SYRIE. Des gangs armés mobilisés pour déstabiliser les quartiers kurdes d’Alep
SYRIE. Trois attaques ont ciblé les FDS à Deir ez-Zor
SYRIE / ROJAVA – Les gangs jihadistes ont intensifié les attaques ciblant les forces arabo-kurdes dans la région de Deir ez-Zor.
Trois attaques distinctes ont ciblé lundi des membres et des positions des Forces démocratiques syriennes (FDS) dans la campagne de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie.
Une source militaire des FDS à Deir ez-Zor a déclaré à North Press Agency que des militants avaient attaqué un quartier général des FDS dans la ville de Gharanij, à l’est de Deir ez-Zor, à l’aide d’armes lourdes et d’une roquette.
L’attaque, lancée depuis la rive ouest de l’Euphrate, une zone contrôlée par les forces du gouvernement de transition syrien, a causé des dégâts matériels. Il s’agissait de la deuxième attaque perpétrée au même endroit en 24 heures.
Dans un incident distinct, des hommes armés non identifiés ont pris pour cible un véhicule des FDS dans le village de Jadeed Ekedat, blessant un membre des FDS.
Lors d’une troisième attaque, deux hommes armés non identifiés ont ouvert le feu à la mitrailleuse sur un véhicule des FDS se dirigeant vers le champ pétrolier de Jaffra. Aucun blessé n’a été signalé. (North Press Agency)
Les violences faites aux femmes sont un problème systémique mondial
La violence patriarcale est répandue dans le monde, mais elle ne l’est pas de manière uniforme. Dans cet entretien réalisé par l’agence kurde ANF, Münevver Azizoğlu-Bazan analyse ses causes à l’échelle mondiale, critique les féminismes eurocentrés et aborde les questions de résistance, de solidarité et d’alliances transnationales.
La violence à l’égard des femmes est l’une des violations des droits humains les plus persistantes et pourtant les plus méconnues au monde. Pour Münevver Azizoğlu-Bazan, chercheuse en sciences sociales et de l’éducation qui étudie depuis plusieurs années les structures des femmes kurdes au sein de la diaspora allemande, une chose est claire : la violence sexiste n’est pas un phénomène culturel limité à certaines régions, mais bien l’expression de rapports de pouvoir à l’échelle mondiale. Dans cet entretien, elle aborde les causes structurelles de la violence patriarcale, les angles morts du féminisme occidental et les pratiques de résistance des mouvements de femmes dans les pays du Sud.
Comment définiriez-vous la violence sexiste à l’égard des femmes ? Pensez-vous que ce terme soit compris différemment selon les cultures ?
La violence à l’égard des femmes, au sens le plus large, est une violence subie en raison du genre. Les femmes sont donc spécifiquement ciblées du simple fait qu’elles sont des femmes. Cependant, dans la plupart des cas, cette violence ne s’explique pas uniquement par le genre, mais est étroitement liée à d’autres catégories sociales telles que l’origine ethnique, la classe sociale, l’identité raciale, la nationalité ou le statut migratoire. Ces facteurs sont interdépendants ; toutefois, la violence fondée sur le genre est avant tout l’expression d’une oppression structurelle et sexiste.
Cette oppression trouve ses racines dans des contextes similaires à travers le monde, mais se manifeste différemment selon les conditions sociales, économiques et politiques. Si ses formes varient, le mécanisme sous-jacent demeure le même : le contrôle du corps, du travail et de la vie des femmes.
Il est donc trompeur d’expliquer les violences faites aux femmes par de « différences culturelles ». En Europe notamment, l’idée répandue est que ces violences seraient culturellement déterminées au Moyen-Orient, en Afrique, ou encore dans les sociétés arabes, afghanes ou kurdes. Cette culturalisation de la violence la légitime indirectement. Elle relève d’une perspective orientaliste et occulte la dimension mondiale des rapports de pouvoir patriarcaux. Aucune culture ne peut légitimer les violences faites aux femmes : elles ne constituent pas une caractéristique culturelle d’un peuple ou d’un groupe ethnique, mais bien le résultat d’un système patriarcal reproduit à l’échelle planétaire.
Bien sûr, ce système prend des formes différentes selon les régions. En Europe, en Afrique ou au Moyen-Orient, l’ordre patriarcal se manifeste de diverses manières. Mais son essence reste la même partout : marginaliser les femmes socialement, les contraindre à l’obéissance et les rendre invisibles.
Quelles sont selon vous les causes mondiales à l’origine des violences sexistes faites aux femmes ?
La première et la plus fondamentale cause est le système patriarcal. Bien qu’il se manifeste différemment selon les contextes, il façonne les structures sociales à l’échelle mondiale. Par exemple, en Allemagne, l’égalité des sexes est régulièrement consacrée, et pourtant la représentation des femmes aux postes de décision demeure extrêmement faible. Malgré une forte proportion d’étudiantes à l’université, le pourcentage de femmes occupant des postes de professeures et de dirigeantes n’atteint que 17 % environ. Ceci illustre l’inégalité structurelle engendrée par les rapports de pouvoir patriarcaux.
Un deuxième facteur clé est le système économique capitaliste. Le capitalisme exacerbe les inégalités de genre et crée les conditions matérielles des violences faites aux femmes. Partout dans le monde, les femmes occupent des emplois précaires, invisibles ou pour des salaires inférieurs à la moyenne. Dans les pays du Sud en particulier, leur accès à l’éducation, à l’emploi et aux ressources économiques est souvent très limité. Les femmes économiquement dépendantes sont beaucoup plus vulnérables aux violences patriarcales.
À cela s’ajoute l’interprétation patriarcale des normes religieuses. Dans les contextes fondamentalistes et extrêmement conservateurs, les femmes sont systématiquement exclues de l’accès à l’éducation, de la participation à la vie publique et de l’autonomie corporelle. Le problème n’est donc pas la religion en elle-même, mais son imbrication avec les idéologies patriarcales.
Ces facteurs n’agissent pas isolément, mais interagissent étroitement. Le racisme et le nationalisme aggravent encore la situation. Les femmes noires, par exemple, subissent de multiples formes de discrimination, non seulement en raison de leur genre, mais aussi à travers des stéréotypes raciaux. Leur accès à l’espace public, à la sécurité et à leurs droits est considérablement plus restreint que celui des femmes blanches. Ceci illustre comment les inégalités intersectionnelles exacerbent les violences faites aux femmes.
Même si ces facteurs se manifestent différemment selon les contextes, les mécanismes qui reproduisent la violence reposent sur un système commun.
En quoi les formes et les causes des violences faites aux femmes dans les pays du Sud – c’est-à-dire dans des régions comme l’Asie, l’Amérique latine, le Moyen-Orient ou l’Afrique – diffèrent-elles de celles observées dans les pays du Nord, comme l’Europe occidentale ou l’Amérique du Nord ?
Les violences subies par les femmes à travers le monde s’inscrivent dans un système hétéronormatif et patriarcal. Toutefois, les contextes historiques, politiques et structurels de ces expériences diffèrent considérablement entre les pays du Sud et ceux du Nord. Cela transparaît notamment dans les critiques formulées de longue date à l’encontre des féministes des pays du Sud.
Dans les pays du Nord, une perspective universaliste a longtemps prévalu : « Nous sommes toutes des femmes, nous sommes toutes victimes de la violence patriarcale. » Cette notion de sororité mondiale reposait sur l’hypothèse que toutes les femmes partagent des expériences fondamentalement similaires, puisque la cause de la violence, à savoir le patriarcat, est universelle. Cependant, les féministes des pays du Sud ont contesté cette approche car elle invisibilise systématiquement leurs réalités et expériences vécues.
À leurs yeux, la violence qu’elles subissent n’est pas uniquement liée au genre, mais inextricablement liée au colonialisme, à l’impérialisme, à l’exploitation capitaliste, à l’occupation, au racisme et à l’oppression nationale. Tandis que de nombreuses féministes des pays du Nord se concentrent sur des questions telles que l’égalité salariale, l’avancement professionnel ou la fin du plafond de verre, les femmes des pays du Sud sont confrontées simultanément à l’occupation de leurs territoires, à la suppression de leurs langues, au mépris de leurs cultures et à la colonisation de leurs espaces de vie. Leur expérience de la violence n’est donc pas seulement l’expression d’une domination patriarcale, mais aussi le résultat de régimes coloniaux et impériaux violents.
De plus, les féministes du Sud ont souligné avec force que même le féminisme blanc, influencé par l’Occident, n’est pas exempt de rapports de pouvoir coloniaux. Bien qu’il n’exerce pas la même violence que les systèmes dominés par les hommes, il reproduit parfois une hiérarchie du savoir en érigeant ses propres expériences en norme universelle. Au lieu d’une approche unifiée fondée sur le principe « Nous sommes tous pareils », elles proposent donc une perspective plus nuancée : « Nous subissons différentes formes d’une même oppression. »
Il est également important de noter que les pays du Sud ne constituent pas un espace homogène. Des régions comme l’Amérique latine (Abya Yala), l’Afrique, l’Asie et le Moyen-Orient ont chacune connu leur propre histoire coloniale et, dans leurs contextes nationaux et culturels respectifs, ont engendré des formes spécifiques de violence sexiste. Nous ne sommes donc pas face à un contexte de violence unique et monolithique, mais plutôt à une multitude de régimes de violence complexes, fruits de l’histoire.
