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ROJAVA. Les Kurdes démentent les rumeurs d’une rencontre turco-kurde

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SYRIE / ROJAVA – Le vendredi 30 mai, la journaliste Amberin Zaman affirmait dans un article publié par Al Monitor qu’il y avait une rencontre prévue entre le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan ou du directeur des renseignements turcs (MIT) Ibrahim Kalin avec le commandant en chef des FDS Mazlum Abdi. Les parties kurde et turque ont toutes deux démenti aujourd’hui les propos d’Amberin Zaman.
 
 
Le centre des médias des Forces démocratiques syriennes publient un démenti
 
Le centre des médias des Forces démocratiques syriennes (FDS) a publié aujourd’hui le communiqué suivant déclarant que des affirmations formulées dans un article publié par Al-Monitor affirmant qu’il a eu une proposition turque pour une rencontre avec le commandant général Mazlum Abdi, sont fausses.
 
« Un récent rapport d’Al-Monitor citait des « sources régionales » affirmant que le ministre turc des Affaires étrangères ou le chef des services de renseignement turcs avaient proposé de rencontrer notre commandant en chef. Nous confirmons catégoriquement que cette information est inexacte. Ni le commandement de nos forces ni aucune délégation représentant les régions du nord et de l’est de la Syrie lors des réunions avec Damas n’ont reçu une telle proposition, que ce soit de la part de la Turquie ou de toute autre partie. »
 
Des sources diplomatiques turques ont également publié un démenti concernant les allégations d’Al-Monitor.

TURQUIE. 30e anniversaire des Mères du samedi

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TURQUIE – Ce 31 mai qui marque le 30e anniversaire de leur action, les Mères du samedi ont déclaré : « Nous voulons la paix et nos disparus. Nous voulons la paix et la vérité. Nous voulons la paix et la justice. Nous voulons la paix et la démocratie. »  

Les Mères du samedi se sont rassemblés sur la place Galatasaray lors de la 1053ème semaine de leurs actions pour demander le sort de ceux qui ont disparu et ont été assassinés en détention et pour exiger que les auteurs soient poursuivis. Réunies sur la place Galatasaray avec des œillets et des photos de leurs proches disparus en détention, les Mères du samedi se sont enquises du sort de Mehmet Sait Zengin, un civil kurde porté disparu en détention à Mardin/ Midyat le 6 mai 1995, au cours de cette semaine de leurs actions.

İkbal Eren, l’un des proches des disparus qui a lu le communiqué de presse, a déclaré qu’ils élevaient la voix sur la place Galatasaray depuis le 27 mai 1995, afin de ne pas laisser tomber dans l’oubli ceux qu’ils ont perdus en détention. İkbal Eren, qui a déclaré que depuis 30 ans, ils criaient depuis cette place : « Cela fait 30 ans que nous luttons pour rendre visibles les cas de disparitions en détention, que l’État a occultés par sa politique de déni et d’impunité, et pour obtenir justice. Nous crions depuis 30 ans : « Cessez le déni, clarifiez le sort de nos disparus. » Nous savons que justice ne peut être obtenue sans mettre fin à l’impunité. On ne peut parler de paix sans justice. » 

Histoire de Mehmet Zengin

« Nous voulons la paix, et nos disparus. Nous voulons la paix et la vérité. Nous voulons la paix et la justice. Nous voulons la paix et la démocratie », a déclaré İkbal Eren, ajoutant qu’ils se sont rassemblés pour porter la voix de la famille Zengin lors de l’action de cette semaine.
« Mehmet Sait Zengin, 36 ans, était commerçant à Midyat. Il était membre du parti HADEP. Menacé par les forces de sécurité, il était constamment suivi, détenu et torturé. En avril 1995, il a été arrêté par des policiers venus à son magasin. Il a été torturé pendant 14 jours, puis relâché. Cependant, peu après sa libération, le 6 mai 1995, il a été arrêté à son domicile par deux policiers en civil qui, selon eux, venaient de Mardin et emmenés à bord d’une Toros blanche [Renault 12*] », a déclaré İkbal Eren.

 

La famille de Mehmet Sait Zengin, inquiète pour sa sécurité, s’est adressée au commissariat de police de Midyat. İkbal Eren a déclaré : « Les autorités ont répondu : ‘Nous ne l’avons pas, mais il a peut-être été emmené à Mardin.’ La famille s’est alors rendue à Mardin. Son frère, qui s’était adressé au commissariat, a été menacé : ‘Si vous le cherchez, vous connaitrez le même sort.’ Les démarches de la famille ont été rejetées. Nous sommes restés sans nouvelles de Mehmet Sait Zengin, père de quatre enfants. 

Depuis 30 ans, sa famille se demande : « Qu’est-il arrivé à Mehmet Sait Zengin ? » Le dossier, relancé grâce aux efforts de la section de Mardin de l’Association des droits de l’homme, est resté en suspens au parquet de Midyat. Peu importe le temps qui passe, nous ne renoncerons jamais à exiger justice pour Mehmet Sait Zengin, malgré toutes nos pertes ; et à rappeler que l’État est tenu d’agir conformément aux normes juridiques universelles. »

 

Salutation d’Emine Ocak

Après cette déclaration, Hanife Yıldız, l’une des Mères du samedi, a transmis le message envoyé par Emine Ocak, la mère de Hasan Ocak, assassiné en détention. Hanife Yıldız a déclaré : « Je suis allée voir notre Mère Emine. Celle qui a fait entendre nos voix il y a 30 ans, a adressé ses salutations à tous ici présents. 30 ans n’ont pas été faciles. Les mères n’ont pas appris le sort de leurs enfants et n’ont pas obtenu justice. Elles sont toutes reparties le cœur brisé. »
L’action a pris fin après que des œillets ont été déposés sur la place Galatasaray.

 

Marquant 30 ans de leur résistance sur la place Galatasaray le 27 mai, les Mères du samedi sont connues pour exiger justice pour leurs proches disparus de force dans les années 1980 et 1990.

Un artiste de rue anonyme a rendu visibles les Mères du Samedi et leur lutte à travers une fresque murale sur le mur de la place Galatasaray.

30 ans de luttes pour obtenir justice pour leurs proches disparus de force

Le samedi 27 mai 1995, les mères du samedi se réunissaient pour la première fois sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour dénoncer les disparitions forcées des civils en détention. Après des années de luttes, de nombreuses mères de l’initiation ont quitté ce monde, sans avoir obtenu justice, ni le corps de leurs enfants disparus en détention. Pire encore, certaines ont été détenues / torturées pour avoir demandé justice pour leurs disparus !

Le samedi 27 mai 1995, les Mères du Samedi (en kurde: Dayikên Şemiyê, en turc: Cumartesi Anneleri) descendaient pour la première fois sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour exiger la fin des disparitions forcées* et demander qu’on leur rende leurs proches portés disparus.
 
Les « mères du samedi » reprochent à l’État turc de ne pas avoir enquêté sérieusement pour établir la vérité sur ceux qui ont disparu après leur mise en détention par les autorités turques.
Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont toujours pas appliquées

Depuis août 2018, la place Galatasaray est entourée de barricades métalliques et la police armée y maintient une présence permanente. Deux arrêts de la Cour constitutionnelle, rendus en 2022 et 2023, ont conclu à une violation du droit des requérants à la liberté de réunion pacifique et ont ordonné à l’État de prévenir toute nouvelle violation. Cependant, ces arrêts restent inappliqués.

Entre avril et novembre 2023, les tentatives des Mères du samedi de se rassembler sur la place, conformément à ces décisions contraignantes, ont été réprimées par de violentes interventions policières et des membres du groupe ont été interpellés. Bien que les interventions policières et les interpellations aient cessé depuis novembre 2023, les autorités ont arbitrairement limité à dix personnes la participation aux manifestations hebdomadaires du groupe devant les barricades métalliques.

 

 

*Version locale de la Renault 12, qui autrefois symbolisaient les escadrons de la mort des forces paramilitaires turques (JITEM) et ces disparitions forcées non élucidées

**Selon l’Association des droits de l’Homme (IHD), entre 1992 et 1996, 792 disparitions forcés et meurtres (de journalistes, syndicalistes, médecins, enseignants, enfants ou simples paysans) par l’État ont été signalés dans les régions kurdes (Kurdistan du Nord) de Turquie.

 

ALLEMAGNE. Le 15e Festival de Dersim en Europe commence par un appel à la résistance

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ALLEMAGNE – 15e Festival de Dersim en Europe a débuté par un appel à résister à l’assimilation et à protéger le patrimoine culturel de la province kurde de Dersim.
 
Le 15e Festival de Dersim en Europe, organisé par la Fédération démocratique alévie (FEDA), la Fédération européenne des associations démocratiques du Dersim (ADEF) et le Congrès de reconstruction du Dersim (DIK), a lieu à Francfort (Rebstockpark), malgré des averses.
 
