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Les Baloutches à la recherche de leurs proches enlevés par les autorités pakistanaises

Les Kurdes ont une grande sympathie pour leurs frères baloutches persécutés par le Pakistan et l’Iran notamment. Peuple apatride comme les Kurdes, la plus grande communauté baloutche vie sous le joug du régime sanguinaire pakistanais mais également en Afghanistan, en Iran et au Turkménistan.
 
« Nous sommes des citoyens innocents de ce pays. Je pense qu’une personne n’est perdue que lorsqu’elle est innocente. Parce qu’ils n’ont aucune preuve contre elle. Ils ne peuvent pas fournir de preuves au tribunal. Le Pakistan est un État et il a une constitution. Si une personne a commis un crime, elle doit être jugée par un tribunal. Les membres de la famille kidnappés sont innocents, ils ne peuvent donc pas les juger au tribunal. Ils ne disent même pas les avoir été arrêtés. »
 
Aujourd’hui, les Baloutches (environs 8 millions d’individus) mènent une guerre de survie au milieu des assassinats et des disparitions forcées frappant ses membres alors que la communauté internationale les ignore totalement.
 
Le journaliste kurde Barış Balseçer a tendu son microphone à Haseeba Qambrani, une femme baloutche dont le grand-frère et un cousin ont été kidnappés et assassinés par les forces de l’État pakistanais. Aujourd’hui, elle s’interroge sur le sort de son petit-frère et un autre cousin, qui ont été arrêtés plus tôt cette année et dont le sort reste inconnu.
 
Le grand-frère et un cousin d’Haseeba Qambrani, qui vit à Quetta, la capitale du Baloutchistan, ont été arrêtés par les forces de sécurité pakistanaises en 2015, et leurs corps tués par balles ont été retrouvés un an plus tard. Plus tôt cette année, son seul frère encore en vie et un cousin d’Haseeba ont été arrêtés à leur tour. Qambrani, qui s’interroge sur le sort de son petit-frère et de son cousin, tente de faire entendre sa voix dans le monde par un rassemblement quotidien dans la capitale.
 
Les disparitions forcées au Baloutchistan, où les revendications démocratiques des Baloutches ne sont pas acceptées, se poursuivent depuis 2000. On estime que des milliers de Baloutches ont été portés disparus par l’armée pakistanaise, d’autres ont été forcés de quitter leurs terres ou ont été arrêtés. Depuis 20 ans, plus de 20 000 Baloutches, pour la plupart des étudiants, ont été arrêtés et portés disparus par les forces de sécurité pakistanaises. Selon les militants des droits humains du Baloutchistan, chaque jour, trois à quatre Baloutches disparaissent de cette manière.
 
Depuis 2009, 7 personnes de son village ont été portées disparues
 
Depuis 2009, les disparitions forcées se sont multipliées dans le village de Kili Qambrani où vit la famille d’Haseeba Qambrani. Depuis lors, 10 personnes ont été arrêtées par l’armée pakistanaise, dont sept membres de la famille Qambrani. Sur ces 10 personnes, seules trois ont été libérées.
 
Haseeba Qambrani est une travailleuse de la santé qui vit à Kili Qambrani, près de Quetta, la capitale du Balouchistan, avec sa mère, son père imam, l’épouse de son frère assassiné, les enfants, l’épouse de son frère disparu, ses fils et ses trois sœurs. Haseeba a raconté à Barış Balseçer les enlèvements et les assassinats frappant sa communauté.
 
Enlevés et massacrés
 
La famille Qambrani a d’abord pensé que leur frère et leur cousin, qui avaient été détenus en juillet 2015, seraient libérés. «Mais ce n’était pas le cas. Mon frère Salman Qambrani et mon cousin Gzein Qambrani ont été kidnappés et détenus par les forces de sécurité. En 2016, nous avons retrouvé leurs corps sans vie jetés dans la rue, criblés de balles », explique Haseeba.
 
Impossible d’obtenir des nouvelles des personnes enlevées 
 
Son autre frère, Hassan Qambrani, a été arrêté par les forces de sécurité plus tôt cette année, avec son cousin Hizbullah Qambrani. Malgré toutes leurs tentatives, la famille n’a toujours pas retrouvé ces deux personnes enlevées. Haseeba résume leur tragédie avec la phrase « Notre vie n’est rien d’autre que l’attente et la souffrance ».
 
Les tentatives ont été infructueuses
 
La famille s’est adressée à toutes les institutions de l’État pakistanais, en particulier aux représentants élus, et les a interrogées sur le sort des membres de la famille enlevés.
 
