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Comment l’identité « xwebun » est devenue une expression des femmes et de la société kurdes ?

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Çiğdem Doğu est membre du conseil exécutif du KJK (Komelen Jinen Kurdistan, communauté des femmes du Kurdistan). L’Académie de la modernité démocratique a réalisé cet entretien avec elle il y a quelque temps. Nous la publions pour sa pertinence.
 
En tant que KJK, nous avons une longue histoire de lutte. Le corps et l’esprit de cette lutte ont pris vie avec les principes du PAJK (Partiya Azadiya Jinen Kurdistane, Parti des femmes libres du Kurdistan). Comment évaluez-vous ces principes ? Et peut-on parler de lutte pour le « xwebun » [mot kurde signifiant « être soi-même »] ?
 

 

Nous avons cinquante ans d’histoire depuis que la martyre Sakine Cansız [féministe kurde abattue à Paris le 9 janvier 2023 avec deux autres militantes kurdes] a rejoint le PKK, trente-sept ans depuis la création de notre première organisation de femmes YJWK (Union patriotique des femmes du Kurdistan), trente et un ans depuis la création de notre première armée de femmes, vingt-cinq ans depuis la première initiative de notre parti de femmes, et dix-neuf ans depuis notre transition vers le système confédéral avec le KJK. L’identité et l’approche des femmes libres créées par Sakine Cansız, qui ont rencontré la ligne de Reber Apo (nom utilisé pour Abdullah Öcalan au sein du Mouvement pour la liberté du peuple kurde) dans le PKK, ont déterminé notre histoire de la lutte des femmes pour la liberté. C’est pourquoi, pour reprendre les mots de Reber Apo, notre lutte pour la libération des femmes est la voie, le combat et l’identité de la camarade Sakine Cansız. La marche pour la liberté des femmes au Kurdistan a toujours été marquée par la vie de lutte et d’amour pour l’humanité de Sakine Cansız. C’est d’elle que nous avons appris la vérité sur le fait de devenir soi-même ; sa personnalité combative qui n’a jamais cédé au fascisme, au colonialisme ou à la domination masculine, ainsi que son immense amour pour la camaraderie, l’humanité et la féminité libre, et sa modestie, nous ont guidées et nous ont donné la force et la détermination de marcher sur ce chemin. C’est pourquoi, à tous les moments décisifs de notre lutte pour la libération des femmes, nous rencontrons la vérité de la réalisation de Sakine, de ses expériences et de son héritage – sa trace.

Notre système confédéral démocratique pour les femmes du Kurdistan est né de la lutte pour devenir soi-même. Il a été développé à grands frais. Des dizaines de milliers de nos camarades féminines ont versé du sang et de la sueur pour cette cause, et ont révélé leur identité de femmes libres après avoir lutté contre une immense adversité. Les femmes kurdes n’ont pas théorisé la réalité de devenir soi-même en s’asseyant à une table. Au milieu de la guerre, dans les cellules des prisons, dans les rues, au sein de la famille, à l’école, au travail, partout où elles existent – elles l’ont vécue et théorisée avec un esprit collectif, un cœur collectif, une organisation et une lutte collectives – en payant un prix à chaque étape. L’idéologie de la libération des femmes et de l’esprit de parti des femmes a émergé de ces expériences et de cet héritage, révélant les principes sur lesquels la réalité du devenir de soi devrait être construite. La lutte pour la libération des femmes a été menée conformément aux cinq principes du PAJK (Parti de la liberté des femmes du Kurdistan) et à son idéologie de libération des femmes : l’amour de la patrie, la libre pensée et le libre arbitre, la lutte, l’organisation et l’éthique-esthétique, qui visent tous à instiller une conscience de soi chez les femmes individuellement et dans l’ensemble du genre féminin. Cette lutte a traversé différentes époques et phases et a atteint le stade de l’établissement de l’autonomie des femmes dans la société. Une telle lutte ne peut être envisagée indépendamment de la vérité du devenir soi-même.

1) Comment pensez-vous que l’identité « xwebun » est devenue une expression des femmes et de la société kurdes ?
Imaginez que vous existez dans une réalité sociale, culturelle et nationale qui a été pionnière dans le développement de l’histoire humaine, mais que vous n’avez pas de nom, pas de langue et pas de pays. Pourtant, vous existez depuis des milliers d’années. Vous êtes la femme d’un pays sans nom qui a été colonisé en étant déchiré. Femmes sans identité d’un pays sans identité. La femme kurde a vécu une réalité dans laquelle les États colonisateurs l’ont emprisonnée au sein de la famille et ont assigné la masculinité kurde colonisée comme gardien. Elle se trouvait dans une situation où le pouvoir colonial et le pouvoir dominé par les hommes usurpaient conjointement sa volonté, et elle était doublement désidentifiée. Cette profonde contradiction vécue par les femmes kurdes a également apporté avec elle un grand potentiel et une quête de liberté.
En fait, il est très frappant de constater que lorsque le PKK a commencé à émerger sur le terrain au Kurdistan, les mères et les jeunes femmes l’ont adopté sans hésiter et ont commencé à voir et à sentir leur propre existence et leur propre avenir se refléter en lui. L’État turc fasciste ne tolérait même pas d’entendre le mot « kurde » ; son seul réflexe contre le phénomène et le concept de kurdité était – et est toujours – le massacre, l’oppression et la violence. Par conséquent, parler de kurdité à cette époque signifiait faire face à l’oppression la plus sévère, et il fallait beaucoup de courage, en particulier aux femmes, pour s’engager dans une telle prise de conscience et tenter de se battre pour la cause. C’est dans ce contexte que Sakine Cansız a pris les devants et donné un exemple courageux et conscient de la participation des femmes et des mères.
Les femmes ont commencé à se retrouver dans la réalité du PKK. Jusqu’au troisième congrès du PKK en 1986, aucune évaluation spécifique ou organisation de femmes n’a été formulée. D’une manière générale, l’approche théorique ne dépassait guère le cadre tracé par le socialisme réel. Cependant, l’approche pratique de Reber Apo consistait à impliquer les femmes sans hésitation dans tout travail et à développer des sites d’organisation plus originaux pour renforcer l’implication et le développement des femmes. Le troisième congrès, la formation d’une organisation de femmes appelée YJWK en 1987, et le développement d’une analyse des femmes et de la famille au Kurdistan à la même époque, ont marqué un tournant dans notre lutte des femmes. Le processus qui a suivi s’est développé pas à pas.
Les femmes ont évolué vers une organisation plus authentique et plus autonome, tant dans la guérilla que dans la société, devenant plus compétentes à chaque étape.
Notre lutte des femmes est devenue l’armée des femmes, l’organisation des femmes, l’idéologie de libération des femmes, le parti des femmes et le confédéralisme démocratique des femmes sous la forme d’une organisation spécifique et autonome dans le cadre de l’organisation générale. En 2008, ce processus a culminé avec la conceptualisation par Reber Apo du « Jineoloji » en tant que science des femmes. Tous ces processus, que nous avons brièvement résumés, ont permis aux femmes du Kurdistan de se reconnaître, de se découvrir et de se réaliser. En d’autres termes, dans notre lutte, les femmes ont progressé et continuent de progresser sur la voie du devenir, de la réalisation de soi, avec leur autodéfense, leur organisation, leur lutte, leur amour et leur défense de la patrie, le pouvoir de penser librement et de produire des politiques, et leur conscience. Bien entendu, cette lutte se poursuivra tant que le système et les individus dominés par les hommes existeront. Elle se poursuivra jusqu’à ce que toutes les femmes et la société au Kurdistan, au Moyen-Orient et dans le monde soient libérées.

