AccueilKurdistan« Est-ce cela la fraternité turco-kurde ? »

« Est-ce cela la fraternité turco-kurde ? »

TURQUIE / KURDISTAN – Le journaliste Zeki Akil soutient que, malgré les propos du régime turc affirmant le contraire, l’hostilité classique envers les Kurdes persiste, notamment à travers l’ingérence turque en Syrie visant les acquis du Rojava.

La Turquie s’ingère beaucoup trop dans les affaires intérieures de la Syrie. Elle tente de priver le peuple syrien de l’opportunité historique qui s’est présentée. Le régime Baas s’est effondré, laissant la possibilité de construire une Syrie nouvelle et démocratique. Pourtant, en soutenant entièrement Hayat Tarhir al Sham (HTS), la Turquie élimine l’option démocratique.

HTS, comme on le connaît, est une version d’Al-Qaïda. Idéologiquement, il s’oppose à la démocratie. Fort d’une interprétation religieuse rigide et ancrée dans une seule secte, il cherche à instaurer une dictature. Pourtant, HTS n’a pas la capacité de gouverner la Syrie. Organisé principalement autour d’Idlib, il ne peut espérer séduire l’ensemble de la Syrie. Même s’il contrôlait Damas, il n’est ni accepté ni soutenu par le peuple syrien ni par Damas.

Durant sa courte période au pouvoir, HTC a déjà commis deux massacres : l’un contre les Alaouites, l’autre contre les Druzes. Ces massacres ont accentué la méfiance à son égard, tant au sein du peuple syrien que dans l’opinion publique internationale. Au lieu de répondre aux revendications des Alaouites et des Druzes en tant que citoyens syriens et de résoudre leurs problèmes par le dialogue, HTC a répondu par des massacres. Leurs maisons ont été pillées, incendiées et détruites. Femmes, enfants, jeunes et personnes âgées ont été tués sans distinction. Ces massacres ont été pleinement soutenus par la Turquie, qui n’a même pas exprimé la moindre condamnation ou critique.

Le 10 mars 2025, le gouvernement de Damas et les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont signé un accord reconnaissant les Kurdes comme l’une des composantes fondamentales de la Syrie et garantissant leur existence constitutionnellement. Pourtant, après cet accord, la constitution provisoire préparée par HTS exclut les Kurdes et leurs droits. Dans tous ses développements récents, y compris la formation du gouvernement, HTS n’a inclus ni les Kurdes ni d’autres groupes sociaux, niant de fait leur existence. La Turquie a conseillé et soutenu tout cela. Même les décisions du Conseil de sécurité nationale turc ont approuvé l’instauration d’un système unitaire et centralisé en Syrie.

Ces derniers jours, des efforts ont été déployés pour relancer les négociations et résoudre les différends entre le gouvernement de Damas et l’administration autonome des FDS. Une réunion s’est tenue à Damas sous la médiation de Tom Barrack. Cette réunion s’est soldée par un échec.

La décision fut alors prise de se réunir à Paris. La Turquie s’opposa à l’intervention d’une tierce partie et tenta de bloquer la réunion. Finalement, le gouvernement de Damas annonça son refus et demanda un report. Les États-Unis et la France acceptèrent. Une nouvelle date fut fixée pour la réunion, mais le gouvernement de Damas annonça plus tard son retrait des négociations de Paris. Chacun sait que c’est la Turquie qui a poussé à cette décision. Elle estimait qu’un accord avec la participation de puissances et d’observateurs internationaux aurait plus de chances d’être mis en œuvre. Anticipant que certaines décisions pourraient être prises en faveur de l’administration autonome, qui inclut les Kurdes, la Turquie s’est positionnée comme le principal acteur entraînant la Syrie dans l’incertitude et l’instabilité.

Par la suite, le ministre turc des Affaires étrangères s’est rendu à Damas. Peu après, les ministres syriens des Affaires étrangères et de la Défense ont été convoqués à Ankara. Ankara tente de maintenir HTC en vie et d’imposer sa domination en Syrie. Parallèlement, elle souhaite utiliser la Syrie comme son arrière-cour. C’est pourquoi elle a convoqué des responsables syriens à Ankara, leur a déclaré son soutien et leur a fait signer les accords qu’elle souhaitait.

Les FDS et l’Administration autonome souhaitent participer à la solution politique et au processus de reconstruction en Syrie. Elles souhaitent partager leur expérience démocratique et leurs connaissances accumulées avec le peuple syrien. Elles ont toujours accueilli favorablement les initiatives de dialogue et de recherche de solutions et n’ont jamais hésité à y participer. Pourtant, jusqu’à présent, le gouvernement de Damas a exclu les FDS et l’Administration autonome du processus politique, les tenant à l’écart de ses décisions. Il en va de même pour les Alaouites, les Druzes et d’autres groupes organisés.

Malgré cela, le ministre turc des Affaires étrangères a accusé les FDS, les menaçant et les accusant ouvertement, ainsi que l’administration autonome. Il affirme que le gouvernement de Damas est favorable à une solution, mais que les FDS résistent à l’unité et dressent des obstacles !

La Turquie sait pertinemment que les Kurdes vivent sous la menace d’un massacre, car elle-même participe aux plans d’attaque et d’élimination visant ces derniers. Alors que les massacres se poursuivent en Syrie et que la fumée s’élève encore des zones incendiées et détruites, les Kurdes et l’Administration autonome sont sommés de se rendre au HTS. Mais comme ils ne se rendent pas, ils sont menacés. Pourtant, la seule chose que font les FDS est d’assurer la sécurité des populations de la région. Elles n’ont aucune autre activité militaire. De plus, elles se déclarent prêtes à rejoindre l’armée syrienne. Mais la Turquie s’impatiente et demande aux FDS de « démanteler rapidement cette force », prétextant des « préoccupations sécuritaires ». Comment les FDS pourraient-elles représenter une menace pour la sécurité de la Turquie ?

Les FDS réclament des garanties juridiques et constitutionnelles. Une fois celles-ci obtenues, le problème disparaîtra. En attendant, les FDS souhaitent rester dans la région au sein de l’armée et comme garantie de sécurité. Mais le ministre turc des Affaires étrangères affirme que « la position provocatrice des FDS compromet le processus ». Il affirme également que « la Turquie soutiendra la lutte contre le terrorisme ». Qui sont les terroristes ? Des groupes comme Emşat et Hamzat ? Ces groupes et bien d’autres, dont nous ignorons même les noms, se livrent à des pillages et des massacres. Tous sont liés à la Turquie ou dépendent d’elle. Pourtant, il est clair que la Turquie ne les considère pas comme des terroristes. Il ne reste donc que les Kurdes et les FDS à être qualifiés de terroristes. L’État turc déclare qu’il soutiendra HTS contre d’éventuelles attaques du gouvernement de Damas contre les Kurdes.

Est-ce cela la fraternité kurdo-turque ? Si les Kurdes doivent être véritablement acceptés comme des frères, ne faudrait-il pas également leur assurer sécurité et garanties ? Or, les discours et les faits sur le terrain ne correspondent pas à une fraternité. Au contraire, l’hostilité classique envers les Kurdes perdure. (ANF)