TURQUIE / KURDISTAN DU NORD – Bego Polat, survivant du génocide du Dersim où l’État turc a massacré plus de 70 000 Kurdes alévis et chassé 100 000 autres, est décédé à l’âge de 93 ans ce 9 novembre, la veille des commémorations nationales turques en honneur au boucher Ataturk mort le 10 novembre 1938…
Bego Polat, dont la mère et les trois frères et sœurs ont été assassinés sous ses yeux lors du génocide du Dersim perpétré par l’État turc entre 1937-38, est décédé à l’âge de 93 ans. Polat était en soins intensifs depuis deux jours.
À propos de Bego Polat
Bego Polat a écrit sur le massacre qui a eu lieu à Dersim entre 1937 et 1938, sur la base de son vécu. Polat, dont la mère et les 3 frères et sœurs ont été tués sous ses yeux alors qu’il n’avait que 9 ans, et dont les corps ont été jetés à l’eau, a survécu avec des blessures. Le vécu de Polat au cours de ces années ont été écrites et transformées en livre par sa fille Rose Polat Agum. Ayant pris note des histoires de son père depuis son enfance, Agum a publié un livre intitulé « Dersim 1938 et après » afin de documenté ces témoignages.
Bego Polat, qui est né dans une famille de 6 enfants dans le village de Körkez au centre de Dersim (dont le nom a été changé en Tunceli par l’Etat turc), a été témoin du plus grand massacre du centre-ville. Selon les récits du livre sur ces années, avant que le massacre n’ait lieu, son père, Hasan Polat, a été emmené au poste de police par les soldats un matin.
Cependant, les jours ont passé et on n’a plus jamais entendu parler de lui. Là-dessus, les deux frères aînés de Polat, Ali et Hüseyin, décident de rejoindre les insurgés. Les soldats ont tué la majeure partie de la famille sous les yeux de Bego Polat, sa mère Humar et ses sœurs Elif, Bira (4) et Hatice (6) et les ont jetés à l’eau avec Polat, qu’ils pensaient également mort. Cependant, Polat a survécu. Il s’est rendu compte que 2 doigts de sa main droite sont cassés. Il a atteint un village voisin et a demandé de l’aide. Il a ensuite été transporté chez ses frères qui étaient dans les montagnes et a vécu avec eux dans les montagnes jusqu’à ce que la loi d’amnistie soit votée, évitant ainsi le massacre. (ANF)
Bego, écrire pour briser le tabou autour du génocide kurde de Dersim
Entre 1837 et 1938, l’Etat turc a massacré plusieurs dizaines de Kurdes alévis dans la région de Dersim. Il a également déporté des milliers d’autres et fait adopter des fillettes kurdes par des familles d’officiers turcs pour les assimiler de force. Près de 9 décennies après les faits, la Turquie refuse toujours de reconnaitre ce génocide, comme elle l’a fait pour celui des Arméniens, Grecs, Assyriens… tous les peuples qui avaient la malchance de n’être ni turc, ni musulman sunnite… Pourtant, les descendants des rescapés de ces génocides tentent d’obtenir justice et réparation depuis des décennies.
Le père de Rose Polat Agum, Bego Polat n’avait que 10 ans quand les soldats turcs ont attaqué la région de Dersim et exterminé sa famille comme des milliers d’autres. Il a miraculeusement échappé à la mort certaine et, après une vie d’errance, a pu fondé une famille sur les terres arrosées du sang de son peuple. Des décennies plus tard, sa fille a voulu écrire l’histoire de son père, sa vie d’après le massacre pour laisser un témoignage aux générations futures et surtout pour qu’on n’oublie pas le génocide de Dersim* qui est un crime contre l’humanité, en attendant sa reconnaissance en tant que telle par la communauté internationale.
Le livre « Bego, Dersim 1938… et ensuite » a été publié d’abord en turc sous le titre « Bego-Dersim 1938 ve Sonrasi ». Vous pouvez commander sa version française auprès de l’autrice au 38 Grande rue, 77630 Barbizon, ou sur internet.