Le 15e Festival européen de la culture du Dersim a débuté à Francfort, au Rebstockpark, sous le slogan « Nous ne sommes pas du Khorasan, nous ne sommes pas de Tunceli, nous sommes du Dersim ! » (Ma ne Xorasan, ma ne Tunceli ! Ma Dersim me !)
 
Cette année, le festival a été organisé dans le but de résister à l’assimilation, de préserver les valeurs culturelles, de maintenir vivante la mémoire historique et de renforcer la solidarité sociale.
 
L’événement culturel vise à préserver l’existence culturelle et sociale de la province kurde de Dersim face à l’assimilation, au déni et à la destruction écologique par l’État turc.
 
Le festival s’est ouvert par une table ronde intitulée « La destruction de la langue, de la culture et des croyances : le Moyen-Orient, les Kurdes et les Alévis (Alaouites) ». La table ronde était animée par Hülya Yer et réunissait Gülistan Kılıç Koçyiğit, vice-présidente du groupe parlementaire du DEM Parti ; Hüseyin Şimşek, membre du Comité exécutif central de la Fédération des assemblées socialistes (SMF) ; et le chercheur et auteur Selim Temo.
 

Des photos de Seyit Rıza et de deux figures fondatrices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Ali Haydar Kaytan et Rıza Altun, ont été exposées sur le lieu du panel.

Gülistan Kılıç Koçyiğit : Dersim ne se tait plus

Gülistan Kılıç Koçyiğit a commencé son discours en déclarant : « C’est un honneur pour moi d’être ici aujourd’hui. » Elle a commémoré le massacre de Dersim de 1938 et a rappelé que pendant de nombreuses années, cette douleur était restée muette. « Aujourd’hui, notre peuple affronte sa vérité », a-t-elle déclaré. « Ce n’est pas un processus facile, mais c’est un processus honorable. »

Kılıç a également évoqué les transformations en cours au Moyen-Orient, soulignant le rôle essentiel du peuple kurde dans cette période de changement. Évoquant le processus de paix mené en Turquie, elle a déclaré : « Un climat de confiance est essentiel à la paix. Nous pensons que cette confiance doit être instaurée progressivement. »

Şimşek: L’alévisme du Dersim est unique

Hüseyin Şimşek a souligné que l’identité du Dersim ne peut pas être définie par des liens avec le Khorasan ou Tunceli, et que l’alévisme du Dersim a une structure distincte du chiisme en Iran et de l’alaouisme arabe.

Il a souligné les pressions exercées depuis la période ottomane jusqu’à l’ère républicaine et a déclaré que le massacre de 1938 avait été perpétré conjointement par toutes les structures politiques. Selon Şimşek, si la population a réussi à préserver sa culture après le massacre, elle a conservé une relation délibérément distante avec l’État.

Temo : Les Kurdes du Khorasan ont toujours vécu dans la mémoire du peuple

Le chercheur et auteur Selim Temo a expliqué que son travail sur les Kurdes du Khorasan ne constitue pas la révélation d’un fait nouveau, mais plutôt la documentation académique d’une vérité connue depuis longtemps par le peuple lui-même. Il a rappelé que Mem û Zîn, écrit par Ehmede Khani il y a près de 330 ans, contient des références à la structure des tribus et de la société kurdes, y compris des mentions des tribus kurdes du Khorasan. Lors de la table ronde, Temo a lu des extraits pertinents de cet ouvrage. Il a déclaré que les documents historiques, la poésie et diverses sources fournissent des preuves significatives de la présence kurde au Khorasan, et que ce savoir a été préservé à la fois dans la mémoire collective du peuple et dans les documents écrits au fil du temps.

Culture, musique et solidarité se rencontrent

Après la table ronde, l’artiste Kivrem Erdal Timurlenk est monté sur scène. Le site du festival offrait une ambiance conviviale avec des stands d’écrivains, des stands de cuisine traditionnelle, des expositions culturelles et des expositions d’artisanat.

Deuxième jour du festival

La deuxième journée du festival a débuté à 11 heures. Un panel intitulé « Destruction fondée sur le genre et la foi dans le contexte des questions féminines » a accueilli Elif Kaya, Zeynep Hayır et Nuray Atmaca. Le panel fut modéré par Songül Morsümbül.

À 13 heures, le programme scénique a débuté par un rituel gulbang animé par Pir Zeynel Kete. Tout au long de la journée, les visiteurs ont pu profiter de spectacles musicaux, d’expositions, d’ateliers pour enfants et de jeux traditionnels.

Les artistes invité-e-s : Çar Newa, Grup Munzur, Beser Şahin, Cemil Koçgiri, Zarokên Tenburxane, Zaza Woman, Diyar 23, Hazaran (groupe de musique arménienne), Delil Hıdır et DAKME.

En outre, des députés, des co-maires et des représentants de Dersim venus d’Europe ont également assisté au festival. (ANF)

Sustam : La culture kurde doit rompre avec les liens coloniaux – IV

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PARIS – Le Maître de conférences à l’université Paris 8, Engin Sustam souligne que les politiques d’assimilation visent à effacer la langue kurde, dans une longue interview accordée à l’agence Firat News (ANF).

Le sociologue Engin Sustam a déclaré que la question kurde, ancrée dans la question du colonialisme, est fondamentalement une question de classe. Il a souligné que l’assimilation a eu l’impact le plus destructeur sur le peuple kurde.

Engin Sustam

Nous publions la quatrième et dernière partie de cette longue interview.

La première partie peut être lue ici, la deuxième et la troisième par ici.

Les politiques d’assimilation se sont poursuivies depuis la fondation de la République [turque]. Si l’on examine les périodes précédentes, il apparaît clairement que l’époque actuelle est la plus efficace en matière d’assimilation. Quelle politique culturelle faut-il mener ?

Le meilleur antidote à l’assimilation est de soutenir la langue kurde dans tous les domaines, de revendiquer et de mettre en œuvre sans relâche des initiatives contribuant à sa transformation en langue d’enseignement, de commerce, de la vie quotidienne et d’institutions. Prenons l’exemple des livres en kurde. Leur publication ne pose aucun problème, mais trouver des lecteurs reste problématique. Bien sûr, l’organisation d’une foire du livre à Diyarbakır (Amed) est une avancée positive ; cependant, elle pourrait paradoxalement refléter le traumatisme d’une langue dont le lectorat est limité, en dehors de l’intelligentsia.

C’est pourquoi les centres culturels et les municipalités doivent proposer systématiquement des cours de langue écrite et orale et veiller à ce que ces initiatives soient confiées à des experts du domaine. Tout le soutien possible doit être apporté pour leur créer un espace. Dans le cas contraire, des activités comme le cinéma, les livres, l’art et la musique kurdes peineront à contrer l’assimilation, à moins de s’inscrire dans une politique linguistique sociétale plus large.

Tout le monde écoute de la musique en kurde, donne un prénom kurde à ses enfants ou donne à son immeuble un nom comme « Welat » [mot kurde signifiant « patrie »] pour trouver un réconfort psychologique, mais ces actions n’opèrent pas véritablement au niveau subconscient au sens lacanien. Freud, parlant d’instinct, faisait référence à des tendances héréditaires et fixes. Lorsqu’il évoquait les pulsions, il décrivait une impulsion motrice qui pousse l’organisme vers un but. Comme l’a noté Deleuze, une pulsion n’est pas une émotion, c’est une impression au sens le plus fort, et non une représentation. Ce que nous entendons ici par pulsion renvoie aux actions institutionnelles et aux impressions sociales.

Alors, comment parler des enfants victimes de racisme, étiquetés d’insultes anti-kurdes comme « Kıro » ou « Hanzo », et dont la vie a été perturbée dès l’enfance ? Comment remédier à cela ? Au lieu d’ouvrir des « Instituts des langues en danger » ou des centres d’études kurdes dans chaque université, la création d’universités proposant un enseignement en kurde et l’épanouissement d’acteurs formés aux pédagogies alternatives contribueraient davantage au processus en Turquie. Cela nous aiderait également à mieux appréhender certains aspects de l’histoire.

Le kurde est une langue sous pression, elle doit être libre dans l’espace public

Créer des universités où le kurde est la langue d’enseignement, plutôt que de simplement ouvrir des départements d’études kurdes ou des « instituts de langues en voie de disparition », constitue clairement une mesure plus efficace. Cela doit se produire en Turquie, et pas seulement en Allemagne, et s’appuyer sur des pédagogies alternatives. Bien entendu, toutes les universités doivent être des institutions libres, libres de toute pression autoritaire, sans recteurs nommés ni professeurs imposés. Tout au long du processus d’assimilation, trois moments clés peuvent être identifiés : un retour aux sources, une stimulation interne causée par la pression coloniale et la suppression de la langue maternelle. La personne assimilée est intégrée à la langue et à la culture dominantes par des instruments de gratification. Il ne s’agit pas d’assimilation volontaire. Le kurde est une langue opprimée. Par l’assimilation forcée orchestrée par des pouvoirs coercitifs, les Kurdes sont dépouillés de leur langue. Le kurde, comme le turc, doit pouvoir exister librement dans l’espace public.