Malgré ces différences, les mouvements féministes du Sud se sont unis depuis les années 1990 grâce à des rencontres internationales de femmes, des réseaux transnationaux et des alliances féministes. La particularité de ces alliances réside dans le fait qu’elles ne se définissent pas principalement par des expériences de victimisation, mais plutôt par la résistance, l’émancipation politique et l’organisation collective.
L’une de leurs caractéristiques marquantes est qu’elles ne perçoivent jamais la violence faite aux femmes comme un problème individuel ou exclusivement lié au genre. Elles la relient plutôt à la violence coloniale exercée contre leurs communautés, leurs langues, leurs territoires et leurs cultures. La libération des femmes n’est pas considérée comme un objectif isolé, mais toujours dans le contexte d’une libération collective, territoriale et culturelle.
Nombre de ces mouvements sont issus des luttes anticoloniales, anti-impérialistes et de libération sociale. Leurs stratégies féministes acquièrent ainsi une dimension multiforme et critique du système, qui dépasse largement le simple cadre des politiques de genre. C’est pourquoi la résistance à la violence dans les pays du Sud se construit également sur des fondements plus larges, plus politiquement ancrés et anticoloniaux.
Il existe une idée répandue selon laquelle les impulsions du mouvement féministe se « transmettent » du Nord au Sud. Partagez-vous ce point de vue ? Autrement dit : comment se concrétise cet échange d’expériences entre les mouvements féministes du Nord et du Sud ?
L’idée selon laquelle les mouvements féministes et les aspirations émancipatrices « circulent » du Nord global vers le Sud global est de plus en plus remise en question aujourd’hui – et a été largement déconstruite par les interventions politiques des mouvements de femmes du Sud global.
En particulier, la notion souvent citée de « sororité mondiale », telle qu’elle a longtemps été propagée dans les pays du Nord, recèle une hiérarchie subtile. Si elle peut apparaître de prime abord comme une expression de solidarité, elle a en réalité construit les femmes du Nord comme des « grandes sœurs expérimentées », tandis que celles du Sud étaient reléguées au rôle de « petites sœurs vulnérables ». Ceci a instauré une circulation unilatérale des connaissances, de l’expérience et du pouvoir politique, reproduisant ainsi les rapports de pouvoir coloniaux au sein des discours féministes. Les féministes postcoloniales ont, à juste titre et avec vigueur, critiqué cette asymétrie implicite, car elle a marginalisé les contributions politiques, intellectuelles et historiques des femmes du Sud.
Parallèlement, ces mouvements ont clairement indiqué que l’oppression dont elles sont victimes ne peut s’expliquer uniquement par des « régimes dictatoriaux » ou un « conservatisme religieux ». Ils pointent plutôt du doigt l’imbrication structurelle des rapports de pouvoir mondiaux – notamment le capitalisme mondial, l’impérialisme et le colonialisme – comme causes principales de leur situation précaire. Il ne s’agit donc en aucun cas de simples problèmes culturels ou liés au régime, mais bien de réseaux de violence systémiques et transnationaux.
Dans ce contexte, la perspective féministe transnationale a marqué un tournant décisif. Des chercheuses comme Chandra Talpade Mohanty, bell hooks et Angela Davis ont appelé à repenser les luttes féministes du point de vue des pays du Sud. Sans s’en exempter, elles ont au contraire mené une réflexion critique sur leur propre position privilégiée au sein des espaces académiques, des systèmes linguistiques et de la production du savoir. Leur objectif n’était pas un modèle paternaliste et « bienveillant » du féminisme, mais une pratique solidaire de réflexion, d’apprentissage et de dénonciation collective des rapports de pouvoir.
Aujourd’hui, cette attitude se manifeste concrètement dans l’expérience de mouvements tels que le mouvement des femmes kurdes, les collectifs autochtones d’Abya Yala et les initiatives féministes sur le continent africain. Ces mouvements ne réclament pas de directives du Nord ; au contraire, ils lancent une invitation claire au dialogue d’égal à égal. Leur message est en substance : « Ne vous tenez pas devant nous, mais à nos côtés. Discutons ensemble de la manière d’élaborer une stratégie collective de résistance contre le capitalisme, la violence coloniale et les structures patriarcales. »
Ce qui importe aujourd’hui, c’est un échange critique et réciproque d’expériences fondé sur l’égalité. Le mouvement féministe mondial n’est pas à sens unique, ni ne rayonne d’un centre vers la périphérie. Il s’agit plutôt d’un champ multiforme et décentralisé de luttes émancipatrices, alimenté par un apprentissage mutuel.
Existe-t-il un mouvement féministe que vous considérez comme particulièrement efficace dans la lutte contre les violences sexistes ? Ou un exemple qui, selon vous, peut servir de modèle ?
Il convient tout d’abord de souligner que, dans le contexte actuel du système mondial, il est difficilement concevable qu’un mouvement isolé ou une région spécifique puisse remporter une victoire définitive contre les violences sexistes. Ces violences sont alimentées par un système mondial de structures de pouvoir patriarcales, capitalistes et étatiques. Par conséquent, la résistance doit nécessairement être globale, collective et structurelle.
Pour moi, il ne s’agit donc pas tant de citer un « exemple de réussite » que de s’interroger sur les fondements d’une organisation efficace de la résistance féministe. L’essentiel réside dans la mise en réseau des mouvements féministes non gouvernementaux, la formation d’alliances transnationales et l’échange systématique de connaissances et d’expériences politiques. Mais cela ne suffit pas, car sans une transformation profonde des institutions où la violence patriarcale est structurellement enracinée, aucun succès durable n’est possible.
Le véritable défi réside dans la transformation des structures de pouvoir existantes. Le patriarcat est non seulement une structure de pouvoir sociétale, mais aussi institutionnelle, profondément ancrée dans les structures étatiques – dans la législation, la police, le système judiciaire et tous les domaines de l’administration publique. L’expérience des accords internationaux tels que la Convention d’Istanbul ou les Conférences des Nations Unies sur les femmes montre que, sans changements fondamentaux dans les processus de décision politique et la politique de sécurité, les progrès juridiques restent fragiles. Tant que les violences patriarcales, tant dans la sphère privée que publique, ne seront pas clairement identifiées, poursuivies et prévenues par l’État, les acquis féministes demeureront menacés. La continuité entre violence privée et violence publique est étroitement liée à l’attitude des institutions étatiques face aux violences masculines.
Et pourtant, des mouvements féministes puissants et transformateurs existent partout dans le monde et portent en eux un espoir. Le mouvement Ni Una Menos en Amérique latine est l’un des exemples les plus marquants de mobilisation sociale contre le féminicide. Il a non seulement exercé une pression politique, mais a aussi profondément modifié les mentalités. Le mouvement mondial #MeToo a brisé le silence collectif sur les violences sexuelles et a permis de leur donner une nouvelle visibilité. Le mouvement des femmes kurdes, avec sa devise Jin-Jiyan-Azadî (« Femme, Vie, Liberté »), inscrit la lutte pour les droits des femmes dans une vision globale de transformation sociale.
Ce qui unit ces mouvements, c’est leur capacité à comprendre et à dénoncer les violences sexistes non comme une exception, mais comme un produit systémique du pouvoir patriarcal de l’État. Le fait que des femmes soient tuées dans le monde entier – même dans des pays qui se disent « progressistes » – témoigne d’une défaillance institutionnalisée à les protéger. Les hommes agissent en sachant qu’ils ne seront pas tenus responsables par l’État. Ils puisent leur force dans une culture de l’impunité et un système judiciaire qui minimise systématiquement leurs actes.
Le fait qu’une femme soit tuée toutes les dix minutes dans le monde ne saurait être réduit à de simples statistiques criminelles : il révèle un système organisé et mondialisé de violence patriarcale. La continuité, la visibilité et l’impunité de cette violence sont inextricablement liées à la complicité des États. En ce sens, pour moi, le « succès » ne se limite pas à la réalisation d’objectifs précis, mais englobe également l’existence et l’impact des mouvements féministes qui contestent et dénoncent publiquement ce système et œuvrent à sa transformation profonde. Une telle lutte ne peut être menée durablement que dans un cadre global, collectif et critique du système.
Alors que les violences faites aux femmes persistent, les femmes du monde entier opposent une résistance farouche. La Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre, approche à grands pas. En tant que femme et militante féministe, quel message souhaiteriez-vous adresser à cette occasion ?
Comme dans de nombreuses autres régions du monde, les préparatifs du 25 novembre battent leur plein dans ma communauté : des actions sont planifiées, des mobilisations féministes sont organisées. Le sentiment dominant ces jours-ci est la colère. Mais cette colère n’est pas une émotion individuelle, bien l’expression d’une conscience collective. Car la réalité est choquante : selon les chiffres officiels, une femme est tuée toutes les dix minutes. Et il ne s’agit là que des cas recensés. Nous savons que le nombre de cas non signalés est bien plus élevé : de nombreux actes de violence sont dissimulés, non signalés ou banalisés par la société. Certaines organisations indépendantes parlent même d’une femme tuée toutes les trois minutes. Ces chiffres illustrent l’ampleur de la crise.
