les attaques d’invasion de l’État turc et résistent. Les habitants de Kobanê se sont préparés de cette manière et nous sommes prêts à leurs attaques. » (ANF)
SYRIE / ROJAVA – Les journalistes kurdes Cîhan Bîlgîn et Nazim Dastan, trois heures avant leur meurtre par un drone de la Turquie, étaient sur le front de Tichrine à documenter les crimes des mercenaires de la Turquie dans la région.
Pour documenter la résistance démontrée par les forces du Conseil militaire de Manbij et les Unités de protection des femmes (YPJ) contre les attaques de l’armée d’occupation turque sur le pont de Qereqozaqê et le barrage de Tishrin, les journalistes Cîhan Bîlgîn et Nazim Dashtan se sont rendus sur place le 8 décembre pour couvrir la résistance des combattants arabo-kurdes.
Grâce aux vidéos, aux photos et aux reportages qu’ils ont préparés, Cîhan Bîlgîn et Nazim Dashtan ont réussi à informer l’opinion publique sur les attaques génocidaires menées par l’armée d’occupation turque.
Le matin de leur meurtre, le 19 décembre, après que les combattants du Conseil militaire de Manbij et des Unités de protection des femmes aient repoussé les attaques de l’occupation turque et de ses mercenaires, les deux journalistes se sont rendus au barrage de Tishrin pour rendre compte des derniers développements dans la région, des affrontements qui ont eu lieu et pour documenter leurs résultats.
Sans perdre de temps, les photos et vidéos ont été envoyées, accompagnées d’informations complètes sur les effets de ces attaques turques, à 12h00 précises. Sur le chemin du retour du barrage de Tishrin, ils ont été ciblés par un drone turc à 15h20 (heure locale) sur la route reliant la ville de Serrin et le barrage de Tishrin. (ANHA)
SYRIE / ROJAVA – Hier, les journalistes kurdes Nazim Daştan et Cihan Bilgin ont été tués par une frappe de drone turc alors qu’ils couvraient les attaques turco-jihadistes ciblant le Rojava. Daştan et Bilgin ont rejoint la longue caravane de journalistes kurdes tués par la Turquie pour empêcher qu’on dévoile au monde les crimes des occupants commis au Kurdistan divisés entre 4 États colonialistes.
Le site d’information ANHA (Hawar news) a rendu hommage à Nazim Daştan dans l’article suivant:
Notre camarade Nazim portait en lui la devise « La vérité ne restera pas prisonnière de l’obscurité ». Dans une patrie divisée, où son peuple souffre de massacres, de marginalisation et de dispersion à travers le monde, il est devenu un guide pour la diffusion de ces vérités et en même temps une voix de lutte pour la liberté. Pendant dix ans, il a travaillé sans hésiter dans trois parties de la patrie.
Hier, jeudi 19 décembre, le correspondant d’ANHA Cîhan Bîlgîn et le journaliste Nazim Dashtan ont été tués alors qu’ils couvraient les attaques turques contre le barrage de Tishrin. A 15h20, sur la route reliant la ville de Serrin au barrage de Tichrine, ils ont été pris pour cible par un drone appartenant à l’Etat occupant turc.
Nos camarades ont consacré leur vie à transmettre la vérité et la vie libre. Ils sont devenus des exemples de pionniers des médias libres, travaillant dans les conditions les plus difficiles, sans jamais reculer.
Nazim
Notre camarade Nazim est né en 1992 dans le district de Gihadîn de la ville d’Agiri au Kurdistan du Nord. Il a grandi dans une famille patriote et, comme des milliers de jeunes kurdes, a été confronté très tôt aux dures réalités du Kurdistan et à la brutalité et à l’oppression des occupants.
Face à ces vérités, il a choisi la voie de la lutte et s’est tourné vers le journalisme car c’est l’une des voies les plus impactantes. Il est entré au Rojava lors des attaques des mercenaires de l’Etat islamique en 2014. Il a commencé à Afrin, puis à Kobani, où il a couvert la résistance historique et l’a partagée avec le monde.
En 2015, lorsque la résistance de l’administration autonome a commencé au Kurdistan du Nord, il s’est installé là-bas. Il a continué sa lutte médiatique dans la ville de Silopi à Şırnak, où il a exposé au monde la vérité sur l’État turc à travers ses écrits et sa caméra. Pour cette raison, l’État turc a émis un mandat d’arrêt contre lui. Malgré toutes les pressions, il n’a jamais abandonné son travail de journaliste et en 2016, il est retourné au Rojava depuis le Kurdistan du Nord.