Les musiciens kurdes sont constamment soumis à la censure. Les festivals de cinéma kurdes ont généralement lieu dans la diaspora, principalement en Occident. Pourquoi les Kurdes ne pourraient-ils pas le faire librement dans leurs propres régions ? Une université kurde est en cours de création en Allemagne. C’est logique, puisque la diaspora est composée de Kurdes des quatre régions du Kurdistan. Mais pourquoi n’y a-t-il pas d’écoles ou d’universités de langue kurde à Diyarbakır, Tunceli (Dersim), Van, ni même à Istanbul ou Izmir ?

Ayant été directement témoin de la violence multiforme imposée par l’État, il est clair que celui-ci doit cesser de contrôler les frontières de ma langue maternelle. Les paramètres racistes nés de la pression étatique et sociétale doivent changer. Ce processus a de graves conséquences psychologiques. Même pour ma génération, élevée à Istanbul, il a provoqué un traumatisme linguistique. Ayant appris sa langue maternelle sur le tard, j’en ai fait l’expérience directe. Dans le cadre de ma thèse de doctorat en art, j’ai exploré ces dommages avec ironie à travers la figure de « Küçük Emrah ».

« Küçük Emrah », figure de la culture pop turque post-coup d’État et acteur de musique arabesque, est devenu un symbole de souffrance projeté sur le corps kurde dans l’espace culturel turc. Il représentait le traumatisme et la victimisation. Bien sûr, ce symbole n’est plus valable ; on est passé du sujet victime à une subjectivité subalterne. Pourtant, la manière dont la figure de « l’enfant de la douleur », façonnée par la pauvreté et le déplacement dans la culture populaire, en est venue à refléter le traumatisme de l’identité kurde migrante est devenue évidente par la suite.

La culture kurde doit rompre avec ses liens coloniaux

Il s’agit d’un processus psychique et masochiste. Pourtant, dès le milieu des années 1980, le traumatisme a commencé à être brisé par des opportunités de résistance. Dans les années 1990, la musique kurde a émergé avec ferveur grâce aux initiatives de Kom Music. Les années 2000 ont été un véritable printemps. Bien sûr, la musique arabesque, tout en étant l’expression culturelle de chaque travailleur kurde contraint de migrer des villages incendiés vers les ghettos ou les banlieues, ne représentait pas seulement une position de classe au sein de la culture populaire turque. Elle reflétait plutôt une tentative plus profonde d’effacer la mémoire de la musique en langue kurde. Les arabesques en turc ont contribué au processus d’assimilation. Mais après les années 2000, une forme d’arabesque kurde a émergé en réponse, chantée en kurde.

Comme on le sait, la culture populaire kurde a commencé à prendre forme en Turquie et en Irak au milieu des années 1990. Aujourd’hui, nous sommes à une époque totalement différente. Le contexte de lutte et de création a changé. La dynamique repose désormais davantage sur la lutte décoloniale et la créativité. Ces processus doivent être observés attentivement et soutenus par le développement de politiques culturelles et artistiques.

La Biennale de Mardin, par exemple, est très contestée. Sans généraliser, il faut souligner que nombre de celles et ceux venus d’Occident continuent de reproduire un biennalisme colonial, traitant l’espace kurde comme une île nouvellement découverte, un sujet touristique. Ce langage, déconnecté d’un contexte artistique et politique commun, ne parvient pas à rassembler les diverses dynamiques de la région kurde. Il est difficile de comprendre pourquoi Mardin, qui a la capacité d’embrasser l’ensemble du Moyen-Orient, ne le fait pas en coopération avec les acteurs kurdes. De telles biennales ne reflètent pas les dynamiques ou la conjoncture politiques locales. Au contraire, elles continuent de fonctionner dans un cadre nationaliste turc.

Aujourd’hui, les expériences décoloniales en Amérique latine, en Afrique et dans certaines régions d’Asie, ainsi que les analyses de théoriciens comme Walter Mignolo sur l’« esthétique décoloniale », pourraient apporter une contribution considérable au contexte kurde. Des analyses comme celle de l’esthétique décoloniale servent désormais de cadres de connexion entre les continents. Plus que tout, ces biennales et ces initiatives artistiques doivent contribuer à remettre en question le caractère exclusif de la modernité républicaine sans pour autant ignorer la position coloniale et décoloniale des Kurdes.

Les grands événements culturels comme la Biennale de Mardin ne devraient pas hésiter à aborder les questions contemporaines ; au contraire, ils devraient les amplifier. À l’heure où la nécessité de décoloniser les musées est de plus en plus reconnue à l’échelle mondiale, les biennales ne peuvent pas non plus en faire l’économie, comme l’ont clairement démontré les récents débats autour de la Biennale de Venise. Le cloisonnement ethnique des pavillons et l’échec à confronter la mémoire coloniale sont toujours visibles. Les projets collectifs sont clairement façonnés par leurs dynamiques locales, et chaque cadre conceptuel évolue à partir de ces fondements. Événements artistiques, expositions, biennales, centres d’art sont autant d’expressions et de résultats de la mémoire et du débat collectifs.

En fin de compte, s’il est essentiel d’établir le langage de la paix et du dialogue plutôt que celui de la violence et de la coercition, guérir le traumatisme d’un enfant qui parle kurde à la maison mais est contraint d’apprendre le turc à l’école n’est pas seulement une question de droit, mais est lié à la liberté de la langue kurde. En s’inspirant de l’approche de Paulo Freire, il apparaît clairement que pour construire une pédagogie des opprimés, il est nécessaire de développer une nouvelle éthique politique, qui accepte cela comme une question de domination coloniale de classe.

Passer d’une spirale de mort à une existence centrée sur la vie comporte également des risques. Comment définir ces risques ?

Le soutien le plus efficace pour ceux qui ont rejoint la guérilla, combattu pendant des années et sont restés sur le champ de bataille jusqu’à présent est un soutien institutionnel pour les aider à s’adapter à la vie quotidienne. Il ne s’agit pas seulement d’un soutien psychologique, peut-être même pas du tout. Ces personnes ont probablement combattu pour une cause à laquelle elles croyaient. Plutôt que de les menacer de sanctions judiciaires ou d’incarcération politique, elles ont besoin d’une assistance qui leur permette de prendre leur vie en main. La première étape doit être des initiatives pédagogiques favorisant leur intégration à la vie urbaine, et un rejet catégorique des approches fondées sur la punition et la discipline.

Il peut y avoir des traumatismes et des pathologies des deux côtés. Pour quelqu’un qui a longtemps combattu dans la guérilla, la transition vers la vie ordinaire et l’intégration à la société urbaine après avoir quitté les montagnes sont loin d’être faciles. Il en va de même pour les soldats ; ceux qui ont servi pendant de longues périodes au Kurdistan présentent souvent des symptômes rappelant le « syndrome du Vietnam ». En France, il existe des archives neuropsychiatriques concernant la guerre d’Algérie, et des diagnostics tels que la « névrose de guérilla » spécifique à ce conflit ont été documentés. Ce n’est pas mon domaine d’expertise, cela relève de la sociopsychologie, mais il est important de le souligner. À ma connaissance, les taux de suicide chez les soldats ont atteint des niveaux alarmants. Le taux de suicide dans l’armée turque a considérablement augmenté, mais cette réalité n’est pas reflétée dans le discours public. Nous parlons de troubles sociopsychodynamiques dépressifs tels que l’effondrement narcissique, le sentiment de faiblesse, la régression libidinale, l’anxiété, la peur de l’avenir, la mort et l’exposition aux massacres.

Le service militaire, institution militariste, est structuré de manière à éliminer les personnalités les plus fragiles par des processus de sélection, excluant ainsi celles présentant des vulnérabilités psychologiques. Pourtant, en Turquie, personne ne s’engage volontairement dans l’armée ; elle est traitée comme une profession obligatoire. Cela accentue la visibilité des tensions psychologiques, en particulier chez les personnes les plus vulnérables. Les domaines les plus fortement impliqués au sein de l’armée sont ceux liés à la santé mentale, les unités de l’EMDR [psychothérapie par mouvement oculaires qui cible les mémoires traumatiques des individus]. Sans entrer dans un langage diagnostique théorique, il ressort clairement des témoignages de ceux qui travaillent et observent l’armée que les niveaux de traumatismes sont extrêmement élevés, et que les conflits et la guerre ne font qu’aggraver la situation.

Si l’on examine la trajectoire historique de la guerre d’Algérie, de la guerre du Vietnam et, plus récemment, peut-être, de l’évolution de la situation en Palestine, sujets de nombreuses thèses, on observe un schéma récurrent de multiples troubles psychologiques. La guerre n’est pas seulement un problème de santé publique ; c’est une force traumatique qui peut transformer la paranoïa induite par la violence en un état psychologique permanent. Elle peut entraîner chez certains individus une anxiété, une dépression et un syndrome de stress post-traumatique permanents. Ces troubles finissent par se répercuter sur la société, donnant naissance à des processus marqués par l’insécurité sociale, l’isolement, voire le suicide.

