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Le 2 juin 1991, décédait le poète et journaliste Ahmed Arif

TURQUIE / BAKUR – Le 2 juin 1991, décédait le grand poète Ahmed Arif à Ankara. Né le 21 avril 1927 dans la ville d’Amed, d’une mère kurde et d’un père turkmène il étudie la philosophie à l’université d’Ankara avant de connaitre une carrière de poète populaire et de journaliste.
 
Ahmed Arif (né « Ahmet Hamdi Önal ») a connu la prison et la torture pour ses idées politiques en 1950 et il est resté en prison jusqu’en 1952. (C’était l’époque où les mouvements de gauche de Turquie étaient traqués et détruits sans pitié par le régime turc utilisé par les USA comme garde-fou contre l’URSS voisine. En effet, les Etats-Unis craignaient une révolution communiste en Turquie et ont soutenu activement l’Etat turc dans sa guerre contre tous ceux qui étaient de gauche.)
 
Ahmed Arif a subit la pire des tortures à cause de ses poèmes et ses idées politiques de gauche. Ses bourreaux l’ont jeté à la poubelle en pensant qu’il était mort. Les traumatismes dues aux tortures subies l’ont empêché d’écrire de la poésie par la suite.
 
Publiés dans diverses revues littéraires, ses poèmes ont connu un franc succès en raison de leur lyrisme original et de leur imagerie influencée par les cultures populaires anatoliennes. Il n’a publié qu’un seul recueil de poésie (Hasretinden Prangalar Eskittim / J’en ai usé des chaînes en ton absence) qui a connu un nombre record d’éditions et qui a été traduit dans plusieurs langues à travers le monde.
 
Ayant grandi dans une ville kurde et ayant comme mère une Kurde, bien qu’Ahmed Arif ait écrit ses poèmes en turc, il n’est pas surprenant que ses poèmes soient plus proches du kurde en termes d’art et de contenu.

Un de ses poèmes le plus connu est « 33 kurşun », (traduction en kurde « Sî û Sê Gule » suivi de la traduction en français « 33 balles »). Arif l’a écrit en hommage aux 33 Kurdes de Van / Özalp, fusillés dans la vallée de Seyfo, en juillet 1943 par l’armée turque.

Sî û Sê Gule
 
Fermana kuştin bê cih anîn
Mija hêşîn ya çiya
Û bayê sibê yê hênik û sivik
Di nava xwînê de hiştin hiştin
Paşê li wê derê tifing daçikandin
Li paşilên me hûr hûr nerîn lê geriyan
Pişta min ya sor malê Kirmanşah î
Tizbî bi qutiya min birin û çûn
Hemo jî diyarî bûn ji Ecemstan ê
 
Em kirîvê hevin merivê hevin
Û bi xwînê girêdayî hevin
Bi gund û zeviyê li hember hev
Xinamiyê hevin
Ji sed salan û vir ve
Cîranê hevin mil bi mil ve
Mirişkê me tevlî hevdû dibûn
Ne ji nezaniyê lê xizaniyê
Em ji pasportê dil sar bûne
Ewa cirmê sebeba qetla me
Êdî navê wê derkevê kelaşiyê
Îsatvan rêbir xaiyniyê kirîvo
(…)
 
(…)
Ils ont exécuté la sentence de mort,
Ils ont ensanglanté
Le nuage bleu de la montagne
Et la brise somnolente du matin.
Puis ils ont mis les fusils en faisceau-là
Et nous ont doucement fouillé la poitrine
Ont cherché
Ont fureté
Et ils m’ont pris le ceinturon rouge de
Kirmanşah,
Mon chapelet, ma tabatière et ils s’en sont allés
C’était tous des cadeaux du Pays Persan…
 
Avec les villages et les campements de
L’autre coté
Nous sommes parrains, parents, nous sommes
Attachés par les liens du sang
Nous nous sommes pris et donnés des filles
Pendant des siècles
Nous sommes voisins face a face
Nos poules se mêlent entre elles
Pas par ignorance
Mais par pauvreté,
On n’a pas chéri le passeport
C’est ça la faute qui est cause du massacre
Des nôtres
Et on nous appelle brigands,
Contrebandiers
Voleurs
Traîtres…
 
Mon parrain, écrit les circonstances ainsi,
On les prendra peut-être pour une simple
Rumeur
Ce ne sont pas des seins roses
Mais des balles Dom dom
En éclats dans ma bouche…
 
(Traduction de Ali Demir publiée ici)