Il y avait une fois deux fleuves légendaires qui avaient donné naissance à notre civilisation en permettant aux humains de domestiquer la terre et les animaux il y a des milliers d’années de cela. L’un s’appelait Euphrate, l’autre s’appelait Tigre. Ils chérissaient une terre nommée Mésopotamie (« le pays entre deux fleuves ») qu’ils tenaient précieusement entre leurs bras puissants.
Les temps passant, voici que les deux fleuves assistèrent à la création des État-nations. Ces derniers ne reconnaissaient qu’un seul peuple/religion/langue officiel.le majoritaire sur leur territoire, quand bien même, ils avaient en leur sein tant de peuples/religions/langues… Parfois, ils poussaient à l’extrême le vis, en imposant une ethnie/religion/langue minoritaire à une mosaïque de peuples/religions/langues… En peu de temps, ces État-nations sont devenus tellement forts qu’ils ont commis les pires crimes, génocides, pillages, assimilations d’autres peuples/régions du monde qui n’avaient pas eu le temps de créer leurs propres État-nations forts et bien dotés en armes. C’était la loi du plus fort et les faibles n’avaient qu’à s’en prendre à eux-mêmes.
Un de ces peuples maudits des État-nations était le peuple kurde, celui dont les ancêtres du pays d’entre deux fleuves avaient découvert l’agriculture. Ils pouvaient être fière d’un tel héritage, mais ils avaient raté le train des État-nations. Un retard qu’ils ne cessent de payer sur les plans ethnique, culturel, linguistique, écologique … depuis un siècle.
Un des derniers malheurs qui frappent le peuple kurde est l’eau. En effet, l’Euphrate et le Tigre, les deux fleuves les plus importants du Moyen-Orient, trouvent leurs sources au Kurdistan du Nord sous l’occupation turque où la Turquie a construit de nombreux barrages qui ont anéanti un des patrimoines de l’humanité à Hasankeyf (Heskif en kurde) et des centaines de localités kurdes, tandis que les Kurdes qui vivent en aval des deux fleuves sont privés d’eau qui est portant vitale et pour eux et pour la terre.
Les Kurdes du Rojava/Syrie du Nord et de l’Est sont particulièrement touchés par cette guerre d’eau que la Turquie livre aux Kurdes car elle a coupé l’eau de l’Euphrate qui desservait le Rojava depuis plus de trois mois. Depuis, le nid même de l’Euphrate s’est asséché, les terres arables où jadis poussait les premiers blés se transforment en désert, les barrages de la région qui fournissaient de l’électricité à la région sont à l’arrêt. Les gens tentent de creuser des puits pour ne pas mourir de soif alors qu’ils sont aussi menacés de famine…
Cela fait plus d’un an que les Kurdes du Rojava crient au secours auprès des organisations internationales sensées protéger les droits élémentaires des peuples dont celui d’accès à l’eau. En vain, personne ne les entend. En attendant, ils préparent un requiem pour l’Euphrate dont le lit est crevassé de toute part comme on peut le voir sur l’image ci-dessus.