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Disparitions forcées et détentions arbitraires en Turquie discutées devant l’ONU

GENEVE – Les défenseurs des droits humains de Turquie ont discuté des disparitions forcées et des détentions arbitraires en Turquie, y compris dans les régions kurdes, lors d’un colloque organisé en parallèle à la 54e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève.

Les intervenants ont souligné le harcèlement juridique contre les militants des droits humains et l’impunité qui prévaut concernant les disparitions forcées en Turquie.

Parmi les intervenants à l’événement figuraient Coşkun Üsterci, secrétaire général de la Fondation turque des droits de l’homme (TİHV/HRFT) ; Sebla Arcan de l’initiative Mères du Samedi, Rehşan Bataray Saman de l’Association des Droits de l’Homme (İHD), Özlem Zıngıl du Centre de Mémoire et Ulviyya Hasanova de l’Organisation Mondiale contre la Torture.

Ulviyya Hasanova, la première intervenante à la session, a souligné que des disparitions forcées ont été observées en Turquie depuis les années 1990 et après la tentative de coup d’État de 2016. Elle a également souligné que les défenseurs des droits de l’homme sont fréquemment confrontés à des détentions arbitraires, citant l’exemple des Mères du samedi (en turc: Cumartesi Anneleri, en kurde: Dayikên Şemiyê).

Harcèlement juridique

Sebla Arcan a expliqué que les Mères du samedi se sont rassemblées pour lutter contre le crime de disparition forcée en Turquie et qu’aucun résultat n’a été obtenu par les moyens juridiques nationaux.

« Nos revendications sont claires et directes. L’État doit reconnaître sa responsabilité dans les disparitions forcées, révéler le sort des disparus, mettre fin à l’impunité et garantir la justice. La Turquie doit signer et mettre en œuvre le traité international sur les disparitions forcées. »

Arcan a également noté que leurs rassemblements pacifiques ont été entravés par la violence policière et que les décisions de la Cour constitutionnelle autorisant ces rassemblements n’ont pas été mises en œuvre. « Les Mères/Personnes du samedi ont été arrêtées 23 fois au cours des 5 derniers mois et des poursuites ont été déposées contre elles. Les organisations de défense des droits humains décrivent cela non seulement comme une violation des droits mais aussi comme un harcèlement juridique. »

Impunité

Özlem Zıngıl a évoqué l’approche du pouvoir judiciaire face aux disparitions forcées. « Le pouvoir judiciaire s’est montré réticent à mener des enquêtes ; soit les demandes n’ont pas été traitées, soit les enquêtes ont été lentes et n’ont abouti à aucun résultat. »

Zıngıl a noté que des plaintes liées à des disparitions forcées ont commencé à être déposées après 2009, des responsables de l’État étant accusés de « meurtre intentionnel ». Cependant, ces affaires se sont conclues en toute impunité pour les agents de l’État à partir de 2015. Les décisions d’acquittement ont été confirmées par la Cour de cassation.

Une seule affaire a été annulée au cours de la procédure d’appel, mais le tribunal a finalement rendu un verdict d’acquittement, a noté Sıngıl. La Cour constitutionnelle a statué sur une violation dans une seule requête. Sur les 10 dossiers déposés, seuls deux sont encore en cours, et un dossier a fait l’objet d’une décision de prescription.

Rehşan Bataray Saman a évoqué l’augmentation des disparitions forcées, ciblant particulièrement les citoyens kurdes, à la suite du coup d’État de 1980. Elle a fait remarquer : « Les dossiers de disparitions forcées ont été classés en toute impunité et continuent de l’être. Même après 8 ans, les auteurs du meurtre du président du barreau de Diyarbakır, Tahir Elçi, n’ont pas été punis. »

Violations signalées

Coşkun Üsterci a souligné que les violations systématiques des droits humains se sont intensifiées depuis 2015, notamment à la suite de la reprise du conflit et de la déclaration de l’état d’urgence après la tentative de coup d’État de 2016. Il a évoqué de nombreux cas de détentions et d’arrestations fondées sur l’appartenance à des organisations illégales, qui ont donné lieu à des poursuites et à des enquêtes.

« À une époque où le principe de séparation des pouvoirs était abandonné et où l’indépendance judiciaire cessait d’exister, l’emprisonnement est devenu le principal moyen de gouvernance du gouvernement.

En raison des décisions arbitraires des tribunaux, l’application de mesures de contrôle judiciaire comme alternative à l’arrestation est devenue une continuation de l’arrestation. Le nombre d’individus sous contrôle judiciaire et en prison a atteint un total d’environ 700 000 personnes. C’est un chiffre inacceptable pour une société qui se prétend démocratique. »

Bianet