La révolution des femmes qui a lieu aujourd’hui au Rojava est la manifestation la plus concrète et la plus visible dans la sphère sociale de la lutte pour devenir soi-même. Ici, le projet de nation démocratique et le mode d’organisation confédéral démocratique prennent vie en tant que démocratie directe. Et dans ce système, les femmes s’efforcent d’occuper un espace dans tous les domaines de la vie. Par la co-présidence, par la représentation égale du pouvoir, les femmes s’articulent et mettent en œuvre le pouvoir de décision dans tous les domaines de la vie, tout en développant leur organisation unique et autonome au sein de la société. De l’économie à la santé, en passant par l’éducation, l’écologie, la justice et l’autodéfense, les femmes jouent un rôle qui renforce et démocratise à la fois leur sexe et la société dans son ensemble. Actuellement, les candidats sont sélectionnés et les préparatifs sont en cours pour les élections municipales qui auront lieu en mai. Bien que Kongra Star participe à ces élections municipales en alliance avec le PYD, il détermine ses candidats par le biais d’élections primaires. Les femmes choisissent elles-mêmes les candidates aux élections primaires, ce qui constitue un exemple et un modèle très importants. Les femmes choisissent leurs propres candidates au poste de co-maire, tout en élisant les co-maires, ce qui favorisera l’auto-gouvernance. Elles sont choisies sur la base de principes et de critères féminins.
La réalité du devenir soi-même qui a émergé pour la femme kurde est l’acquisition d’un sens et d’une identité avec sa propre organisation unique et autonome. Cette identité se défend et se nourrit de la lutte, et surtout, elle est utilisée pour établir une vie libre. Il ne s’agit pas seulement d’un concept théorique, philosophique et idéologique, mais d’une réalité vécue de la manière la plus significative et la plus belle qui soit.

2) Comment évaluez-vous l’identité de Xwebun et ses liens avec la philosophie « Jin, Jiyan, Azadi » ?
La philosophie « Jin, Jiyan, Azadi », dans laquelle les phénomènes de la vie, des femmes et de la liberté sont considérés de manière holistique, nécessite une compréhension profonde. Après l’exécution de Jîna Emini par le régime iranien, ces mots ont trouvé un écho universel, dans la vague de lutte qui a balayé le monde. Ils sont devenus notre voix commune, notre parole. Par la profondeur de son sens et de son pouvoir libérateur, parce qu’elle a touché des femmes et des hommes en quête de liberté, parce qu’elle a passionné les consciences et les cœurs, elle a fait le tour du monde.
Pendant des années, nous avons scandé le slogan « Jin, Jiyan, Azadi » sur les sommets des montagnes et dans les zones de guérilla, et nous avons béni notre lutte avec ces mots pleins de sens. Avec la révolution du Rojava, puis l’assassinat de Jîna Emini à Rojhilat (Kurdistan oriental), ce slogan a commencé à se déverser comme un flot, brisant tous les barrages et se déversant en cascade sur un terrain plus vaste. Car il s’agissait des mots et de la voix de la liberté, de l’amour véritable, de ceux qui voulaient surmonter toutes les faussetés et les artifices, et atteindre la vérité. Elles ont été filtrées par un processus de lutte sur le terrain au Kurdistan qu’il est très difficile d’expliquer et de décrire. Cette philosophie s’est manifestée et a fleuri dans les montagnes, dans les rues, dans les prisons, dans les cris des femmes et des enfants des villages évacués, dans les « serhildans » (soulèvements), dans le cri de guerre de Beritan au bord de la falaise, dans l’esprit de Zilan sur la place de Dersim, dans les dernières paroles de milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes. De plus, cette énergie ne pouvait pas se contenir, elle ne pouvait pas s’arrêter à ses frontières – elle a commencé à déferler au-delà de ses limites vers de nouvelles terres pour former de nouvelles synergies. Ce déluge continue de s’écouler de la manière la plus précieuse qui soit.
Parce que cette philosophie exprime l’être, ou Xwebun, au Kurdistan, Xwebun est aussi l’autre, l’autre avec son pouvoir de relation sociale, sa communalité. Par conséquent, en devenant Xwebun, Xwebun atteint une dialectique qui rencontre l’autre, se complète avec la volonté de l’autre, se recrée, dans un processus constant de création. Si Reber Apo a décrit l’homme comme le dieu incomplet, il a également décrit le dieu comme l’homme achevé. L’être humain incomplet veut toujours se compléter ; ce qu’il cherche en réalité, c’est à le faire avec la vie, la société, les êtres humains, la nature, les femmes et les hommes, avec leur libre arbitre. La dialectique de la « Xwebunisation » suscite ce sentiment et cette conscience chez l’être humain, et en même temps, ce sentiment et cette conscience font progresser la recherche de l’organisation et de la lutte pour vouloir. Elle incite au sentiment de lutte contre cette réalité qui détruit la volonté, qui opprime, exploite, falsifie, déforme et dissimule la liberté et la vérité. Cet étatisme et ses armes tuent ma capacité à devenir moi-même et mon processus de Xwebun avec mon identité nationale, de genre, religieuse, culturelle, linguistique et sociale. Si le principal obstacle qui m’empêche d’être moi-même est constitué par les forces du pouvoir, ennemies de la vie et de la liberté, alors la première chose que je dois faire est de lutter contre cet obstacle. C’est là que la réalité des femmes, sujet fondamental de la vie et de la liberté, prend tout son sens. Car la vie, la volonté, la liberté et la nature intrinsèque ont été décimées en détruisant d’abord les femmes. Une vie sans femmes n’a pas de sens, pas de liberté, pas de naturel, pas de beauté, pas de simplicité.

Par conséquent, pour donner un sens à la vie, pour être librement soi-même, pour devenir soi-même, il est nécessaire de lutter pour la vie et la liberté en plaçant la liberté et la lutte des femmes au centre. Cette nécessité s’applique en premier lieu aux femmes, mais les hommes se retrouveront également dans cette position. La vie sera belle et pleine de sens lorsque la société développera la dialectique de la relation libre et pleine de sens entre les sexes avec l’actualisation et la libération des identités des femmes et des hommes. Je voudrais souligner, une fois de plus, que pour être capable de cela, il faut une grande détermination à lutter, à s’organiser, un amour pour l’humanité ; boire le sirop doux et réel de la société – l’humanité, et non le sirop empoisonné des pouvoirs en place. Sa beauté réside dans l’expérience de ce que l’on ressent lorsqu’on développe la force, le courage et la conscience de dépasser les limites qui nous sont imposées. Pour reprendre les mots de Reber Apo, elle se cache dans le risque d’un « combat digne de Prométhée », dans le fait de cultiver le courage de marcher au bord des falaises, dans le pouvoir de transformer le combat en amour et l’amour en combat. Ce n’est pas avec la baguette magique des contes de fées, mais avec l’amour de la lutte, avec la dialectique « hebun-zanabun-xwebun » (exister, connaître et devenir soi-même), que nous pouvons vaincre la vie « séductrice » empoisonnée des pouvoirs, la modernité capitaliste, et réaliser la construction de femmes libres, d’hommes libres, d’une société libre, et développer notre relation symbiotique avec la nature déjà libre. Nous pouvons créer de nouvelles synergies.

