AccueilEuropeFranceAttention, une assimilation peut en cacher une autre !

Attention, une assimilation peut en cacher une autre !

Être ou ne pas en colère contre 70% des Kurdes du Bakur (Kurdistan du Nord) vivant en Europe qui se disent « turcs » ? Telle est la question qui me taraude depuis 3 jours. Depuis que j’ai vu sur les réseaux sociaux un article du Figaro au sujet de la journaliste française d’origine turque (on a y revenir à ses origines) Çigdem* / Claire Koç qui a sorti un livre dans lequel elle dit – entre autre – que sa famille a mal vécu son intégration réussie et son changement de nom le jour où elle a obtenu la nationalité française.
 
« Fille d’immigrés turcs, Çigdem Koç est devenue Claire Koç en 2008. Elle raconte le cheminement qui l’a conduite à faire ce choix. Son témoignage est à la fois une plongée dans une France en voie de désintégration et un éloge de l’assimilation… » écrit le Figaro.
 
« Dialecte anatolien » ou « le prénom de la honte » ?

Jusqu’à là, rien d’anormal. J’ai tiqué quand j’ai lu: « j’ai été rabaissée, humiliée. «Quoi Claire? C’est quoi ce prénom de merde? Tu as honte de ce que tu es?» Ils affirmaient que Claire voulait dire «sale» en turc, mais c’était faux (en fait, c’est une traduction libre de notre dialecte anatolien). C’est la première chose qui leur est venue à l’esprit. » J’ai cru rêver.

La jeune femme disait que « Claire » signifiait « sale » en turc, « en dialecte anatolien » précise-t-elle comme pour aggraver la situation ! En effet, j’ai eu un éclair dans ma tête: « Sale » se dit « qlêr » en kurde et « kirli » en turc. Quand au « dialecte anatolien », il n’y en a pas. Alors, soit Claire Koç ment quand elle dit de telles choses, soit sa famille l’a biberonnée avec d’énormes mensonges. Mais vue qu’elle a fait des études de journalisme, qu’elle a sorti un livre** de plus de 200 pages, je me suis dit qu’elle ne peut être manipulée si facilement et qu’il y a une autre histoire derrière celle qu’elle veut bien nous raconter.
 
Une assimilation peut en cacher une autre
 
J’ai entendu des dizaines de fois, des Kurdes du Kurdistan « turcs » se présenter en tant que turcs quand on leur demandaient leur identité d’ « origine ». Si on se base sur ce qu’on a écrit sur leurs papiers d’identité français, allemands, anglais ou autres, on pourrait dire que oui, ils sont turcs car c’est ce qui est écrit. Mais rien ne les empêche de dire la vérité: Que depuis près d’un siècle, la Turquie a déclaré la guerre aux Kurdes, interdit leur langue, leurs noms, les chassés de leurs terres et leur a donné des carte d’identité les faisant passer pour des turcs.

Il faut croire que c’est trop difficile d’expliquer tout cela. Alors, ils se disent turcs et on passe aux choses plus gaies. D’ailleurs, ne parlent-ils pas à la maison en turc avec leurs enfants et les autres compatriotes venus du Bakûr? Si. On dirait des soldats de la langue turque en Europe! Souvent, ils métrisent mal la langue du pays d’accueil car ils sont arrivés adultes et n’ont pas pu apprendre la langue, ni la culture. Il fallait qu’ils travaillent pour subvenir aux besoin de la famille et dans les métiers qu’ils exercent, ils n’ont pas besoin de parler correctement la langue de leur nouveau pays. En attendant, leurs enfants sont nés ou ont grandit ici et ils deviennent des Français, Allemands, Anglais… Cela s’appelle l’assimilation et elle n’a rien à voir avec celle que j’ai subie au Bakûr.
 
