AccueilCulturePARIS. Expo-photo: L’Ombre du Kurdistan. Une recherche photographique d’une identité culturelle

PARIS. Expo-photo: L’Ombre du Kurdistan. Une recherche photographique d’une identité culturelle

PARIS – Le photographe kurde, Murat Yazar expose à l’Institut kurde de Paris des photos prises au Kurdistan, en déjouant les frontières colonialistes qui défigurent la géographie kurde.
 
L’exposition de Murat Yazar a été inaugurée ce samedi, en présence du photographe, à l’Institut kurde de Paris.
 
Un public composé de Kurdes et de Français a pu admirer les vingtaines de photographies d’enfants, de mariés, de paysans ou des célébrations du Newroz prises au Kurdistan, toutes en noir et blanc.
 
En plus de l’exposition, le public peut acheter le livre photo de Murat Yazar: « Shadow of Kurdistan: A photographic research of a cultural identity » (L’Ombre du Kurdistan: Une recherche photographique d’une identité culturelle). Prix 35 euros.
 
Exposition gratuite à voir du 2 au 15 avril, du lundi au samedi, de 14 heures à 18 heures.

Adresse:
Institut kurde de Paris
106, rue La Fayette, F-75010 Paris
M° Poissonnière – Gare du Nord – Gare de l’Est

 

Quelques photos de l’expo de Murat Yazar:
 
 
 
Livre-photo: Shadow of Kurdistan – A photographic research of a cultural identity

Traduire en image les histoires du peuple kurde
 
Murat Yazar écrit en préface de son livre « Shadow of Kurdistan: A photographic research of a cultural identity »:
 
« Nous sommes tous nés quelque part. La nature qui nous entoure est le premier élément à nous façonner avec toutes les caractéristiques uniques d’un environnement particulier. Ensuite, nous donnons des noms à ces caractéristiques et des significations à cet environnement – noms qui viennent de nous-mêmes et font partie de notre culture. Ce projet est le reflet de ma propre vie, un moyen pour moi de découvrir ma culture en me tournant vers moi-même et mon identité. J’ai cherché à traduire en images les histoires du peuple kurde. Parfois il a été difficile de voir et de documenter la vie des gens dans ma région d’origine parce que la situation politique et la guerre civile qui fait rage les enfermaient dans le silence. Les gens avaient peur de partager leurs idées et leur identité et il m’a fallu du temps pour entrer dans leur vie. Mais quand j’y suis parvenu, cela a été vraiment gratifiant de rencontrer mon peuple et de le comprendre. Alors que les murs entre nous tombaient, j’ai réalisé à quel point j’étais proche – et pourtant, toujours aussi loin – de ma culture et des personnes qui la composent.
 
Je suis né dans un petit village près du fleuve Euphrate. La première langue que j’ai parlée était le kurde. J’ai appris à nommer les choses qui m’entourent dans ma langue maternelle jusqu’à ce que j’aille à l’école. Le tout premier jour d’école, il y avait un homme dans la classe qui parlait une langue que je ne comprenais pas. Un camarade de classe m’a chuchoté que cet homme était notre professeur et qu’il nous disait que la langue kurde était interdite à l’école. A partir de ce moment-là, nous n’étions autorisés à parler qu’une seule langue, le turc. Ma vie a donc été divisée en deux langues. A l’école, j’essayais d’apprendre le turc pour pouvoir recevoir une instruction et en dehors, je parlais kurde avec ma famille et ma communauté. Le temps a passé, le turc est devenu ma langue principale et j’ai même oublié une partie de ma langue maternelle.
 
Au fur et à mesure des années, je constatais avec tristesse que la culture et la vie quotidienne des Kurdes étaient affectées par l’assimilation turque et la guerre civile. Pour certains Kurdes, l’assimilation était si profondément ancrée en eux qu’ils avaient même honte de parler le kurde. Je me souviens de certaines familles qui ne parlaient avec leurs enfants qu’en turc parce qu’elles craignaient que leurs enfants puissent avoir des problèmes avec les autorités turques. Ils craignaient que leurs enfants ne soient exclus de la société s’ils parlaient leur langue maternelle. À l’époque, tel était l’objectif de la Turquie: que les Kurdes aient honte de parler leur langue maternelle.
 