3) Est-il possible de créer un individu libre, une femme libre et une société libre sans l’identité « xwebun » ?
Être naturel, c’est-à-dire être vraiment soi-même, est une caractéristique existentielle très importante de chaque être dans la nature, de chaque créature vivante ainsi que des êtres humains, hommes et femmes. Dans le règne végétal et animal, il n’y a pas de problème d’être soi-même, de « xwebun ». Ils n’ont pas été corrompus par l’intelligence analytique fictionnelle dominante – bien que leur existence soit menacée par ses effets. Certaines espèces sont en voie d’extinction, mais à l’exception de certains animaux surdomestiqués, elles ne sont pas éloignées de leur propre structure existentielle, ni dégradées, ni assimilées.
Dans la structure de la société humaine qui n’est ni hégémonique ni dominée par la masculinité, cette dégradation n’existe pas ; la socialité est le moi, qui préserve et développe sa naturalité avec sa structure morale et politique. D’ailleurs, les vestiges du néolithique nous disent clairement que la structure initiale de la société préservait cette naturalité. Tous ces vestiges, bien que dans des géographies différentes, montrent que la structure sociale naturelle ne présente pas les caractéristiques de l’exploitation, du pouvoir, des guerres perpétuelles, de la domination comme de l’oppression, ou de l’inégalité. Ils montrent également que les relations entre les hommes et les femmes ne sont pas caractérisées par la domination, la violence, l’inégalité et le manque de liberté. Nous comprenons que ces sociétés et les individus qui y vivent sont eux-mêmes dans toute leur naturalité, ils sont en « xwebun ». C’est-à-dire que le caractère premier de l’homme et de la société a une structure morale et politique, et avec cette structure, il est lui-même, il n’y a pas de déformation ou de dégradation. La socialité, et la continuation de l’existence physique et de la structure métaphysique de l’individu au sein de cette socialité, est également liée à ce caractère.

Avec le système de domination masculine vieux de cinq mille ans, ce caractère naturel s’est détérioré et a commencé à disparaître. Si l’on considère que pendant cinq mille ans, les histoires de la civilisation démocratique et de la civilisation hégémonique ont continué à s’écouler comme les deux fourches d’un fleuve, on constate que les forces de la civilisation démocratique ont tenté de préserver leur structure originale d’une part, et qu’elles ont souffert d’autre part d’une détérioration. Cependant, nous savons très bien, grâce à l’héritage de la résistance libératrice et morale qui nous a été légué, qu’il n’y a pas eu de destruction totale ou de capitulation totale face aux forces de la civilisation hégémonique dominante.
Bien que les forces de la modernité capitaliste insistent pour détruire cet héritage, et qu’elles attaquent les femmes, les peuples et les opprimés, elles ne peuvent pas être détruites et ne le seront pas. L’énergie de la résistance, comme toutes les énergies, est indestructible. Le fleuve de la civilisation démocratique nous a portés et continue de nous porter dans l’esprit de la vie, de la liberté, du courage et de la résistance. C’est pourquoi les femmes, les peuples et les groupes opprimés, en tant que forces de la modernité démocratique, agissent dans toutes les régions du monde contre les forces de la modernité capitaliste.
À notre époque en particulier, les forces de la modernité capitaliste attaquent en détruisant les vérités qui font de l’homme un être humain, de la société une société, et même de la nature une nature, sans reconnaître aucune limite ni aucune mesure. Elles tentent d’ôter à l’homme son caractère humain, à la société son caractère social, à la nature son caractère naturel et à la vie son caractère vital. Elle sépare les femmes et les hommes de leur propre nature. Elle tente de les soustraire à leur identité humaine. La première nécessité est de retrouver notre nature sociale et humaine, et pour cela, il faut vaincre le système capitaliste, ses politiques, ses méthodes d’attaque étatiques et non étatiques, sa structure idéologique qui déforme la vérité et nous sépare effectivement de notre nature, et développer des alternatives.

Comment construire une vie digne d’être vécue, une vie libre, si nous ne pouvons pas analyser ce que ce système capitaliste – le système masculin hégémonique – nous a fait perdre ? Comment il nous trompe et comment il construit la réalité d’une vie et de relations fausses ? Comment pouvons-nous être nous-mêmes si nous ne pouvons pas nous développer en tant qu’êtres humains significatifs, en tant que femmes et hommes significatifs qui cherchent une vie significative, avec sa dynamique organisée et combative ? Comment pouvons-nous rencontrer notre vérité, la vérité de devenir nous-mêmes ? C’est pourquoi, comme vous l’avez dit dans votre question, la construction de femmes libres, d’hommes libres et d’une société libre ne peut se faire sans la recherche de soi-même. Et on ne peut être soi-même sans lutter pour construire des femmes libres, des hommes libres et une société libre. Dans le monde d’aujourd’hui, où sonne le glas, la lutte pour sauver l’humanité, la nature, les femmes et les hommes n’est possible qu’en affrontant la réalité du système capitaliste, qui répand le poison et la mort, qui enfante la violence à chaque instant, et en atteignant le divorce éternel d’avec lui.
Si l’on se place du point de vue des femmes, il faut voir le poison enivrant que le système leur offre comme un sirop sucré sous le couvert de la liberté et de l’égalité, le vomir et s’en détacher. Remettre en question, sous tous ses aspects, le système hégémonique masculin et les individus masculins qui sont devenus les serviteurs de ce système, reconnaître les obscurcissements et les astuces qui créent l’illusion de la liberté : la rupture avec la domination masculine est la base de la lutte pour devenir soi-même. La réalité des femmes qui se trouvent et se recréent, qui peuvent être elles-mêmes, peut développer le pouvoir de transformer à la fois la société et les hommes à partir du pouvoir de changement qu’elles créent en elles-mêmes. Elle peut élargir la capacité et les valeurs de la vie en commun et ouvrir la voie à des individus et des relations libres. En intensifiant cette lutte, l’espace du système masculin hégémonique, le système capitaliste, se réduira – et la capacité d’une vie libre, de femmes libres et d’hommes libres s’élargira. Les révolutions de notre époque doivent se développer de cette manière. C’est pourquoi il est très important que chaque personne qui s’oppose à ce système et cherche à s’émanciper développe la lutte et élargisse les espaces de liberté où et quand elle se trouve. Plus chaque personne augmentera sa propre lutte pour devenir elle-même, plus la domination masculine et le système dominant régresseront et s’effondreront.

