TURQUIE / KURDISTAN – Des centaines de personnes ont été arrêtées la semaine dernière lors des manifestations déclenchées par la destitution des maires kurdes. On signale de la torture et mauvais traitements infligés aux manifestants détenus à Batman notamment.
Le Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples (DEM Parti) dénonce les mauvais traitements de la part de la police lors des manifestations en cours dans la ville kurde de Batman contre le limogeage de la maire élue.
La mairesse Gülistan Sönük, ainsi que deux autres maires kurdes, ont été démis de leurs fonctions par le ministère de l’Intérieur le 4 novembre, prétextant une enquête « liée au terrorisme » et remplacés par des administrateurs (kayyim ou kayyum) nommés par l’État. Des manifestations se poursuivent depuis lors, les manifestants ayant affronté la police. Des dizaines de personnes ont été arrêtées au cours de la semaine dernière.
Les responsables du parti DEM ont affirmé que la police avait maltraité les personnes arrêtées lors des manifestations. La députée Ceylan Akça a déclaré sur les réseaux sociaux : « Des jeunes sont torturés dans la prison de Batman. En ce moment, il y a de la torture policière à Batman. » Akça a exhorté le public à contacter la police de Batman et à exiger la fin de ce traitement présumé.
Ayşegül Doğan, porte-parole du parti DEM, a également utilisé les réseaux sociaux pour taguer le ministre de l’Intérieur Ali Yerlikaya et a déclaré : « Des informations font état de graves mauvais traitements en provenance de Batman. Des citoyens exerçant leur droit démocratique de manifester seraient soumis à la torture par la police. La torture est un crime et le droit de manifester est légitime. »
La députée Birgül Çubuk a déclaré : « Les policiers de Batman nommés par le syndic tentent de briser la volonté du peuple en le maltraitant. »
Le hashtag #BatmanEmniyetindeİşkenceVar (Il y a de latorture dans le département de police de Batman) est devenu populaire sur les réseaux sociaux, alors que les citoyens ont exprimé leurs inquiétudes face aux informations faisant état de torture et de mauvais traitements subis par les civils détenus au département de police de Batman. (Bianet)
Retour des administrateurs (kayyum)
Le 31 octobre, le ministère de l’Intérieur a remplacé le maire du district d’Esenyurt à Istanbul, dirigé par le principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), en invoquant une enquête pour « terrorisme » à son encontre. Le 4 novembre , les maires des villes de Mardin (Merdin) et Batman (Elih), et du district d’Halfeti (Xalfeti) à Urfa (Riha), contrôlé par le DEM Parti, ont été démis de leurs fonctions en raison d’affaires criminelles « liées au terrorisme » en cours contre eux. Le ministère a nommé des gouverneurs et des gouverneurs de district comme administrateurs à la place des maires.
En vertu de la loi turque, le ministère de l’Intérieur a le pouvoir de suspendre les maires faisant l’objet d’une enquête criminelle et de nommer des administrateurs pour agir à leur place. L’administrateur a le pouvoir de dissoudre les conseils municipaux, l’organe législatif des municipalités, qui sont des organes élus séparément et généralement composés de membres issus de divers partis politiques.
Le gouvernement a largement mis en œuvre des politiques de tutelle pendant la période d’état d’urgence qui a suivi le coup d’État manqué de 2016, en prenant le contrôle de presque toutes les municipalités dirigées par le HDP dans les régions kurdes du pays. Le parti a repris le contrôle des municipalités lors des élections de 2019 en remportant les élections dans 65 zones municipales, dont huit villes. Cependant, toutes les municipalités de district et de ville, à l’exception de cinq, ont finalement été reprises par le gouvernement dans les mois qui ont suivi, invoquant des enquêtes pour « terrorisme » et des poursuites contre les maires.
Le parti DEM, successeur du HDP, a remporté 11 villes sur 75 municipalités lors des élections de 2024. Le gouvernement s’est jusqu’à présent abstenu de toute prise de contrôle généralisée des municipalités, mais a nommé un administrateur pour la ville de Hakkari en juin. Avec les dernières prises de contrôle, le DEM a perdu trois des 11 villes qu’il avait remportées.