Pour moi, la photographie a été la clé pour découvrir mon identité, ma culture et la rendre visible. Mon projet porte sur l’ensemble du Kurdistan, divisé en quatre parties par les accords Sykes-Picot en 1916. Aujourd’hui, près de 35 millions de Kurdes vivent séparés le long des frontières de la Turquie, de l’Irak, de l’Iran et de la Syrie. Je voulais documenter la vie de mon peuple dans ces quatre pays et rassembler mes images dans un seul livre, sans frontières. Dans ce livre, j’ai essayé de montrer ma culture sous toutes ses couleurs. J’ai donc traversé les frontières qui divisent le Kurdistan. Je suis allé dans ses villes et ses villages: mon appareil photo était ma toile et mon pinceau, ma culture, les couleurs et les prises de vues la composition. Les gens rencontrés sur mon chemin étaient les conteurs de cette fresque.
 
La vie quotidienne dans les villes et les villages, le long des routes et sur le flanc des montagnes, lors de mariages, de funérailles, de manifestations populaires, un peuple avec toute son histoire et ses traditions, parfois emporté par la guerre, font partie de mon récit photographique. Dans de nombreuses régions du Kurdistan, il nous est toujours interdit de vivre selon nos traditions et d’étudier notre langue. C’est pourquoi j’appelle mon projet « Les Ombres du Kurdistan ». Nous vivons encore sur nos terres comme des ombres. Il y a une région du Kurdistan où je n’ai pu me rendre: le Rojava, en Syrie. À cause de la guerre, il m’a été impossible de traverser la frontière pour rencontrer mon peuple. Je n’ai que des images des Kurdes fuyant les violences à la frontière turco-syrienne. L’absence du chapitre Rojava laisse mon projet incomplet. J’attends et espère qu’un jour la paix viendra dans ce territoire ; je pourrai ainsi terminer mon récit. »
 
Qui est Murat Yazar ?
 
Murat Yazar (né en 1978) est un photographe kurde basé à Rome. Murat est originaire de la province kurde d’Urfa, dans l’est de la Turquie. Il a commencé ses projets photo au Kurdistan, au Moyen-Orient, en Arménie, en Géorgie, en Iran et en Europe. Yazar a traversé l’Anatolie et la Géorgie à pied sur 1200 km dans le cadre du projet Out of Eden Walk – National Geographic. La photographie de Murat Yazar pose la question de savoir si les frontières et les limites sont la marque de notre humanité. (Pour plus d’info, aller sur le site de Murat Yazar)
 
Les expositions de Murat Yazar comprennent :
 
Ombres du Kurdistan, Festival du film Corto Dorico, Italie, Festival du film de Babel, Italie, Festival Zoom Photo Saguenay, Canada, Institut kurde de Paris, France
 
Les Réfugiés et Balade en Anatolie, Festival BarrObjektif, France, Centre Cívic Can Basté, Espagne
 
Les photos d’Yazar ont été publiées notamment par :
 
National Geographic Magazine, Now Magazine, The Times, IZ Magazine, Le Courrier, The New York Times, Artribune magazine, Travel Globe Magazine
 
Subventions et Prix reçus par Yazar:
 
« Shadows of Kurdistan » Institut italien pour le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient (ISMEO) et l’Institut kurde de Rome
 
MonoVisions Black & White Photography en 2019
 
Sélectionné pour Sony World Photography en 2020
 
Le Grand Prix de Banff Mountain Photo Essay en 2020
 
Prix de la Photographie, Paris, Prix ​​d’Argent en Livre/Documentaire
 
Siena International Photo Award 2020 / Prix ​​Mention honorable
 
Lauréat des prix de la photographie noir et blanc MonoVisions 2019
 
Livre photo publié :
 
Shadows of Kurdistan. A photographic research of a cultural identity