4) Comment l’identité « xwebun » peut-elle créer des liens entre les femmes en termes d’internationalisme ? Et quel est votre appel aux forces opposées au système à cet égard ?
A notre époque, nous constatons qu’une lutte qui se développe localement peut rapidement devenir universelle, entraînant des effets régionaux et mondiaux. Nous l’avons vu clairement, en particulier dans la lutte des femmes qui se développe, dans les mobilisations, dans la convergence rapide des slogans et des résultats. La lutte des femmes se trouve et s’affecte mutuellement, que nous nous reconnaissions physiquement ou non. La résistance des femmes débouche rapidement sur une énergie et une synergie collectives. Il est à noter que pendant les périodes où la lutte des femmes s’intensifie et se radicalise, le système masculin dominant met en œuvre ses stratégies et tactiques, et l’intensité de la lutte est dispersée et interrompue. Alors que la période précédant la pandémie de coronavirus a été une période où la lutte des femmes s’est radicalisée et a atteint son apogée dans un sens universel, la pandémie a créé une atmosphère dans laquelle tout le monde était confiné à la maison, où tous les types de relations étaient menacés de mort par le virus, et l’organisation des femmes a régressé. Le confinement de toutes les femmes à la maison a intensifié la violence masculine et créé une situation où l’autorité et le contrôle de l’État sont devenus totalement dominants. Après la pandémie, il y a eu une discontinuité dans l’activisme des mouvements de femmes. Il y a eu une pause dans la coopération.
En tant que femmes, ce qui fera notre force, c’est de créer la possibilité de nous unir avec des femmes de toutes les cultures, de toutes les croyances, de toutes les langues, sur la base de notre identité, en réalisant le « xwebun ». Au fur et à mesure que l’identité féminine qui émerge dans son propre espace, dans sa propre localité, rencontre d’autres identités féminines, d’autres femmes qui luttent pour devenir elles-mêmes, en luttant pour cette véritable identité unique, en la développant et en la renforçant, notre pouvoir s’accroîtra. De cette manière, nous devons développer un terrain où chaque mouvement de femme à femme peut à la fois préserver son identité et se rencontrer dans l’identité d’une organisation de femmes plus large. Ce n’est qu’en développant une telle organisation que nous pourrons résister à la domination mondiale du système hégémonique masculin, à ses politiques et à ses guerres, et développer nos alternatives. Et nous soutenons que cela doit prendre la forme d’une organisation confédérale démocratique de femmes. Plus nous pourrons intégrer les organisations de femmes dans un lien confédéral démocratique, plus notre réseau de relations et notre organisation se développeront. Si nous pouvons développer le système d’autogestion des femmes, les communes de femmes, les assemblées de femmes, les académies de femmes et les économies communales dans les zones géographiques où nous vivons, et si nous pouvons élever ce pouvoir d’organisation confédéral vers l’unité régionale et mondiale, alors nous aurons plus de succès. Une réalité féminine qui ne peut pas se gouverner elle-même, qui ne peut pas développer son propre système de vie, d’économie, de santé, d’éducation, de droit, de médias, de culture, d’art, de science et de foi, ne peut pas survivre à la violence de la masculinité hégémonique et aux massacres qui sont mis en œuvre sous différentes formes. Elle fait toujours l’expérience d’un état de victimisation, d’être toujours une victime. Dans la mesure où nous l’emportons sur ce qui nous rend impuissants et sans défense, sur ce qui nous rend prisonniers de ce système, nous pouvons créer notre propre alternative et construire une vie libre, des femmes libres et des hommes libres avec la compréhension de l’organisation confédérale démocratique.

Mon appel est basé sur la rencontre avec toutes les femmes camarades dans ce modèle d’organisation qui unira et augmentera notre pouvoir. Se renforcer dans notre propre localité – par le biais du style d’organisation confédéral démocratique – et s’intégrer aux femmes d’autres régions géographiques par le biais du style d’organisation confédéral démocratique pourrait être la principale approche pour nous sauver de l’apocalypse de notre époque. Discuter davantage de cette question, la mettre à l’ordre du jour et prendre des mesures concrètes sera très important pour amplifier l’héritage de la résistance des femmes et le transmettre aux générations futures.
Réaliser le « xwebun », c’est être soi-même, être un camarade des femmes, être en harmonie avec sa société, son identité et une vie libre. C’est vivre dans l’instant avec l’histoire et l’avenir, avec la combativité et la production qui s’entremêlent à chaque instant vers une vie libre. C’est notre obligation humaine de tisser l’amour des femmes dans les plus beaux motifs avec la camaraderie des femmes, de l’imprégner et de l’animer avec les plus belles couleurs de la vie. Que nous nous connaissions ou non, je salue avec amour et respect toutes mes camarades femmes dont le cœur bat pour la liberté et pour être elles-mêmes, et je souhaite le succès aux femmes dans leur quête de victoire.

* *Sakine Cansiz militante kurde de nationalité turque, et l’une des fondatrices du parti des travailleurs du Kurdistan ( PKK) , assassinée à Paris le 10 janvier 2013  avec deux autres militantes kurdes : Fidan Doğan et Leyla Söylemez , crime politique impliquant les services secrets turcs (MIT), la France n’a toujours pas fait la lumière sur cette affaire, privilégiant ses intérêts étatiques d’avec le régime turc…

Via Berxwedan Enternasyonal

En Inde, les femmes sont descendues dans la rue avec le slogan « Jin, Jiyan, Azadi »

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FEMINICIDE – Pour protester contre le meurtre et le viol d’une femme médecin dans un hôpital de Calcutta, des femmes indiennes ont manifesté derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire « Jin, Jiyan, Azadî » (célèbre slogan kurde signifiant « femme, vie, liberté »).

Une femme médecin a été violée et assassinée le 9 août à Calcutta, au Bengale occidental, en Inde. Des femmes sont descendues dans la rue dans de nombreuses régions du pays. Les femmes se sont tenues par la main et ont scandé « Nous voulons la justice » lors de différentes manifestations près des universités, des salles de théâtre et des gares routières. « Jamais auparavant nous n’avions vu un tel rassemblement de femmes défiler la nuit dans la ville », ont déclaré des journalistes travaillant dans la région.

Depuis le meurtre, les femmes organisent des manifestations pour « reprendre possession de la nuit » dans tout le pays. Le huitième jour de manifestations, des milliers de femmes ont crié « justice » dans les rues et ont porté la banderole « Jin, Jiyan, Azadî ».

Des manifestations ont également été organisées dans d’autres villes comme Delhi, Hyderabad, Bombay et Pune. Des affrontements ont parfois eu lieu entre manifestants et policiers, qui ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants.

La police a arrêté une bénévole travaillant à l’hôpital suite à ce viol. Cependant, à la suite d’accusations de dissimulation et de négligence, l’affaire a été transférée de la police locale au Bureau central d’enquête.

Bruxelles accueille la 8e Semaine culturelle du Kurdistan

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La 8e édition de la Semaine culturelle du Kurdistan se déroule à Bruxelles du 15 au 18 août. Les festivités mettent en valeur la diversité et la richesse du patrimoine du peuple kurde, avec des stands de restauration, des concerts, des spectacles de danse, des projections de films et des stands d’information.

La 8e édition de la Semaine culturelle du Kurdistan se déroule à Bruxelles du 15 au 18 août. Les festivités ont débuté le 15 août par une marche folklorique animée dans les rues de Bruxelles, où des centaines de Kurdes ont présenté leurs costumes traditionnels et exécuté des danses traditionnelles kurdes, accompagnées de musique kurde énergique.

La célèbre ronde kurde (govend ou halay) dansée par une foule portant des costumes traditionnels kurdes 
Place de l’Espagne
Danseurs kurdes

Des artistes kurdes de différentes régions du Kurdistan sont montés sur scène pour interpréter leurs chansons et ont reçu le soutien enthousiaste des Bruxellois, dont beaucoup ont manifesté leur intérêt pour la culture kurde et ont même tenté de se joindre aux danses kurdes qui étaient appréciées partout sur la place du festival.

Le programme du festival comprenait également la projection du film « Berbû », produit par Sevinaz Evdike au Rojava (nord et est de la Syrie) en 2022 et qui raconte l’histoire du destin d’une jeune femme pendant la guerre à Ras al-Ayn (Serê Kaniyê).

Différents éléments de la culture kurde ont été présentés aux visiteurs sur un stand d’information où, par exemple, des berceaux kurdes pour enfants – « dergûş » en kurde – étaient exposés et où les gens avaient l’occasion de déguster une tasse de thé kurde çay fraîchement préparé et des plats kurdes chauds.