Le génocide de Dersim
Les politiques hostiles de l’État turc visant la province kurde de Dersim, depuis l’époque ottomane, ont atteint leur apogée en 1937 quand les Kémalistes ont massacré plus de 70 000 Kurdes alévis et en ont chassé 100 000 autres, réalisant le rêve que les Ottomans et les Unionistes n’avaient pas pu réalisé jusqu’alors.
Historien et chercheur kurde, Sedat Ulugana explique le contexte dans lequel le génocide de Dersim a eu lieu, en mettant en évidence la continuité d’une politique anti-Dersim de l’Etat turc héritée de l’empire ottoman. Un long reportage réalisé par Barış Balseçer:
83 ans se sont écoulés depuis le génocide de Dersim. Selon les chiffres officiels, entre 1937 et 1938, 14 245 [Kurdes alévis] ont été tués lors du massacre, du nom du décret « Opération Tunceli Tenkil », publié avec la décision du Conseil des ministres du 4 mai 1937. Cependant, selon des chercheurs historiques et de nombreuses sources, environ 70 000 personnes ont été tuées lors du génocide, parmi lesquelles des enfants, des personnes âgées et des femmes. Nous avons parlé avec le chercheur-écrivain Sedat Ulugana du génocide de Dersim.
Quel genre de transformation politique les Ottomans ont-ils connu avant le génocide de Dersim? Quand on regarde ce massacre commis par les Kémalistes, est-il possible de dire qu’une inimitié historique a été perpétuée ?
Contrairement à d’autres endroits du Kurdistan, Dersim est une zone que les Ottomans ne pouvaient pas contrôler complètement jusqu’aux Tanzimat (« réorganisation » en turc ottoman – ère de réformes qui ont eu lieu entre 1839 et 1876). Dersim a un statut relativement indépendant par rapport aux autres émirats kurdes. Bien qu’il semble parfois être lié à l’émirat de Çemişgezek, Dersim était une région tribale et les Ottomans ne purent y entrer vraiment qu’au milieu des années 1800. Le processus des Tanzimat que l’histoire officielle turque nous offre comme «occidentalisation et modernisation» est en fait l’imposition d’une autorité centrale au Kurdistan. Avec ce processus, le transfert à Istanbul du capital accumulé chez les Mîrs (émirs) kurdes a été planifié et mis en pratique.
Dans le processus des Tanzimat, les Ottomans tentent d’établir une autorité à Dersim, mais quand on regarde le Kurdistan, c’est le seul endroit où les Ottomans ont échoué. De l’ère Abdülhamit aux Tanzimat, les tribus sont sévèrement punies. Immédiatement après ce processus, le projet des régiments «Hamidiye» a été lancé en 1892. En fait, de nombreuses tribus alévies kurdes de Dersim souhaitent également participer à ce projet. Parce qu’ils voient ce projet comme un «statut» et une «capitulation» pour eux-mêmes. Un autre nom de ce processus est «la paix de l’État et des tribus». Le processus des régiments Hamidiye est la paix de l’État avec les tribus. Donc les Tanzimat sont aussi un projet pour les Kurdes. Cependant, malgré toutes les demandes, aucune tribu kurde-kizilbash de Dersim n’a été inclue aux régiments Hamidiye [Les Hamidiés étaient des régiments de cavalerie légère de l’armée ottomane créé en 1891 et recrutés principalement parmi les tribus kurdes. Leur nom « Hamidiye » vient de celui du sultan Abdülhamid II]. On inclus dans le projet des régiments Hamidiye uniquement des tribus kurdes sunnites.
Les relations entre les tribus Cibran et Xormeks, limitées à Dersim, jouent un rôle très important pour Dersim. Dersim devint alors le refuge des tribus Kizilbash. En plein pillages des régiments Hamidiye, les tribus des Xormek et des Lolan de Varto pouvaient riposter contre les pillages effectués par la tribu Cibran.
