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Rojava. « Il y a une intensification de la propagande négative contre les FDS »

Entretien avec Kino Gabriel, porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS).
 
Les factions des FDS sont-elles entrées dans les territoires occupés de Serê Kaniyê ?
 
Kino Gabriel : Je ne le pense pas. Nous n’avons pas de troupes dans cette zone, selon les accords passés entre la Turquie et les Etats-Unis d’une part, et la Turquie et la Russie d’autre part. C’est plutôt quelque chose que nous entendons constamment de la part de la Turquie, ce n’est pas quelque chose de nouveau ou lié à une déclaration ou un rapport. Au cours des deux ou trois derniers mois, l’accent a été mis sur la propagande faite par plusieurs comptes-rendus de responsables turcs, principalement sur Twitter. Ils essaient de faire de la propagande contre les FDS, en disant qu’elles font des attaques ou sont présentes dans les zones où les accords sont en application. Nous avons déjà fait des déclarations disant que c’est faux. C’est juste un prétexte pour lancer une attaque ou pour couvrir certaines attaques qu’ils font contre plusieurs zones et contre certaines infrastructures – principalement les infrastructures électriques et les stations d’eau. Nous ne savons pas pourquoi ils continuent à faire cela, mais je pense que c’est normal pour la Turquie. Ils font toujours cette propagande avant de lancer leurs attaques.
 
Quelles sont les conséquences du renforcement des troupes turques dans la zone de désescalade pour l’administration autonome ?
 
Kino Gabriel : La Turquie a ses troupes dans le nord-est de la Syrie et dans le nord-ouest, à Idlib, Afrîn et dans les régions avoisinantes. Il y a un certain mouvement, mais nous n’avons pas vu de signes à partir desquels nous devons augmenter nos troupes dans le nord-est de la Syrie. Je pense qu’il s’agit simplement d’un mouvement militaire normal : il serait normal d’augmenter le nombre dans les zones du nord-ouest parce qu’elles ont déjà connu des affrontements avec les forces du régime syrien.
 
L’administration autonome doit-elle s’attendre à de futures attaques ?
 
Kino Gabriel : C’est quelque chose d’attendu. Nous nous préparons toujours pour le pire, pas pour le bien. Je pense que c’est un fait dont nous devons parler. Les gens ont peur de telles attaques. Comme je l’ai dit, il y a une augmentation de la propagande négative contre les FDS et normalement c’est un prétexte pour de petites ou de grandes attaques. Nous ne pouvons pas dire ce que nous attendons précisément, mais encore une fois, on attend presque toujours de la Turquie qu’elle fasse tout. Nous ne savons pas comment la situation va se passer avec les mandataires de la Turquie, les Russes et les Américains, mais dans le cas de lancement d’attaques, elle seront coordonnées avec ces forces – la coalition internationale et les Russes.
 
De l’autre côté, il y a toujours cette possibilité – si je peux parler de cette analyse, c’est un fait – que la Turquie ait tendance à lancer des attaques à l’extérieur de ses frontières chaque fois que le gouvernement sent qu’il est sous pression, [comme] ces jours-ci. Et avec les derniers développements en Turquie avec les problèmes économiques, le coronavirus et l’opposition turque qui est plus forte qu’avant, le gouvernement pourrait penser qu’il s’agit d’une situation de faiblesse au sein de l’État turc. Il s’efforce de faire diversion en lançant des attaques en Syrie, en Irak ou dans d’autres pays, pour détourner l’attention du peuple turc des problèmes internes auxquels il est confronté. Là encore, il n’y a pas d’information directe relative à cette analyse.
 
Pourrait-on s’attendre à ce que le Rojava ait la possibilité de conclure un accord de zone d’exclusion aérienne ?
 
Kino Gabriel : Il n’y en a pas. Nous l’exigeons toujours, d’appliquer une telle mesure pour pouvoir sécuriser la zone. C’est plus compliqué qu’auparavant, car il y a deux puissances internationales impliquées dans la situation syrienne et elles sont présentes dans le nord-est de la Syrie. Et elles ont leurs plans et leurs différentes stratégies. Je ne pense pas qu’il y ait une chance d’avoir un tel accord bientôt. Même s’il aurait permis de sécuriser les zones contre une invasion turque, il serait bénéfique pour la stabilité du nord-est de la Syrie en général et protégerait la vie de millions de personnes qui s’y trouvent.
 
Pourquoi les patrouilles américaines vont-elles encore jusqu’à Qamishli, et comment les populations perçoivent-elles une telle présence ?
 
Kino Gabriel : Elles ont encore quelques tâches liées à la mission de la coalition internationale en Syrie. Tout d’abord, nous continuons à mener plusieurs opérations pour éliminer la menace des cellules dormantes dans la région. Nous poursuivons également notre projet commun, loin des opérations, comme le soutien militaire et médical, les programmes de formation – augmentant la préparation de nos forces pour faire face à DAECH. Tout cela est un travail commun. Il y a des patrouilles non seulement à Qamishlo mais aussi dans d’autres régions : elles vont de la frontière turque jusqu’à Deir el Zor, et comme vous l’avez dit de Qamishli à Derik et Hassake. Ces patrouilles font partie de la coalition internationale pour sécuriser les lieux où elles se trouvent et aussi pour maintenir le mouvement sur lequel elles travaillent.
 
Le coronavirus modifie-t-il la gestion des troupes sur le terrain ?
 
Kino Gabriel : Il n’a rien changé. Il y a certaines précautions que nous et la Coalition internationale avons prises. Nous essayons d’empêcher une telle propagation au sein des forces militaires et jusqu’à présent, cela a été un succès. Nous n’avons pas eu de cas de coronavirus parmi nos forces militaires. Certaines réunions ont été retardées, et nous avons effectué certaines de nos tâches et opérations un peu plus tard, mais nous avons tout continué, sauf les programmes de formation. Nous avons une politique claire : nous ne pouvons pas faire de grands rassemblements avec des personnes de différentes régions ou nous ne permettons pas aux forces de se déplacer entre les différentes régions. Nous avons donc peut-être été un peu affectés, mais tout le reste était encore prévu. Je pense que l’administration autonome a essayé de faire de son mieux avec les ressources dont elle dispose. Nous sommes à court de matériel médical, d’hôpitaux ou d’installations – pour isoler les cas confirmés ou suspects par exemple. Je pense qu’une épidémie de coronavirus dans le nord-est de la Syrie aurait été dévastatrice. Même si nous avions travaillé contre ce virus et que nous avions réussi, nous aurions eu beaucoup de cas. Les autres pays qui ont plus de ressources que nous ne pourraient rien faire. Heureusement, nous n’avons pas vu d’autres cas que les trois cas de Hassake. (…) Les gens ont respecté le confinement, surtout au début, mais depuis peu, ils ne peuvent plus le faire pour des raisons économiques. Ils doivent retourner à leur travail.
 
En ce qui concerne les troupes du régime, nous avons essayé de ne pas faire de grands mouvements ou de bouger les troupes, de maintenir la situation telle qu’elle est et d’empêcher tout cas de coronavirus – de se manifester ou de se propager. Je pense que nous avons bien travaillé ensemble jusqu’à présent, mais nous verrons comment cela se passera dans les prochaines semaines.
 
India Ledeganck
14 mai 2020