Les périodes d’après-guerre doivent être surveillées de près

La structure mentale d’une personne ne se façonne pas uniquement par l’éducation ou les expériences acquises. Elle émerge de multiples strates : expériences vécues, exposition à la violence, soumission à l’autoritarisme. Ni l’éducation, ni la psychologie, ni la famille, ni le droit, ni l’expérience de vie ne peuvent préparer une personne aux réalités de la guerre. En guerre, une personne devient une machine, absorbée par une zone traumatique totalement différente. La guerre engourdit émotionnellement les individus, façonnés par des couches de peur, de violence et de conflit.

La plupart des psychoses fonctionnelles et des déséquilibres caractériels ou sociaux surviennent chez les personnes directement impliquées dans les zones de combat, tandis que les névroses s’installent souvent durablement dans leur vie. C’est pourquoi les périodes d’après-guerre doivent être observées avec une attention particulière. Cela ne signifie pas pour autant que le processus doive être confié uniquement aux psychologues ou aux psychiatres. Au contraire, la situation exige une approche collective et à plusieurs niveaux.

Une psychanalyse politique orientée vers les pauvres est nécessaire

Mon ami d’université Florent Gabarron-Garcia, dans son livre Histoire populaire de la psychanalyse, réfléchit à l’époque fasciste, s’appuyant sur Wilhelm Reich pour analyser la pédagogie et le discours de l’époque, nous offrant des rappels cruciaux. Il souligne la nécessité de parler d’une psychanalyse politique orientée vers les pauvres, plutôt que d’une psychanalyse façonnée par l’idéologie dominante du pouvoir. Ce sur quoi nous devons nous concentrer n’est pas une psychanalyse institutionnelle prise dans la spirale de la politique réactionnaire, mais plutôt une formation psychanalytique qui contribue à guérir les traumatismes du peuple kurde, une formation qui émerge à travers le langage, la vie quotidienne et le droit.

Florent note que, dès le début du siècle dernier, des institutions ont été fondées avec une attention particulière portée aux plus démunis et à la justice sociale. Il est aujourd’hui indispensable de déployer des efforts scientifiques pour guérir le moment présent. Les blessures de la guerre ne peuvent être traitées par les seules interventions psychanalytiques institutionnelles ; au contraire, il faut s’orienter vers la psychothérapie populaire. Par exemple, la création de départements de psychologie ou de sociologie en langue kurde n’est pas le seul enjeu. Il est tout aussi important de contribuer à la production de pédagogies alternatives permettant aux Kurdes de mettre en place des initiatives contre-institutionnelles dans leur propre langue et leur propre géographie.

Il ne s’agit pas de suggérer que la responsabilité incombe uniquement aux psychanalystes ou aux psychologues. Il s’agit plutôt de dire que les efforts institutionnels pour surmonter cette ère d’autoritarisme et de violence doivent être dissociés du langage et du corps de l’autoritarisme lui-même. Il est nécessaire de rejeter les cadres punitifs et de construire un langage de dialogue. À la place de la figure masculine et œdipienne de l’« État-père », il faut une structure démocratique et fondatrice qui remplisse discrètement son rôle institutionnel en coulisses.

Le traumatisme vécu par une génération contrainte d’abandonner sa langue et son identité s’exprime dans les codes mélancoliques de la musique arabesque, récit psychanalytique en soi. C’est peut-être par des interactions qui font remonter l’inconscient à la surface et abolissent ces barrières psychologiques qu’une véritable contribution à la paix et à la réconciliation peut être apportée.

La question kurde et le colonialisme sont des questions de classe

La question est donc la suivante : dans un pays militariste qui n’a jamais été en mesure de mettre en œuvre une constitution démocratique ni une démocratie participative, qui répondra aux traumatismes, aux dépressions et aux vides ressentis au lendemain de la guerre ? Qui le fera ? L’État ? Les psychologues ? Les sociologues ? Les politiques ? Ou le Parti républicain du peuple (CHP), « oppositionnel », dont le leader, Özgür Özel, se contente d’évoquer la question kurde en passant lors de rassemblements ?

Qui peut restaurer l’amitié entre les deux peuples ? Je ne parle pas de fraternité, car la fraternité repose sur une hiérarchie définie par les aînés et les cadets. Il faut plutôt parler de la liberté d’un peuple opprimé précisément par ce type de structure hiérarchique et antidémocratique. L’égalité est liée à la libération et à la réalisation de la justice. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de fraternité, mais d’égalité, de réconciliation et de purification du racisme par un dialogue sincère.

Il est désormais évident que ce processus évolue vers une période où ces questions vont se multiplier et s’aiguiser, et il est absolument nécessaire qu’il progresse avec une approche critique. Dans un contexte d’insécurité aussi précaire, il est impossible d’aborder cette question à la turque ou sous le couvert du secret, à moins de prendre des mesures pour démanteler le régime de tutelle, criminaliser le racisme, abolir le système de gardes villageoises et établir un dialogue avec les familles des disparus. (Le processus de paix de 2013 a été un échec à cet égard.)

Au contraire, ce n’est que lorsque la paix sera pleinement socialisée et envahira la rue que nous pourrons pérenniser ce désir de réconciliation grâce à un soutien politique. De même que certains groupes de gauche en Turquie dans les années 1970 n’ont pas sérieusement abordé la question de la libération des femmes, préférant la reporter à la révolution, qui a finalement contraint le peuple kurde à s’organiser de manière indépendante, il n’y a plus de place aujourd’hui pour une politique ancrée dans le ressentiment, la condescendance de type « Grand Frère » ou la vengeance masculine. Ce dont nous avons besoin, ce sont plutôt des mesures urgentes à prendre immédiatement, ici et maintenant. Car la question kurde et le colonialisme sont fondamentalement des questions de classe. (ANF)

En une semaine, la Turquie a mené 128 attaques contre le Kurdistan du Sud

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IRAK / KURDISTAN – En une semaine, la Turquie a mené 128 attaques contre le Kurdistan du Sud, dans le Nord d’Irak, rapporte l’agence kurde Mezopotamya qui cite Kamran Osman de l’ONG Community Peacemakers (CPT).

Kamran Osman, membre des équipes de consolidation de la paix sociale (Community Peacemakers, CPT) basées aux États-Unis, a publié le communiqué suivant au sujet des attaques de la Turquie ciblant la région du Kurdistan irakien.
 
« Le 24 mai, l’armée turque a bombardé le mont Nizarke dans le sous-district de Şêladizê du district d’Amêdiye de Duhok à 83 reprises avec des tirs d’artillerie. Lors de l’attaque, une cible fixe a été bombardée en continu et ce bombardement s’est poursuivi tout au long de la journée. La semaine dernière, l’armée turque a également bombardé la région de Ber Garê du sous-district de Dêrelok d’Amêdiye à 45 reprises.
 
Au total, l’armée turque a effectué 128 bombardements sur le territoire du Kurdistan du Sud au cours de la semaine dernière. »
Image d’archive

 

ROJAVA. Une délégation allemande se rend à Dêrik, ville jumelée à Friedrichshain-Kreuzberg

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SYRIE / ROJAVA – Le 2e arrondissement de Berlin, Friedrichshain-Kreuzberg, s’engage à soutenir sa ville jumelle Dêrik. Une délégation est actuellement sur place pour accompagner des projets d’aide dans les domaines de l’éducation et de la santé.

Une délégation du district de Friedrichshain-Kreuzberg jumelé à la ville d’al-Malikiya (en kurde: Dêrik) s’est rendue dans le nord et l’est de la Syrie. L’objectif de ce voyage est de fournir de l’aide humanitaire et de soutenir les projets en cours dans le cadre du partenariat avec la ville de Dêrik (al-Malikiya), en place depuis 2017. Il s’agit du seul partenariat officiel à ce jour entre un district allemand et une ville de la région autonome du nord-est de la Syrie.

« Un partenariat fort est nécessaire »

Le voyage, qui doit durer jusqu’au 9 juin, est axé sur la promotion de l’éducation et de la santé. Une école endommagée par le tremblement de terre de 2023 est en cours de rénovation grâce aux fonds de l’organisation d’aide à l’enfance Global Care. Deux autres projets scolaires sont en cours de planification. Par ailleurs, un puits alimenté à l’énergie solaire sera construit pour les déplacés internes. Selon l’association de jumelage, un projet similaire alimente déjà environ 5 000 personnes en eau potable.

Une visite à la clinique mobile de la région de Dêrik, gérée conjointement par l’association de jumelage et la WJAS (Fondation des femmes libres en Syrie), est également prévue. Les soins médicaux dans la région sont jugés très limités, en partie à cause des frappes aériennes turques répétées sur des infrastructures critiques.

