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Maha Hassan, une écrivaine aux identités multiples

PARIS – Le 16 avril dernier, l’Institut kurde de Paris accueillait Maha Hassan à l’occasion de la sorti de son roman Femmes d’Alep qu’elle avait écrit avec l’aide précieuse apportée par Ismaël Dupont. Écrivaine aux identités multiples et parfois conflictuelles, Maha Hassan ne cesse de remettre en question l’affiliation biologique à laquelle on aimerait la cantonner. En effet, Maha Hassan est une Kurde syrienne qui est née et a grandi à Alep, sans jamais vraiment appris sa langue maternelle. Maha a également des origines arméniennes car la grand-mère d’un de ses ancêtres est une femme qui a échappé au génocide arménien de 1915.
 
Maha Hassan se dit être avant tout citoyenne du monde qui possède les nationalités syrienne et française. Si elle parle de son identité kurde, c’est pour attirer l’attention sur les massacres subis par les Kurdes depuis plus d’un siècle et qui souffrent encore aujourd’hui. En effet, lors de la présentation de son livre, Maha Hassan a dit que sa boussole intérieure est la douleur et que par solidarité avec la souffrance actuelle du peuple kurde, elle se dit kurde et que si demain un malheur frappait le peuple français, elle se dirait française sans hésiter. En dehors de cela, il lui est impossible d’entrer dans des cases identités/origines ethniques, etc. Comme Amin Maalouf, Maha rejette violemment les «Identités meurtrières», sans oublier les identités meurtries. 
 

Réfugiée en France depuis 2004, Maha Hassan possède également la nationalité française. Écrivaine d’expression arabe ayant publié plus d’une dizaine de romans, Maha a entrepris le défit d’écrire son dernier roman Femmes d’Alep en français, même si elle a eu besoin d’aide pour cela. Le résultat est un roman de plus de 450 pages qui met en scène la vie de dizaines de femmes, majoritairement des femmes de la famille de Maha: des grand-mères, tantes, cousines, sœurs, nièces, sa propre mère, Maha elle-même et sa fille qui n’est jamais née… Des femmes victimes de crimes d’honneur, des femmes persécutées au nom de l’Islam, des femmes exilées, des femmes rescapées de génocide, des femmes victimes de guerre, des femmes à la sexualité réprimée, des femmes victimes de violences conjugales, des femmes privées de faire des études, des femmes qui luttent pour échapper à l’univers patriarcal et misogyne moyen-oriental, des femmes qui n’ont que Maha pour faire entendre toute l’horreur qu’on leur a infligée depuis leur plus tendre enfance car nées femmes…

 
Femmes d’Alep paru chez Skol Vreizh, 20,90 euros (prix d’éditeur)
 
 

Certains chapitres de Femmes d’Alep nous font penser au roman La laveuse de mort de Sara Omar, une écrivaine kurdo-danoise vivant sous la protection de la police pour avoir dénoncé les crimes d’honneur et les violences masculines au sein de la société conservatrice kurde. En effet, même si le roman de Maha englobe un champ plus large des violences faites aux femmes (quelles soient étatiques, religieuses, culturelles, ethniques, sexistes, racistes…) leur brutalité et l’effet destructeur qu’elles entrainent sont similaires dans les deux romans.

 
 
 
Ismaël Dupont et Maha Hassan
 
Née pour raconter les histoires des femmes
 

Maha Hassan dit qu’elle se sent être missionnée par les femmes qu’elle a croisées dans sa vie pour être leur voix qu’on a étouffée.  

 
Maha dit « Je suis née femme pour raconter les histoires de ces femmes autour de moi : femmes de ma famille, femmes d’ailleurs, voisines, cousines, amies, rendues étrangères à elles-mêmes. Femmes sorties de l’ombre où elles ont vécu dans l’injustice et la peur, femmes aux vies cabossées par la guerre et l’exil. Je suis née dans cette société orientale tyrannique pour témoigner des expériences des femmes dans ce monde définitivement perdu que fut la Syrie d’avant la Révolution et la guerre civile. Je suis née là-bas pour m’exiler et écrire ce livre rendu possible et nécessaire par la distance et l’éloignement. Je suis née pour raconter et je me suis exilée pour sauver mes histoires. »
 

Femmes d’Alep est un roman qui nous fait voyager à travers l’histoire depuis l’empire ottoman et le génocide arménien jusqu’à la guerre en Syrie qui a déversé des millions de femmes et d’hommes sur les chemins de l’exil. C’est également un roman qui nous emmène à Afrin, autrefois un havre de paix au milieu de la guerre syrienne aujourd’hui devenu un « Islamistan » avec des mercenaires jihadistes à la solde de la Turquie qui ont commis des crimes de guerre. C’est aussi un roman dans lequel Maha questionne sa place dans la société française qui lui colle souvent l’étiquette de femme arabe musulmane à cause de son accent et sa couleur de peau. A lire pour découvrir un monde féminin riche et insoupçonné…

 
Maha Hassan
 
Née à Alep, dans une famille kurde, Maha Hassan vit une enfance croisée entre la grande ville arabe et le village kurde. Études supérieures à la faculté de droit d’Alep. Écrivaine et journaliste de langue arabe exilée en France depuis 2004, Maha Hassan a écrit 13 romans, la plupart publiés au Liban et diffusés dans le monde arabe. Deux de ces romans son traduits en italien, un en kurde et un autre en néerlandais. Elle vit aujourd’hui à Morlaix.