Cette colère doit cependant se traduire par une action politique – elle doit nous unir. Ce dont nous avons besoin de toute urgence aujourd’hui, c’est d’un contre-mouvement féministe cohérent et bien organisé. La lutte contre les violences faites aux femmes ne saurait se limiter à des journées d’action symboliques. Elle ne peut se résumer à des manifestations dans la rue le 25 novembre ou le 8 mars. Il s’agit plutôt d’un processus politique continu, quotidien et de longue haleine.
Je vois ce combat à trois niveaux centraux :
Premièrement : des réseaux stables et solidaires entre femmes sont nécessaires.
Deuxièmement : la prise de conscience que la violence patriarcale n’est pas simplement une faute individuelle, mais qu’elle est structurellement conditionnée – cette idée doit être profondément ancrée dans la conscience sociale.
Troisièmement : cette lutte doit être menée avec l’objectif politique clair de modifier durablement les politiques, les systèmes juridiques et les institutions de l’État.
Le fait que quatre à cinq femmes et deux enfants aient été assassinés à Brême et dans ses environs ces derniers mois démontre que, même au cœur de l’Europe, les femmes sont victimes de menaces systématiques. Même dans les sociétés prétendument « sûres » et « progressistes », les femmes sont quotidiennement touchées par la violence et tuées. Cela témoigne de la dévalorisation persistante de la vie des femmes et d’un climat institutionnel qui tolère tacitement la violence masculine.
Je souhaiterais conclure cette conversation en évoquant un projet artistique féministe qui apparaît fréquemment dans le contexte du 25 novembre ou du 8 mars : le symbole du « Hilos », qui signifie « tissage ». Il représente un réseau politique et émotionnel partagé par les femmes. Le réseau « Les Femmes tissant l’avenir » , initié par le mouvement des femmes kurdes , utilise cette métaphore pour mettre en lumière les liens transnationaux et le pouvoir collectif.
Il convient de souligner le travail du collectif d’art féministe mexicain HILOS. Ce collectif utilise le textile pour visualiser des messages féministes et rendre la violence publiquement visible. Leurs installations sont composées de fils rouges symbolisant des réseaux de douleur, de résistance et de solidarité, accompagnés de la devise « Sangre de mi Sangre » (« Le sang de mon sang »). Le slogan du mouvement des femmes kurdes, « Votre guerre est notre sang », fait également allusion à ces pratiques transcontinentales de résistance féministe.
Le filet rouge symbolise ainsi le sang versé, les vies entremêlées et la force collective des femmes. Car nous le savons : le mouvement de libération des femmes est la lutte de femmes et d’organisations connectées, unies, en réseau et résistantes. (ANF)
SYRIE. Les femmes sont en proie à la violence et au chaos
SYRIE – L’avocate et défenseure des droits humains, Shrouq Abu Zeidan déclare à l’agence kurde ANHA que les femmes sont en proie à la violence et au chaos à travers la Syrie.
L’avocate et militante des droits civiques Shrouq Abu Zeidan a affirmé que les femmes en Syrie demeurent le groupe le plus vulnérable face à la violence et au chaos persistants. Elle a souligné que les violations dont elles sont victimes vont des enlèvements et des meurtres à la marginalisation des instances décisionnelles. Elle a ajouté que l’absence d’un pouvoir judiciaire indépendant et l’application de lois bafouant les principes des droits humains contribuent à l’escalade de la violence à l’égard des femmes et empêchent que justice soit rendue.
Les Syrien·nes, et notamment les femmes, vivent dans un contexte de violence et de chaos où les violations des droits humains se multiplient : enlèvements, meurtres et marginalisation politique et sociale. Suite à la chute du régime précédent et au bouleversement des rapports de force, les femmes demeurent les plus vulnérables dans ce cycle de conflit, en l’absence d’un système judiciaire indépendant et de lois efficaces garantissant leur protection.

Dans ce contexte, notre agence (ANHA) a mené un entretien avec Shrouq Abu Zeidan, avocate, militante des droits civiques et directrice exécutive de l’équipe Peace Pathways en Suède. Elle a dressé un bilan de l’action du gouvernement de transition syrien et analysé la législation en vigueur ainsi que son efficacité dans la lutte contre les violences et les discriminations faites aux femmes. Cet entretien a eu lieu à l’approche de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, célébrée chaque année le 25 novembre.
Voici la transcription de l’entretien : Les régions syriennes sont le théâtre de violences croissantes et persistantes à l’encontre des femmes. Comment décririez-vous la situation générale des droits des femmes en Syrie aujourd’hui ?
Pour commencer, il est impossible d’aborder la question des droits des femmes indépendamment de celle des droits de l’ensemble de la population syrienne, compte tenu notamment de la violence persistante, de l’escalade du conflit et des nombreuses violations. Or, au vu de la situation actuelle, je crois que nous constatons toujours un recul des droits et libertés des femmes. Aucun progrès n’a été réalisé dans ce domaine. Les violations à l’encontre des femmes continuent d’être perpétrées de manière directe et systématique. De nombreux cas d’enlèvements et de meurtres de centaines de femmes ont été documentés, tant dans la région côtière qu’en Swedia. Cela confirme que la situation des droits humains en général, et celle des droits des femmes en particulier, n’ont pas progressé en Syrie, et il est peu probable qu’elle évolue si le conflit et les violations perpétrées par le gouvernement actuel persistent. Nous le constatons notamment par la faible représentation des femmes aux postes de décision, qui est quasi inexistante. Dans chaque comité, organe ou instance, on trouve parfois une ou deux femmes, voire aucune. La représentation des femmes à ces postes est loin d’être satisfaisante.
D’après vos observations, constatez-vous un changement dans la réalité des femmes après la chute du régime baasiste, ou la violence s’est-elle simplement reproduite sous de nouvelles formes ?
Le cycle de violence n’a pas changé ; il s’est au contraire manifesté sous des formes nouvelles, diverses, plus brutales et plus odieuses. Aujourd’hui, après la chute de l’ancien régime, nous assistons à une violence systématique, comme je l’ai mentionné précédemment, et à de graves violations de valeurs, de droits et de conventions, notamment le génocide perpétré contre certains groupes, ainsi que les enlèvements et les agressions de femmes lors d’attaques menées par les forces de sécurité générale et les milices al-Julani sur les régions côtières et de Swedia. Les femmes sont utilisées comme armes de guerre, soumises à diverses formes de violence et instrumentalisées pour humilier et dégrader leurs communautés.
Pourquoi les femmes constituent-elles le maillon faible du cycle des conflits, malgré l’évolution des pouvoirs en présence ?
Les femmes demeurent le maillon faible tant que le système juridique et législatif ne préserve et ne protège pas tous leurs droits, ni ne promeut le principe d’égalité pour tous. En effet, nous gouvernons au nom de la religion et de ses préceptes, au lieu de nous conformer au droit international et à la Charte des droits de l’homme. Ces derniers sont même instrumentalisés pour exercer des pressions sur les communautés et les individus.
Comment évaluez-vous l’action du gouvernement de transition concernant les crimes documentés contre les femmes ? Peut-on parler d’une véritable volonté de responsabilisation ?
On ne peut évaluer des performances qui n’existent pas. Le gouvernement continue de nier tous ses crimes, ainsi que ceux commis par ses forces affiliées ou d’autres forces sur le sol syrien, y compris les crimes contre les femmes. Même ses commissions d’enquête officielles publient des rapports niant tous les crimes systématiques et flagrants perpétrés contre les femmes. Par conséquent, je ne constate aucune réelle volonté de traduire en justice les auteurs de violations et de crimes, car le gouvernement ne s’y est jamais efforcé jusqu’à présent et, comme je l’ai dit, il nie tous les crimes commis.
Quel est l’impact de l’absence d’un pouvoir judiciaire indépendant sur l’escalade des crimes contre les femmes ?
Toutes les régions subissent encore un chaos juridique et judiciaire suite à la chute du régime et à la prise de contrôle du pouvoir judiciaire par des cheikhs, en lieu et place des anciens juges. De ce fait, le système judiciaire actuel est partial et ne garantit ni l’égalité ni la justice (lorsqu’il existe des procédures judiciaires). L’absence d’un système judiciaire et de forces de l’ordre fonctionnels contribue ainsi à l’aggravation du chaos, de la criminalité et de l’impunité des auteurs de ces actes, les encourageant à persévérer dans leurs méfaits.
Croyez-vous que les lois syriennes, dans leur forme actuelle, soient capables de protéger les femmes contre la violence et la discrimination ?
Les lois actuelles ne permettent pas d’atteindre cet objectif car elles ne garantissent pas l’égalité des sexes et ne couvrent pas toutes les formes d’agressions et de crimes commis contre les femmes. De plus, elles n’ont pas été modifiées, alors que nous œuvrons et plaidons pour leur modification depuis de nombreuses années. Par conséquent, ces lois ne sont pas conformes au droit international des droits humains et n’intègrent pas les traités internationaux ni les résolutions du Conseil de sécurité relatifs aux femmes, à la paix et à la sécurité. Elles ne peuvent protéger les femmes contre la discrimination et la violence. (ANHA)
Pas tous les hommes, mais toujours les hommes !