« Un partenariat fort avec l’Allemagne est nécessaire pour soutenir les idées progressistes de l’administration autonome, comme le modèle administratif égalitaire et multiethnique dans le nord-est de la Syrie », a déclaré Janosch Tries, membre du conseil d’administration, avant son départ. La région demeure un refuge pour de nombreux déplacés internes.

16,7 millions de personnes en Syrie ont besoin d’aide

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), la situation humanitaire en Syrie est désastreuse. Environ 16,7 millions de personnes ont besoin d’aide, soit plus que jamais depuis le début de la guerre en 2011. L’association de jumelage de villes s’est dite particulièrement préoccupée par les massacres d’Alaouites à l’ouest et par l’escalade des combats dans les zones à majorité druze du sud de la Syrie. « Notre objectif est de promouvoir la cohésion sociale et de soutenir activement la reconstruction d’une Syrie démocratique », a déclaré M. Tries.

La délégation fait partie d’une initiative plus large

La délégation de trois membres s’inscrit dans le cadre d’une initiative plus vaste visant à promouvoir les partenariats hospitaliers germano-syriens. En coopération avec l’Association des médecins kurdes d’Allemagne, l’objectif est d’améliorer les soins de dialyse à l’hôpital de Dêrik et d’identifier les nouveaux besoins médicaux. D’autres visites dans des hôpitaux, des centres de rééducation et l’université de Qamishli sont prévues. (ANF)

La Turquie poursuit les participants d’un festival de migrants à Londres

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LONDRES – Le ministère turc de l’Intérieur a lancé une enquête contre les participants du festival annuel du parc organisé par l’Association de travailleurs kurdes et turcs (Gik-Der) alléguant des « liens avec une organisation illégale ».

L’Association culturelle des travailleurs migrants (Göçmen Işçiler Kültür Derneği, Gik-Der), basée à Tottenham, a pour mission de répondre aux besoins de la communauté turque et kurde, en promouvant la cohésion à travers un large éventail d’activités sociales, culturelles, éducatives et sportives.

Le ministère turc de l’Intérieur a lancé une enquête contre les participants du festival annuel du parc organisé par l’Association culturelle des travailleurs migrants (Gik-Der), active depuis 34 ans, alléguant des « liens avec une organisation illégale ».

Selon certaines informations, la Direction générale de la sécurité a publié une circulaire confidentielle affirmant que Gik-Der entretenait des liens avec une « organisation illégale ». Le document demandait que les personnes identifiées comme ayant participé au festival soient arrêtées et interrogées.

Plus de 30 personnes ayant chanté des chansons folkloriques, dansé, dessiné ou participé à des activités pour enfants lors du festival ont fait l’objet de mandats d’arrêt. Parmi elles figurent des enfants et des membres d’une chorale de femmes.

Gik-Der s’apprête à intenter une action en justice pour dommages et intérêts contre des fonctionnaires de l’État turc, qualifiant les enquêtes d’« absurdes ».

Lors d’une conférence de presse à Londres, le coprésident de Gik-Der, Bedriye Avcil, et l’avocat Mehmet Ovayolu ont appelé à la solidarité sociale contre cette tentative de criminalisation.

Ovayolu a déclaré : « Participer à l’événement en question ne peut être considéré comme un crime ; c’est totalement illégal. Nous lutterons pour mettre fin à ces pratiques injustes et engagerons des poursuites judiciaires contre cette criminalisation et ces allégations infondées. »

Ovayolu a noté que Gik-Der avait été félicité par la reine Elizabeth II du Royaume-Uni pour sa solidarité sociale pendant la pandémie.

Les participants qui ont fait l’objet de poursuites judiciaires dans le cadre de l’enquête ont souligné que « chanter des chansons folkloriques, danser ou dessiner ne peut pas être un crime » et qu’ils poursuivraient leur lutte juridique.

Müslüm Dalkılıç, coprésident de la Fédération alévie britannique, a appelé à une résistance organisée contre la criminalisation.

Le Centre communautaire kurde et la Confédération européenne des droits démocratiques ont déclaré : « Des institutions sont sous le coup d’enquêtes pour avoir défendu les droits les plus fondamentaux de la société. Elles cherchent à instaurer un climat de peur. Nous ne nous laisserons jamais intimider, nous n’abandonnerons jamais. Nous continuerons à nous battre. »

L’écrivain kurde Ali Poyraz a déclaré que le système tente de créer de la méfiance et de la suspicion au sein des institutions, soulignant que cette criminalisation peut être évitée en adoptant les événements et les institutions. (ANF)

PARIS. Une ressortissante française jugée pour des crimes commis contre une fille yézidie

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PARIS – La Cour de cassation a ordonné que la ressortissante française Sonia Mejri soit rejugée pour des actes génocidaires commis en 2015 contre une fille yazidie réduite en esclavage par Mejri et son mari de l’époque qui était un émir du groupe terroriste État islamique. Mejri est accusée de « participation à une association de malfaiteurs terroriste » et « crimes contre l’humanité » englobant « réduction en esclavage », « emprisonnement », « torture », « persécution » et « autres actes inhumains ».
 
 
L’organisation yézidie « Yazda » a publié un communiqué concernant la décision de la Cour de cassation qui a demandé à la cour d’appel de Paris de réexaminer les poursuites qu’elle avait annulées pour génocide visant Sonia Mejri accusée d’actes de génocide contre les Kurdes yézidis (Êzdî) en Syrie. Sonia Mejri et son mari avait pris comme esclave la jeune Rafida Naif, 16 ans au moment de sa capture, qui fut exploitée, maltraitée et violée.
 
La déclaration stipule :
 
« Dans une décision sans précédent, la Cour de cassation a jugé que Sonia Mejri pourrait être accusée de génocide. Elle est accusée d’avoir commis des crimes contre une adolescente yézidie séquestrée au domicile de Sonia et de son mari de l’époque Abelnasser Benyoucef*, un émir du groupe État islamique (EI) en Syrie, en 2015.
 
Ce jugement annule une décision antérieure d’un tribunal de première instance qui avait rejeté l’accusation de génocide. Le tribunal a affirmé qu’un individu peut être poursuivi pour génocide même si les actes ne visaient qu’un seul membre du groupe, à condition que le groupe lui-même ait été pris pour cible dans le cadre d’un plan coordonné visant à le détruire en tout ou en partie.
 
Cette décision aligne la France sur les normes juridiques internationales et représente une étape importante vers l’obtention de la justice.
 
L’affaire va maintenant revenir devant une chambre nouvellement constituée, qui décidera si Sonia Mejri peut être jugée pour implication dans le génocide, en plus des accusations liées au terrorisme et aux crimes contre l’humanité. »
 
*Un procès par défaut a été ordonné contre Abdelnasser Benyoucef (visé par un mandat d’arrêt mais présumé mort depuis 2016) comme auteur de génocide et de crimes contre l’humanité, et pour des infractions terroristes.

Sustam : Les Kurdes restent inquiets car l’État n’offre aucune garantie juridique – III

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PARIS – Maitre de conférence à Paris 8, Engin Sustam déclare que les Kurdes ressentent de l’anxiété et de la méfiance et ajoute que l’État continue à éviter de solutionner la question par le biais de la loi.

Engin Sustam

Le sociologue Engin Sustam a déclaré à l’ANF que les Kurdes étaient sincères dans leur demande de paix et a souligné que l’opinion publique turque devait s’impliquer davantage dans ce processus. Il a fait remarquer que la guerre et la propagande fasciste avaient empoisonné plusieurs générations.

Sustam a souligné que, dans la nouvelle phase, la propagande du pouvoir fondée sur le nationalisme turc doit être démantelée. Il a affirmé qu’un effort politique est nécessaire, notamment en faveur des pauvres, contre tous les discours fascistes, sachant que les Kurdes comme les Turcs portent de profonds traumatismes.

Ceci est la troisième partie de cette longue interview. La première partie est disponible ici et la deuxième .

Les deux parties évoquent la possibilité d’un sabotage du processus. Qui pourrait le saboter et que peut-on faire pour l’empêcher ?

Si l’on y prête attention, ceux qui désirent le plus la violence dans ce processus sont les structures militaristes qui en ont profité, certains acteurs et une frange dominante blanche et raciste qui continue de s’exprimer d’en haut. Ces groupes cherchent délibérément à provoquer le chaos. Ce qu’ils souhaitent, c’est la poursuite de la guerre, par peur de perdre leurs positions. Ils se nourrissent de violence et de haine comme des monstres sanguinaires. En fin de compte, la menace la plus dangereuse pour ce processus est le retour au langage de la guerre.

Au lieu de construire des avant-postes militaires ou des murs à chaque frontière, au lieu de stocker des armes, ce qui est véritablement essentiel aujourd’hui est la légalisation d’un langage de paix capable de faire tomber tous les murs sociaux. C’est une étape fondamentale. Ce qui est nécessaire, c’est la construction de la paix sociale, le démantèlement complet du militarisme au Kurdistan et la pacification complète de l’espace public.