Au cours de ses longues années de lutte journalistique, à Afrin, Kobané, Raqqa, Girê Spî, Shingal et au Sud-Kurdistan, il a mené son travail médiatique avec un grand dévouement. Le 8 décembre de cette année, lorsque l’État occupant turc et ses mercenaires ont attaqué le pont de Qereqozaqê et le barrage de Tishrin, il s’est rendu sur place.
Pendant 11 jours, il a révélé les atrocités commises par l’État turc et ses mercenaires à travers des reportages, des dossiers, des images et des séquences qu’il a préparés. C’est pour cette raison qu’il a été pris pour cible. Après avoir filmé avec notre camarade Cîhan Bîlgîn les effets des attaques turques sur le barrage de Tishrin, leur véhicule a été pris pour cible sur le chemin du retour.
Nazim Dashtan, à travers les reportages qu’il a préparés et les images et séquences qu’il a capturées, a révélé de nombreuses vérités au monde et est devenu une source d’inspiration pour des dizaines de journalistes. Avec sa personnalité humble et dévouée et sa confiance en soi, il est devenu une source de moral et de lutte pour ses collègues journalistes. Comme tous ceux qui marchent sur le chemin de la vérité et de la créativité, il a écrit une page d’or dans l’histoire des médias libres.
TURQUIE / KURDISTAN – A Van, la police a attaqué un rassemblement de journalistes dénonçant le meurtre des journalistes kurdes Nazim Daştan et Cihan Bilgin par un drone de la Turquie hier au Rojava. Les journalistes détenus sont Ruken Polat, Özlem Yacan, Mazlum Engindeniz, Sema Yüce Polat, Bazid Evran, Fırat Tunç, Memihan Zeydan et Zelal Tunç.
Soutenues par la Plateforme Travail et Démocratie, l’Association des Journalistes Dicle Fırat (DFG) et l’Association des Femmes Journalistes de Mésopotamie (MKG) ont organisé un rassemblement dans la province de Van pour protester contre l’attaque meurtrière turque qui a coûté la vie aux journalistes kurdes Nazim Daştan et Cihan Bilgin dans le nord de la Syrie hier.
La police a bloqué la rue de l’Art avant la déclaration à la presse qui devait y être faite et a attaqué le groupe, qui comprenait des journalistes et des politiciens.
Les reporters de l’agence Mezopotamya (MA) Ruken Polat, Özlem Yacan, Mazlum Engindeniz et Sema Yüce Polat, les reporters d’Ajansa Welat Bazid Evran et Fırat Tunç, les reporters de JINNEWS Memihan Zeydan, Zelal Tunç et Oktay Candemir ont été arrêtés lors de l’attaque policière.
De nombreux hommes politiques ont également été placés en détention dans le cadre de la répression. (ANF)
PARIS. Des activistes kurdes ayant mené une action de désobéissance civique à l’aéroport de l’Aéroport Paris-Charles de Gaulle (Roissy CDG) pour attirer l’attention sur les attaques de la Turquie ciblant le Rojava ont été placés en garde à vue.
Ce matin, de jeunes kurdes ont mené une action de désobéissance civique à l’aéroport de Paris CDG contre les attaques de l’État turc et de ses gangs affiliés SNA contre le nord et l’est de la Syrie.
Les jeunes brandissaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Defend Rojava (Défendons le Rojava) », une photo du leader Abdullah Öcalan, ainsi que des drapeaux des YPG et des YPJ, et scandaient des slogans contre l’État turc et en faveur de la résistance du Rojava. Les jeunes militants ont été provoqués par des fascistes qui débarquaient d’un avion de ligne turc.
La police, arrivée sur les lieux de l’action, a placé les manifestants en garde à vue.
PARIS – Alors que les attaques militaires turco-jihadistes ensanglantent les régions kurdes de Syrie sous contrôle des forces arabo-kurdes depuis début décembre, 150 personnalités appellent à protéger « la révolution syrienne et les Kurdes pour une Syrie libre et démocratique ».
Voici la tribune (initiée par la fondation Danielle Mitterrand) publiée ce matin :
A l’initiative de la Fondation Danielle Mitterrand, plus de 150 responsables d’organisation, syndicalistes, député.es, maires, chercheur.euses, réalisateur.ices, humanitaires, artistes, avocat.es, etc ont signé cette tribune de soutien à la révolution syrienne, au Kurdes et aux minorités pour construire une Syrie libre, pluraliste et démocratique.
Après la chute d’Assad, protégeons la révolution syrienne, les Kurdes et les minorités pour une Syrie libre, pluraliste et démocratique.