VIOLENCE MASCULINE. La femme politique suisse, Franziska Stier, appelle à la résistance contre les violences patriarcales à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes du 25 novembre. Dans l’article suivant, elle démontre comment les discriminations quotidiennes, la dépendance économique et les politiques d’extrême droite interagissent et pourquoi des réponses collectives, y compris de la part des hommes, sont nécessaires.
La violence patriarcale n’est pas une fatalité. Elle est construite, apprise – et peut être désapprise. Le 25 novembre, nous descendrons dans la rue. Pour une vie sans violence. Nous pensons aux femmes du Soudan, de Palestine, du Kurdistan et d’ailleurs, victimes de la guerre patriarcale. Nous pensons aux femmes qui subissent des violences conjugales et à celles qui sont agressées sexuellement en public. Et nous le ferons partout dans le monde – de Bâle à Panama, où nos sœurs manifesteront également contre la fermeture du ministère de la Condition féminine le 25 novembre.
La violence est systémique
Nous connaissons toutes la violence patriarcale. Nous la ressentons toutes. À travail égal, les femmes gagnent moins. Elles élèvent, prennent soin et subviennent aux besoins de leurs enfants – gratuitement ou avec une faible rémunération. En Suisse, leur revenu est inférieur de 43 % à celui des hommes en raison de ce travail non rémunéré. Cette violence économique n’est pas accidentelle, mais systémique. Elle maintient les femmes dans la dépendance.
Ce déséquilibre se reflète également dans le domaine médical. Les femmes attendent en moyenne 30 minutes de plus aux urgences et ont moins de chances de recevoir des analgésiques puissants. Nos besoins ne sont tout simplement pas pris au sérieux. Le regard masculin façonne notre société. Un monde d’hommes, pour les hommes : de la recherche pharmaceutique à l’urbanisme.
Et puis il y a la violence sexuelle. Les remarques obscènes. La main qui effleure « accidentellement » les fesses. Les plaisanteries entre hommes. Tout cela constitue le terreau sur lequel se construisent des choses mortelles. Presque toutes les femmes connaissent quelqu’un qui a subi des violences conjugales. C’est difficile d’en parler. Même pour moi. J’ai honte, moi aussi, d’en parler : des souffrances, des traumatismes psychologiques, de la dynamique (auto)destructrice que les violences conjugales engendrent.
La boxeuse française Gisèle Pelicot, droguée par son mari pendant des années et qui aurait été violée par 51 hommes durant cette période, a déclaré au tribunal : « La honte doit changer de camp. »
Ayez honte !
À quoi pensent les hommes lorsqu’ils crient « joli cul » aux femmes dans la rue ou envoient des photos de leur pénis sans qu’elles les aient sollicitées ? Je n’en sais rien. Mais une étude de l’Université de Salzbourg montre qu’il ne s’agit pas d’un intérêt sincère, mais d’une volonté de domination. Une étude représentative menée en Allemagne a révélé qu’un tiers des hommes âgés de 18 à 35 ans trouvent acceptable la violence envers leur partenaire. Environ la moitié d’entre eux estiment légitime d’insulter les femmes et pensent que toute personne s’habillant de manière « provocante » s’expose à des agressions. Ces chiffres sont choquants et honteux pour les hommes. Comment pouvons-nous, ou nos filles, entamer des relations avec des hommes sans crainte quand, dans le pire des cas, la violence mortelle représente une menace réelle ?
Fin septembre, 20 femme avaient été assassinées en Suisse, la plupart par leur conjoint ou ex-conjoint. En Allemagne, en 2023, une femme ou une fille mourait presque chaque jour des suites d’ un féminicide.
Les partis autoritaires alimentent la violence
En 2024, l’Office fédéral de police criminelle allemand a recensé 128 000 infractions sexuelles. Le chiffre réel est probablement bien plus élevé. Les partis d’extrême droite imputent ce phénomène à l’immigration. Or, les auteurs de ces agressions ne sont pas façonnés par leur origine, mais par les rôles de genre patriarcaux. Ces normes patriarcales existent dans tous les pays. Elles sont particulièrement défendues par les forces conservatrices et autoritaires qui perçoivent notre émancipation comme une menace.
Pendant qu’ils isolent l’Europe et durcissent les lois sur l’asile, ces mêmes partis démantèlent l’État-providence, affaiblissent les dispositifs de protection des femmes et des personnes LGBTQ+ – et qualifient cela, au final, de politique de sécurité. On pourrait cyniquement dire : ils défendent leur privilège de harceler eux-mêmes les femmes.
Les femmes se tournent davantage vers la gauche, les hommes vers la droite.
Nous vivons dans un monde en proie à de multiples crises : crise climatique, crise des soins, guerres et crainte d’un déclin social. Cette situation met à rude épreuve tous les genres. Mais tandis que les femmes recherchent la solidarité et votent pour des partis de gauche, de nombreux hommes se tournent vers la droite, retournant à des rôles de genre dépassés. À l’illusion de force, de contrôle et de supériorité. À des visions du monde qui visent à restaurer leur pouvoir, si nécessaire par la violence. C’est probablement l’un des facteurs déclencheurs de l’augmentation des taux de violence. Mais cela n’excuse rien.
Si nous voulons mettre fin aux violences faites aux femmes, nous devons nous attaquer à leurs racines : la dépendance économique, les structures de pouvoir patriarcales, la dévalorisation du travail de soin et la propagande d’extrême droite qui s’oppose à notre émancipation. Par conséquent, notre mission première, en tant que femmes et personnes non binaires, est de nous organiser, de nous libérer des chaînes du patriarcat et de développer des perspectives alternatives où nous sommes reconnues comme des personnes à part entière. Mais le féminisme n’est pas seulement une question de femmes ; c’est un projet de société. La question n’est pas de savoir si les hommes y ont leur place, mais quand ils assumeront enfin leurs responsabilités. (ANF)
L’article invité de Franziska Stier, secrétaire générale du parti suisse « Alternative forte à Bâle » (BastA !), est initialement paru dans le quotidien kurde « Yeni Özgür Politika ».
TURQUIE. La libération d’un journaliste kurde reportée car il « n’a pas de remords »
TURQUIE. La libération du journaliste kurde Ali Barış Kurt a été reportée de 6 mois par le Conseil administratif et de surveillance au motif qu’il « ne montre aucun remords ».
La libération du journaliste Ali Barış Kurt, arrêté le 8 février 2025 et incarcéré à la prison fermée de type L n° 1 de Maltepe, a été reportée après que la Cour suprême d’appel a confirmé sa peine de deux ans et quatre mois d’emprisonnement pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste » par le biais de ses activités professionnelles et de ses publications sur les médias en ligne. L’administration pénitentiaire et la commission de surveillance ont reporté sa libération de six mois au motif qu’il « ne manifeste aucun remords et est susceptible de nuire à autrui ».
Kurt, dont la libération a été reportée par le Conseil administratif et de surveillance, a publié une déclaration par l’intermédiaire de sa famille, disant : « Bien que je n’aie fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire, le Conseil administratif et de surveillance m’a refusé mon droit à la probation au motif que « je n’ai aucun remords et que je ne nuirai à personne ». Nous continuerons à défendre le journalisme et la vérité en toutes circonstances. »
TURQUIE. La « Commission pour la paix » se rend à Imrali
TURQUIE – La « Commission pour la paix » du parlement turc se rend aujourd’hui sur l’île d’Imrali pour rencontrer le chef historique de la guérilla kurde.
La Commission nationale pour la solidarité, la fraternité et la démocratie, créée au Parlement, se rend aujourd’hui à İmralı pour rencontrer le leader du peuple kurde, Abdullah Öcalan. La délégation comprend Gülistan Kılıç Koçyiğit, vice-présidente du groupe parlementaire du Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (DEM) ; Feti Yıldız, vice-président du MHP ; et Hüseyin Yayman, membre de l’AKP. La commission devrait arriver à İmralı en hélicoptère dans les prochaines heures.
Le jeudi 21 novembre, la Commission parlementaire turque pour la réconciliation nationale, la fraternité et la démocratie, communément appelée « Commission pour la paix », avait approuvé la décision d’envoyer une délégation à la prison d’Imrali pour des pourparlers directs avec Abdullah Ocalan, le dirigeant emprisonné du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Au cours des débats, le Parti républicain du peuple (CHP) a annoncé qu’il ne désignerait aucun membre pour faire partie de la délégation et a quitté la salle de réunion. Malgré ce retrait, la Commission a poursuivi sa séance et a procédé au vote. Selon le procès-verbal de la session, la motion a été adoptée par 32 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.
Les parlementaires du Parti de la justice et du développement (AKP), du Parti du mouvement nationaliste (MHP), du DEM Parti, EMEP et TİP ont voté « oui » pour que la commission rencontre Abdullah Öcalan.
Avec ce vote, la Commission a officiellement ouvert la voie à une délégation parlementaire pour se rendre à Imrali et rencontrer Ocalan – un événement qui marque l’un des développements les plus importants du paysage politique intérieur turc depuis des années.
Mazlum Abdi : L’intégration des FDS apporterait de la stabilité à la Syrie
SYRIE / ROJAVA – Dans un entretien accordé à l’agence kurde Mezopotamya (MA), le commandant général des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), Mazlum Abdi, évoque la situation dans le nord et l’est de la Syrie, le dialogue avec Damas, le rôle des États-Unis et les efforts déployés en faveur de l’unité kurde.
