AccueilKurdistan« Langue », un court texte du martyr Xelil Dağ

« Langue », un court texte du martyr Xelil Dağ

Le martyr Xelil Dağ a écrit : « La langue est l’expression de notre culture commune, de nos pensées et de nos sentiments. Lorsque les pensées deviennent des mots et quittent notre corps, nous initions un changement. »
 
Xelil Dağ (Halil Uysal)
 

Xelil Dağ (Halil Uysal) est un cinéaste kurde en Allemagne en 1973 et tombé en martyr le 1er avril 2008, tué lors d’une attaque turque contre le Kurdistan du Sud.

Dağ était un cinéaste et un guérillero. Le 1er avril 1995, il se rend au Moyen-Orient en tant qu’assistant d’un caméraman allemand pour une interview avec Abdullah Öcalan. Au cours de l’entretien, il a fait davantage connaissance avec les guérilleros de l’école centrale du parti du PKK. Après cet entretien avec Abdullah Öcalan, qui représente également son premier travail significatif, il décide de ne pas revenir et de poursuivre ici le chemin de sa vie. Depuis lors, sa vie s’est déroulée dans les montagnes du Kurdistan, aux côtés des combattants de la liberté kurdes.

La Commune Internationaliste du Rojava a publié le texte suivant de Dağ sur la langue à l’occasion de la Journée de la langue kurde célébrée le 15 mai.

 

Voici le texte « Langue » :

 
« La langue est l’expression de notre culture commune, de nos pensées et de nos sentiments. Lorsque les pensées deviennent des mots et quittent notre corps, nous initions un changement. L’ordre des mots, la mélodie et les émotions qui s’y cachent sont des codes secrets qui nous racontent l’histoire du peuple. Les langues sont les clés de notre histoire, de l’histoire des sociétés. Chaque langue a une culture, une histoire, un passé parfois difficile à traduire. À chaque parole prononcée, nous nous rapprochons du passé de ces cultures, comprenons notre présent et surmontons les frontières entre l’espace et le temps. Nous pouvons ressentir et goûter, voir le monde avec d’autres yeux. Les langues ouvrent les portes de nouvelles cultures, qui nous sont parfois étrangères. Avec chaque langue parlée et apprise, nous gagnons en beauté. La beauté des cultures décore nos âmes et ouvre nos cœurs. Chaque mot est un petit morceau de vérité de l’histoire de l’humanité. Chaque mot est un morceau de la carte au trésor qui ouvre la voie vers le passé. Les mots sont sacrés, dit-on au Kurdistan.
 
En parlant, nous pouvons lire les gens, permettre la communication et la connexion interpersonnelles et accéder aux pensées, aux sentiments et aux moments. Grâce à l’écriture, nous pouvons capturer et partager des moments. Partager ce que nous ressentons, ce que nous pensons, ce que nous vivons. Nos envies, nos rêves, nos peurs, notre joie, notre amour. Quand nous lisons, nous tombons dans un monde nouveau, un monde qui parfois n’est pas le nôtre, qui nous est étranger. Cependant, il nous présente de nouvelles couleurs. Parfois par évasion, parfois par curiosité et parfois c’est la recherche qui nous unit aux gens. Grâce à la rencontre directe avec l’autre, il nous est possible de nous voir dans une réflexion. Avec la diversité et l’hétérogénéité, il est possible de se définir. C’est le miroir de la vie. Grâce à la diversité, nous pouvons nous exprimer et nous retrouver. Grâce à la diversité, nous pouvons acquérir des possibilités infinies de vie. Communiquer interculturellement et s’ouvrir, comprendre et vaincre nos limites est l’art le plus élevé de l’humanité. »
 
Şehîd Halil Dağ
 
 
« Şehîd Halil Dağ est l’expression de cette réalité. Dans son livre « Benı bağışlayın (Pardonnez-moi) », il décrit fabuleusement les émotions et les pensées d’un chercheur. Un chercheur, un étranger qui découvre la beauté de la vie, sa quête de la vraie vie dans les montagnes du Kurdistan. Les montagnes, les amis et la vie lui apprennent à comprendre une nouvelle langue et à se fondre avec elle. Heval Halil Dağ est l’un des premiers amis qui, à travers ses films et ses livres, a raconté au monde la beauté de la résistance et l’amour des combattants de la liberté. Si nous voulons comprendre les montagnes, nous devons parler leur langue. Ouvrez-nous à un nouveau monde. Heval Halil Dağ est un pont vers ce nouveau monde. Ce n’est pas seulement un artiste qui révolutionne l’art et la culture. C’est un ami, un camarade qui, par humilité, autocritique et amour, devient le personnage principal de son histoire. Heval Halil Dağ nous enseigne avant tout une chose : l’histoire que nous racontons n’a pas besoin d’objectivité. Au contraire, l’histoire que nous voulons raconter ne doit pas parler la langue des autres, mais la langue des protagonistes », déclare Internationalist Commune of Rojava pour conclure son texte hommage à Halil Dag.