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PARIS. L’artiste kurde, Asli Filiz expose la souffrance et la résistance des femmes

PARIS – L’artiste kurde, Asli Filiz expose à Paris plus d’une vingtaine de toiles racontant la souffrance et la résistance centenaires des femmes kurdes, en plus de revisiter la mythologie mésopotamienne à travers ses œuvres représentant la déesse Ishtar / Inna et à la Reine-Serpent Shahmaran. Une exposition haute en couleur à voir jusqu’au 10 mars au centre culturel kurde Ahmet Kaya, dans le Xe arrondissement de Paris.
 
La peintre et graphiste Asli Filiz expose plus d’une vingtaine d’œuvres au centre culturel kurde à Paris depuis le premier mars dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars. Asli Filiz, qui vit en Allemagne depuis plusieurs années, a été invitée à Paris par le Mouvement des femmes kurdes en France (TJK-F).
 
Lors de l’exposition « Nos mains sur nos hanche » (expression mystérieuse qui signifie « Nous allons vous demander des comptes, à vous, hommes et État colonialiste, patriarcal »), d’Asli Filiz, on peut voir une série de dessins sur « Les filles perdues de Dersim » qui raconte le drame d’innombrables fillettes kurdes-alévies « adoptées » par des officiés turcs lors du génocide de Dersim en 1937-38 et qui ont été assimilées de forces, un portrait de la politicienne kurde emprisonnée et atteinte de la démance, Aysel Tugluk, sous le titre de « Aysel Tuğluk : Mémoire », « Une femme du Rojava fuyant DAECH » et une peinture représentant Garibe Gezer, une jeune prisonnière kurde torturée, violée et morte « mystérieusement » dans une prison turque…
 
L’artiste kurde a réalisé également une série de dessins représentant la solidarité féminine face au monde patriarcal et misogyne – dont parfois d’autres femmes se font les gardiennes. Asli insiste sur la nécessité absolue pour les femmes de s’unir afin de sortir de la domination masculine millénaire qui nous tue toutes d’une façon ou d’une autre…

En plus des souffrances centenaires subies par les femmes kurdes, Asli Filiz nous fait visiter la mythologie mésopotamienne à travers ses deux peintures représentant Ishtar / Inna – déesse vénérée chez les Sumériens, Akkadiens, Babyloniens et Assyriens. Elle est associée à l’amour, la beauté, le sexe, la guerre, la justice et le pouvoir politique. On dit dit qu’elle était cruelle, allant jusqu’à tuer ses amants, amis ou ennemis.

 
Selon Asli Filiz, « la mythologie décrit Ishtar comme une très mauvaise femme. La mythologie écrit qu’Ishtar était aveugle et sourde à cause de sa cupidité et de sa colère. Pour moi, une femme ne pourrait jamais être aussi mauvaise. J’ai essayé ce travail à deux visages. Lorsque vous cachez un côté de son visage, vous verrez Ishtar aveugle et sourde décrite dans les récits mythologiques. Lorsque vous cachez l’autre côté et regardez, vous verrez Ishtar, qui a des yeux et des oreilles. Une femme ne peut pas être aveugle et sourde à cause de sa méchanceté et de sa cupidité ! »
 
L’autre peinture mythologique d’Asli représente la Reine-Serpent Shahmaran (Şahmeran ou Şahmaran) possédant une tête de femme et un corps de serpent et ayant des pouvoirs guérisseurs qui fut trahie par son amant Cansab et mangée par un tyran malade qui espérait retrouver la santé.
Asli Filiz a représenté Şahmaran, sans visage, coupée en trois morceaux, tel un long poisson coupé et prêt à être jeté à la poêle. C’est une peinture assez déconcertante mais très puissante à la fois qui nous rappelle la cruauté subie par Şahmaran qui a toujours été représentée belle, entière et parée de ses bijoux. Là, on a trois morceaux de chaire d’une « femme » sans visage avec un corps de serpent…
 
Une artiste qui puise son inspiration de la Mésopotamie, des femmes, de la mythologie kurdes
 
L’artiste, qui se concentre essentiellement sur les femmes, déclare qu’elle choisit la Mésopotamie, l’histoire et la mythologie kurdes comme sujet dans ses toiles et ajoute: « je travaille principalement sur le contact féminin. Parce qu’en tant que femme du Kurdistan, nous résistons à la fois à la pression de la société dans laquelle nous vivons et à la pression de l’État. J’ai essayé de refléter nos douleurs et nos joies dans les terres mésopotamiennes avec des couleurs. »
 

J’ai beaucoup à dire avec les couleurs

Asli a déclaré qu’elle était du Kurdistan, une femme appartenant à un peuple dont le pays est divisé en 4 parties, assimilé et exilé, ajoutant que « Comme beaucoup de femmes kurdes, j’ai des plaies qui saignent. Vous devez avoir quelque chose à dire face à ce qui s’est passé. Vous voulez l’exprimer en écrivant, en chantant, en dansant ou en couleur. Je pense aussi que je peux m’exprimer avec les couleurs et j’ai plus à dire à travers les couleurs. Par exemple, Leyla Bedirhan, Ayşe Şan, Leyla Qasım et Sakine Cansiz, ces noms sont également très importants, car ce sont des femmes qui ont réussi en résistant à la fois contre la société dans laquelle elles vivent et contre l’État. Danseuse, dengbêj, guerrière et initiative, femmes dirigeantes, déterminées et fortes. Ces 4 femmes reflètent la réalité des femmes kurdes, tant dans l’art que dans la guerre. (…) J’essaie d’être la voix de ces femmes à travers les couleurs. Parfois, vous écrivez un texte sur des pages et des pages. Mais on ne peut pas avoir autant de succès que l’effet que reflètent les couleurs, alors les couleurs ont une place importante pour moi car je m’exprime mieux avec les couleurs. »

 

L’exposition d’Asli Filiz est à voir jusqu’au 10 mars, de lundi à dimanche, de 10 heure à 19 heures, au centre culturel kurde Ahmet Kaya, 16, rue d’Enghien, dans le 10e arrondissement de Paris.

Asli Filiz est née à Bingöl en 1983 et a vécu à Istanbul pendant 25 ans. Après avoir étudié le design graphique à l’Université de Beykent, elle s’est installée à Hamburg, en Allemagne. Elle travaille comme graphiste depuis vingt ans et peint et réalise des collages depuis plusieurs années.

 

Voici quelques-unes des œuvres d’Asli Filiz exposées à Paris:
Œuvre représentant les femmes des quatre parties du Kurdistan morcelé

De la série représentant les souffrances d’une des filles perdues de Dersim

Portrait d’Aysel Tugluk
L’affiche de l’exposition « Nos mains sur nos hanche »

 

 

Asli Filiz et sa peinture inspirée d’une photo d’une femme yézidie sauvée de DAECH

 

La Reine-Serpent Shahmaran d’Asli Filiz