Pour qu’un processus démocratique fonctionne, la révocation des administrateurs nommés par l’État et le retour des municipalités au Parti pour l’égalité et la démocratie des peuples (DEM) sont essentiels. Ces mesures pourraient également ouvrir des perspectives de démocratisation de la Turquie et de libération du racisme et du fascisme. Cela inclurait la libération du maire d’Istanbul, Osman Kavala, et des personnes emprisonnées dans l’affaire du parc Gezi, contribuant ainsi à la sincérité de la reconstruction démocratique.

Il est profondément attristant que près de deux siècles et demi se soient écoulés depuis l’émergence du concept de contrat social par Rousseau. Pourtant, nous devons encore rappeler à l’État turc son devoir envers ses citoyens, surtout alors que nous avons, juste à côté de nous, un extraordinaire contrat social démocratique au Rojava. Plutôt que d’emprisonner des dissidents, plutôt que de prendre des personnes en otage en raison de leur langue ou de leur identité, l’État, en tant qu’institution, doit remplir son rôle régulateur.

Inclure le public turc dans le processus semble être une nécessité urgente

Écoutez, quand on examine ce qui se passe aujourd’hui en Syrie, on constate les conséquences de l’autoritarisme pendant et après la dictature d’Assad. Le gouvernement intérimaire actuel est presque entièrement composé de groupes racistes et criminels de guerre. Ces factions nourrissent des ambitions dictatoriales, assez proches de celles de l’ère Assad.

Si l’on considère les massacres et les attaques visant les Alaouites et les Druzes aujourd’hui, ou les menaces constantes dirigées contre les Kurdes, ou plus précisément, l’utilisation persistante d’un langage menaçant contre toutes les minorités, ainsi que la poursuite de la politique de la Ceinture arabe et le mépris flagrant des droits des femmes, on comprend clairement combien il est dangereux d’insister sur une structure unitaire, et comment une telle insistance peut mener une région à la destruction. Cela a été vrai dans les deux phases.

Cela montre que les pratiques démocratiques ne viennent pas de l’État ; elles sont façonnées par la rue et le peuple. Ce processus doit donc impliquer une civilarisation complète de l’État, la démocratisation des institutions et la purification de l’appareil d’État des politiques racistes et sectaires.

Prendre des mesures de démocratisation en s’appuyant uniquement sur les Kurdes et en faisant reposer le fardeau de la paix sur leurs seules épaules revient en réalité à détourner le problème. Le véritable risque réside dans la question suivante : que se passera-t-il si l’État refuse d’abandonner son emprise autoritaire sur le pouvoir ? Une nouvelle guerre ? Ce serait catastrophique, une voie sans retour.

Pour éviter cela, la question kurde doit dépasser les frontières des Kurdes et trouver sa place au sein de la société turque. Le peuple kurde est déjà conscient du processus et observe la phase de désarmement avec prudence, fort de sa propre force organisée. C’est pourquoi il est nécessaire de soustraire la question de la paix, devenue un instrument de chantage aux mains de l’État, à son emprise et d’en faire un enjeu social. Parallèlement, l’opinion publique turque doit être impliquée dans ce processus. Déconstruire la question kurde des contextes de « terrorisme », de conflit et de haine, et l’ancrer dans un nouveau processus politique, apparaît comme une nécessité urgente.

Contrairement à de nombreuses analyses erronées, le mouvement politique kurde a ouvert la voie non seulement aux Kurdes, mais aussi à d’autres sociétés du monde. Depuis le milieu des années 1990, il a introduit non seulement les pratiques classiques de la guérilla, mais aussi des débats fondés sur l’écologie, l’humanité, le féminisme et la proximité avec la nature. Le slogan « Jin, Jîyan, Azadî » (Femme, Vie, Liberté), aujourd’hui central au sein du mouvement féministe mondial, puise ses racines dans les débats au sein du mouvement des femmes kurdes des années 1990.

Franchement, rompre avec les pratiques dures, centralisées et militaristes du stalinisme et du maoïsme n’est pas chose aisée. Mais dans ce cas précis, ce sont surtout les femmes et les jeunes qui ont transformé de l’intérieur la dynamique idéologique du mouvement. Concrètement, les modèles de coopération civile au Rojava, ou les structures de gouvernance municipale, peuvent servir d’exemples. Le Mouvement pour la liberté du Kurdistan, en ce sens, est peut-être la seule force qui insiste davantage sur une voie socialiste que de nombreuses expériences de gauche en Turquie et au Kurdistan, et il a réussi à tisser des liens plus étroits avec les mouvements internationalistes.

Nous parlons ici d’une tradition, d’une structure, qui entretient aujourd’hui des relations fortes avec les dynamiques antisystémiques de l’Amérique latine à l’Asie de l’Est, de l’Afrique à l’Europe et dans tout le Moyen-Orient.

Tout le monde se demande si l’opinion publique turque est prête à accepter le nouveau processus. Mais personne ne parle de l’opinion des Kurdes, qui vivent dans un pays déchiré par la guerre depuis plus de 50 ans. Qu’est-ce qui attend les Kurdes et que faut-il faire ?

En réalité, il ne s’agit pas seulement de cinquante ans. Si l’on considère le contexte colonial remontant à l’Empire ottoman, on parle d’une période bien plus longue. Quant à la question de savoir ce que veulent ou pensent les Kurdes, je crois que la réponse est claire. Le véritable problème semble résider dans une partie importante de la société, sans vouloir généraliser, qui refuse encore de l’accepter. Une partie qui refuse de reconnaître le droit des Kurdes à définir leur existence selon leurs propres termes et qui ne parvient pas à se libérer du tourbillon de la turcité et de l’identité sunnite.

Autrement dit, comme les Alaouites (ou alévis), les Kurdes exigent que personne ne prenne de décisions à leur place, ne parle en leur nom et n’interfère dans leurs espaces de vie. Car la liberté appartient à leur propre corps. Bien sûr, les cinquante dernières années sont particulièrement significatives, car elles marquent une période où le tissu social entre Kurdes et Turcs a été profondément déchiré. D’un côté, nous avons les mécanismes de violence négationnistes et répressifs de l’État ; de l’autre, les pratiques de contre-violence anticoloniale du mouvement kurde ont contribué à créer un climat de peur et de haine. Il n’est donc pas facile de répondre à cette question.

Quel combat faut-il alors mener ? D’un côté, il s’agit de convaincre une opinion publique nourrie de paranoïa, de militarisme et de pathologies racistes. À cet égard, la gauche, les intellectuels et les démocrates turcs ont une immense responsabilité.

Mais d’un autre côté, nous parlons du monde kurde, élevé sous la pression du racisme, de la politique de haine et même d’une culture du lynchage ; façonné par la violence coloniale, la résistance et le traumatisme collectif. Et ce sont précisément eux qui sont les plus fervents défenseurs de la réconciliation. C’est pourquoi, pour répondre à cette question, je dirais que nous devons également attendre et observer l’évolution de ce processus.

L’inquiétude règne parmi les Kurdes et l’État n’offre toujours aucune garantie

Nous sommes confrontés à une spirale de violence qui s’étend sur plus de huit générations. Pour mettre fin à ce cycle et affronter un siècle de discours haineux, des « bandits kurdes » aux « terroristes kurdes », un discours raciste immuable, il faut adopter une position antiraciste et antifasciste radicalement différente. Malgré tout, je dois dire qu’il s’agit d’une décision historique, qui pourrait ouvrir la voie à une politique démocratique et civile.

Je dis « malgré tout » car le processus de militarisation en cours demeure l’un des instruments les plus actifs du traumatisme social et doit enfin être démantelé. Permettez-moi d’ajouter que nous devons également reconnaître l’hésitation et la méfiance justifiées des Kurdes envers l’État, et comprendre la confusion qu’ils éprouvent dans les différents espaces politiques.

Le colonialisme et la question kurde, qui perdurent depuis plus d’un siècle, sont comme une bombe à retardement placée sous nos yeux, un héritage de violence que nous devons affronter et démêler. Nous ne pouvons oublier les massacres de Suruç et de la gare d’Ankara en 2015. Aujourd’hui, le nationalisme ultra-turc, les généraux kémalistes à la retraite et le racisme turc alimentent une culture du complot, rendant ce sujet difficile à aborder et aggravant les blessures causées par les discours de haine.

C’est pourquoi le malaise et la méfiance règnent parmi les Kurdes suite à la décision de désarmement, car l’État n’a toujours pas offert de véritables garanties. Il continue d’éviter d’aborder la question par le biais de cadres juridiques. Et, comme vous en conviendrez, il est clair que la partie kurde n’est pas seule concernée par ce problème. L’autre partie est l’opinion publique turque, qui reste empêtrée dans un nationalisme extrême et une paranoïa. Cela signifie que nous devons désormais privilégier le langage, le dialogue et une approche ouverte au compromis sur certaines positions.