Le régime dictatorial de Bachar al-Assad s’est effondré le 8 décembre 2024 après une offensive foudroyante menée par une coalition de rebelles islamistes dominée par le groupe Hayat Tahrir al Sham (HTS). C’est la fin d’un régime parmi les plus sanguinaires au monde.
En plus de 54 ans, la domination du clan Assad sur le peuple syrien a entraîné près d’un million de morts, plus de 13 millions de déplacé·es et réfugié·es, des centaines de milliers de disparu·es et torturé·es, l’utilisation d’armes chimiques contre son peuple, un narcotrafic massif, entre autres horreurs. Clé de voûte de ce système tortionnaire et mafieux qui revendiquait de « brûler » son propre pays, la prison de Sednaya : un « abattoir humain » où le régime a fait disparaître plusieurs dizaines de milliers d’opposant·es, certain·es dans des bains d’acide.
L’offensive militaire des factions rebelles du Nord et du Sud n’aurait pas pu s’imposer si elle n’était pas portée à la fois par l’état de décrépitude du régime et par une aspiration populaire immense pour en finir avec le « boucher de Damas ». D’Alep jusqu’à Soueïda et Deraa, la chute du régime est avant tout un prolongement de la révolution populaire syrienne déclenchée en 2011 dans la vague des « Printemps Arabes ». Elle revendiquait une Syrie libre, démocratique et pluraliste, avant d’être étouffée par une guerre déchirant le pays et instrumentalisée par de nombreuses puissances. Ce sont les enfants des révolutionnaires qui sont venus « compléter l’histoire » en libérant les villes où ils ont grandi.
Affirmant leur dignité, ils sont sortis des limbes du « royaume du silence » où la communauté internationale les avait relégués. Car en Occident la révolution syrienne a souvent été ignorée, incomprise voire calomniée au nom d’un soi-disant « anti-impérialisme » du régime de Bachar al-Assad qui permettrait de relativiser ses crimes contre l’humanité, de fausses idées selon lesquelles le peuple révolutionnaire syrien n’était composé que de djihadistes ou instrumentalisé par la CIA, et de la persistance d’une vision orientaliste méprisante déniant aux habitant·es de la région la capacité d’être acteurs·ices de leur histoire.
Nous rendons hommage à la révolution syrienne. Pendant plus de 13 ans elle a persisté envers et contre tout : à travers des réseaux d’exilé·es poursuivant la lutte dans le monde entier, des activistes des droits humains infatigables compilant les preuves des crimes du régime, des militant·es transmettant la mémoire des Conseils civils locaux et des expériences d’auto-organisation de la période 2011-2013, des manifestations contre le régime qui continuaient chaque année à Idlib et récemment à Souïeda… Par-delà des souffrances inimaginables, les révolutionnaires syrien·nes n’ont jamais abdiqué leur dignité.
Ce qui semblait impossible est devenu possible et réel. Dans les berceaux de la révolution de Homs et Deraa, de Damas à Alep, de Raqqa à Hassakê, mais aussi dans la plaine de la Bekaa au Liban, dans les villes de Turquie et jusqu’à Berlin et Paris, le drapeau à trois étoiles flotte sur les places, les bâtiments publics et les ambassades. Dans les manifestations à nouveau autorisées, le peuple chante « Uni, uni, uni, le peuple syrien est uni ! » dans un torrent d’émotions.
Défendre les minorités, les Kurdes, et le projet de l’AANES
Malgré cela, la Syrie est encore loin d’être libérée, ses habitant.es loin de pouvoir s’autodéterminer sereinement. La nouvelle étape est lourde de menaces et la prudence est maximale. Malgré le retrait militaire en cours de la Russie et de l’Iran, dont les massacres ont permis de sauver le régime, la guerre continue et les puissances étrangères cherchent toujours à pousser leurs pions.
L’armée israélienne bombarde intensément le pays et poursuit son invasion du plateau du Golan. Dans ses poches du désert et dans la prison de Hol surveillée par les Forces Démocratiques Syriennes sous encadrement kurde, des milliers de djihadistes de l’État Islamique attendent de profiter du chaos. Malgré les discours pour l’heure modérés du HTS, dont une partie des cadres est passé par Al Qaeda, la protection des nombreuses minorités (Chiites, Druzes, Chrétien·nes, Yézidis, Kurdes, Syriaques, etc) est menacée. Une prudence maximale est requise. Il n’est pas exclu que le HTS cherche à affirmer un autoritarisme islamiste sur tout le pays d’ici quelques mois, une fois son pouvoir consolidé, sorti de la liste terroriste et de l’isolement diplomatique.