Une prestation d’une chorale d’enfants a attiré l’attention de nombreux spectateurs, les enfants montrant leur attachement à leur culture et affichant fièrement leur origine kurde. La musique est une part importante de la culture kurde, symbolisant la résistance active du peuple kurde contre les politiques d’assimilation comme celles en Turquie ou en Syrie, où la langue et la culture kurdes sont fortement réprimées.

Le festival se poursuivra jusqu’au 18 août, avec de nombreuses autres performances d’artistes kurdes de renom et un large public présent. (Medya News)

IRAN. Une femme sans voile abattue par la police est entre la vie et la mort

IRAN – Malgré les protestations massives provoquées par le meurtre barbare de Jina Mahsa Amini par la police des mœurs en 2022 pour un voile non conforme à la charia, les femmes d’Iran continuent de mourir en Iran car elles ne respectent pas la loi sur le port obligatoire du hijab. L’état de santé d’Arezou Badri, une femme abattue par la police parce qu’elle ne portait pas le hijab, serait critique.
 
En Iran, les femmes continuent d’être confrontées à de graves violences de la part des forces de police parce qu’elles ne portent pas le hijab obligatoire.
 
Arezou Badri, une mère de deux enfants âgée de 31 ans et vendeuse, a été abattue par des policiers le soir du 22 juillet à Noor City, dans la province de Mazandaran. Après avoir terminé sa journée de travail, la voiture d’Arezou a été arrêtée par la police, qui a ouvert le feu, la touchant dans le dos. Le coup de feu l’a laissée paralysée et a gravement endommagé ses poumons. Malgré deux opérations chirurgicales, Arezou reste dans un état critique, et les spécialistes préviennent que ses chances de retrouver la capacité de marcher sont minces.
 
La voiture dans laquelle se trouvait Arezou avait déjà fait l’objet d’un « ordre de confiscation » en raison de son non-respect de la loi sur le port obligatoire du hijab.
 
Après l’incident, la police iranienne a confirmé la fusillade, mais a nié que le hijab soit la raison de l’arrêt de la voiture, liant plutôt l’incident à un vol présumé.
 
Un membre de la famille d’Arezou a déclaré à Farsi Independent : « Les autorités militaires et de sécurité continuent de mentir avec une arrogance totale, affirmant que la fusillade n’était pas liée au hijab mais s’est produite parce qu’elle fuyait un poste de contrôle de police. C’est faux. Après qu’Arezou et son amie ont ignoré un avertissement concernant le port du hijab, les officiers les ont poursuivies et ont ouvert le feu sur la voiture et ses passagers. »
 
Selon une organisation de défense des droits de l’homme, la famille subit de fortes pressions de la part des agences de sécurité pour fournir une « confession forcée » sur les médias gouvernementaux sur ce qui s’est passé.
 
Amnesty International a demandé une enquête approfondie sur la fusillade d’Arezou Badri et a remis en question les déclarations de la police sur les causes de l’incident. L’organisation a souligné que la fusillade d’Arezou Badri met en évidence la nécessité urgente d’abolir les lois sur le port obligatoire du hijab et de mettre un terme à l’impunité dont jouissent les responsables de leur application.
 
Des rapports en provenance d’Iran indiquent une augmentation significative de la présence policière et des voitures de patrouille depuis l’élection de Masoud Pezeshkian à la présidence de l’Iran. Ce renforcement aurait pour but de réprimer les femmes qui s’opposent au port obligatoire du hijab. Iskandar Momeni, le ministre de l’Intérieur choisi par Pezeshkian, est un fervent partisan du port obligatoire du hijab et de mesures sévères contre celles qui défient la République islamique.
 
Depuis le soulèvement « Jin, Jiyan, Azadi » (Femme, Vie, Liberté) provoqué par le meurtre de Jina Amini, une jeune Kurde de 22 ans, de 2022, de nombreuses femmes ont été tuées par la police parce qu’elles ne portaient pas le hijab obligatoire. Parmi les cas emblématiques figurent Armita Garavand à Téhéran, ainsi que Negar Karimian et Anahita Amirpour dans la province du Lorestan. (Medya News)

TURQUIE. Un député d’Erdogan blesse une députée kurde à l’Assemblée

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TURQUIE – Ahmet Şık, qui s’exprimait lors de la séance extraordinaire organisée pour discuter du cas du député Can Atalay, a été attaqué par le député de l’AKP Alpay Özalan. Une députée kurde a été blessée lors de la bagarre.

L’Assemblée générale du Parlement s’est réunie suite à l’appel extraordinaire lancé par les partis d’opposition en faveur du député Can Atalay, emprisonné et démis de son mandat d’élu. Les coprésidents du Parti de la démocratie et de l’égalité des peuples (Parti DEM), Tuncer Bakırhan et Tülay Hatimoğulları, ainsi que le président du CHP, Özgür Özel, ont assisté à la réunion du conseil d’administration.

Bekir Bozdağ, qui dirige le Parlement, a donné la parole à Ahmet Şık du Parti des travailleurs turcs (TİP). S’exprimant à la tribune du Parlement, Şık a réagi durement aux membres de l’AKP en disant : « Nous ne sommes pas surpris que vous traitiez Can Atalay de terroriste parce que vous traitez de « terroriste » tous ceux qui ne sont pas de vous bord. »

Suite à ces paroles, le vice-président du Parlement Bekir Bozdağ a levé l’assemblée. Şık a repris la parole après la pause et a utilisé à nouveau les mêmes expressions. Sur ce, le Parlement a été de nouveau ajourné.

Une députée kurde devient victime collatérale de l’attaque 

Pendant ce temps, le membre de l’AKP, Alpay Özalan, a attaqué Şık. Lors de l’attaque des membres de l’AKP, le poing d’Özalan a frappé la vice-présidente du groupe du parti DEM, Gülistan Kılıç Koçyiğit. Le sourcil de Koçyiğit a été fendu lors de l’attaque.

KURDISTAN. En 33 ans, 425 civils tués par les opérations militaires turques et iraniennes

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IRAK / KURDISTAN – En 33 ans, les opérations militaires turques et iraniennes ont coûté la vie à 425 civils dans la région kurde d’Irak selon les données recueillies par l’ONG Community Peacemaker Teams Iraqi Kurdistan (CPTIK). Les attaques turco-iraniennes ont également fait des centaines de blessés et provoqué le dépeuplement de centaines de villages du Kurdistan irakien.

CPTIK a publié un rapport documentant les victimes civiles des opérations militaires turques et iraniennes de 1991 à 2024.

Depuis les années 1980, précise l’introduction, « la Turquie et l’Iran ont mené des opérations militaires dans le nord de l’Irak, visant prétendument divers groupes armés d’opposition non étatiques kurdes, tels que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et ses groupes armés affiliés, ainsi que le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDK-I). Ce rapport se concentre sur les impacts civils depuis la création du territoire semi-autonome du Kurdistan irakien en 1991. »

Ce rapport « rassemble, documente et vérifie les dommages immédiats causés à la population civile – morts et blessés – par les opérations militaires turques et iraniennes au Kurdistan irakien, ainsi que l’impact plus large sur la vie civile. Les vastes opérations militaires menées par les forces militaires turques et iraniennes ont entraîné des déplacements forcés, des dommages environnementaux, la destruction d’infrastructures civiles et des difficultés socio-économiques. »

CPTIK a déclaré : « Les pertes surviennent principalement lors d’un large éventail d’activités civiles, notamment la création de revenus (comme l’agriculture, l’élevage, la cueillette, l’entreprenariat de subsistance, etc.), les loisirs (visites communautaires et familiales, célébrations, pique-niques, tourisme), ou simplement le fait d’être à la maison. En conséquence, depuis 1991, les opérations militaires turques et iraniennes ont causé 845 victimes civiles (425 tués et 420 blessés), 15 victimes non belligérantes (10 tués et 5 blessés) et 8 victimes non combattantes (8 tués) au Kurdistan irakien. »

ROJAVA. Un Kurde réalise son rêve en transformant le vent en électricité

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SYRIE / ROJAVA – Alan Haj Ali, un jeune Kurde de 32 ans, a consacré plus de quatre ans à la construction d’une éolienne, poussé par une détermination sans faille malgré la pénurie de matériaux dans sa région.

