TURQUIE / KURDISTAN – En 2022, 35 journalistes kurdes ont été arrêtés en Turquie. 15 d’entre eux sont jugés aujourd’hui à Diyarbakir (Amed). Pour l’avocat Resul Temur, ce procès est un tournant pour le journalisme en Turquie.
En Turquie, 35 travailleurs de médias kurdes ont été arrêtés dans le cadre de quatre enquêtes différentes en 2022. Le procès contre 15 d’entre eux s’ouvre aujourd’hui à Amed (tr. Diyarbakir). Les prévenus sont accusés de se livrer à la « propagande du PKK » avec leurs reportages, de manipuler le public et de produire des programmes télévisés en faveur d’Abdullah Öcalan. Selon l’acte d’accusation, ils auraient transmis des instructions de la direction du PKK et « informé les terroristes des opérations et des activités de l’armée de l’air par le biais de reportages et d’émissions télévisées ». Le procureur a requis une peine de sept ans et six mois pour les 15 travailleurs des médias.
Rédacteurs, modérateurs, caméramans
Les accusés sont Serdar Altan (coprésident de l’association des journalistes DFG), Aziz Oruç (rédacteurs en chef de l’agence de presse Mezopotamya), Mehmet Ali Ertaş et Zeynel Abidin Bulut (rédacteurs en chef du journal en langue kurde Xwebûn), Ömer Çelik (animateur et ancien rédacteur en chef), Neşe Toprak et Elif Üngür (modératrices), les cameramen Mazlum Doğan Güler, Ibrahim Koyuncu, Abdurrahman Öncü, Suat Doğuhan, Ramazan Geciken, Lezgin Akdeniz et Mehmet Şahin, et Remziye Temel, comptable de Piya Production.
Tournant pour le journalisme en Turquie
Resul Temur est un des avocats des accusés. Il y voit un tournant pour le journalisme en Turquie. Non seulement les médias kurdes sont touchés par cette évolution, mais en général tous ceux qui travaillent comme journaliste en Turquie, a expliqué Temur à ANF et a évoqué l’arrestation du célèbre rédacteur en chef turc de Tele1, Merdan Yanardağ, pour « propagande terroriste » pour ses déclarations concernant l’isolement d’Abdullah Öcalan. Resul Temur déclare que « l’arrestation de Merdan Yanardağ, journaliste de l’opposition, a été une décision prise dans le cadre de la normalisation des politiques répressives à l’encontre des professionnels des médias turcs. En raison de leurs reportages, les journalistes kurdes sont constamment arrêtés et interpellés à cause de leur langage et de leurs décisions éditoriales. Par exemple, le fait qu’ils rapportent sur la question de l’isolement est dans de nombreux cas utilisé directement comme une accusation contre eux. S’il y avait eu un sérieux réflexe, la criminalisation de telles déclarations ne serait probablement pas devenue normale. Par conséquent, il est très important de prêter attention et de soutenir le procès des travailleurs des médias kurdes le 11 juillet. »
Les rapports alternatifs doivent être évités
La répression contre les médias kurdes est une tentative d’empêcher les reportages alternatifs au monde des médias unifié en Turquie, dit Temur. Les médias kurdes s’opposent à ce conformisme : « En raison de cette résistance, le gouvernement a dû réprimer la presse kurde l’année dernière afin de retrouver une marge de manœuvre plus confortable et de développer des discours manipulateurs. »
Évaluation prédéterminée au lieu de preuves
L’avocat voit également le fait que le but principal des arrestations est d’éliminer l’agenda kurde afin de manipuler la perception du public, confirmé par les dossiers minces : « Le but principal n’est pas de mener une enquête criminelle. Pour cette raison, il n’y a aucun effort ou préoccupation à rechercher des preuves d’un crime ou à obtenir des preuves. Cela montre que la police, le parquet, les tribunaux et même les hautes autorités sont impliqués. Parce qu’ils agissent comme un tout et que chacun d’eux sait que l’autorité supérieure ne les surveillera pas, ils peuvent déposer une interprétation commune directement comme preuve. Ils n’agissent que sur la base d’une évaluation. »
ANF