Pendant l’İttihat Terakki (Comité Union et Progrès – CUP, en turc İttihat ve Terakki Cemiyeti) il y eu une certaine calme à Dersim. Surtout avec la dissolution des régiments d’Hamidiye et la sécularisation de la politique d’islamisation Abdulhamid accès sur le sunnisme, Dersim peut enfin respirer. Mais la période de détente a lieu pendant les premières années de l’İttihat Terakki. Par la suite, l’İttihat Terakki met en place la politique de « turquification ». A partir de 1913, l’Etat renoue avec les méthodes de l’époque d’Abdulhamid pasha. Avec la mise en oeuvre des politiques de turquification, l’Etat mettra sur sa liste Dersim qui faisait partie de quelques régions jamais soumises. C’est à dire que l’Etat a décidé qu’a Dersim, la pensée étatique devait prévaloir. Cette liste a été léguée aux Kémalistes après l’İttihat Terakki.
Dersim est l’un des endroits que le kémaliste Abdülhalik Renda, l’un des noms importants de l’époque, député de Çankırı, a cités dans ses rapports en 1926, « Il y a trois lieux de problèmes au Kurdistan ». Dersim fait partie de ces lieux cités par Renda. L’hostilité anti-Dersim du pouvoir ottoman citée dans ces rapports, se lège au régime des Tanzimat; Du régime Tanzimat à l’Ittihat Terakki; Il est passé du Comité d’union et de progrès et enfin aux Kémalistes. En 1937, les Kémalistes ont réalisé le rêve que les Ottomans et les Unionistes n’avaient pas pu réalisé jusqu’alors.
Dersim est situé au centre du Kurdistan, c’est le cœur du Kurdistan. C’est une région très difficile [du fait sa position géographiques montagneuse difficile d’accès] . En raison de l’incapacité de l’État d’y régner, Dersim devient un port où toutes les tribus des environs peuvent se réfugier, une base pour les Kurdes. Tout comme le Rojava est une base à la fin des années 1920, Dersim est un port interne pour les mouvements kurdes. L’État sait que les codes kurdes de Kizilbash étaient très forts à cette époque. Déjà, en regardant les lettres de Seyid Rıza, la forte revendication kurde est perceptible. Dans de nombreux rapports préparés au cours de cette période, Dersim a été déclaré comme le «centre du kurdisme». Conformément à ces informations, le régime kémaliste a décidé de disposer de cette base et a mis en œuvre le projet d’anéantissement complet des Kurdes.
Alors, peut-on dire que les tribus ont pris part à la résistance contre le massacre?
Certaines tribus ne participent pas à la résistance. Mais ce n’est pas seulement un cas spécifique à Dersim. Dans toutes les sociétés où le féodalisme est fort, il est extrêmement facile de profiter des conflits internes et d’activer la dynamique interne de ces sociétés. En fait, en s’en prenant à Dersim, on cible Seyid Rıza. Parce qu’il y a la lettre qu’il a envoyée à Sèvre en 1920. La raison pour laquelle Dersim est une cible est l’insistance de Dersim en kurdicité.
Quand nous regardons l’histoire officielle de l’État turc, on s’aperçoit qu’ils donne comme prétexte la rebelion comme étant la cause profonde des massacres qu’ils ont commis et en même temps, dans leurs discours, ils qualifiaient de «réactionnaires-féodaux», etc. afin de donner une justification légale au massacre. en ajoutant des discours. Pourquoi est-ce ainsi ?
Depuis la rebelion de Bitlis en 1914, jusqu’en 1938, l’État s’efforce de dépouiller toutes les révoltes et résistances kurdes d’une personnalité politique pour le revêtir d’un «déguisement judiciaire». Telle est la politique de l’État et cette politique a commencé avec le processus de rébellion de Bitlis en 1914. Ils ont codé le processus Bitlis comme « un soulèvement réactionnaire contre le régime constitutionnel ». Ils ont également fait témoigner les leaders des tribus et les notables arméniens dans ce sens. Le consul russe de Bitlis de l’époque le reconnaît. Lors de la rébellion de Şêx Said en 1925, une opération a été menée auprès de la presse, et en particulier, on a fait pression sur la presse pour qu’elle présente la rébellion comme étant «réactionnaire, une révolte pour la charia».