En utilisant un mélange d’outils et de composants simples qu’il a mis des mois à acquérir, Haj Ali a développé une éolienne pour produire de l’électricité pour sa maison.

Habitant à Qamishlo, dans le nord-est de la Syrie, Haj Ali s’efforce d’exploiter l’énergie éolienne pour fournir une source d’énergie durable. Aujourd’hui encore, il continue de perfectionner et d’améliorer son éolienne.

Alan Haj Ali

A l’entrée ouest de Qamishli, près du quartier d’Hilaliya, on repère facilement sa création : des tonneaux à moitié coupés montés sur une tige métallique, tournant régulièrement au gré du vent.

La passion d’inventer

Haj Ali, père dévoué de trois enfants, attribue sa passion pour l’invention à la conception d’un appareil permettant de produire de l’électricité. Son amour profond pour la création de quelque chose de nouveau et d’unique a alimenté son ambition.

Dans une interview avec North Press, Haj Ali a raconté son voyage lorsqu’il étudiait la géologie à l’Université d’Alep en 2011. Cependant, lorsque la guerre en Syrie a commencé, il a dû partir et retourner à Qamishli.

Actuellement, Haj Ali s’occupe d’installer des panneaux solaires, des caméras de surveillance et des réseaux Internet. Pendant le premier confinement dû au COVID-19 en 2020, il s’est retrouvé à passer beaucoup de temps en ligne, ce qui lui a donné l’idée de concevoir une éolienne pour convertir l’énergie éolienne en électricité.

Haj Ali a commencé par esquisser et concevoir le moteur sur papier, en analysant méticuleusement son potentiel en fonction des conditions de vent de la région. Cependant, il n’existait pas de moteurs adaptés disponibles localement.

Sans se laisser décourager, il élabora un plan pour créer un moteur avec un noyau magnétique permanent, bien que les matériaux nécessaires n’étaient pas accessibles localement.

Il a contacté des amis en Allemagne, qui l’ont aidé en commandant les pièces nécessaires en Chine et en les expédiant à Qamishli.

Il a fallu environ trois ans de montage, de démontage et de tests à Haj Ali pour terminer avec succès le moteur. Une fois le moteur finalisé, il a procédé à la conception du corps de la turbine, en créant plusieurs modèles pour s’assurer qu’ils correspondaient à sa vision.

Solution économique

La conception du corps de la turbine a nécessité un investissement conséquent, c’est pourquoi Haj Ali a opté pour une solution économique. Il a réutilisé des barils de pétrole, les a coupés en deux et les a assemblés pour former le cadre de la turbine.

Alors qu’il installait l’éolienne sur son toit, une rafale de vent particulièrement forte lui a fait perdre l’équilibre et est tombé, ce qui lui a valu une fracture du bras. Malgré ce contretemps, Haj Ali n’a pas hésité à poursuivre son projet avec enthousiasme.

Il a précisé que sa motivation pour ce projet était purement motivée par la passion et non par le profit. L’objectif était de créer quelque chose de nouveau et d’unique dans la région, explique-t-il.

L’hiver dernier, il a fait fonctionner l’éolienne avec succès. Il constate qu’avec une vitesse de vent de 17 km/h, elle génère six ampères d’électricité pour la maison. Plus le vent est intense, plus elle produit d’électricité.

Haj Ali reconnaît que l’utilisation de cette turbine dans la ville présente des défis, car des vents forts pourraient potentiellement endommager la turbine ou présenter des risques pour les bâtiments voisins.

Il voit toutefois un potentiel pour l’éolienne dans le domaine agricole. Il suggère qu’elle pourrait être particulièrement bénéfique pour les agriculteurs disposant de puits équipés de pompes (à l’exclusion des pompes submersibles électriques), offrant une solution plus sûre et plus pratique en dehors des zones urbaines.(North Press Agency)

 

SYRIE. Une ONG pakistanaise participe à la colonisation du canton kurde d’Afrin

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SYRIE / ROJAVA – Une ONG pakistanaise participe au changement démographique du canton kurde d’Afrin occupé par la Turquie en construisant un « village » pour colons.

Une organisation pakistanaise, en collaboration avec la direction des Affaires religieuses de Turquie (Diyanet), contribue à la construction d’une nouvelle colonie dans la région d’Afrin, au nord-ouest de la Syrie.

La Fondation pakistanaise Faizan Global Relief (FGRF) et la Diyanet turque, ont commencé en mars la construction d’une nouvelle colonie nommée « Village al-Madina » dans le district de Sharran, au nord-est de la ville d’Afrin.   

North Press a observé un panneau portant le nom de la FGRF, également connue sous le nom de Faizan. L’organisation affirme opérer au sein d’un système écologique intégré, visant à créer un impact à long terme par le biais de l’aide humanitaire, alimentaire et au développement, en mettant l’accent sur la plantation d’arbres et le développement environnemental.

North Press a contacté l’organisation, basée à Karachi, pour s’enquérir de sa connaissance de la propriété des terres où les colonies d’Afrin sont en cours de construction, du déplacement de la population kurde indigène et de la déforestation en cours dans la région, y compris sur les terres mêmes où l’organisation parraine la colonie, malgré son orientation environnementale.

Bien que le FGRF ait répondu au contact initial de North Press, il n’a pas répondu aux questions et demandes spécifiques mentionnées ci-dessus, même après trois jours d’attente au moment de la publication.

La nouvelle colonie comprend 84 logements et est destinée à accueillir des familles arabes de Homs. La construction devrait être achevée d’ici octobre.

La colonie a été construite sur un terrain qui était auparavant une forêt de pins, qui a été abattue par la faction du sultan Murad, soutenue par la Turquie, sous la supervision du chef de la faction Araba Idris.

Depuis l’occupation turque, les organisations islamistes soutenues par la Turquie ont construit de nombreuses colonies à Afrin pour héberger des milliers de familles de militants de l’Armée nationale syrienne (ANS / SNA) venues d’autres régions de Syrie. Cependant, les habitants d’Afrin, principalement des Kurdes, ont été déplacés de force et vivent dans des villages abandonnés et des camps de déplacés dans la campagne du nord d’Alep, au nord-ouest de la Syrie.

La ville kurde d’Afrin est occupée par les forces turques et leurs factions armées d’opposition affiliées, alias l’Armée nationale syrienne (ANS), depuis mars 2018 à la suite de l’opération militaire dite « Rameau d’olivier » visant à repousser les Unités de protection du peuple kurde (YPG) sous prétexte de protéger la « sécurité nationale turque ». (North Press Agency)

 

TURQUIE. Ruée vers les départements de langue kurde

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TURQUIE / KURDISTAN – Les inscriptions aux programmes de langue kurde et la sélection du kurde comme cours optionnel sont toutes deux en augmentation, même si le taux global reste faible. Il s’agirait d’une réponse à la criminalisation de la langue kurde à travers la Turquie.

