AccueilKurdistanBashurL'écrivaine kurde Roza Metina : Je continuerai à écrire sur les femmes

L’écrivaine kurde Roza Metina : Je continuerai à écrire sur les femmes

Roza Metina écrit sur les femmes kurdes, leurs peines et leurs joies, contribuant ainsi à l’aide pour la mémoire collective.

Les lauréats de la quatrième édition du prix de Nouvelles courtes et de poésie Deniz Fırat (journaliste kurde tuée lors d’un attaque de Daesh près du camp de Makhmour en 2014), organisée par l’Union des étudiants libres ont été remis cette année au camp de réfugiés de Makhmur. L’auteure et journaliste kurde Roza Metina a reçu le premier prix dans la catégorie Histoire kurde.

Dans une interview, Metina a déclaré qu’elle était très heureuse de ce prix ajoutant que les femmes kurdes sont les personnages de ses histoires avec leurs peines et leurs joies. 

« Le prix Deniz Fırat est spécial et significatif pour moi. J’ai témoigné dans mon écriture  de notre douleur. Je crois que si nous parvenons à écrire sur la douleur et la joie que nous vivons, alors nous recueillerons plus d’empathie« . 

Que signifie pour vous le prix de « Nouvelles » Deniz Fırat  ?

« Deniz Firat a joué un rôle important dans la lutte pour la liberté des Kurdes. Ce prix est très significatif pour moi.  Deniz Firat est une femme, et les luttes des femmes sont très précieuses et inspirantes pour les Kurdes. Ayant une place importante dans la lutte pour la liberté des femmes, Deniz Firat a été une grande source d’inspiration. J’ai reçu un prix en langue kurde. C’est un détail important. Nous sommes tous aux prises avec notre langue. Il est très significatif d’obtenir un prix dans sa langue maternelle ».

Avez-vous déjà écrit et comment avez-vous décidé de participer à ce concours ?

« Mon écriture a commencé par la poésie. Quand je suis arrivée à Amed, à l’université, j’ai commencé à prendre des cours de kurde et à améliorer ma langue. J’ai commencé à écrire en kurde tout en lisant des écrivains kurdes. J’ai écrit ma première nouvelle pour enfants. J’ai ensuite écrit l’histoire de Cemile [une fillette kurde de 10 ans, tuée durant les attaques de l’armée turque dans la ville de Cizre en 2015 dont le cadavre a été gardé dans le congélateur par sa famille pendant plusieurs jour car l’Etat turc a interdit ses obsèques) et j’ai participé au concours de nouvelles du Rojava avec une histoire sur la Mère Taybet (Taybet Inan, une femme kurde de 53 ans, tuée par les forces armées turques devant sa maison, à Silopi en 2015. Son cadavre est resté dans la rue pendant 7 jours car les soldats turcs tiraient sur tous ceux qui essayaient de récupérer le corps). Cette année, j’ai travaillé sur l’histoire du sultan Irmak qui a été massacrée dans l’un des sous-sols de Cizre ».

Pourquoi préférez-vous raconter des histoires sur les femmes, en particulier les Kurdes ?

« Je n’ai pas pu retenir mes larmes quand je suis arrivée à la dernière phrase de l’histoire de la Mère Taybet. J’étais si triste, je n’arrêtais pas de penser à elle. Pendant des semaines, son corps a été laissé dans la rue. Malgré tout, les luttes des femmes, surtout dans ce système, sont très vivantes. J’écris sur les femmes. Je préfère écrire sur les femmes kurdes parce qu’elles ont une force d’autodéfense, en particulier un avenir de combat. Mes histoires futures aussi porteront sur les femmes ».

Roboski, Sur, Cizre, Halabja, autant d’événements et de massacres vécus par les Kurdes sur le chemin de la liberté. Quel est le rôle de l’écrivain pour vous, en tant que femme écrivaine ? L’écriture est-elle importante dans cette lutte ?

« Nous avons besoin d’écrire, de peindre, de faire des films, de raconter nos souffrances et nos joies avec notre stylo, notre appareil photo, nos chansons. Nous devons exprimer ce qui se passe. C’est une responsabilité d’exprimer et d’écrire sur ces événements dans le contexte de la conscience nationale. 

Nous devons écrire, c’est notre devoir d’écrire pour que personne n’oublie.

Pourquoi ai-je écrit sur Mère Taybet, ou Cemile, ou Sultan ? Parce qu’ils ne peuvent être oubliés, ils font partie d’une mémoire et d’une conscience nationale. Je pourrais écrire sur d’autres sujets. Mais nous, les Kurdes, nous ne pouvons même pas aimer une fleur librement. J’ai vécu ces douleurs et je les ai écrites. Je crois que les histoires que je raconte affecteront les lecteurs lorsqu’ils les liront. Je veux raconter l’histoire des femmes, leur combat, qui va de pair avec le combat national ».

Vous êtes à la fois journaliste et écrivaine. En Turquie, les journalistes et écrivains kurdes sont systématiquement attaqués. Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’avoir cette identité et comment avez-vous synthétisé votre journalisme et votre écriture ?

« Il faut avoir la capacité d’écrire pour faire du journalisme. Je croyais que le journalisme et l’écriture de fiction étaient interconnectés et entrelacés. J’ai écrit de la fiction avant de faire du journalisme, et quand j’ai commencé à faire des reportages, j’ai remarqué que mon écriture[fiction] se reflétait dans mes nouvelles. Si vous êtes journaliste, vous voulez écrire en permanence et produire les faits les plus précis. Vous essayez de révéler la réalité.

Dans mes nouvelles, le travail est plus compliqué que dans mon journalisme. Mais je m’inspire du journalisme ».

https://anfenglishmobile.com/culture/an-interview-with-writer-roza-metina-28994