En particulier, le sort des Kurdes et de l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES) est sous urgence vitale. La Turquie nationaliste, aux ambitions néo-ottomanes, veut devenir le parrain du nouveau pouvoir syrien. Sous son contrôle, des milices de la soi-disante « Armée Nationale Syrienne » attaquent les FDS et ciblent en particulier les territoires kurdes. Après l’occupation de Afrin en 2018, les attaques de 2019 entre Tell Abyad et Ras Al Aïn, ayant déplacé des centaines de milliers de personnes, et les bombardements d’infrastructures et d’habitant.es dans les dernières années, c’est toute la région qui est menacée de disparaître.
Depuis deux semaines, à Tell Riffaat puis à Manbij, des dizaines de milliers de personnes ont déjà été déplacées. C’est maintenant la ville de Kobanê, prise en étau, qui peut être attaquée d’une heure à l’autre. Après avoir résisté de manière acharnée contre l’État Islamique en 2015, reprenant l’offensive jusqu’à défaire le califat, les habitant·es font face à des milices composées d’ancien·nes djihadistes qui pratiquent nettoyage ethnique, pillages, viols et autres exactions documentées par l’ONU. De nombreux habitant·es fuient déjà. L’alliance contre Daech, qui a commencé à Kobanê il y a 10 ans, pourrait maintenant y mourir.
Les Kurdes ne peuvent pas être une variable d’ajustement, traités par la communauté internationale comme des partenaires anti-terroristes utiles quand c’est arrangeant et sacrifiables quand la situation change. La Turquie et ses supplétifs de l’ANS doivent cesser les agressions et se retirer complètement du pays. Les populations kurdes, qui sont 2,5 millions et représentent près de 12% des habitant·es de Syrie, doivent être protégées, comme toutes la mosaïque de peuples et de confessions qui habitent dans la région. L’Administration Autonome du NES, qui a démarré par l’expérience d’autonomie du Rojava dans les zones kurdes à partir de juillet 2012 avant de s’étendre aux zones arabes de Raqqa et Deir ez Zor après la guerre contre Daech, doit être soutenue. Elle ne doit plus être méprisée comme un « gadget du PKK » comme le fait la Turquie. Elle doit être considérée comme porteuse d’un projet politique légitime avec qui le nouveau pouvoir de Damas doit négocier pacifiquement pour construire la Syrie future avec toutes ses composantes, en faisant cesser le feu durablement dans tout le pays.
En dépit de ses difficultés et contradictions inévitables dans un contexte aussi dur, les principes constituants de l’AANES – pluralisme linguistique et ethnique, autogouvernement et démocratie locale, droits des femmes, économie sociale – font écho à certains idéaux et pratiques de la révolution syrienne, marquée par le développement de Conseils civils locaux dans tout le pays à ses débuts. A partir des peuples qui les font vivre, le projet de l’AANES et les aspirations de la révolution syrienne peuvent servir de point d’appui pour la transition vers une Syrie démocratique, pluraliste, basée sur la justice et le droit, garantissant les droits de toutes les communautés.
Nous appelons la France et la communauté internationale à :
Exiger le retrait des forces d’occupation étrangère du pays, en particulier la Turquie et Israël, pour permettre au peuple syrien la possibilité d’enfin s’autodéterminer et aux minorités d’être protégées.
Soutenir les efforts de transition pacifique, basée sur la justice, le droit et la prise en compte des aspirations de toutes les composantes du peuple syrien, en respectant ses minorités et les catégories les moins protégées de sa population.
Se mobiliser pour défendre Kobanê, mais aussi le Golan et toutes les régions menacées d’être envahies à court-terme.
Exiger la restitution des régions historiques kurdes, et notamment Afrin, illégalement occupées par des milices appuyées par la Turquie depuis 2018, et l’arrêt de toute forme de nettoyage ethnique.