De par sa situation stratégique, l’abondance de ses ressources naturelles et la diversité de sa population, le nord et l’est de la Syrie constituent l’une des principales zones de conflit et de négociation au Moyen-Orient. La région est au cœur des préoccupations des acteurs régionaux et de la diplomatie internationale. Lors de la rencontre entre le président américain Donald Trump et Ahmed al-Sharah, président du Gouvernement fédéral de transition syrien autoproclamé, le 10 novembre à Washington, l’avenir politique du nord et de l’est de la Syrie a été un sujet central, tout comme la question du rôle que devraient jouer les Forces démocratiques syriennes (FDS) dans un éventuel processus d’intégration.
Les relations entre l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie et le gouvernement de Damas, ainsi que les tensions persistantes avec la Turquie, continuent de dominer l’actualité politique. Dans un entretien avec le journaliste Azad Altay (MA), le commandant général des FDS, Mazlum Abdi, a longuement évoqué la situation sur le terrain, le rôle des FDS au sein de l’État syrien, le dialogue avec Damas et Washington, et les efforts déployés pour renforcer l’unité kurde. Il a souligné que l’intégration des FDS à l’armée syrienne permettrait non seulement de consolider les forces armées du pays, mais aussi d’instaurer une stabilisation durable.
Avant d’aborder les développements récents, j’aimerais commencer par votre visite au Kurdistan irakien. Vous avez participé, avec Ilham Ehmed, à un forum à Duhok. Comment avez-vous été accueillie ? Quelle a été l’attitude envers la délégation du nord et de l’est de la Syrie ?
Nous avons été invités à participer à ce forum il y a quelque temps et accordons une grande importance à notre visite. De notre point de vue, elle marque le début d’une nouvelle phase. La participation à un tel forum à Duhok revêt une importance considérable pour le nord et l’est de la Syrie. Nous pensons que c’est le début d’un nouveau chapitre dans nos relations avec le Kurdistan du Sud et que de nouveaux contacts en découleront. L’accueil a été chaleureux. Nos relations avec nos frères et sœurs du Kurdistan du Sud se sont naturellement développées et sont positives.
Ils ont également tenu des discussions importantes, notamment avec le dirigeant du PDK, Massoud Barzani, et le président de la RIK, Nechirvan Barzani. S’agissait-il de simples visites de courtoisie ou des questions spécifiques ont-elles été abordées ?
Il ne s’agissait pas de la première rencontre avec le gouvernement de la région du Kurdistan, mais plutôt de la poursuite de contacts antérieurs. De nombreux développements récents ont été abordés, ainsi que des sujets d’intérêt commun. La question de l’unité nationale figurait à l’ordre du jour et a fait l’objet de consultations approfondies. Nous avons également évoqué notre dialogue avec le gouvernement syrien et échangé nos positions. Le soutien du Kurdistan du Sud au Nord et à l’Est de la Syrie constituait un autre point important. De manière générale, les discussions ont porté sur des sujets tels que la paix et le dialogue au Moyen-Orient, des problématiques qui touchent à la fois le Nord et l’Est de la Syrie et l’ensemble du peuple kurde. Dans l’ensemble, les pourparlers ont été constructifs.
L’ouverture du poste frontière de Sêmalka et les relations entre le nord et l’est de la Syrie ont-elles également été abordées ?
Bien sûr. Ces sujets sont régulièrement abordés lors de nos conversations. Il s’agit d’approfondir nos relations et d’améliorer la liberté de circulation à la frontière. Mais plus important encore est le rôle que le Kurdistan du Sud doit jouer dans la reconstruction de la Syrie, tant sur le plan économique qu’en termes d’investissements. Après tout, nous sommes voisins et, de surcroît, nous partageons des liens familiaux. Non seulement le Kurdistan du Sud, mais aussi les Kurdes du Nord et de la diaspora doivent participer activement à la reconstruction du nord et de l’est de la Syrie ; c’était là une de nos principales préoccupations.
Quelle a été l’attitude de vos interlocuteurs face à ces points ?
Globalement positif. Eux aussi reconnaissent le besoin et ont manifesté leur volonté de coopérer.
Comme vous l’avez déjà mentionné en introduction, l’unité démocratique des partis kurdes est un enjeu central. Vous avez organisé une conférence sur ce sujet en mai. Quel est l’état actuel de ces efforts d’unité, et dans quelle mesure ont-ils été abordés lors de vos récents échanges ?
Il est réjouissant de constater que toutes les forces et organisations politiques kurdes soutiennent l’initiative de paix lancée par Rêber Apo (Abdullah Öcalan). Ce point a d’ailleurs été clairement affirmé lors de la conférence par toutes les parties. Nous espérons que cela jettera les bases de l’unité de toutes les organisations au Kurdistan. Ce sujet a été abordé dans toutes nos discussions. Nous avons constaté que toutes les parties adoptent généralement une position positive à ce sujet. Des représentants du Conseil kurde syrien étaient également présents à la conférence. Nous avons discuté des moyens de renforcer davantage l’unité au Rojava.
Un problème persiste cependant : bien qu’un comité kurde conjoint ait été formé, il n’a pu participer aux négociations en raison de la position du gouvernement syrien. Nous avons multiplié les tentatives pour envoyer ce comité à Damas afin que la question kurde, et notamment les dispositions de l’Accord du 10 mars, puissent être discutées et mises en œuvre. Jusqu’à présent, ces efforts sont restés vains, ce qui constitue un obstacle. Nous nous employons donc à renforcer l’organisation du comité. Nous partageons l’avis que ce comité doit non seulement participer aux négociations, mais aussi représenter tous les Kurdes du Rojava, qu’ils résident dans le pays ou au sein de la diaspora. Nous avons également sollicité le soutien de nos interlocuteurs du Kurdistan du Sud pour cette initiative. Dans un second temps, nous espérons que le comité jouera un rôle plus actif.
Pourquoi Damas refuse-t-il de dialoguer avec la commission ? Quelles raisons sont invoquées ?
Les raisons invoquées ne nous paraissent pas convaincantes. Le gouvernement syrien insiste pour régler d’abord les questions militaires. Il souhaite traiter en priorité les dossiers de sécurité et de politique militaire. Il exige également des accords sur les questions administratives. Selon lui, ce n’est qu’après cela que les questions constitutionnelles et la formation d’un gouvernement pourront être abordées. Nous ne pensons pas que cette approche soit la bonne, mais le gouvernement persiste. Pour notre part, nous souhaitons que la prochaine étape se concentre à la fois sur la question kurde et sur d’autres sujets, notamment le règlement des questions de sécurité et de politique militaire.
Avant d’aborder plus en détail les pourparlers avec Damas, j’aimerais évoquer une importante réunion internationale. Le nord et l’est de la Syrie ont occupé une place centrale dans les discussions entre le président américain Donald Trump et le président du gouvernement fédéral de transition syrien, Ahmed al-Sharah. Vous avez ensuite rencontré Tom Barrack. De quoi ont-ils discuté ?
Les détails de la rencontre entre Ahmed al-Shara et le président américain Trump à la Maison Blanche nous ont été communiqués par Tom Barrack. D’après nos informations, la discussion s’est bien déroulée. Trump a abordé directement la question du nord et de l’est de la Syrie et des Forces démocratiques syriennes (FDS). La réaction a été positive. La volonté de trouver une solution a été manifestée et l’importance des bonnes relations avec les FDS a été soulignée. Dans l’ensemble, l’atmosphère était constructive.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, était également présent. Selon nos informations, la question a été abordée avec lui. Le président Trump a exprimé son soutien à une solution pacifique par le dialogue, ce qui a été accepté. Par ailleurs, les victimes et la contribution des Forces démocratiques syriennes (FDS) dans la lutte contre Daech ont été évoquées et saluées.
Avez-vous également reçu des informations concernant la position de la Turquie ?
Oui, nous en avons également été informés. Tant lors de la rencontre avec le président Trump que lors des échanges ultérieurs avec Hakan Fidan et les ministres des Affaires étrangères de trois pays, la partie turque a réitéré ses objections habituelles. Comme d’habitude, des reproches ont été formulés à l’encontre des FDS, notamment concernant la lenteur de la mise en œuvre de certains accords. D’autres points ont également été critiqués. Mais d’après ce que nous avons entendu, le ton était moins dur cette fois-ci. Aucune menace n’a été proférée ; on a plutôt formulé des demandes de solution.
Si ces signaux positifs issus des discussions pouvaient se concrétiser dans la pratique, quel impact cela aurait-il sur la situation sur le terrain ?
Le problème fondamental est que, si les discussions promettent souvent des choses constructives, elles ne se concrétisent pas. C’est là l’un de nos plus grands défis. Après la réunion de Washington, nous attendons désormais des mesures concrètes. Il est temps que les paroles se traduisent en actes.
Les questions militaires étant actuellement à l’ordre du jour, et un accord ayant pu être trouvé sur ce sujet à Damas lors du dernier cycle de négociations, nous sommes optimistes quant aux progrès concrets. Même si des divergences subsistent sur certains points, nous restons déterminés à trouver des solutions. Notre principale préoccupation demeure cependant la participation à un gouvernement ou à un parlement, ainsi que la réforme constitutionnelle. Nous œuvrons activement en ce sens. Des clarifications et des mesures concrètes sont nécessaires.