Dans une société où l’univers émotionnel du nationalisme extrême est omniprésent, nous devons nous demander comment construire un espace démocratique où les différentes voix politiques et le désir de paix peuvent s’exprimer ouvertement. Cela ne peut se faire sans affronter l’héritage de 1915 et du génocide arménien, sans se souvenir de cette histoire (et maintenant, on me traitera moi aussi de « crypto-Arménien »), ni sans reconnaître la paranoïa et la réactivité ultra-raciste engendrées par la structure technocratique et kémaliste de 1923. La réponse réside dans des efforts concrets pour organiser la paix.

Tant que nous continuerons d’assister à des attaques contre la musique publique kurde, à l’emprisonnement de dizaines de maires élus sous tutelle, aux sanctions infligées aux étudiants, aux politiciens kurdes et aux autres dissidents ; tant que la République ne parviendra pas à surmonter ses phobies ; tant que le kurde ne sera pas reconnu comme langue maternelle et normalisé dans le cadre du processus de paix ; et tant que l’État continuera de stigmatiser ses propres dissidents, les risques resteront omniprésents. Car la question kurde représente non seulement la libération d’un peuple, mais aussi la construction d’une vie radicalement démocratique dans ce pays.

Je préfère ne pas lire ceci à travers des références historiques, mais plutôt à travers les espaces démocratiques de vie commune qu’il faut construire aujourd’hui. Et il ne s’agit pas de ces généraux fascistes à la retraite, haineux et amers, qui continuent de résister à la paix, mais bien des vestiges militaires et autoritaires du régime de tutelle civile hérité du passé. Bien sûr, d’autres risques géopolitiques entrent également en jeu.

Je crois néanmoins que le mouvement kurde est l’une des rares forces politiques à avoir analysé avec précision la conjoncture actuelle au Moyen-Orient et à s’être positionné en conséquence. Cela contribue également à la décision de désarmer et de créer un espace pour une politique civile démocratique. C’est pourquoi ce processus, aussi risqué, incertain et fragile soit-il, progresse grâce à la force des acteurs qui ont combattu et sont désormais prêts à déposer les armes. Il avance grâce à l’engagement émotionnel révolutionnaire d’un camp et à l’espoir.

Alors, les Turcs abordent-ils toujours la question avec une mentalité coloniale, évitant de véritables conversations sur ce que veulent les Kurdes et pourquoi ils prônent la paix ?

Si vous me le permettez, permettez-moi de conclure cette réflexion avant de revenir à la question : « Que veulent les Kurdes ? » Je pense que ce qui suit est étroitement lié à cette question. L’opinion publique turque doit, au-delà de réciter quotidiennement son serment nationaliste, commencer à construire une politique de vivre ensemble avec les Kurdes qui revendiquent une géographie et une vie communes. Cela implique d’embrasser la paix et le dialogue avec courage, sans prêter attention aux acteurs racistes.

Cela signifie également que l’ensemble du système éducatif et des programmes scolaires doivent être démilitarisés et purgés de tout racisme. Tout langage faisant référence à une seule identité ethnique ou à une religion dominante doit être supprimé des manuels scolaires. Une approche pédagogique alternative et institutionnelle doit être mise en place pour ouvrir la voie à un nouveau récit de la Turquie, un récit qui permettra au processus de paix d’être véritablement efficace.

En d’autres termes, si l’enseignement en langue kurde est autorisé mais qu’un enseignement autoritaire, sexiste et raciste perdure, il ne s’agira pas de dialogue social, mais de la persistance d’un autoritarisme d’État. La question kurde doit être abordée sous un angle antiraciste. Résoudre la question kurde implique de démilitariser le secteur, de démocratiser l’éducation par la pédagogie, d’éliminer le patriarcat et d’ancrer le programme scolaire dans un socle antiraciste.

Il est clair que les intellectuels turcs portent aujourd’hui la responsabilité, risquée mais vitale, de transmettre la paix à la société et de contribuer à sa construction. Si ces questions ne sont pas abordées maintenant, par une position antiraciste courageuse, quand le seront-elles un jour ? La gauche turque, qui vit depuis longtemps dans un contexte de coups d’État, de violence et de racisme, doit désormais abandonner son ton hiérarchique et son habitude de parler avec condescendance, et commencer à expliquer ce processus de manière percutante et accessible.

Contribuer à la résolution de la question kurde et à la construction de la paix sociale contribuera également à la paix dans tous les secteurs de la société. Car ce processus, cette économie de guerre, détruit avant tout les foyers des travailleurs et des pauvres. En réalité, la paix est aussi une question de classe. Elle contribuera à la création d’une économie du travail commune.

Dans les médias grand public, personne ne parle vraiment des Kurdes

Depuis la fin de la lutte armée, personne ne semble parler des Kurdes. Tout le monde se concentre sur les préoccupations de l’opinion publique turque, mais les médias grand public ne s’intéressent pas à l’opinion des Kurdes sur cette question. Personne ne se demande pourquoi les Kurdes sont inquiets.

Laissez-moi vous dire ceci : ce que les Kurdes savent le mieux, c’est se sentir mal à l’aise. Des générations d’entre nous, moi y compris, ont été éduquées chaque matin sous l’ombre du serment nationaliste, et chaque soir avec l’hymne national. Pour les Kurdes, c’est une source de profond traumatisme. Et à l’instar des élèves arméniens et alaouites contraints de suivre un enseignement religieux centré sur la mosquée, d’autres communautés ont également vécu ce programme autoritaire, raciste et exclusif comme un générateur de traumatisme collectif. Il faut remettre cela en question.

C’est pourquoi les peuples rarement reconnus en Turquie, ceux qui sont traités comme des étrangers, sont toujours inquiets. Pour que la Turquie devienne une société véritablement démocratique, inclusive et pluraliste, ces discussions doivent être menées plus ouvertement et avec plus de fermeté. Sinon, tant que le journalisme et la gouvernance resteront dépendants du concept de « terrorisme », ce problème ne sera pas résolu et s’aggravera encore davantage.

Et au lieu de demander directement aux Kurdes ce qu’ils veulent, certains continuent de s’appuyer sur des voix façonnées par la paranoïa nationaliste de l’identité turque. Certains médias, comme A Haber, ou l’élite laïque des « Turcs blancs », présentent encore le problème en termes de « terrorisme » et de « séparatisme », mais un tel cadrage n’a aucun sens dans la région.

Ce processus marque clairement une rupture non seulement avec des racistes comme Yılmaz Özdil, Tanju Özcan et Ümit Özdağ, mais aussi avec des figures de la région kurde comme Mehmet Metiner et Şamil Tayyar, qui se sont taillé une place grâce à des réseaux clientélistes et opportunistes. Il marque également le déclin de nombreux autres écrivains et personnalités publiques toxiques dont les plateformes ont longtemps reposé sur la rhétorique de guerre et les récits victimaires.

Ces chiffres ont non seulement bloqué le progrès, mais ont, à vrai dire, contribué à créer la génération hyperparanoïaque que nous connaissons aujourd’hui. Le sentiment anti-kurde flagrant observé lors de récents rassemblements anti-AKP était loin d’être encourageant. L’ascension sociale d’une structure aussi profondément raciste n’est rien d’autre qu’une invitation au fascisme. Comme l’a dit un jour le psychiatre Wilhelm Reich à propos des nazis : « La théorie raciale n’est pas l’invention du fascisme ; au contraire, le racisme est le fondement psychologique qui donne naissance au fascisme. »

C’est pourquoi la réconciliation devient quasiment impossible dans les couches sociales qui n’ont pas pris en compte le racisme. Une sorte de pathologie masochiste est à l’œuvre dans ces segments de la société, qui ne s’intéresse pas à ce que veulent les Kurdes, mais à ce qu’ils désirent eux-mêmes à travers leur propre haine.

Certes, des changements intéressants ont été observés tant au sein du Parti républicain du peuple (CHP) que du Parti d’action nationaliste (MHP), d’extrême droite, qui ont joué un rôle majeur dans le déclenchement de cette crise. Mais si l’on s’intéresse à la mémoire historique, l’héritage du fascisme et l’insistance persistante sur le kémalisme ne sont guère rassurants.

Les Kurdes veulent avant tout la reconnaissance de leur existence

Les Kurdes aspirent à la liberté, mais surtout à la reconnaissance de leur existence, peut-être comme condition préalable. Ils veulent être éduqués dans leur langue maternelle, pouvoir s’exprimer librement et démocratiquement dans l’espace public, avoir leur mot à dire sur les questions qui les concernent et voir disparaître les noms, slogans et discours nationalistes imposés sur leurs montagnes et leurs plaines. Ils veulent cesser d’être contraints de dire « qu’il est heureux celui qui dit ‘je suis turc’ » chaque matin ou chaque soir.

La décolonisation signifie guérir une région, sa mémoire culturelle et sa langue de toute forme de domination coloniale. Il est clair que les Kurdes exigent que tous ces éléments soient garantis constitutionnellement. La question ne doit plus être abordée avec une politique de temporisation ou de dilution, comme par le passé. Elle doit être prise au sérieux. La reconnaissance et la prise en compte sont les fondements du partenariat, et nous discutons déjà de la manière dont ces droits doivent être garantis constitutionnellement.