Reha Ruhavioğlu, directeur du Centre d’études kurdes, a évoqué cette évolution, soulignant l’importance de cette tendance à la lumière des restrictions actuelles sur la langue kurde dans les espaces publics. « Alors qu’aucun mot en kurde dans la rue est toléré et que les panneaux de signalisation en kurde comme « Peşi Peya [piétons d’abord] » sont en train d’être retirés, l’intérêt pour le kurde continue de croître », a-t-il déclaré.

Pleine capacité

Pour la première fois, les 26 places du programme de langue et littérature kurdes de l’Université Dicle de Diyarbakır, créée en 2012 mais qui a accueilli des étudiants pour la première fois cette année, ont été remplies. De même, le programme de langue et littérature kurdes de l’Université Artuklu de Mardin, qui a presque atteint sa pleine capacité en 2022 et 2023, offrait cette année 36 places, qui ont toutes été prises.

Des programmes supplémentaires en zazaki, un dialecte kurde, à l’Université de Bingöl et à l’Université de Munzur, ainsi que des programmes de langue et littérature kurdes dans d’autres universités, ont également signalé une inscription complète, avec un total de 196 étudiants obtenant des places dans ces programmes.

« Une réponse aux pressions »

Ruhavioğlu attribue ce regain d’intérêt aux pressions croissantes exercées sur la langue kurde, suggérant que ces restrictions pourraient avoir poussé davantage de personnes à choisir activement d’étudier le kurde comme forme de résistance. « Je pense que ces pressions se reflètent dans les choix que font les gens », a-t-il ajouté.

Il a également souligné que de nombreux étudiants ne sont pas uniquement motivés par des perspectives de carrière, comme devenir enseignant, mais par le désir de préserver et de promouvoir la langue kurde. « Les Kurdes n’abandonnent pas les mécanismes existants pour protéger leur langue. Beaucoup considèrent l’apprentissage du kurde comme un devoir envers leur langue maternelle », a expliqué Ruhavioğlu.

L’avenir de l’enseignement de la langue kurde

Ruhavioğlu a souligné la corrélation entre la popularité des programmes de langue kurde dans les universités et la sélection du kurde comme matière optionnelle dans l’enseignement primaire et secondaire. Bien que le nombre d’étudiants choisissant des matières optionnelles en kurde soit passé de 20 000 à 25 000 ces dernières années, le pourcentage global reste faible. Il a suggéré que si ces cours étaient plus largement soutenus ou si le gouvernement faisait un effort concerté pour les promouvoir, les chances des diplômés d’obtenir des postes d’enseignant augmenteraient. 

« Le principal enseignement de cette tendance est que les Kurdes ne renoncent pas à leur langue maternelle. Cependant, sachant que des millions d’étudiants passent l’examen, 200 étudiants ne représentent pas un nombre important. Ce chiffre ne fera qu’augmenter à mesure que les Kurdes persisteront dans leurs efforts pour préserver leur langue », a-t-il déclaré.

Appel à des politiques linguistiques renforcées

Ruhavioğlu a conclu en exhortant les communautés kurdes et les acteurs politiques à élaborer des politiques linguistiques plus solides, compte tenu notamment des difficultés rencontrées par les familles pour maintenir l’usage du kurde à la maison. Il a souligné la nécessité de mettre en place davantage d’initiatives pour promouvoir l’usage du kurde dans la vie quotidienne et pour accroître le nombre de cours optionnels en kurde. 

« Les acteurs politiques kurdes doivent créer des politiques qui abordent les problèmes de l’utilisation du kurde dans le pays et encourager une utilisation plus large de la langue », a-t-il déclaré. 

Les femmes kurdes solidaires des femmes afghanes

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TURQUIE / KURDISTAN – Trois ans après la prise du pouvoir par les talibans, le mouvement des femmes kurdes TJA a rendu hommage à la lutte des femmes afghanes et a déclaré : « Malgré les frontières imposées par le fascisme de l’État-nation, nous continuerons à nous tenir côte à côte. »

Il y a trois ans, les talibans prenaient le pouvoir en Afghanistan. Le Mouvement des femmes libres (TJA), actif au Kurdistan du Nord et en Turquie, a déclaré sa solidarité avec les femmes afghanes à l’occasion de ce triste anniversaire.

« Les circonstances géographiques changent, mais les politiques des régimes dominés par les hommes qui refusent la liberté des femmes ne changent pas », ont souligné les militantes de TJA qui ont participé à l’action de solidarité à Van. Dans le même temps, ont-elles déclaré, la détermination des femmes à lutter pour la liberté et contre la domination masculine augmente dans le monde entier.

Un grand nombre de femmes ont participé à la manifestation devant l’organisation provinciale de Van du Parti pour l’égalité et la démocratie des peuples (DEM). La coprésidente du district d’İpekyolu du Parti DEM, Şevin Polat, a appelé à intensifier la lutte des femmes, déclarant ce qui suit :

« Depuis des décennies, les femmes et les filles afghanes sont confrontées à la guerre, à la violence systématique, à la faim et à l’emprisonnement en raison de l’ingérence directe des États-nations dominés par les hommes. Le régime misogyne instauré par les talibans depuis les années 1990 a été institutionnalisé avec la proclamation de la charia. Les premières cibles ont été les femmes et les filles, considérées comme des pionnières de la liberté sociale et de l’organisation.

Le régime taliban en Afghanistan mène une guerre contre le peuple dans son ensemble et contre les femmes en particulier. Il emprisonne les femmes dans la burqa, interdit aux filles de s’instruire, empêche l’accès aux services de santé et exclut les femmes de la politique et de la sphère publique. Alors que des femmes étaient lapidées à mort pour ne pas avoir respecté la charia, des filles qui voulaient aller à l’école étaient cautérisées à l’acide. Les pouvoirs dominés par les hommes n’ont pas seulement regardé et ont encouragé ce régime sinistre, mais ils l’ont en fait encouragé. La meilleure réponse aux régimes obscurs alimentés par les États-nations dominés par les hommes qui ignorent et usurpent nos droits les plus fondamentaux et veulent nous enfermer dans les cages qu’ils ont construites est, bien sûr, de faire preuve de courage, de résistance et de conscience féminine. Nous savons qu’aucune lutte que les femmes ne mènent pas, que leurs voix ne parviennent pas à faire avancer, ne peut aboutir à une révolution.

Notre principale responsabilité envers les femmes révolutionnaires dont nous avons hérité l’héritage de la résistance, de Clara Zetkin à Meena Keshwar Kamal, de Sara à Arin Mîrxan, de Hevrîn Xelef à Evîn Goyî, est d’accroître notre organisation et d’élever l’esprit de lutte des femmes qui s’étend de l’Afghanistan au Kurdistan. En tant que TJA, nous défendons et embrassons la lutte pour la liberté des femmes d’Afghanistan, dont la volonté a été usurpée depuis plus de 40 ans, et nous voulons qu’il soit connu que nous sommes nourries de la même racine. Malgré les frontières imposées par le fascisme de l’État-nation, nous continuerons à être côte à côte partout où notre voix se fait entendre, partout où notre souffle est suffisant, et à dire ensemble « Jin, Jiyan, Azadi » (Femme, Vie, Liberté). »

Les organisations participant à la manifestation sont : Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (DEM), Parti des régions démocratiques (DBP), membres de l’Assemblée des femmes du Parti DEM, Association des femmes STAR, Commission des femmes de l’Association des droits de l’homme (IHD), Assemblée des femmes de la Confédération des syndicats des travailleurs du service public (KESK), Association d’aide et de solidarité avec les familles des prisonniers et des condamnés (TUHAY-DER), Association d’aide et de solidarité avec ceux qui ont perdu leurs proches dans le berceau des civilisations (MEBYA-DER), Atelier de culture et d’art aryens, Association de recherche sur la culture linguistique et l’art (ARSİSA).