Liste des premier·es signataires
Tuna Altinel, mathématicien
Dilane Aydin, avocate
Geneviève Azam, essayiste et administratrice de la Fondation Danielle Mitterand
Pouria Amirshahi, député de Paris
Paul Aries, politiste
Sahar Bagheri, chercheuse Université Sorbonne Paris Nord
Pierre Bance, docteur d’Etat en droit
Antoine Back, adjoint au maire de Grenoble
Zerrin Bataray, avocate et conseillère régionale AURA
Matthieu Bellahsen, psychiatre et écrivain
Olivier Besancenot, NPA L’Anticapitaliste
Jérôme Bonnard & Ophélie Gath, co-secrétaire de l’Union Syndicale Solidaires
Dominique Bourg, professeur honoraire
Jacques Boutault, maire adjoint Paris centre
Laurence Boffet, vice-présidente Métropole de Lyon
Léa Balage el Mariky, députée de Paris
Jean-François Billion, président de Presse Fédéraliste
Sébastien Brunel, dessinateur
Michèle Boyer Carcenac, géographe
Remi Carceles, doctorant
Adnan Celik, MCF EHESS
Nara Cladera Benia, co-secrétaire fédérale Sud Education
Jérémie Chomette, militant associatif
Laurence Cohen, sénatrice honoraire
Albane Colin, conseillère régionale AURA
Sergio Coronado, ancien député
Alain Coulombel, bureau exécutif des Ecologistes
Sébastien Choupas, conseiller municipal Aouste-sur-Sye
Renaud Daumas, conseiller régional
Philippe Descola, professeur émérite
Fanny Dubot, maire du 7ème arrondissement de Lyon
Chris den Hond, journaliste
Eléanore Dellatouche, Intérêt à Agir
Vincent d’Eaubonne, chercheur écoféministe
Pierre Dardot, chercheur
Françoise Davisse, réalisatrice
Huseyin Salih Durmus, humanitaire volontaire
Umit Dogan, doctorant
Véronique de Geoffroy, directrice du Groupe URD
Marie Didier, écrivain
Mireille Fanon Mendès France, présidente de la Fondation Frantz Fanon
Eric Fassin, professeur de sociologie
Jacques Fontaine, enseignant géographie
Rémi Féraud, sénateur de Paris
Jean-Yves Gallas, président du Mouvement de la paix
Aline Guitard, adjointe au maire de Lyon
Olivier Grojean, maître de conférence en sciences politiques
Jean-Luc Gautero, maître de conférence émérite en philosophie des sciences
Franck Gaudichaud, historien chercheur
Dominique Gambini, réalisateur
Aurélien Gabriel Cohen, chercheur et éditeur
Christine Garnier, adjointe au maire de Grenoble
Daniel Guerrier, journaliste honoraire
Jean Glavany, ancien ministre
Barbara Glowcewski, directrice de recherche émérite
Agnès Golfier, directrice opérationnelle de la Fondation Danielle Mitterrand
Nils Guyot, Solidarités Jeunesses
Hélène Hardy, membre du bureau des Écologistes
Nicolas Haeringer, militant climat
Laetitia Hamot, maire de La Crèche
Jean-Marie Harribey, économiste
Christine Helot, professeur émérite
Seve Izouli, avocate
Boris James, maître de conférences
Anna Jambon, présidente de l’Union Culturelle Française des Arméniens de France
Edouard Jourdain, chercheur
Benjamin Joyeux, conseiller régional AURA
Baudoin Jurdant, professeur émérite
Roseline Kisa, co-présidente de France Kurdistan
Pierre Khalfa, économiste Fondation Copernic
Nicole Kahn, UFJP
Thierry Lamberthod, président des Amitiés Kurdes de Rhônes-Alpes
Lydia Labertrandie, conseillère municipale de Cesson
Annie Lahmer, conseillère régionale
Amaury Lambert, professeur des universités
Renaud Lawryn, commission internationale de Sud Education
Michèle Leclerc-Olive, présidente de CORENS
Christian Laval, professeur émérite de sociologie
Zoé Lorioux-Chevalier, conseillère municipale de Poitiers
Christian Mahieux, syndicaliste Sud Rail et réseau syndical international de solidarité et de luttes
Benoît Massin, universitaire
Fabienne Messica, sociologue
Céline Meresse, présidente du CRID
Roland Mérieux, co-président de Ensemble!
Myriam Matonog, vice-présidente LDH Lyon
Daniel Marcovitch, ancien député de Paris
Jacqueline Madrelle, présidente de France Libertés Gironde
Julie Maurel, collectif pour Romans
Renée Mignot, présidente du MRAP
Halima Menhoudj, adjointe au maire de Montreuil
Pascale Mitterrand, membre du CA de Fondation Danielle Mitterrand – France Libertés
Gilbert Mitterrand, président de la Fondation Danielle Mitterrand
Corinne Morel-Darleux, écrivaine et administratrice de la Fondation Danielle Mitterrand
Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers
Aminata Niakaté, conseillère de Paris
Jean-Claude Oliva, EPT Est Ensemble
Josiane Olff Nathan, vice-présidente de la Fondation Paul K. Feyerabend
Aline Pailler, ex-députée européenne et journaliste
SYRIE / ROJAVA – Hier, les journalistes kurdes Nazim Daştan et Cihan Bilgin ont été tués par une frappe de drone turc alors qu’ils couvraient les attaques turco-jihadistes ciblant le Rojava. L’attaque s’est produite vers 15h20 heure locale (GMT+3), sur la route reliant le barrage de Tishrin à la ville de Sirin, dans la campagne est d’Alep. Daştan et Bilgin ont rejoint la longue caravane de journalistes kurdes tués par la Turquie pour empêcher qu’on dévoile au monde les crimes des occupants commis au Kurdistan divisés entre 4 États colonialistes.