Haseeba raconte ce processus vain comme suit: «Nous avons intenté une action en justice contre la Commission des personnes disparues. Le Ministre des affaires intérieures du Baloutchistan a assuré que mon frère et mon cousin seraient libérés. Mais c’était une promesse vide. La chef de l’opposition Maryam Nawaz Sharif et d’autres dirigeants du Mouvement démocratique pakistanais nous ont assuré qu’ils élèveraient la voix, mais Hassaan et Hizbullah sont toujours portés disparus. J’ai écrit des lettres à Bilawal Bhutto, président du Comité des droits de l’Homme de l’Assemblée nationale, et à Mustafa Nawaz Khokhar, président du Comité sénatorial des droits de l’Homme. »
 
La famille est en sit-in depuis plusieurs mois
 
Haseeba déclare qu’ils étaient seuls dans la poursuite de la justice et que la famille a entamé un sit-in dans la capitale depuis des mois, portant les portraits des proches enlevés par les forces pakistanaise, afin de sensibiliser le public sur les enlèvements et les disparitions forcées. Elle rappelle ensuite la relation constitutionnelle qui existe entre le Baloutchistan et le Pakistan, déclarant que le gouvernement pakistanais viole les droits constitutionnels existants. Haseeba a déclaré qu’ « il est inhumain et illégal d’enlever et d’isoler une personne même en temps de guerre selon les lois internationales » et explique la raison de la politique de disparition forcée menées par les forces de sécurité pakistanaises: « Nous sommes des citoyens innocents de ce pays. Je pense qu’une personne n’est perdue que lorsqu’elle est innocente. Parce qu’ils n’ont aucune preuve contre elle. Ils ne peuvent pas fournir de preuves au tribunal. Le Pakistan est un État et il a une constitution. Si une personne a commis un crime, elle doit être jugée par un tribunal. Les membres de la famille kidnappés sont innocents, ils ne peuvent donc pas les juger au tribunal. Ils ne disent même pas les avoir été arrêtés. Ils sont torturés dans des cellules. »
 
Les médias ne « voient » pas les enlèvements et disparitions forcées
 
Haseeba, se référant à la censure et à la pression exercée sur les médias au Pakistan en disant: «L’État contrôle les médias», déclare que les sujets autorisés par les institutions de l’État font l’objet de l’actualité et que les enlèvements et disparitions forcées au Balouchistan ne sont pas couverts par les médias et ajoute: «Si une chaîne d’information au Balouchistan essaie de nous contacter et de publier la nouvelle d’une disparition forcée, elle est menacé par les forces de sécurité. Il y a beaucoup de pression, les travailleurs de la presse sont immédiatement expulsés. Les médias qui ont [couvert ce genre de faits] sont interdits et fermés. Des journalistes locaux au Baloutchistan ont également été victimes de disparitions forcées. Ils ont été visés par les forces soutenues de l’État, certains ont été tués. »
 
Le désintérêt de la communauté internationale
 
Haseeba a déclaré que lorsque des journalistes de la presse étrangère faisaient des nouvelles sur le Baloutchistan, ils étaient confrontés aux problèmes de visa car les autorités refusaient de prolonger la durée de leurs visas, les empêchant d’enquêter sur les disparitions et enlèvements des Baloutches, et souligne qu’en raison de ces problèmes, les journalistes internationaux n’ont pas rendu compte du drame humanitaire qui a lieu au Balouchistan. Haseeba souligne que c’est la première fois qu’un journal étranger les contacte, citant le journal kurde Yeni Ozgur Politika.
 
L’ONU les ignore
 
Déclarant que les institutions internationales sont indifférentes à ce qui se passe au Baloutchistan, Haseeba déclare que les Nations Unies (ONU) ont envoyé une équipe pour préparer un rapport sur les disparitions forcées seulement en 2011. Ajoutant que l’équipe envoyée a rendu visite aux manifestants à Quetta mais ne s’est pas rendue dans d’autres parties du Baloutchistan, Haseeba a déclaré: «Leurs visites se sont limitées à Quetta et à Islamabad. Ils devaient visiter toutes les grandes villes du Baloutchistan pour recueillir des informations. Malheureusement, ils n’y sont pas allés. Comment peut-on faire un rapport s’il n’y a pas de communication avec les victimes? «  demande-t-elle.
 
« Faites entendre notre voix »
 
Haseeba a souligné que l’armée pakistanaise mène des détentions massives, des enlèvements et des disparitions forcées et que cette politique a été mise en œuvre dans tout le Pakistan, et que le sort de milliers de Baloutches, dont celui de son frère Hassan et de son cousin Hizbullah, est inconnu.
 
Haseeba a déclaré que la société civile pakistanaise garde toujours son silence devant le drame baloutche, déclarant que les personnes qui revendiquent des droits démocratiques disparaissent quotidiennement et que s’il la société civile pakistanaise ne réagit pas, c’est tout le peuple pakistanais qui finira par subir la pression de l’État.
 
S’adressant aux institutions internationales et à l’opinion publique mondiale par le biais du journal Yeni Ozgur Politika, Haseeba Qambrani a déclaré: «Nous appelons les institutions internationales à mettre fin aux violations des droits humains au Pakistan. Nous attendons de l’opinion publique mondiale qu’elle fasse entendre notre voix».
 
Article traduit par KAF depuis le site Yeni Ozgur Politika