Pour la rébellion d’Ağrı, qui est intervenue entre ces deux rebellions, on ne peut trouver un tel alibi. Alors, on la qualifie d’ « agissement de gang » et d’ « incitation des États étrangers », et on accuse l’Iran et les Britanniques. Le terme de « pouvoirs extérieurs » d’aujourd’hui remonte en fait à cette époque. Pour Dersim, on a utilisé la qualification de «liquidation du féodalisme». Quand nous regardons le codage de toutes ces révoltes par le régime républicain, ils ont trouvé un alibi pour chaque rébellion afin de les vider de la kurdicité.
Les révoltes kurdes sont-elles connectées les unes aux autres?
Toutes ces révoltes et résistances kurdes entre 1914-1938 sont interconnectées. Il s’agit en fait d’un mouvement monolithique. Mais ce sont des projets que l’État a brisés; les empêchant de fusionner entre-eux. Lors de la Rébellion de Bitlis en 1914, si les instructions de Bedirxan avaient étaient attendues, c’est-à-dire si la rébellion avait éclate pendant la guerre, la Première Guerre mondiale aurait pu changer le sort de la rébellion. Cela aurait pu entraîner un résultat positif pour les Kurdes. Mais à cette époque, l’État a pris toutes les précautions pour qu’elle reste locale. L’État a arrêté les membres du clan Bedirxan, en a exécuté quelques-uns, en a exilé plusieurs et en a acheté certains.
On voit les mêmes motivations dans la rébellion de Şêx Said en 1925. C’est un calcul remarqué plus tard. Pour le pouvoir ottoman, c’est la revanche sur la rebelion de Bitlis. Cette année-là, Cibranlı Halit Bey avertit de ne pas tenter de soulèvement. Nous n’avons pas de documents, mais je pense que Cibranlı Halit Bey et Alişer se connaissaient, notamment sur la ligne Erzurum. Halit Bey est la seule personne de la tribu Cibran que les tribus Xormek et Lolan respectent . Si la rébellion de 1925 avait été dirigée par Cibranlı Halit Bey, il aurait pu réaliser les unités tribales kurdes et alévies, en particulier au sein du Dersim. Il existe également une telle possibilité.
Quel le degré de véracité quand on décrit le massacre de Dersim comme un massacre d’Alévis ?
Quand on regarde Tokat, Kastamonu, Bandırma, en dehors de la géographie du Kurdistan, par exemple, les codes alévis des Turcs sont plus radicaux que les codes alévis kurdes. En d’autres termes, le régime kémaliste n’a pas de problème avec l’alévisme tel quel. Par conséquent, il ne suffit pas de qualifier le massacre de Dersim de «massacre d’Alevis» seulement. La raison prédominante orientant l’État contre Dersim est qu’il est kurde. Et c’est le pouvoir que les Kızılbaş (Qizilbash, l’ordre soufi chiite des Safavides auquel certains des Kurdes alévies ont adhéré) ont ajouté à la kurdicité.
Quel est le nombre de personnes massacrées et déplacées à Dersim?
Étant donné qu’une ou deux personnes de presque toutes les familles ont été anéanties à Dersim, il s’avère qu’entre 70 et 80 000 habitants de Dersim ont été massacrés. Beaucoup de gens ont été tués par le typhus et le choléra dans les prisons où 50 personnes ont été enfermées dans des cellules pour 10 personnes. Il y a beaucoup de gens qui sont morts sur les routes de l’exil. Il y a ceux morts de faim. Cela signifie qu’au moins la moitié de la population de Dersim a été assassinée.
Mais les dirigeants kurdes ne pouvaient-ils pas voir un tel massacre ou l’attention de l’État?