Jihan Bilgin est la troisième femme journaliste tuée par une frappe de drone turc en 2024, après Gulistan Tara et Hêro Bahadîn tuée au Kurdistan d’Irak en août dernier.
Cihan Bilgin, journaliste kurde tuée lors d’une attaque turque près de Tichrine
Le site d’information ANHA (Hawar news) a rendu hommage à Cihan Bilgin dans l’article suivant:
On dit souvent que « chacun a une part de son nom », et notre collègue Cîhan (« monde » en kurde) a en effet gravé son nom dans l’histoire du peuple kurde, notamment dans la région du Nord et de l’Est de la Syrie, qu’elle a côtoyée de près. Il n’y a pas une ville qu’elle n’ait visitée, pas un dirigeant qu’elle n’ait interviewé, pas un commandant militaire avec lequel elle n’ait discuté. Elle est devenue une icône de la lutte pour la cause de son peuple.
îhan Muhammad Nesîn Bîlgîn a grandi dans une famille de la ville de Mêdyad dans la région de Mêrdîn au Kurdistan du Nord, à une époque où le mouvement de libération kurde atteignait son apogée dans tout le Kurdistan en 1996.
Cîhan a fait ses études primaires, secondaires et secondaires à Midyat, où elle était connue pour sa passion et son énergie. Elle a ensuite déménagé à Amed en 2013 pour étudier le droit. C’est là qu’elle a fait ses premiers pas dans la lutte du peuple kurde. En 2014, parallèlement à ses études de droit, elle s’est lancée dans le journalisme, en commençant par distribuer les journaux de la presse kurde, Özgür Gündem et Azadiya Welat.
Pour Cîhan, les trois années qu’elle a passées à distribuer des journaux ont été une forme de lutte pour la liberté et la démocratie. Ces journaux étaient très différents des médias turcs, qui ne servaient que les autorités, niaient l’existence des autres communautés et menaient une guerre médiatique intense contre le peuple kurde et ses combattants. Malgré le harcèlement sévère des autorités, notamment la fermeture d’Azadiya Welat à l’été 2016, Cîhan n’a pas baissé les bras.
En raison de la pression à laquelle elle a été confrontée et de son inspiration tirée de la révolution du 19 juillet 2012 dans le nord et l’est de la Syrie, Cîhan a déménagé au Rojava à la mi-2017 et a rejoint l’agence de presse Hawar.
Cîhan s’est distinguée par sa passion constante pour la croissance et son éthique de travail infatigable dans toutes les conditions. Elle a d’abord travaillé comme journaliste dans la région de Qamishlo, connue comme le centre politique des Kurdes du nord et de l’est de la Syrie. Elle a rapidement développé ses compétences, comprenant que le journalisme exigeait la construction d’un vaste réseau de contacts. Elle a travaillé sans relâche pour établir des liens entre les diverses communautés de la région, les Kurdes, les Arabes, les Syriaques, ainsi qu’avec des personnalités éminentes, des personnalités nationales, des partis politiques et des entités organisationnelles, tout en élargissant son réseau à travers le Kurdistan.
Son travail consistait principalement à mettre en lumière le système de torture et d’extermination imposé au leader kurde Abdullah Öcalan et les politiques pratiquées contre lui et le peuple kurde. Elle a également suivi de près les développements militaires et politiques.
Cîhan a participé à la campagne de libération de la ville de Raqqa de l’EI, bastion et capitale autoproclamée du groupe. Elle a déclaré un jour : « Ma participation à la campagne vise à mettre en lumière la lutte des Forces démocratiques syriennes et des Unités de protection des femmes pour libérer les femmes yézidies, vendues sur les marchés aux esclaves, et pour libérer le peuple de l’oppression de l’EI. »
Lors de sa couverture de la campagne de libération de Raqqa, Cîhan a attiré l’attention du monde entier sur la lutte extraordinaire des Forces démocratiques syriennes (FDS) et des Unités de protection des femmes (YPJ). Elle a mis en avant leurs valeurs humaines, en particulier lors de la libération des femmes de la tyrannie de l’EI. Elle estimait que la libération de chaque femme était un pas vers la construction d’une société démocratique fondée sur la liberté des femmes.