La région doit être démilitarisée, non pas par la multiplication des avant-postes, des murs frontaliers, le renforcement des troupes ou une militarisation accrue, mais par un processus démocratique ouvrant la voie à une politique humaine et centrée sur la vie. La constitution doit être démocratisée. Le racisme doit être criminalisé. Les revendications des Kurdes ne doivent pas être craints, mais protégés par un cadre juridique constitutionnel inclusif et démocratique.

Pour parler franchement, ce processus nécessite l’émergence d’une puissante dynamique sociale antiraciste en Turquie. Cela pourrait donner un véritable élan à ce problème. Car ce à quoi nous assistons aujourd’hui au Kurdistan n’est pas seulement un colonialisme classique. C’est aussi une assimilation intense (suppression de la langue kurde, interdiction des activités culturelles), une exploitation économique, une destruction écologique, une pauvreté, un traumatisme collectif et une violence militarisée et patriarcale visant les femmes et les enfants.

De nombreuses générations en Turquie ont été empoisonnées par la haine 

Bien sûr, nombre de ces propositions ne constituent que des premières étapes à grande échelle. Le véritable travail commence ensuite. L’un des piliers de la paix sociale est l’instauration de la justice : justice pour les Mères du samedi, pour les enfants tués, comme à Roboski et pour Uğur Kaymaz, pour Taybet Ana, pour les victimes de féminicides, pour celles et ceux qui ont perdu la vie à Suruç, lors du massacre de la gare d’Ankara, et bien d’autres.

D’autre part, comme vous le savez, de nombreuses générations en Turquie ont été empoisonnées par la haine, le racisme et le nationalisme extrême. La plupart d’entre elles vivent aujourd’hui une forme de paranoïa collective. Les groupes d’extrême droite comme le Parti de la Victoire agissent comme des interprètes assermentés de la haine, diffusant constamment une propagande pour entretenir la haine sociale et l’hostilité envers les Kurdes et les migrants.

Le racisme n’est toujours pas reconnu comme un crime en Turquie. Cela montre que la paix sociale doit être recherchée avec courage et que le racisme doit être constitutionnellement défini comme un crime. Ce n’est qu’à cette condition que des mesures efficaces pourront être prises contre les politiques xénophobes.

Le racisme doit désormais être traité comme une infraction pénale. Cela permettrait également à la Turquie de commencer à guérir de sa profonde mémoire d’extrême droite et ultranationaliste. (ANF)

SYRIE. Naissance du magazine kurde « Hozar »

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SYRIE / ROJAVA – Le tout nouveau magazine en langue kurde, « Hozar », couvre divers sujets sur la langue kurde, notamment les fondements du développement de la langue, sa littérature, les questions de sa diffusion et l’identification de celles et ceux ayant contribué à sa renaissance.
 
Le magazine « Hozar » publié par la Fondation de la langue kurde à Alep traite de divers sujets dans le cadre de ses efforts pour faire revivre la langue kurde, promouvoir la littérature et la culture kurdes et favoriser une culture de lecture et d’écriture parmi les jeunes.
 

Dans le but de préserver la langue kurde de l’extinction due aux campagnes de génocide culturel auxquelles elle est soumise par des régimes au pouvoir négationnistes, et d’encourager ceux qui sont intéressés à écrire dans leur langue maternelle, en particulier les jeunes, la Fondation pour la langue kurde à Alep publie un magazine imprimé.

L’initiative de publier ce magazine imprimé répond à une demande des enseignants et des étudiants kurdes qui sont engagés et zélés dans leur langue maternelle, en se basant sur leurs connaissances linguistiques et littéraires de l’histoire de l’émergence et du développement de la langue.

Magazine imprimé

Le magazine, publié par la Fondation de la langue kurde à son siège dans la partie est du quartier de Sheikh Maqsoud à Alep, couvre divers sujets sur la langue kurde, notamment les fondements du développement de la langue, sa littérature, les questions de sa diffusion et l’identification des contributeurs à sa renaissance.

Le public cible de ce magazine imprimé comprend la société civile, les intellectuels et les jeunes en particulier. L’objectif est de les sensibiliser à leur histoire, leur culture, leur identité et leur langue, considérées comme des piliers essentiels à la préservation de l’existence et de la survie.

Date de publication

Le calendrier de publication et de distribution du magazine imprimé varie en fonction des obstacles auxquels la fondation est confrontée, tels que le manque de matériel nécessaire et les retards des contributeurs à enrichir le magazine avec leurs articles et textes dans les délais impartis.

Le premier numéro du magazine a été publié en février, le deuxième en mars et le troisième numéro est toujours en cours de publication, en attendant l’achèvement des articles et leur disposition dans les pages du magazine.

Zozan Dahar, membre de la Fondation pour la langue kurde, a présenté les principaux thèmes du magazine, soulignant son objectif de revitaliser la culture de l’écriture et de la lecture dans la langue maternelle. Elle a déclaré : « Outre un bref historique de la langue, nous consacrons une section du magazine à la contribution des femmes à son développement et à sa diffusion. »

Appel à contribuer à l’enrichissement du magazine

Zozan Dahar a appelé les passionnés de la langue kurde à laisser leur empreinte sur le magazine en soumettant leurs manuscrits à l’institution qui le publie, afin de diversifier les idées présentées et de le rendre plus attrayant pour les lecteurs de toute la société.

Zozan Dahar a expliqué que la fondation publie non seulement le magazine mais surveille également son impact sur les lecteurs, en déclarant : « Lors de la distribution du magazine, nous demandons aux lecteurs s’il y a des lacunes dans l’écriture et les idées présentées, et nous demandons leurs évaluations pour corriger les erreurs et améliorer les éditions futures. »

Zozan a également souligné leur dévouement à consacrer les dernières pages du magazine à la poésie, aux histoires humoristiques, aux proverbes et à d’autres sujets divers. (ANHA)

ROJAVA. Une délégation européenne en visite à Kobanê

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SYRIE / ROJAVA – Une délégation européenne s’est rendue dans la ville kurde de Kobanê pour évaluer la situation dans la région, examiner les défis sécuritaires auxquels elle est confrontée et discuter des moyens de renforcer la coopération et le soutien humanitaire.

 

Hier, le Conseil exécutif de l’Administration du canton de l’Euphrate a reçu une délégation européenne officielle à son siège basé à Kobané. Cette visite avait pour objet discussion autour des questions politiques et humanitaires, ainsi que de l’évolution de la situation dans le canton de Kobanê.

 

La délégation comprenait :

Martin Schirdewan, député européen et coprésident du groupe de gauche au Parlement européen,

Nora Friesz Vendenburgh, assistante de Martin Schirdewan,

Philipp Degenehard, directeur adjoint de la Fondation Rosa Luxemburg,

Fayik Yağızay, Représentant du Parti démocrate auprès des institutions européennes à Strasbourg,

Sarah Glenn, conseillère de Fayik Yağızay

L’objectif de la visite était de mieux comprendre les réalités de Kobanê, son système administratif et les défis sécuritaires auxquels il est confronté, ainsi que d’explorer les moyens de renforcer la coopération et l’aide humanitaire.

La visite fait suite à une réunion entre la délégation et Hussein Othman, coprésident du Conseil exécutif de l’Administration autonome démocratique, ainsi que les adjoints de la coprésidence du conseil, au siège de l’Administration autonome dans le canton de Raqqa. (ANHA)

TURQUIE. Libération d’un membre du conseil de l’ordre du barreau d’Istanbul

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TURQUIE – Fırat Epözdemir, avocat kurde et membre du conseil de l’ordre du barreau d’Istanbul incarcéré pour « appartenance à une organisation terroriste », a été libéré hier soir. Firat Epözdemir avait été arrêté fin janvier à l’aéroport d’Istanbul à son retour d’une réunion au Conseil de l’Europe à Strasbourg.

Fırat Epözdemir à sa sortie de prison

Avocat et membre du conseil d’administration du Barreau d’Istanbul, Fırat Epözdemir a été libéré de la prison de Marmara (Silivri) où il était détenu. De nombreux avocats ont accueilli Epözdemir avec des fleurs et des applaudissements.

 

« Nous ferons de notre mieux pour tous nos amis injustement arrêtés »

 

Epözdemir a prononcé un bref discours à la sortie de la prison, soulignant qu’il continuerait la lutte. Il a déclaré : « Nous continuerons à nous battre pour que ce pays se développe en termes de démocratie, de droit et de droits humains. (…) J’ai été arrêté illégalement. Nous savons que des milliers de personnes sont détenues en Turquie, injustement et illégalement. Nous ferons de notre mieux pour tous nos amis injustement arrêtés et condamnés. Je tiens à remercier tous ceux qui nous ont soutenus jusqu’à présent. »