La délégation kurde devait se rendre à Damas pour collaborer avec d’autres groupes ethniques afin d’inscrire les droits des Kurdes dans la future constitution syrienne. Ceci fait partie de l’accord du 10 mars. Quel est l’état de vos relations avec Ahmed al-Sharah ? Après la visite à Washington, il a été annoncé qu’une autre rencontre avec lui était prévue.
Nous avons prévu des discussions. Une rencontre avec lui était initialement prévue avant son voyage à Washington, mais a été reportée. Il est essentiel que les équipes de négociation respectives se rencontrent directement et travaillent ensemble sur des questions concrètes. Nous visons désormais une nouvelle réunion trilatérale, réunissant nos représentants, ceux de Damas et ceux des États-Unis. Les délégations pourraient se rencontrer à Damas ou dans un lieu neutre pour discuter des prochaines étapes.
Une réunion dans un lieu tiers est-elle réaliste ?
Oui, c’est une option envisagée et elle est en cours de discussion.
Quels sont les points précis sur lesquels vous avez pu vous entendre lors de vos précédents entretiens avec Damas ?
Le point d’accord le plus important est l’accord de cessez-le-feu, une des dispositions centrales de l’accord du 10 mars. Un cessez-le-feu est en vigueur depuis la conclusion de cet accord. Malgré quelques incidents mineurs occasionnels, la volonté politique d’éviter les affrontements militaires et de résoudre les conflits par le dialogue est clairement manifeste de part et d’autre. Cette approche s’est avérée fructueuse jusqu’à présent. De plus, un langage respectueux est employé dans les déclarations officielles. Au lieu d’une rhétorique conflictuelle, l’accent est mis sur une solution pacifique, ce qui est un signe positif.
Bien qu’aucune signature officielle n’ait encore été apposée, nous sommes parvenus à un accord sur certains points militaires lors de notre dernière réunion à Damas, en présence de représentants américains. Les discussions ont porté sur les modalités de participation et les détails d’organisation. Si certaines questions restent en suspens, un consensus fondamental se dégage.
Cependant, les questions fondamentales demeurent irrésolues : la constitution, la future structure de l’État – la Syrie doit-elle être organisée de manière centralisée ou décentralisée ? – et l’inscription des droits des Kurdes et des autres groupes de population dans la constitution. Sans ces clarifications, un accord global est impossible.
La question de l’intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS) à l’armée syrienne est particulièrement controversée. Un accord a été trouvé sur les questions militaires ; mais concrètement, à quoi ressemblera cette intégration ? Les FDS seront-elles dissoutes ?
Nous ne commentons généralement pas publiquement ces questions. Les souhaits de chaque partie font l’objet de négociations. Bien entendu, certains détails ont été évoqués dans les médias, mais nous estimons qu’il n’est pas opportun de commenter publiquement les questions militaires. Ces questions doivent être abordées lors des négociations.
De manière générale, on peut dire que les FDS forment une alliance militaire regroupant toutes les populations du nord et de l’est de la Syrie, ainsi que des milliers de combattants venus d’autres régions. Nous collaborons étroitement avec la coalition internationale depuis plus de dix ans et avons acquis une expérience considérable dans la lutte contre Daech.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS) constituent actuellement la plus importante force combattante organisée de Syrie. Leur intégration doit donc être structurée et planifiée. Cela renforcerait également l’armée syrienne, tant par son expérience que par ses effectifs. Je suis convaincu qu’une telle intégration apporterait stabilité et sécurité. Nul ne doit la craindre ; au contraire, il faut y voir une opportunité. Nous voulons que les succès et les sacrifices des FDS soient reconnus et ne soient pas vains. Nos combattants ont consenti de nombreux sacrifices. Notre objectif est qu’ils soient pleinement intégrés à la future armée nationale, avec un rôle clairement défini. Tous les détails devront être précisés lors des négociations.
L’accord du 10 mars comporte de nombreux points. Quels obstacles entravent actuellement sa mise en œuvre ? Certains vous accusent, ainsi que l’Administration autonome, d’obstruction. Quelle est votre réponse à ces accusations ?
Ceux qui nous accusent de telles choses auraient peut-être pu le faire dès le début des négociations. Elles ne sont plus recevables aujourd’hui, surtout après les récentes réunions de Damas. Chacun sait qu’une réunion était prévue à Paris il y a environ deux mois. L’Administration autonome et les FDS étaient prêtes. Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni en sont pleinement conscients. Ils ont tous accès à nos propositions écrites et à nos documents de négociation. Ils savent également que nous avons toujours communiqué en temps opportun. Personne ne peut prétendre que nous avons retardé le processus. Au contraire, les obstacles se trouvent de l’autre côté. Et nous pensons que toutes les parties en sont conscientes. Personne ne nous accuse sérieusement de faire traîner les négociations.
Je peux mentionner quelques points précis : nous avons fait part de nos positions sur les questions administratives, notamment l’administration de la région de Deir ez-Zor et les questions relatives aux ressources pétrolières et aux points de passage frontaliers. Nous avons également soumis par écrit nos propositions concernant l’intégration militaire des FDS et leur incorporation concrète au sein de l’armée syrienne, en indiquant notamment les noms des personnes occupant des postes spécifiques.
À ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse. Nous attendons soit une réponse, soit une nouvelle réunion pour examiner ces points plus en détail. Des mesures de confiance sont également nécessaires. Il ne s’agit pas seulement de ce que nous demandons, mais aussi de ce que l’autre partie attend de nous. Par exemple, se pose la question du retour de la population à Afrin et Serêkaniyê. Alors que d’autres Syriens ont pu rentrer chez eux, ces régions restent inaccessibles. C’est problématique.
Autre exemple : depuis douze ans, les enfants du nord et de l’est de la Syrie sont scolarisés en dehors du contrôle de l’État. Dans des régions comme Idlib et Azaz, l’État syrien reconnaît désormais les diplômes scolaires qui y sont délivrés, mais pas en Syrie. Ce problème demeure irrésolu. Il y a peut-être aussi un manque de confiance de l’autre côté. Nous souhaitons que des mesures concrètes soient prises pour y remédier. Cela exige une volonté politique claire, à laquelle nous contribuons de notre côté. Nous attendons la même chose de l’autre côté.
Les représentants de l’administration autonome réclament régulièrement une nouvelle constitution pour la Syrie. Pourquoi jugez-vous cela si nécessaire ?
Cette question comporte deux dimensions. Premièrement, la Constitution actuelle contient plusieurs articles qui contredisent l’Accord du 10 mars. J’ai également soulevé cette question lors de ma rencontre avec Ahmed al-Shara. Ces points doivent être clarifiés en priorité. La Constitution actuelle doit être amendée en conséquence, afin que tous les groupes sociaux soient représentés au sein du gouvernement et, en particulier, que les droits des Kurdes soient inscrits dans la Constitution.
Deuxièmement, il s’agit de la rédaction fondamentale d’une nouvelle constitution syrienne. C’est un processus majeur qui prendra du temps – peut-être deux ou trois ans. Un comité doit être constitué à cet effet, au sein duquel toutes les forces concernées seraient représentées. Ce comité n’existe pas encore. Notre objectif est que tous les courants sociaux et politiques de Syrie participent à cet organe, afin qu’une constitution équitable pour l’ensemble du pays soit élaborée.
Avez-vous des contacts avec d’autres groupes de population et communautés religieuses en Syrie ? Par exemple, avec des Druzes, des Alaouites ou d’autres groupes qui ont également des revendications concernant l’avenir de la Syrie ?
Oui, nous entretenons des relations avec toutes les composantes de la société syrienne. Au sein des FDS, chacun est représenté : Druzes, Alaouites, Sunnites, Ismaéliens, Chrétiens – tous participent activement. Cette coopération n’est pas nouvelle ; elle remonte à l’époque du régime d’Assad et se poursuit encore aujourd’hui. Nous nous comprenons et il nous arrive d’agir conjointement sur des questions politiques.
Nous souhaiterions toutefois que cette coopération soit davantage structurée. C’est pourquoi, lors de nos discussions avec Damas, nous plaidons pour la participation non seulement de représentants du Nord et de l’Est de la Syrie, mais aussi de délégués des communautés druze et alaouite, par exemple. Garantir le dialogue entre tous les acteurs en Syrie est une condition essentielle à une véritable réconciliation nationale. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Nos relations avec tous les groupes restent néanmoins bonnes.
Sur le plan politique, notre principe est le suivant : ce que nous revendiquons pour le nord et l’est de la Syrie doit également s’appliquer aux autres régions. Nous nous engageons également à garantir la représentation des autres groupes de population dans ces discussions, afin qu’un processus équilibré et inclusif puisse émerger. (ANF)
Demain, la deuxième partie de l’interview de Mazlum Abdi :
Y a-t-il eu des contacts entre l’administration autonome et Abdullah Öcalan ?
Quelle est encore l’ampleur de la menace que représente l’EI ?
Une visite d’Abdi en Turquie est-elle imminente ?
Quelles impressions personnelles l’ont le plus marqué durant la révolution du Rojava – et combien de fois a-t-il survécu à des tentatives d’assassinat ?