Cîhan était l’une des femmes journalistes les plus engagées dans la philosophie de la libération des femmes et de la nation démocratique. Elle considérait toute attaque contre une femme dans le monde comme une attaque contre toutes les femmes et a produit de nombreux reportages sur les crimes commis contre les femmes dans la région, au Kurdistan et dans le monde.
Ses progrès notables au sein de l’agence ANHA l’ont amenée à rejoindre le département des rapports spéciaux, qui exige des recherches et des enquêtes minutieuses. En peu de temps, elle a excellé dans ce département, produisant des dizaines de rapports et de dossiers sur les politiques coloniales de la Turquie contre les Kurdes, le traitement du leader Abdullah Öcalan et les subtilités de ces politiques. Elle s’est également concentrée sur les luttes des femmes et les politiques d’occupation de la Turquie contre les Kurdes.
Grâce à son travail, Cîhan a pu rencontrer la plupart des politiciens kurdes du Kurdistan et nouer des liens avec les mouvements féministes et démocratiques du monde entier. Elle a mené de nombreuses interviews, veillant à ce que la question kurde et le Kurdistan soient inscrits à l’ordre du jour de leurs programmes.
Connue pour son dévouement à suivre tous les développements et événements, Cîhan a documenté l’invasion de Girê Spî et Serê Kaniyê par la Turquie le 9 octobre 2019. Elle a exposé les massacres brutaux commis par la Turquie contre la population locale et a continué à produire des rapports mettant en évidence ces crimes.
Elle a également pris sur elle de couvrir les opérations menées par les forces de sécurité intérieure, les Forces démocratiques syriennes et les Unités de protection des femmes contre les cellules de l’EI dans la région, notamment dans le camp d’Al-Hol. Son objectif était de faire la lumière sur la brutalité de ces cellules qui cherchaient à déstabiliser le nord et l’est de la Syrie.
Cîhan aimait partager les histoires des habitants de la région. Elle avait un côté profondément émotif, notamment lorsqu’elle était témoin des tragédies vécues par le peuple kurde. Le 6 décembre, elle s’est rendue à Tabqa pour documenter les souffrances des personnes déplacées de force d’Afrin et de Shahba suite aux attaques turques du 29 novembre.
Suite à l’intensification des attaques turques contre Manbij, le pont de Qereqozaqê et le barrage de Tishrin au sud de Kobané, elle a cherché à mettre en lumière la résistance des combattants du Conseil militaire de Manbij et les luttes des femmes dans les rangs des Unités de protection des femmes. Sa dernière interview a été avec un commandant de première ligne, Roj Engîzek, dans la campagne de Kobané.
Cîhan est restée attachée à son travail jusqu’au bout. Le 19 décembre, à 15h20, alors qu’ils revenaient du barrage de Tishrin aux côtés de son collègue Nazim Dashatan, ils ont été visés par une frappe de drone turc sur la route Tishrin-Serrin, où tous deux ont atteint le martyre. Ils ont suivi les traces de pionniers des médias libres comme Mazlûm Dogan, Xelîl Dag, Gubetellî Ersûz, Mistefa Mihemed, Rizgar Deniz, Dilîşan Îbiş, Hogir Mohammed, Saad Ahmed et Issam Abdullah.
Tout au long de sa carrière au sein de l’agence ANHA, Cîhan Bîlgîn a incarné la résilience et la fierté. Elle considérait Gurbet Eli Ersöz, la fondatrice du média féminin kurde, comme son modèle et le feu journaliste Seyîd Evran comme sa source d’inspiration.
Cîhan, avec son beau sourire, a laissé derrière elle un immense héritage pour le journalisme kurde. Elle a tenu bon avec un dévouement et un engagement sans égal.
Comme le dit le dicton, « chacun a sa part de nom », et le nom de Cîhan reste gravé dans l’histoire de la région. Elle a visité chaque ville et y a laissé son empreinte, interviewé d’innombrables dirigeants et dialogué avec chaque commandant militaire qu’elle a rencontré.
Quelques mots de Cîhan Bîlgîn :
Ce qui m’a permis de persévérer dans mon travail, c’est de savoir que nous ne sommes pas seuls. Tout un peuple nous soutient, avec ses espoirs et ses rêves. Ces personnes sont confrontées à l’injustice et à l’oppression, et notre devoir premier est de mettre en lumière leurs luttes. C’est une mission honorable et fière de mettre en lumière leur juste cause.
