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Le président turc a besoin d’un ennemi: L’Europe, l’OTAN, les Etats-Unis, la Syrie, les Kurdes, sinon la Grèce

Le président turc Erdogan multiplie les menaces visant tantôt les Kurdes du Rojava, tantôt les pays européens, tantôt l’OTAN dont il est membre… alors que le pays traverse une crise économique sans précédent à un an des élections parlementaires et présidentielles. Pour le journaliste Ragip Duran, Erdogan cherche des boucs émissaires au lieu de gérer ces problèmes.
 
Voici le chronique de Ragip Duran:
 
Le président turc a besoin d’un ennemi: L’Europe, l’OTAN, les Etats-Unis, la Syrie, les Kurdes, sinon la Grèce
 
Erdogan qui a officiellement déclaré sa candidature pour les prochaines élections présidentielles cherche à l’étranger un cible pour augmenter la tension. Le nationalisme reste le seul atout pour ne pas perdre encore ses électeurs. »
 
Le Président Erdogan a poursuivi cette semaine sa stratégie de renforcer la tension avec ses ennemis vrais ou faux, lors de ses multiples déclarations publiques.
 
Il a également annonce sa candidature pour les prochaines élections présidentielles qui doivent avoir lieu, théoriquement en juin 2023 au plus tard. Cette candidature est contestée par les juristes et l’opposition car la Constitution en vigueur ne permet pas de se présenter une troisième fois pour un président qui a déjà terminé ses deux termes, ce qui est le cas de M. Erdogan. Mais la Constitution, le droit et les lois ne sont plus à l’ordre du jour du Président depuis très longtemps.
 
Le cible préféré du Président serait les Kurdes, selon les observateurs, car au moins trois événements montrent que le régime d’Erdogan est menacé par les activités politiques et militaires des kurdes de Turquie, de Syrie et d’Irak.
 
– Malgré l’opposition de Washington et de Moscou l’armée turque poursuit ses attaques contre les cibles kurdes en Syrie et en Irak. Le nombre de « martyrs » du coté turc s’élève de jour en jour selon les gardiens de village, milices pro-gouvernementales qui participent à ces attaques.
 
– Ankara s’oppose contre la candidature de la Suède et de la Finlande qui désirent être membre de l’OTAN. Erdogan estime que ces deux pays sont « les centres d’accueille des terroristes ». Il désigne les réfugiés politiques kurdes qui vivent dans ces pays depuis au moins 30 voire 40 ans. Washington, l’OTAN et ses membres n’ont pas l’air d’accepter les demandes d’Ankara. Tout au contraire les médias européens croient qu’Erdogan agit comme ‘’la cinquième colonne de Poutine à l’intérieure de l’OTAN.
 
– Plus de 20 journalistes et activistes kurdes ont été mis en garde à vue cette semaine à Diyarbakir (Sud-est) et autres villes de Turquie. Les journalistes kurdes avaient filmé et diffusé des scènes de protestation des familles de soldats turcs tués en Syrie et en Irak. Les médias kurdes sont les seuls à publier et à diffuser des nouvelles d’une opposition authentique, car l’opposition officielle kémaliste et conservatrice soutiennent en générale les politiques violentes anti-kurdes et les opérations militaires sur le sol des pays voisins.
 
L’animosité contre les kurdes d’Erdogan ne serait pas assez effective pour freiner la chute de la popularité du Président en cette saison électorale, selon une partie des commentateurs indépendants. C’est pourquoi le Président a besoin d’un cible plus grand et plus unificateur pour sa base électorale qui est désormais moins de 27 pc. L’OTAN, la Suède, la Finlande sont des cibles lointains et étrangers, mais étrangers également pour le public d’Erdogan. La Grèce est d’un coté beaucoup plus proche et a déjà un passé de conflit avec Ankara.
 
Il est intéressant de voir Erdogan, attaquer avec les armes les plus sophistiqués de l’OTAN contre les kurdes en sol Syrien et Irakien et de s’opposer en même temps contre la militarisation des îles grecques d’Égée.
 
Erdogan en habit presque militaire, participant aux manœuvres d’Efes 2022 de l’armée turque en Égée a adopté un ton pas très diplomatique ni d’ailleurs politique mais parle comme le truand du quartier.
 
La grande majorité de l’opinion publique turque, qui souffre désormais d’une très grande crise économique, n’est pas attirée par ce discours. Aux yeux de la majorité des citoyens turc, la réponse publiée en turc sur la toile du chef de l’opposition grecque, M. Tsipras a été plus convaincante que les menaces d’Erdogan: « La réponse à la crise économique à laquelle nous sommes tous confrontés ensemble n’est pas le nationalisme ».
 
Par ailleurs plusieurs économistes rappellent qu’en pleine crise financière Ankara ne peut plus financer à court et à moyen terme les opérations militaires. Mais Erdogan a depuis longtemps l’habitude de trouver des réponses militaires aux questions politiques ou économiques. Même si ces réponses ne résolvent pas le problème! »
 
Ragip Duran, Chronique Turquie, 11 juin 2022