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PKK : « Si la Turquie ne fait pas la paix, nous appliquerons notre nouvelle doctrine de guerre »

KURDISTAN – Murat Karayılan, membre du Conseil exécutif du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a déclaré que l’État turc devait comprendre correctement les efforts pour la paix et une société démocratique, et qu’il devait renoncer au langage de la guerre.

Dans une interview accordée à la chaîne de télévision kurde Stêrk TV, Murat Karayılan a analysé « l’appel à la paix et à une société démocratique » lancé le 27 février dernier par Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 26 ans sur l’île d’Imrali. Öcalan avait demandé au PKK de se dissoudre. Dans un geste pour ouvrir la voie à un processus pacifique, le PKK a décrété un cessez-le-feu le 2 mars. Cependant, depuis ce jour, l’État turc a poursuivi ses attaques sans relâche. Selon le PKK, en l’espace de deux semaines, les zones de guérilla ont été bombardées des milliers de fois, avec même l’usage d’armes interdites.

« Les drones ne nous affectent plus »

Soulignant qu’ils ne sont ni faibles ni dépourvus d’options face à l’État turc, Karayılan a affirmé :

« Désormais, les drones armés (SİHA) de l’État turc ne sont plus efficaces ici. Quand ils viennent, nous les abattons. Ils les vendent à d’autres pays, mais jusqu’à présent, nous avons détruit 24 drones armés. »
Karayılan a ajouté que, malgré quatre années d’efforts, l’armée turque n’a pas réussi à prendre la région de Zap, sous le contrôle de la guérilla au Kurdistan du Sud (Irak) :

« Depuis quatre ans, ils tentent de s’emparer de la région de Zap, située dans les zones de défense de Medya. L’OTAN les soutient, ils utilisent toutes les armes modernes. Le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) les aide, l’État irakien les soutient. Nous n’avons pas encore dévoilé certaines armes qu’ils utilisent. Ils envoient des robots dans nos tunnels, nous les avons capturés. Ils ont utilisé des armes interdites. Mais ils n’ont toujours pas réussi à contrôler Zap. Zap est entre nos mains. »

« Nous avons la capacité de frapper des cibles à 800 km »

Karayılan a également déclaré que si le PKK le décidait, il pourrait frapper l’économie turque et plonger le pays dans le chaos, mais qu’il agissait dans le cadre de la stratégie qu’il s’est fixée.

« Nous avons aussi développé notre technologie militaire. Nous pouvons mener des frappes aériennes. Certes, elles ne sont pas aussi avancées que celles de l’armée turque, mais nous pouvons riposter. Désormais, la guerre est possible sur terre, sous terre et dans les airs. Nous ne sommes plus limités aux cibles proches : nous avons désormais la capacité de frapper des cibles éloignées. »

Soulignant que l’intelligence artificielle a été mise au service de la guerre, Karayılan a insisté :

« Tout le monde doit savoir que nous avons la capacité de frapper des cibles situées à 800 km. »

Une nouvelle doctrine de guerre

Karayılan a révélé qu’une réunion stratégique a eu lieu en janvier, aboutissant à l’élaboration d’une nouvelle doctrine de guerre, qui a même été consignée dans un livre.

« Nous avons confiance en notre nouvelle doctrine de guerre. Pourquoi serions-nous vaincus ? Au contraire, nous allons gagner. Mais nous restons fidèles au leader Apo. »

« Nous ne sommes ni sans options, ni contraints »

Karayılan a poursuivi : « Si le leader Apo a réfléchi à une question pendant dix ans, nous croyons en lui et nous nous y engageons pleinement. Cependant, si l’État ne répond pas positivement et refuse d’ouvrir la voie, s’il déclare ‘Je vais vous anéantir par les armes’, alors il n’en sera pas ainsi. Dans ce cas, nous agirons en fonction de notre expérience de 41 ans, de nos tactiques définies, de notre doctrine clarifiée et de nos plans établis lors de notre réunion stratégique. Dans ce cadre, des offensives majeures se développeront partout, y compris dans le Nord. En somme, nous avons les moyens nécessaires : nous ne sommes pas sans options, et nous ne sommes contraints à rien. Militairement comme politiquement, nous avons des alternatives. »

Tentatives de sabotage du processus de paix

Karayılan a souligné leur volonté de parvenir à la paix, tout en précisant que l’État turc doit d’abord abandonner son langage hostile et adopter un discours de paix.

Il a également mis en garde contre les factions au sein de l’État turc qui cherchent à saboter ce nouveau processus.

« Il est évident que certaines factions de l’État veulent saboter cette initiative, tout comme certains éléments du camp kurde. Mais plus important encore, de nombreux acteurs au Moyen-Orient souhaitent voir cette guerre perdurer, car ils en tirent profit. C’est précisément pour cette raison que le leader Apo veut changer de paradigme. »

« Pas de congrès tant que la guerre continue »

Rappelant qu’ils soutiennent l’idée d’un processus politique et juridique débarrassé de la violence et des armes, comme le propose Abdullah Öcalan, Karayılan a toutefois insisté sur la nécessité que l’État turc adopte une approche appropriée.

« Nous sommes prêts pour un processus de paix et de résolution basé sur l’appel du leader Apo. Mais si l’État refuse et nous attaque, nous sommes également prêts à la guerre. Tout le monde doit le savoir. »

Affirmant qu’un congrès pour la dissolution du PKK n’est pas envisageable dans les conditions actuelles, Karayılan a souligné la présence de combattants non convaincus par cette option.

« Pourquoi devrais-je convoquer un congrès pour une chose qui ne sera pas acceptée ? Bien sûr que je ne le ferai pas, car cela n’aurait aucun sens. Nous sommes en pleine guerre. Comment peut-on demander à une force en guerre de se dissoudre ? »

Il a également insisté sur la nécessité que des conditions soient réunies pour qu’Öcalan puisse participer à un tel congrès :

« Peut-être qu’il ne pourra pas être physiquement présent dans la salle du congrès, mais il pourrait y participer à distance. La technologie pourrait jouer un rôle, mais il faut que des délégations puissent aller et venir, qu’il puisse donner des orientations et convaincre ceux qui ne le sont pas encore. »

 

Par Maxime Azadî