Guerre intergénérationnelle et sexisme dans la diaspora
 
Dans un autre entretien, Claire Koç dit que des gens de son entourage lui ont dit « qu’elle puait la France », car elle était devenue trop française. Elle aurait pu rajouter que cette réaction violente était liée en partie au fait qu’elle était une fille. En effet, chez les familles originaires des pays musulmans, les filles et les femmes doivent restées fidèles aux coutumes de leurs pays d’origine, bien plus que les garçons qui sont plus libres. Je parie que si Claire avait été un garçon, sa famille aurait pavané devant la réussite de leur progéniture. Ses parents auraient dit aux gens de leur communauté, « regardez, notre fils a fait des études supérieurs, il est devenu journaliste. Bon, il est un peu trop français, il a tendance à oublier ses origines, mais c’est un brave garçon. » Ils n’auraient pas fait un drame. Il aurait pu aussi présenter une Dulcinée occidentale comme femme à sa famille. On l’aurait applaudi de deux mains. Mais si c’est une fille de la communauté qui offre son coeur à un homme extérieur à la communauté, souvent, c’est la honte pour la famille ! « Que diront les gens? », « Tu ne respectes pas nos traditions, etc. »
Mais la famille de Claire est « turque », de confession alévie, et qu’on veuille ou non, le poids des traditions du pays d’origine font qu’elle aimerait que leur fille reste entre les clous, pour ne pas « salir » la réputation de la bonne famille. En effet, on nous fait porter – à nous les filles/femmes de culture musulmane, alévie ou yézidie – l’honneur de nos famille entre nos jambes et quand on se révolte ou on veut vivre nos vies selon nos désirs, c’est le drame, pour pas dire, la guerre.

Bon, je me suis perdue en chemin, mais pour revenir à Claire Koç et à son assimilation réussie qui met mal à l’aise sa famille, je crois que Claire et sa famille doivent se questionner sur leurs origines ethniques. Sont-ils vraiment turcs? Pourquoi les Kurdes/alévis ont été ou sont massacrés en Turquie? Pourquoi la langue kurde est interdite là-bas? Une fois ces questions posées, ils verront la France et l’assimilation sous un autre angle.

Keça Bênav / La fille sans nom (en kurde, Keç signifie « fille » et Bênav « sans nom »)

*Çigdem est un prénom de fille mais avant tout le nom en turc de la fleur de crocus. 

**Claire, le prénom de la honte

2 Commentaires

  1. Des informations doivent être apportées car elles posent le doute sur son témoignage: elle est originaire de Mazgirt (Dêrsim).

    Ses parents ne se sont jamais reconnus comme Kurdes même s’ils parlent le kirmanckî. Les parents (de ce que je sais) ne l’ont pas rejeté parce qu’elle est devenue française mais parce qu’elle s’est mariée à un français de l’âge de son père sans même le lui avoir présenté en amont. Quant à son premier mariage qu’elle impute à ses parents (ils l’auraient forcés), son père ne l’aurait pas accepté. C’est elle qui le lui a imposé.

    Ensuite, elle dit que ses parents l’ont renié. De ce que j’en sais là encore, il n’y a rien de plus faux. Son père était en froid avec elle mais, récemment décédé, suite à une maladie foudroyante, il avait demandé à voir sa fille et son petit fils. Elle a refusé. Quant à sa mère, elle est toujours en relation avec sa fille. Alors, pourquoi autant de victimisation ?

  2. Petit fils d’immigrés, votre commentaire me fait écho. L’interview de Mme Koç aussi. Et je ne critiquer ni vous ni elle, parce que la famille c’est compliqué, sans rien enlever à l’affection que l’on peut leur porter. La langue aussi est compliquée, pas difficile mais compliquée. Quant le discours est tourné hors de soi vers les autres, ce n’est pas le même discours lorsque l’on se parle à soi même. Ce que je raconte est peut être obscur mais il relève de la difficulté à traduire avec des mots des mouvements intérieurs qui ne relèvent pas , de près ou de très loin, de la perception de nos 5 sens.

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