SYRIE. Le Croissant-Rouge kurde témoigne du catastrophe humanitaire à Soueïda
SYRIE / ROJAVA – Le Croissant-Rouge kurde a mis en lumière la situation humanitaire catastrophique ayant frappé la ville druze de Soueïda qui a subi l’assaut des gangs djihadistes de Damas pendant plus de 121 jours de siège. L’ONG kurde a présenté des témoignages de rescapés druzes sur les violations et les massacres, ainsi que les services fournis par le Croissant-Rouge (Heyva Sor a Kurd) en coopération avec la région du Kurdistan du Nord et de l’Est de la Syrie, soulignant le besoin urgent d’une aide humanitaire d’envergure.
Le Croissant-Rouge kurde a tenu aujourd’hui une conférence de presse à son siège de Qamishlo, avec la participation de plusieurs médias opérant dans le nord et l’est de la Syrie, afin de souligner la détérioration des conditions humanitaires auxquelles est confrontée la population de Swedia (Soueïda) et la difficulté d’acheminer l’aide après plus de 121 jours de siège.
Lors de la conférence, le Croissant-Rouge kurde a présenté des témoignages documentés d’habitants de Swedia décrivant les violations subies suite à l’attaque lancée par les forces du gouvernement intérimaire syrien. Ces témoignages ont indiqué que les massacres perpétrés par le gouvernement étaient motivés par des motifs ethniques, et que des hôpitaux, des habitations et des lieux de culte avaient également été détruits.
Les témoignages ont également abordé les difficultés humanitaires et les conditions de vie difficiles rencontrées par les habitants sous le siège suffocant imposé à la ville de Swedia, qui a entraîné une grave pénurie de produits de première nécessité et empêché l’acheminement de l’aide humanitaire.
Lors de la conférence, le coprésident du Croissant-Rouge kurde, Dilkesh Issa, a évoqué la situation humanitaire et les conditions de vie catastrophiques à Swedia et a souligné l’urgence d’y acheminer de l’aide. Il a déclaré : « Partout où l’on nous demande de fournir de l’aide en Syrie, nous remplirons notre devoir envers l’humanité. »
Issa a mis en lumière les événements survenus en Swedia début juillet 2025, expliquant qu’un grand nombre de civils avaient été déplacés et qu’une trentaine de villages au nord-ouest de Swedia avaient été attaqués. Il a souligné : « Nous avons tenté d’acheminer une aide d’urgence aux personnes déplacées, mais nous avons rencontré d’importantes difficultés. »
Issa a expliqué que le Croissant-Rouge kurde avait mis en place des canaux de coordination dès les premiers jours des attaques contre Soueïda afin d’obtenir de l’aide. Il a souligné que les civils, en particulier les femmes et les enfants, étaient les plus touchés par ces attaques.
Issa a précisé : « Une fois les combats apaisés, nous avons contacté des organisations de la société civile à Swedia et soumis des demandes à toutes les agences des Nations Unies afin de trouver un mécanisme pour acheminer l’aide. »
Issa a indiqué qu’ils avaient lancé une campagne d’aide dans le nord et l’est de la Syrie, en coordination avec des organisations de la société civile et l’Administration autonome. Il a expliqué que de nombreux déplacés vivaient dans des conditions sanitaires déplorables, notamment des malades du cancer, dont certains sont décédés faute de médicaments. Il a ajouté : « Nous avons pu acheminer une aide financière en collaboration avec les organisations locales, et celle-ci est déjà parvenue aux personnes qui en avaient besoin. »
Issa a souligné les efforts du Croissant-Rouge kurde pour transférer son expertise aux organisations de la société civile à Soueïda, insistant sur la coopération croissante avec l’organisation Sanad dans un cadre humanitaire visant à servir la population locale.
Il a fait remarquer que la panne d’internet et l’absence de canaux de communication directs constituaient un obstacle supplémentaire pour eux, et a déclaré : « Nous avons essayé d’acheminer de l’aide sous forme de médicaments et de nourriture par l’intermédiaire du Croissant-Rouge, mais cela n’a pas fonctionné, et même le Croissant-Rouge arabe n’a pas été en mesure d’apporter la moindre aide. »
Difficultés d’approvisionnement en nourriture et en carburant
Concernant la situation actuelle, Issa a révélé que la région subit un blocus largué, expliquant que si les routes ne sont pas totalement coupées, la circulation y est comparable à celle de marchandises transitant entre deux pays. Il a souligné les difficultés considérables rencontrées pour acheminer des denrées alimentaires et du carburant, et le prix exorbitant des produits importés par les commerçants.
Issa a souligné que les agences des Nations Unies sont capables de fournir une certaine aide par l’intermédiaire du Croissant-Rouge arabe, mais que celle-ci est très limitée et ne répond pas aux besoins des boulangeries, qui souffrent d’une grave pénurie de farine.
Pour sa part, Hadiya Abdullah, coprésidente du Croissant-Rouge kurde, a déclaré que les tragédies survenues à Soueïda lors des récents événements les avaient « profondément affectés », soulignant qu’ils avaient déployé de grands efforts pour soulager les souffrances des habitants et leur apporter de l’aide malgré les difficultés considérables.
Hadiya Abdullah a expliqué : « Nous avons rencontré de nombreux obstacles avant de pouvoir acheminer l’aide. Le Croissant-Rouge kurde s’est d’abord concentré sur le soutien aux agriculteurs qui subissaient un siège strict empêchant toute marchandise d’entrer dans la ville. L’objectif était de garantir leur approvisionnement de base en combustible pour irriguer leurs terres, car les légumes qu’ils cultivent constituent la seule source de nourriture disponible pour la région. »
L’accès aux médicaments pour les patients atteints de cancer se heurte à des difficultés importantes.
Hadiya Abdullah a souligné que le Croissant-Rouge avait fourni du carburant aux ambulances en raison de la présence de blessés et de victimes lors des attaques, facilitant ainsi leur accès aux soins et leur sauvant des vies. Elle a ajouté que l’organisation avait apporté une aide financière à 10 familles en situation de grande précarité et distribué récemment 3 000 paniers alimentaires.
Elle a évoqué la situation sanitaire extrêmement critique des patients atteints de cancer à Soueïda, soulignant que nombre d’entre eux n’ont plus accès aux traitements suite à la mise hors service d’hôpitaux.
Hadiya Abdullah a expliqué que le centre de cancérologie Amal prend en charge environ 1 500 patients atteints de cancer, soulignant que nombre d’entre eux rencontrent des difficultés importantes pour obtenir leurs médicaments et leurs traitements en raison de leur incapacité à voyager et des difficultés liées à l’acheminement des médicaments dans la région.
Le Croissant-Rouge kurde est parvenu, non sans difficultés, à fournir des doses aux patients atteints de cancer, en plus de prendre en charge les coûts des examens diagnostiques tels que les scanners et les IRM.
Soutien à quatre refuges
Hadiya Abdullah a indiqué que le Croissant-Rouge soutient quatre abris à Soueïda, en plus de gérer quatre cuisines humanitaires, chacune ayant une capacité de production allant jusqu’à 1 000 repas.
Concernant leurs efforts pour garantir l’approvisionnement en eau, Hadiya a indiqué que le Croissant-Rouge, en collaboration avec l’association Sanad, avait mis en œuvre un projet de puits solaire, avec l’installation de 300 panneaux, couvrant environ 25 % des besoins en eau de la ville. Elle a réaffirmé leur détermination à poursuivre ces projets si la crise énergétique persistait.
Hadiya Abdullah a souligné que le Croissant-Rouge kurde collabore avec la communauté locale de Suwayda, notamment avec des organisations humanitaires et des conseils médicaux. Elle a déclaré : « Environ 510 membres du personnel médical n’ont pas perçu leur salaire, ce qui a incité le Croissant-Rouge à leur verser des primes afin de garantir la poursuite de leurs missions humanitaires. »
La coprésidente du Croissant-Rouge kurde a exprimé l’espoir que la sécurité et la stabilité reviennent dans la ville de Swedia, permettant ainsi à ses habitants de rentrer chez eux et de reprendre une vie normale. (ANHA)
TURQUIE. Vide sécuritaire dans les quartiers pauvres d’Amed
TURQUIE / KURDISTAN – Dans plusieurs quartiers de la ville kurde de Diyarbakir (Amed), les signalements de groupes armés extorquant de l’argent et semant la terreur se multiplient. Des initiatives locales réclament des mesures ciblées avant que ces groupes ne s’implantent davantage.
Dans plusieurs quartiers pauvres de la métropole kurde d’Amed (Diyarbakır), l’augmentation systématique du nombre de bandes armées dans les rues suscite une inquiétude croissante. Les observateurs locaux évoquent la consolidation de groupes de jeunes, parfois mineurs, qui ont recours à la violence, à l’intimidation et à l’extorsion – et ce n’est pas un hasard.
Des habitants et des initiatives de la société civile exigent des éclaircissements concernant les liens présumés avec les méthodes de guerre spéciale employées par l’État turc. Les personnes concernées mettent en garde contre une déstabilisation politique délibérée des quartiers considérés comme des bastions de l’opposition kurde.
