Récemment, une initiative internationale visant à unifier les dirigeants kurdes, menée par les États-Unis d’Amérique et la France, a vu le jour alors que la Syrie entre dans une nouvelle phase du conflit, mais l’histoire des deux pays laisse planer de nombreux doutes sur les intentions qui découlent de ces efforts, alors quel est le prix de l’unification kurde selon les critères franco-américains ?
Les Kurdes se souviennent encore de ce que la France a fait en 1916 lorsqu’elle a permis, avec la Grande-Bretagne, la division du Kurdistan en quatre parties, laissant les Kurdes vivre sous l’occupation de quatre régimes autoritaires en Irak, en Syrie, en Iran et en Turquie.
Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis d’Amérique ont assumé le leadership mondial des deux puissances dominantes, la France et la Grande-Bretagne. Mais l’approche internationale de la question kurde n’a pas changé.
Ceux qui s’intéressent à l’histoire kurde savent que les États-Unis d’Amérique ont contribué à l’émergence d’une région kurde autonome lorsqu’ils ont imposé une zone de sécurité au début des années 90 du siècle dernier pour la protéger de Saddam Hussein et de l’Iran. En outre, les États-Unis ont joué un rôle de premier plan dans l’unification des deux partis dominants de la région, l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK).
Le prix à payer a été de pousser le Parti démocratique du Kurdistan et l’Union patriotique du Kurdistan à combattre le Mouvement de libération du Kurdistan (PKK) et les contrats d’investissement dans les domaines de l’énergie, sans parler des restrictions de l’influence iranienne en Irak, ce qui explique le silence des Turcs envers la région, qui dans ses calculs n’ont pas résisté un jour à l’occupation turque et ne se sont pas aventurés sur la voie américaine au Moyen-Orient.
L’histoire récente prouve que toute prétention internationale à l’unification des Kurdes est porteuse d’intentions malveillantes à l’encontre du PKK qui propose des projets démocratiques qui créent une démocratie appropriée au pluralisme religieux et national non seulement au Kurdistan, mais dans toute la région du Moyen-Orient.
Quant au Rojava, l’Amérique a récemment découvert dans son agenda diplomatique une initiative visant à unifier les Kurdes, dont les derniers chapitres ont été le retrait de ses forces le 9 octobre dernier pour ouvrir la voie à une attaque turque sur les régions du nord-est de la Syrie qui a conduit à une occupation turque accompagnée de factions mercenaires dans la région de Serêkaniyê et le district de Tel Abyad, sachant que la date de l’attaque coïncidait avec l’arrestation d’Ocalan en 1999, une conspiration de l’Agence centrale de renseignement des États-Unis (CIA) avec des puissances européennes aux côtés de la Turquie.
Alors pourquoi l’Amérique et la France veulent-elles unifier les Kurdes ? Que veulent les deux pays ? S’agit-il vraiment d’une initiative visant à unifier les Kurdes ou d’une tentative d’infiltrer les rangs des Kurdes en échange d’objectifs à long terme ?
L’Amérique et la France poussent vers un dialogue entre le Parti de l’Union Démocratique et le Conseil National Kurde (ENKS), sachant que l’ENKS a des liens étroits avec la Turquie et le Parti Démocratique du Kurdistan depuis des décennies.
Le slogan évoqué est d’unifier les Kurdes, mais il y a d’autres objectifs. De toute évidence, les États-Unis cherchent à impliquer l’ENKS dans l’administration du nord-est de la Syrie, bien que l’ENKS ait fait peu d’efforts dans ce que cette région a réalisé, et qu’il échappe à tous les appels à l’unification, mais il a répondu à l’invitation américaine.
L’objectif américain est donc clair, une administration autonome incrustée dans l’ENKS de manière à assurer à l’Amérique un impact à long terme dans le nord-est de la Syrie, riche en ressources énergétiques et adjacent aux zones d’influence russe et iranienne.
Il n’est pas exclu que la prochaine étape américaine après l’introduction de l’ENKS dans l’administration autonome soit de renforcer l’ENKS, ce qui signifie augmenter l’influence de l’Amérique plus tard pour contrôler les décisions qui ne sont pas cohérentes avec la stratégie américaine en Syrie.
Dans le cas où Assad serait exclu du pouvoir en Syrie, la formation d’un nouveau gouvernement et l’adoption d’une nouvelle constitution fédérale en Syrie avec un consensus russe et américain ne répondrait pas aux ambitions expansionnistes de l’Iran dans la région, il sera plus facile pour l’Amérique, par le biais de l’administration autonome tant convoitée avec l’ENKS, d’influencer la décision syrienne, et de s’assurer que l’Iran est neutralisé, et de ne pas laisser la scène à la seule Russie en Syrie, qui sont tous des objectifs américains clairs.
En bref, il semble que l’objectif américain soit de former une Syrie similaire à l’Irak, tout comme l’Amérique s’immisce en Irak, au Liban et dans d’autres pays de la région par le biais de ses affiliés, car elle cherche apparemment à trouver des affiliés dans l’administration pour imposer sa vision, mais l’Amérique ne le dira pas publiquement, et il semble que le slogan de l’unification des Kurdes soit approprié pour atteindre cet objectif.
Si les États-Unis d’Amérique étaient sérieux à propos de l’unification des Kurdes, ils se seraient heurtés à une forte opposition turque, mais tout comme la Turquie a gardé le silence sur la formation de la Région du Kurdistan parce qu’elle ne contredisait pas ses intérêts, ils répéteraient la même position parce que la stratégie américaine en Syrie et au Kurdistan en général ne contredit pas la stratégie turque.
C’est pourquoi l’envoyé spécial américain en Syrie, James Jeffrey, a exigé la sortie des forces étrangères qui sont entrées en Syrie après 2011. Si une administration pro-américaine dans le nord et l’est de la Syrie, une administration pro-turque dans le nord-ouest et à Damas étaient complètement soumises à l’influence russe, alors il n’y aurait pas besoin de forces étrangères en Syrie. Peut-être que la demande américaine de sortie des forces russes est pour empêcher le contrôle de Damas par la Russie, ne laissant aucune place au retour de l’Iran et garantissant la sécurité d’Israël.