Au cours de mon travail dans le nord et l’est de la Syrie, j’ai rencontré des gens incroyables. La terre du Rojava est très précieuse pour moi. On y trouve des gens que je connaissais de près, des gens dont on ne pouvait presque pas croiser le regard, et nous les avons enterrés dans cette terre. Des camarades comme Dilşan, Rizgar, Saad et bien d’autres.
C’est un grand honneur de travailler aux côtés de ces grands hommes. Mais surtout, nous avons fait la promesse à nos camarades de ne jamais abandonner leur chemin. Nous avons fait un vœu à Seyîd et au camarade Kuli.
Chers collègues, nous devons reconnaître les réalités sur le terrain, comprendre les politiques imposées au Kurdistan, documenter ce qui se passe et le partager avec le public mondial.
Nous devons dénoncer les crimes commis contre notre peuple et révéler au monde l’hypocrisie des colonisateurs qui occupent notre terre.
SYRIE / ROJAVA – Les journalistes kurdes, Nazim Daştan et Cihan Bilgin, ont été tués hier par une frappe de drone turc près du barrage Tichrine. Ces dernières années, plusieurs journalistes kurdes ont été tués délibérément par des attaques turques au Rojava et au Kurdistan irakien.
Deux journalistes kurdes, Nazim Dastan (32 ans), et Cihan Bilgin (29 ans), ont été tués hier par une frappe de drone turc alors qu’ils couvraient les attaques turco-jihadistes ciblant le Rojava. L’attaque s’est produite vers 15h20 heure locale (GMT+3), sur la route reliant le barrage de Tishrin à la ville de Sirin, à environ 100 kilomètres à l’est d’Alep, la deuxième ville de Syrie, lorsque leur voiture a été ciblée, a déclaré l’association des journalistes kurde Dicle Firat (DFG).
Les journalistes ont été pris pour cible par un drone armé turc, selon l’agence kurde Mezopotamya (MA). Le conducteur de leur véhicule, Ezîz Hec Bozan, a été blessé dans l’attaque.
L’Association des journalistes Dicle Fırat (DFG) a condamné ces meurtres, décrivant Daştan et Bilgin comme des reporters courageux qui se sont engagés à découvrir la vérité. Dans une déclaration partagée sur les réseaux sociaux, la DFG a déclaré : « Nazim et Cihan étaient deux journalistes inestimables qui ont fait connaître au public les réalités de la guerre dans le nord et l’est de la Syrie. Inspirés par leur engagement, nous continuerons à dire la vérité sans relâche. »
Depuis début décembre, la région est le théâtre d’affrontements de plus en plus violents entre l’Armée nationale syrienne (ANS) soutenue par la Turquie et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes. La Turquie a soutenu l’ANS par des frappes de drones et d’artillerie alors que le conflit s’intensifie.
SYRIE / ROJAVA – Les habitants de Qamishlo sont descendus dans la rue contre les attaques de l’État colonialiste turc et en soutien aux forces arabo-kurdes FDS. Lors de la manifestation d’aujourd’hui, on pouvait voir le drapeau syrien à trois étoiles aux côtés des drapeaux des forces démocratiques syriennes (FDS) et ceux de l’Administration autonome de la Syrie du Nord et d’Est.
Tout au long de la marche, la foule a scandé des slogans, tels que « Vive la résistance des FDS », « Le peuple syrien est uni » et « Non à la guerre, non à l’agression turque contre le Rojava ».
Des milliers de personnes de Qamishlo se sont rassemblées au carrefour de Sonî et ont organisé une marche de protestation contre les attaques de l’Etat turc. Les habitants ont clairement fait savoir qu’ils étaient du côté des Forces démocratiques syriennes (FDS).
La marche s’est terminée au carrefour Martyr Qehreman où Talet Yûnis a parlé au nom de l’Initiative populaire et a déclaré que tout le monde devrait s’unir et se révolter contre l’occupation.
« Nous lançons un appel à tous les peuples et à toutes les composantes de la Syrie. Nous devons renforcer notre unité. Ensemble, nous allons contrecarrer toutes les politiques de l’État turc occupant. Toutes les forces politiques doivent cesser de se préoccuper des conflits et des intérêts personnels et écouter l’appel du peuple. Aujourd’hui est un jour historique pour nous. Après des décennies, nous serons en mesure d’exprimer les revendications de notre peuple et de garantir les droits des populations du nord et de l’est de la Syrie avec une vision unique », a déclaré Talet Yûnis.