TURQUIE – Aujourd’hui, l’homme politique kurde emprisonné Selahattin Demirtaş est de nouveau face aux juges dans le cadre du « procès Kobanê », deux jours après le décès de son père Tahir Demirtaş.
« Je dédie ma défense à mon père [Tahir Demirtas], qui a élevé 7 enfants grâce à son travail acharné, sans savoir lire ni écrire », a déclaré Demirtas avant de commencer sa défense dans le hall du campus pénitentiaire de Sincan. En protestation à son emprisonnement illégale, Demirtas avait refusé d’assister aux obsèques de son père décédé le 31 décembre dernier.
Dans le procès – connu sous le nom d’« affaire Kobané » – 108 membres du Parti démocratique des peuples (HDP) sont accuse pour un message Twitter d’octobre 2014 appelant à la solidarité avec les habitants de Kobanê contre les attaques de l’État islamique (DAECH / ISIS). Au total, plus de 37 personnes (essentiellement des Kurdes) ont été tuées lors des manifestations de 2014 pour Kobanê – la grande majorité par des tirs de la police turque.
Les procureurs accusent le tweet d’avoir incité à la violence. La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme n’a trouvé aucune preuve pour soutenir cette accusation. En réexaminant l’affaire en décembre 2020, la CEDH a estimé que le Tweet « restait dans les limites du discours politique, dans la mesure où ils ne peuvent être interprétés comme un appel à la violence », et a demandé la libération immédiate du coprésident du HDP, Selahattin Demirtaş.
Selahattin Demirtaş n’a pas assisté aux funérailles de son père. Son avocat, Mahsuni Karaman, a déclaré que Demirtaş n’avait pas demandé aux autorités l’autorisation de quitter la prison pour enterrer son père en signe de protestation contre sa détention prolongée, bien que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ait ordonné sa libération immédiate.
Demirtaş a affirmé lors d’un récent procès que son emprisonnement était le résultat de son identité kurde et de ses convictions politiques, se définissant lui-même comme un « otage politique ».
La CEDH avait confirmé que l’emprisonnement de Demirtaş était « politiquement motivé » et avait adressé plusieurs avertissements à la Turquie concernant l’incapacité du pays à mettre en œuvre les arrêts de la CEDH, mais Demirtaş est toujours derrière les barreaux depuis 2016.
Tahir Demirtaş, qui était également l’ancien chef de la branche de Diyarbakır (Amed) de l’Association des droits de l’homme (İHD), avait subi une crise cardiaque l’année dernière et avait été hospitalisé à la veille des élections présidentielles cruciales de mai.
Selahattin Demirtaş a ensuite obtenu l’autorisation du ministère de la Justice de se rendre à Diyarbakır pour une brève visite à son père, gravement malade, en soins intensifs. Les milieux politiques ont interprété l’autorisation accordée à Demirtaş comme faisant partie d’un éventuel changement tactique dans l’attitude du Parti de la Justice et du Développement (AKP) au pouvoir à l’égard du HDP, afin de gagner les voix des Kurdes.
Cependant, dans un traditionnel discours de balcon après avoir obtenu un nouveau mandat, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a continué à qualifier Demirtaş de « terroriste ». La rhétorique de division utilisée par Erdoğan lors de son discours a trouvé un écho auprès de ses partisans qui ont scandé avec véhémence « Mort à Selo », soutenant apparemment extérieurement l’idée que l’ancien coprésident du HDP devrait être exécuté.