Décès du médecin, homme politique et écrivain kurde Tarık Ziya Ekinci

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Le médecin, homme politique et écrivain kurde Tarık Ziya Ekinci est décédé jeudi à l’âge de 99 ans à Istanbul.
 
Tarık Ziya Ekinci, médecin, homme politique et écrivain kurde, est né en 1925 à Licê, dans la province d’Amed. Il est décédé jeudi à l’âge de 99 ans à Istanbul, a annoncé l’association médicale de la métropole du Bosphore.
 
Après le lycée, il étudie la médecine à Istanbul et à l’Université de Paris. Après avoir obtenu son diplôme en 1949, il exerce comme médecin à Licê, Amed et Istanbul. En 1957, il termine sa spécialisation en médecine interne et s’installe à nouveau à Amed. Pendant plusieurs années, il préside les associations médicales locales de cette ville et des provinces de Mêrdîn (Mardin) et de Sêrt (Siirt). Il publie divers articles médicaux et organise divers congrès médicaux. Jusqu’à sa mort, il est également membre honoraire de l’Association médicale turque (TTB).
 
En plus de sa profession de médecin, Tarık Ziya Ekinci était également actif en politique. Il militait pour une solution démocratique à la question kurde. De 1957 à 1960, il était membre du Cumhuriyet Halk Partisi (CHP). Il a ensuite rejoint le Türkiye İşçi Partisi (Parti des travailleurs de Turquie, TIP). Il a cofondé l’Association culturelle socialiste (Sosyalist Kültür Derneği) et a été président de la section d’Amed.
 
De 1965 à 1969, Ekinci est député du TIP pour Amed au parlement turc. Au sein du TIP, il occupe plusieurs postes et est également secrétaire général. Au parlement, il est chef du groupe parlementaire du TIP. Le 16 septembre 1967, les membres kurdes du parti dénoncent le déséquilibre entre l’Ouest et l’Est du pays. Cela se produit sous la forme des « Rencontres de l’Est ». Ces rencontres posent les bases de la fondation des Devrimci Doğu Kültür Ocakları (Associations culturelles révolutionnaires de l’Est, DDKO). Tarık Ziya Ekinci participe activement à la fondation des DDKO.
 
Après le coup d’État militaire en Turquie du 12 mars 1971, Tarık Ziya Ekinci est condamné à trois ans de prison pour propagande kurde et communiste en vertu de l’article 142 du code pénal turc, dont il purge deux ans à Amed. Derrière les murs de la prison, il se consacre à « l’éducation socialiste de gauche » auprès des jeunes ; il poursuit cet engagement même après sa libération. Après le coup d’État militaire de septembre 1980, il est arrêté cinq fois. En 1982, il s’enfuit en France, où il travaille comme médecin jusqu’en 1989. Le 30 juin 1989, il rentre en Turquie, purge le reste de sa peine et s’installe à Istanbul. Ekinci est également le fondateur de l’organisation Réconciliation démocratique et initiative pour la solution de la question kurde (DEMOS) et l’initiateur de nombreux appels internationaux pour la fin de la guerre au Kurdistan.
 
Tarık Ziya Ekinci a écrit de nombreux ouvrages sur la question du Kurdistan et les moyens de la résoudre, ainsi que sur d’autres conflits liés au déficit démocratique et aux droits de l’homme en Turquie. Il a également écrit dans plusieurs journaux et magazines du camp socialiste. Il a été membre du conseil consultatif académique de l’« Académie politique » du Parti kurde pour la paix et la démocratie (BDP), fondé en tant que successeur du Parti de la société démocratique (DTP), auparavant interdit, et qui s’appelle désormais Parti des régions démocratiques (DBP). Il a également été membre du conseil consultatif du HDP (Parti démocratique des peuples).
 
Tarık Ziya Ekinci sera commémoré par une cérémonie funéraire à Istanbul. Il sera inhumé dans sa ville natale de Licê.

« Les chants et danses kurdes ne sont pas de la propagande terroriste »

Emma Sinclair-Webb, directrice de recherches sur la Turquie, auprès de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch (HRW), dénonce la criminalisation des danses et chants kurdes en Turquie et appelle les autorités turques à « mettre fin aux poursuites et aux détentions abusives » en cours depuis plusieurs semaines maintenant.

Voici le texte d’Emma Sinclair-Webb publié sur le site de HRW:

Turquie, Les chants et danses kurdes ne sont pas de la propagande terroriste

« L’été est là et c’est la saison des mariages dans toute la Turquie. Mais pour certains hommes, femmes et enfants kurdes, danser joyeusement et chanter des chansons politiques populaires kurdes lors de mariages ou ailleurs se termine par une arrestation et une inculpation pour « diffusion de propagande terroriste ». Ce crime est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. Les actions des autorités consistant à arrêter et à criminaliser des personnes pour de telles activités légales constituent un abus manifeste de pouvoir d’arrestation.

Une vidéo TikTok de femmes dansant le halay – une danse en ligne courante en Turquie – lors d’une fête de mariage sur une chanson mentionnant les combattants de la guérilla est devenue le prétexte pour que la police arrête six personnes dans la ville de Kurtalan, dans la province de Siirt, dans le sud-est de la Turquie, le 26 juillet. Le gouverneur de Siirt a publié une déclaration sur les réseaux sociaux annonçant les arrestations et promettant que la « lutte contre les organisations terroristes se poursuivra avec persévérance et détermination ». Deux femmes et trois filles ont été placées en détention provisoire par le tribunal. La veille, dans la ville de Mersin, dans le sud du pays, la police avait arrêté huit hommes et un garçon sur la base d’une vidéo TikTok montrant des personnes dansant le halay sur des chansons kurdes quelques semaines plus tôt. Un tribunal a décidé que les neuf personnes devaient être placées en détention provisoire. Des arrestations ont suivi dans d’autres villes et villages, dont Istanbul et plus récemment  Osmaniye, et au moins 34 personnes ont passé des semaines en détention provisoire avant de comparaître devant le tribunal. 

L’affaire des personnes arrêtées à Mersin n’a pas encore été jugée, mais les trois femmes et les deux filles de l’affaire Kurtalan doivent comparaître pour la première fois à Siirt le 16 août. Le procureur devrait demander la libération immédiate et l’acquittement des cinq femmes.

La Cour européenne des droits de l’homme a statué que chanter des chansons ou des poèmes populaires, crier des slogans génériques, y compris lors de rassemblements publics, ou faire référence à l’insurrection du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) contre l’armée turque, qui dure depuis 40 ans, sont des expressions protégées. Le contenu des chansons et des slogans lors des mariages et ailleurs n’incite pas à la violence et ne crée pas de danger imminent pour les personnes qui pourrait justifier des poursuites pénales.

Transformer des mariages kurdes en scènes de crime en arrêtant et en poursuivant les invités et les musiciens n’est que le dernier exemple de la manière dont, depuis des décennies, les autorités turques pervertissent le système judiciaire pénal pour cibler les activités légitimes et l’expression politique des Kurdes. »