AccueilMoyen-OrientTurquiePourquoi la Turquie interdit les commémorations du génocide arménien?

Pourquoi la Turquie interdit les commémorations du génocide arménien?

TURQUIE – Suite à l’interdiction des commémorations du génocide arménien du 24 avril par le préfet d’Istanbul, avocate kurde et présidente de l’Association des droits de l’homme (IHD), Eren Keskin, a déclaré que le Parti AKP est devenu l’exécuteur de l’idéologie officielle dont il se plaignait autrefois.

En parallèle, le Comité contre le racisme et la discrimination de l’Association des droits de l’homme (İHD) a déclaré: « Nous invitons une fois de plus toutes les institutions de presse et ceux qui sont contre le génocide à exprimer notre demande et à dire : « Reconnaissez le génocide arménien, excusez-vous, indemnisez ! » et « Arrêtez de nier », le 24 avril 2023 à notre point de presse [qui sera] organisée devant la branche d’Istanbul de l’Association des droits de l’homme. »

Depuis 24 avril 2005, les défenseurs des droits humains tenaient chaque année leurs points de presse devant le bâtiment d’IHD d’Istanbul/Sultanahmet où les intellectuels arméniens étaient au devant de la scène; mais ces rassemblements ne sont plus autorisés depuis 2017. L’appel invitant le public devant l’İHD n’a pas encore reçu de réponse.

« Enlevez le mot génocide de votre déclaration »

Avocate et présidente de l’IHD, Eren Keskin, a parlé à Bianet de leur action de commémoration du génocide arménien et de la raison des interdictions.

 

« Nous avons organisé la première commémoration sous le nom de Comité İHD contre le racisme et la discrimination en 2005, en l’appelant « Génocide ».

Le titre que nous utilisons dans nos déclarations n’a jamais changé depuis ce jour : « Reconnaissez le génocide arménien, Excusez-vous, Indemnisez ! » C’était le titre de notre déclaration et c’était ce qui était écrit sur notre banderole. Et notre nom est inclus dans la liste. de ceux qui reconnaissent le génocide sur le Mémorial du génocide arménien.

Nous avons organisé ces journées de commémoration de 2005 à 2017. Nous avons principalement tenu nos événements de commémoration devant le bâtiment de Sultanahmet où les intellectuels arméniens ont été emmenés au début du génocide. Nous avons également tenu nos points de presse à [la gare] Haydarpaşa de l’endroit doù ils ont été déportés. »

« L’événement est dans le champ de la liberté de pensée »

Keskin explique qu’ils n’ont pas été empêchés d’organiser des commémorations jusqu’en 2017, mais qu’ils en ont été empêchés depuis. On leur demande de retirer leur demande de leur bannière. En 2017, les autorités turques leur ont demandé de tenir leur point de presse mais sans utiliser le mot « génocide ». Ils n’étaient pas d’accord et ont publié leur communiqué de presse.

Lors de la journée du souvenir en 2018, trois de leurs amis ont été placés en garde à vue et une enquête a été ouverte. Cependant, le parquet a conclu que la commémoration devait être évaluée dans le cadre de la liberté de pensée.

Keskin a ajouté: « Mais nous avons été empêchés depuis. En 2020, 2021 et 2022, nous avons tenu notre point de presse dans le bureau d’İHD à İstanbul en raison de la pandémie, sous la même bannière. Et cette année, nous prévoyons de tenir notre point de presse dans la rue, devant le bureau d’İHD à İstanbul. »

« L’AKP ne veut pas que quiconque exprime son opinion »

Eren Keskin estime que le gouvernement ne veut pas qu’un autre courant politique ou que les défenseurs des droits humains expriment leurs opinions en dehors de ceux qui soutiennent le gouvernement.

« Même la veillée des Mères du Samedi a été interdite, ce qui était la plus légitime pour de vastes pans de la société. Et en fait, tout cela s’est produit après le changement de politique du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir.

Rappelons-nous tous. Le Premier ministre de l’époque, Recep Tayyip Erdoğan, avait fait une déclaration le 23 avril 2014, presque une excuse pour le 24 avril. L’AKP a alors commencé à mettre en œuvre une autre politique en s’entendant avec le Parti du mouvement nationaliste (MHP) et l’État profond. Une politique pro-turque et islamique a été mise en place et ils continuent dans cette voie », a déclaré Keskin.

Elle estime que l’interdiction des commémorations du 24 avril est à évaluer dans le même sens. « L’AKP est devenu l’exécuteur de l’idéologie officielle dont ils se plaignaient autrefois », a-t-elle déclaré.

Certains des 600 notables arméniens arrêtés et tués à partir de 24 avril 2015

  • Le poète et médecin militaire Rupen Çilingiryan, né en 1885 à Silivri, a été arrêté le 22 juin 1915 et est arrivé à Çankırı le 30 juin. Il n’a été inculpé d’aucune infraction. Çilingiryan, ainsi que son collègue poète Taniel Varujan (1884, Sivas) et d’autres personnes en exil, ont été tués le 16 août 1915 dans le village de Tüney dans la région de Kayalıdere à Çankırı.
  • Krikor Zohrab a été arrêté le 21 mai 1915 à Istanbul. Après avoir été envoyé dans différents endroits pendant son exil, il a été tué par des mercenaires à Urfa.
  • Nezaret Dağavaryan a été détenu à Istanbul le 24 avril 1915 et exilé à Ayaş près d’Ankara. Il a été tué à Urfa sur la route de la cour martiale de Diyarbakır.

Bianet