TURQUIE – Le procureur général de la Cour de cassation turque a soumis son avis à la Cour constitutionnelle (AYM) dans l’affaire engagée contre le HDP visant la fermeture du parti pro-kurde.
Le HDP est accusé être « la branche politique de l’organisation terroriste armée PKK », « devenu le foyer des actes visant l’unité et l’intégrité de l’État turc » et que sa dissolution serait « indispensable pour assurer l’intégrité de la Turquie ainsi que la sécurité et la paix de la nation ».
Dans une déclaration écrite lundi, procureur général de la Cour de cassation, Bekir Şahin a déclaré que « notre avis pour le rejet des objections et des demandes soulevées par le parti ; fermeture du parti (…) et pour l’interdiction aux membres du parti mentionnés dans l’acte d’accusation d’agir en tant que membre fondateur, administrateur, superviseur et membre d’un autre parti politique pendant 5 ans à compter de la date de publication de la décision au Journal officiel, a été soumise à la Cour constitutionnelle. »
L’avis va maintenant être soumis au HDP, qui préparera alors sa principale défense sur le fond. Ensuite, le procureur général Bekir Şahin fera une déclaration, et les responsables du HDP feront une défense aux dates spécifiées par la Cour constitutionnelle.
La décision sera prise par une délégation judiciaire composée de 15 membres. Une majorité des deux tiers, qui comprend les voix des 10 membres du tribunal sur 15, est nécessaire pour fermer le parti.
La décision du tribunal sera définitive et exécutoire. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ne peut pas arrêter l’exécution de la décision mais peut statuer sur une violation. (Via ANF)
La CEDH peut condamner la Turquie violation en cas d’interdiction du HDP
L’avocate Ayşegül Çağatay, membre de l’Association des avocats progressistes (Çağdaş Hukukçular Derneği – ÇHD), a rappelé que la CEDH avait condamné précédemment la Turquie dans la décision de fermeture du parti DTP par la Cour constitutionnelle turque. Elle a déclaré que la CEDH pourrait rendre une décision similaire pour le HDP en cas de fermeture du parti.
Çağatay a déclaré que le HDP était menacé de fermeture uniquement sur des déclarations de témoins secrets et des dossiers d’accusation toujours en cours, qu’il n’y avait pas de base légale pour fermer le HDP, mais que la justice était instrumentalisée par le pouvoir [coalition AKP – MHP] pour écarter le HDP de l’arène politique.
Jusqu’à présent, tous les partis kurdes ont été interdits en Turquie
La fermeture de partis politiques, en particulier de partis kurdes, est une vieille tradition dans l’histoire de la Turquie. Jusqu’à présent, la Cour constitutionnelle turque a interdit six partis politiques kurdes. Le premier fut le Parti du travail du peuple (HEP) créé le 7 juin 1990. Le HEP a rejoint le Parti social-démocrate (SHP) pour les élections générales de 1991 et obtenu 22 sièges à l’assemblée nationale turque. En juillet 1993, le HEP fut interdit. Ensuite, ce fut le tour du Parti de la Liberté et de la Démocratie (OZDEP) : fondé en mai 1993, il a été interdit le 23 novembre 1993. Le Parti de la démocratie (DEP) lui a succédé. En mars 1994, le Parlement turc a levé l’immunité de six députés du DEP, qui ont ensuite été condamnés à 15 ans de prison pour « terrorisme ». Le 16 juin 1994, la Cour constitutionnelle a interdit le DEP qui fut remplacé par le Parti de la Démocratie du Peuple (HADEP), le 11 mai 1994. Lors des élections locales de 1999, le HADEP a remporté 37 municipalités dans la région kurde, dont sept grandes villes. Pourtant, en mars 2003, la Cour constitutionnelle turque a également interdit le HADEP. Le 9 novembre 2005, a été fondé le Parti pour une Société démocratique (DTP). Ses candidats se sont présentés de manière indépendante aux élections générales de 2007, obtenant 22 sièges au parlement turc. Lors des élections locales de 2009, le DTP a remporté des mairies dans plus de 100 villes et villages de la région kurde. Il fut interdit le 11 décembre 2009.