AccueilDroits de l'HommeLa CEDH condamne la Turquie dans l'affaire du journal kurde Ozgur Gundem

La CEDH condamne la Turquie dans l’affaire du journal kurde Ozgur Gundem

STRASBOURG – La CEDH a infligé une amende à la Turquie dans l’affaire concernant la fermeture du journal kurde « Ulkede Ozgur Gundem ».

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a jugé que la Turquie avait violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) et a condamné la Turquie.

 
« La Cour a constaté que des poursuites pénales ont été systématiquement ouvertes, indépendamment du contenu des publications. Elle a précisé que la répression des professionnels des médias, exercée de manière mécanique, sans tenir compte de l’objectif des intéressés ou du droit pour le public d’être informé d’un autre point de vue sur une situation conflictuelle, ne saurait se concilier avec la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées. »
 
Le jugement souligne également que les tribunaux turcs ont enquêté sur le journal publiant les déclarations publiées par le PKK entre 2004 et 2006, et que l’État a invoqué la pérennité de l’État et la légitime défense de l’État pour justifier les enquêtes, mais que les déclarations publiées en tant que nouvelles et articles ne sont pas de nature à inciter à la violence, à la haine ou aux insultes.
 
La Cour européenne des droits de l’homme a également jugé que les enquêtes menées contre le journal Ulkede Ozgur Gundem étaient systémiques et a condamné la Turquie indemniser Ali Gurbuz, propriétaire du journal et plaignant dans cette affaire.
 
Le jugement indique également que les déclarations qui font l’objet de poursuites sont censurées par les autorités, même si elles peuvent contribuer au débat public.
 
Voici un extrait du verdict de la CEDH concernant Ulkede Ozgur Gundem :
 
« Dans son arrêt de chambre 1, rendu ce jour dans l’affaire Ali Gürbüz c. Turquie (requêtes nos 52497/08, 6741/12, 7110/12, 15056/12, 15057/12 et 15059/12), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme.
 
L’affaire concerne sept procédures pénales engagées à l’encontre de M. Gürbüz parce qu’il avait publié, dans son quotidien « Ülkede Özgür Gündem », des déclarations des responsables d’organisations qualifiées de terroristes en droit turc. Il fut acquitté au terme des procédures qui durèrent entre cinq et plus de sept ans et il n’a pas été placé en détention.
 
La Cour constate que des poursuites pénales ont été systématiquement ouvertes, indépendamment du contenu des publications. Il s’agissait, en l’espèce, de messages anodins, tels que des vœux de Noël, qui n’appelaient pas à l’usage de la violence, à la résistance armée ou au soulèvement, ou ne constituaient pas un discours de haine, ce qui est l’élément essentiel à prendre en considération.
 
La Cour juge en particulier que ces procédures consistaient en elles-mêmes en des contraintes réelles et effectives, malgré les décisions d’acquittement. Elles ont constitué une pression sur M. Gürbüz pendant un certain temps, et la crainte d’être condamné a inévitablement créé une pression sur lui et l’a conduit, en tant que professionnel de la presse, à une autocensure.
 
La Cour juge aussi que l’ouverture de ces poursuites peut être vue comme une réaction des autorités tendant à réprimer par la voie pénale la publication de déclarations des responsables d’organisations qualifiées de terroristes en droit turc, sans avoir égard à leur contenu, alors que celles-ci pouvaient être considérées comme participant à un débat public sur des questions d’intérêt général. La Cour précise, à cet égard, que la répression des professionnels des médias, exercée de manière mécanique, sans tenir compte de l’objectif des intéressés ou du droit pour le public d’être informé d’un autre point de vue sur une situation conflictuelle, ne saurait se concilier avec la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées.
 
La Cour juge enfin que le maintien, pendant un laps de temps considérable, des multiples poursuites pénales contre M. Gürbüz ne répondait pas à un besoin social impérieux, n’était pas proportionné aux buts légitimes visés (la protection de la sécurité nationale et de l’intégrité territoriale) et n’était pas nécessaire dans une société démocratique. »