AccueilDroits de l'Homme822 enfants de moins de 6 ans vivent dans les prisons surpeuplées...

822 enfants de moins de 6 ans vivent dans les prisons surpeuplées de Turquie

TURQUIE / KURDISTAN – Un récent rapport de la société civile dans le système pénal (en turc : Ceza İnfaz Sisteminde Sivil Toplum Derneği, CISST) a révélé que 822 enfants vivent derrière les barreaux avec leurs mères dans les prisons surpeuplées de Turquie, dont celles des régions kurdes du pays.

Selon le CISST, au 1er octobre, 822 enfants de moins de six ans vivaient avec leur mère en prison, contre 759 un an auparavant. On dénombre également 4 561 mineurs âgés de 12 à 18 ans en détention, dont 187 jeunes femmes.

La population carcérale totale en Turquie a atteint 420 904 détenus, dépassant la capacité officielle de 38 %. Cela représente une augmentation de 4,4 % au cours des six derniers mois et une multiplication par sept depuis 2002, date à laquelle le Parti de la justice et du développement (AKP) est arrivé au pouvoir.

Le rapport indique également que 19 290 femmes sont incarcérées dans tout le pays.

D’après un rapport du Conseil de l’Europe publié en 2023, la Turquie affichait de loin le plus grand nombre de prisonniers en Europe. Le pays a connu une augmentation de 439 % de sa population carcérale entre 2005 et 2023, surpassant tous les autres pays européens en termes de taux de croissance.

Face à cette croissance démographique, le gouvernement turc poursuit l’expansion du système pénitentiaire. Six nouvelles prisons devraient ouvrir leurs portes dans les trois prochains mois, suivies de neuf en 2026, cinq en 2027 et deux en 2028. Avec ces 22 nouveaux établissements, le nombre total de prisons en Turquie atteindra 424 fin 2028.

Le nombre d’enfants accompagnant leurs mères en prison en Turquie a explosé à la suite de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, lorsque des milliers de femmes ont été arrêtées en raison de leurs liens présumés avec le mouvement religieux Gülen.

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan cible les partisans du mouvement Gülen, inspiré par le défunt religieux musulman Fethullah Gülen, depuis que des enquêtes pour corruption menées en décembre 2013 l’ont impliqué, ainsi que certains membres de sa famille et de son entourage.

Qualifiant les enquêtes de tentative de coup d’État güleniste et de complot contre son gouvernement, Erdoğan a commencé à cibler les membres du mouvement. Il l’a désigné comme organisation terroriste en mai 2016 et a intensifié la répression à son encontre après un putsch manqué en juillet de la même année, dont il a accusé Gülen d’être le cerveau. Le mouvement nie catégoriquement toute implication dans la tentative de coup d’État ou toute activité terroriste.

Les Règles des Nations Unies pour le traitement des femmes détenues (dites Règles de Bangkok), articles 48 à 52, contiennent des dispositions relatives aux femmes enceintes, aux mères allaitantes et aux femmes ayant des enfants en prison. Ces normes internationales, adoptées en 2010, stipulent que « les détenues enceintes, ayant récemment accouché, allaitantes ou séjournant avec des enfants doivent être traitées en fonction de leurs besoins ; les enfants doivent être suivis par des spécialistes. Un enfant séjournant avec sa mère ne doit jamais être traité comme un détenu. »

Selon l’article 16 du Code pénal turc, « l’exécution de la peine d’emprisonnement est suspendue pour les femmes enceintes ou celles qui sont à moins de six mois de l’accouchement ». Or, les experts affirment que, selon la loi, l’arrestation des femmes enceintes et de celles qui ont des nourrissons de moins de six mois est impossible. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) se concentre également sur la protection des enfants et étend, dans certaines circonstances, les garanties qui leur sont accordées aux enfants à naître.

Cependant, les femmes emprisonnées lors de cette répression sans précédent ont été soumises à la torture et à des mauvais traitements dans les centres de détention et les prisons, dans le cadre de la campagne systématique d’intimidation et de persécution menée par le gouvernement contre les critiques et les opposants, comme le révèle un rapport intitulé « Emprisonner les femmes en Turquie : campagne systématique de persécution et de peur », publié en avril 2017 par le Stockholm Center for Freedom (SCF).

Fondée en 2006 à Istanbul, CISST milite pour la protection des droits et libertés des détenus. L’organisation s’engage à garantir que les conditions, les pratiques et les politiques carcérales en Turquie respectent la dignité humaine et les normes universelles relatives aux droits humains. (Stockholm Center for Freedom)