Inspiré par les gangs de l’ouest de la Turquie
Alors que des groupes comme les « Daltons », « Redkits » et « Caspers » ont régulièrement fait la une des journaux dans des métropoles comme Istanbul et Ankara en raison de leurs violences brutales, les organisations de défense des droits humains observent avec inquiétude des évolutions similaires au Kurdistan. À Amed, et plus particulièrement dans les quartiers défavorisés de Rezan (Bağlar), Sûr et Şehitlik, on constate une augmentation des signalements de jeunes groupes armés qualifiés de salafistes ou d’islamistes radicaux par la population.
Ces groupes semblent opérer indépendamment des autres réseaux religieux connus, et leurs structures sont diffuses. Leurs actions, généralement marquées par le recours aux armes, la violence et les menaces, instaurent un climat de peur. En une seule semaine, deux personnes ont été tuées et une autre grièvement blessée. Selon des témoins locaux, cette violence serait l’expression d’une perte de contrôle délibérément tolérée.
« Guerre spéciale » contre les structures kurdes ?
Les observateurs interprètent la situation comme faisant partie d’une stratégie de guerre spéciale : l’objectif est de saper l’auto-organisation kurde, de criminaliser la résistance et, surtout, de pousser les jeunes vers des structures criminelles sans espoir. La population s’inquiète non seulement de l’insécurité croissante, mais a aussi l’impression que cette évolution n’est pas accidentelle, mais politiquement acceptée, voire encouragée.
« Si l’État était présent dans ces quartiers, il pourrait facilement mettre fin aux agissements de ces groupes », affirme un habitant de Rezan. « Au lieu de cela, on voit des jeunes armés dans les rues. » Nombre d’habitants considèrent cette situation non seulement comme un problème de sécurité, mais aussi comme le signe d’une négligence structurelle, d’un désintérêt politique et de lacunes délibérées dans l’application de la loi.
Violences systématiques : intimidation, extorsion de fonds, menaces
D’après plusieurs sources, ces groupes sont responsables d’un nombre croissant de crimes systématiques, notamment l’extorsion, le vol, les agressions et les attaques ciblées contre des entreprises. Ceux qui refusent de payer un racket s’exposent à des attaques : récemment, un bijoutier et un restaurateur syrien de Rezan ont été victimes d’intimidations et de violences. Le bijoutier a essuyé des tirs, et le restaurateur a été agressé physiquement et contraint de fermer son établissement. Un des auteurs présumés a avoué après une attaque mortelle : « J’ai été payé pour ça. Je ne sais pas qui est derrière tout ça. »
« Ils recrutent des enfants pour de l’argent. »
D’après les informations recueillies dans le quartier, ces groupes sont principalement composés de jeunes de 15 à 20 ans. Nombre d’entre eux sont recrutés pour de l’argent, et les enfants sont de plus en plus exposés au risque d’être enrôlés dans ces structures. L’abandon social, le manque de perspectives et le chômage des jeunes constituent des facteurs de risque majeurs. Un habitant de Sûr témoigne : « Ces jeunes ignorent souvent pour qui ils agissent ; ils recherchent l’argent, l’influence, peut-être la reconnaissance. D’autres profitent du vide qui règne dans les rues. »
La société civile et les autorités sont appelées à agir
Plusieurs responsables locaux indiquent être en contact régulier avec la police, mais aucune mesure concrète n’a été prise à ce jour. Malgré quelques incidents isolés, le problème de fond persiste. « Les gens n’osent plus sortir le soir », déplore un maire. « Il y a un véritable vide sécuritaire. »
Les habitants réclament donc non seulement une présence policière accrue, mais surtout un engagement citoyen. « Il ne faut pas laisser ces quartiers à l’abandon. Ils ont besoin de services sociaux, d’éducation et de centres de soutien pour les jeunes. Sinon, nous perdrons toute une génération dans la violence et le désespoir. »
Appel au public : « Ne restez pas silencieux »
La violence à Amed est – pour l’instant – différente de celle qui sévit à Istanbul ou à Ankara. Mais nombreux sont ceux qui craignent que la situation ne devienne similaire si des mesures rapides ne sont pas prises. L’appel est clair : « La société civile doit se mobiliser au lieu de se contenter de parler. Les autorités doivent assumer leurs responsabilités au lieu de détourner le regard. Et le public ne doit pas rester silencieux. » (ANF)
TURQUIE. Mort suspecte d’une étudiante kurde
TURQUIE – L’étudiante kurde, Mizgin Ertekin a perdu la vie après une chute suspecte du 4e étage de la résidence universitaire à Ankara.
Mizgin Ertekin, étudiante en première année d’esthétique à l’université Haci Bayram Veli d’Ankara, a été grièvement blessée hier soir après une chute suspecte du quatrième étage de sa résidence universitaire, située sur le boulevard Necmettin Erbakan, dans le quartier Mehmet Akif. Alertés par des étudiantes, les secours et la police sont intervenus. Transportée à l’hôpital, Mizgin Ertekin y a succombé à ses blessures.
Le corps de Mizgin Ertekin a été transporté à l’Institut de médecine légale pour une autopsie. Les condoléances de sa famille seront reçues au village de Page, dans le district de Çelê (Çukurca), à Hakkari (Colemêrg), au Kurdistan du Nord.
IRAK. Seulement 84 femmes ont été élues au Parlement irakien
IRAK / KURDISTAN – Lors de la sixième législature irakienne, 84 femmes ont obtenu des sièges au Parlement irakien, rapporte l’agence kurde ANF. Cela représente une baisse par rapport à la cinquième législature du Parlement irakien, où 95 députées constituaient 30 % de l’assemblée.
La participation des femmes aux élections législatives irakiennes est considérée comme un enjeu majeur pour la démocratie, l’égalité, l’émancipation des femmes et le développement socio-politique. Malgré les difficultés, les femmes n’ont pas renoncé à leur combat pour participer aux instances décisionnelles. Lors des élections législatives de la sixième législature, 84 femmes ont été élues au Parlement, dont 25 grâce aux votes de leurs électeurs.
Parallèlement, la proportion de femmes au Parlement a atteint 25,5 %. Cela représente une baisse par rapport à la cinquième législature du Parlement irakien, où 95 députées constituaient 30 % de l’assemblée.
Le Parlement irakien compte 329 sièges, dont 9 sont réservés aux femmes. Un système de quotas de 30 % est appliqué aux femmes.
Au cours des six législatures successives, 503 femmes ont siégé au Parlement irakien. Lors des premières élections, en novembre 2005, après la chute du régime baasiste et la rédaction de la constitution, 87 femmes ont été élues députées. Avec 275 sièges au total, ce nombre dépassait le quota de 25 %.
Lors de la deuxième législature, 80 femmes furent élues. Au cours de la troisième, ce nombre s’élevait à 83 ; au cours de la quatrième, à 84 ; et au cours de la cinquième, il atteignit 97. Cependant, lors de la sixième législature, ce nombre diminua.
Au cours du processus électoral, des femmes ont obtenu des sièges grâce à des quotas dans sept provinces d’Irak et à Duhok, dans la région du Kurdistan.
Dans la région du Kurdistan, voici les résultats obtenus :
A Hewlêr (Erbil), 3 candidates quota et 1 candidate hors quota ;
A Silêmanî (Sulaymaniyah), 5 candidates hors quota ;
À Duhok, 3 candidates de quota sont entrées au parlement.
En Irak et dans les territoires contestés (zones visées par l’article 140) :
À Kirkouk, 1 candidate hors quota et 1 candidate sous quota ;
à Anbar, 4 candidates sous quota ;
à Bassora, 2 candidates hors quota et 4 candidates sous quota ;
à Diwaniyah, 3 candidates hors quota ;
à Muthanna, 3 candidates hors quota ;
à Najaf, 3 candidates hors quota ;
à Babil, 4 candidates sous quota ;
à Bagdad, 6 candidates hors quota et 11 candidats sous quota ;
à Diyala, 4 candidates sous quota ;
à Dhi Qar, 1 candidate sous quota et 3 candidates hors quota ;
à Salahaddin, 1 candidate hors quota et 2 candidats sous quota ;
à Karbala, 3 candidates sous quota ;
à Maysan, 2 candidates hors quota et 1 candidate sous quota ;
à Mossoul, 1 candidate hors quota et 7 candidates sous quota ;
à Wasit, 3 candidates sous quota ont obtenu un siège.
En Irak, les femmes ont officiellement obtenu le droit de participer aux élections en 1980. Cependant, en raison de certains obstacles sociétaux, leur représentation au Parlement n’est toujours pas au niveau souhaité.
Conformément à la Constitution irakienne et à l’article 16 de la loi parlementaire irakienne de 2019, la proportion de femmes au Parlement ne doit pas être inférieure à 25 %. En conséquence, les femmes doivent occuper 84 des 329 sièges parlementaires.
Conformément à la loi électorale de 2023, chaque province constitue une circonscription électorale unique et les votes sont comptabilisés au niveau provincial. Les sièges sont donc attribués en fonction du nombre de sièges attribués à chaque province. Par exemple, dans la région du Kurdistan, les sièges sont répartis entre les trois provinces de Hewlêr, Silêmanî et Duhok, pour un total de 11 sièges.
Le 14 avril, le Parlement irakien a approuvé l’octroi du statut de province à Halabja. En conséquence, trois sièges auraient dû être réservés aux candidates parlementaires dans cette circonscription. Lors des dernières élections, ces sièges ont été attribués à Silêmanî, privant ainsi une fois de plus les femmes de leurs droits. (ANF)