C’était absolument prévu. Surtout chez les Kurdes après le génocide arménien de 1915, Il y a la suspicion de « Ce qui a été fait aux Arméniens pourrait-il nous arriver? » Quelques années plus tard, le massacre de Koçgiri arrive comme une réponse à cette suspicion. On se disait : « L’État fera des massacres, mais chez les Kurdes alévis ». Cette fois-ci, on s’est dit : « Le feront-ils aux Kurdes sunnites? ». 4-5 ans plus tard, dans le triangle Palu-Genç et Lice, lorsque les villages kurdes ont été incendiés, avec enfants, vieillards, femmes, il était devenu certain qu’on allait massacrer tous les Kurdes.
Après le massacre de Zilan en 1930, la géographie du Kurdistan a été sérieusement réduit en silence. Dersim connaissait très bien le massacre de Zilan en 1930. De toute évidence, ils en avaient peur. Mais les habitants de Dersim n’avait pas d’autre choix. Donc, quoi qu’ils fassent, l’État allait commettre ce massacre. On a réfléchi à la manière de prévenir le massacre et des mesures ont été prises pour l’empêcher. La phrase de Seyid Rıza qui aurait dit , «je viendrai me rendre, pourvu que vous n’attaquiez pas Dersim», et le fait que le massacre ait tout de même eu lieu est une indication que l’État ne voulait en aucun cas faire de compromis. A Dersim, le gouvernement veut liquider complètement celui qu’il considère comme un « bandit », « nuisible à la turquicité », et il le fait.
Quelle est l’attitude des autres États face à cela ?
Aucun Etat ne réagit. Des avions britanniques ont même été utilisés à Zilan. Certains documents ont été rendus publics. «Nos avions ont été utilisés lors de la rébellion d’Ağrı. Nous nous demandons les forces de manœuvre. Mais les Kurdes en ont abattus quelques-uns ». Les Britanniques ont donné des armes à l’État turc à cette époque et ont transformé le Kurdistan en laboratoire. Des documents indiquant que les gaz toxiques utilisés à Dersim appartiennent à l’Allemagne sont également apparus récemment. En dehors de cela, il y a des lettres envoyées par Seyid Rıza à l’Angleterre et à la France, mais ces pays n’entendent pas le cri de Dersim, ils bouchent leurs oreilles.
Je suis tombé sur la correspondance interne de la France à cette époque. «Dans ce processus, l’État kémaliste a tué tant de Kurdes à Dersim. Nous entendons cela ». Mais il n’y a aucun commentaire sur les documents. Ils prennent juste l’information, c’est tout. Je n’ai pas trouvé de déclaration condamnant les massacres. Mais surtout avant le massacre de Dersim, les Français ont empêché les Xoybunistes de venir depuis la frontière syrienne. En bloquant les frontières, ils ont apporté un soutien implicite à l’État turc.
Quelle est la raison principale du soutien international au Kémalisme?
En réalité, les kémalistes se sont en fait battus contre les Grecs, les Arméniens et les Kurdes. Il n’y a pas de combat avec des puissances européennes telles que les Français, les Britanniques, etc., comme le décrit l’histoire officielle. Le régime kémaliste a dominé l’Anatolie à cette époque, en échange de la cession de la province de Mossoul aux Britanniques et de la province d’Alep aux Français et de renoncer à d’autres terres au Moyen-Orient. Il a amélioré ses relations avec les bolcheviques. Les Russes ont abandonné le Kurdistan aux Kémalistes. En fait, il n’y a pas de victoire comme le prétend l’histoire officielle turque. Le sultan Vahdettin allant en Angleterre, le régime ottoman est devenu le régime kémaliste. Les limites sont les mêmes. Le seul changement aux frontières est l’inclusion d’Hatay en 1937 et l’annexion de Chypre en 1974.
Quand nous regardons le présent, nous voyons que la politique néo-ottomane est toujours menée par Erdogan et le bloc au pouvoir. Comment les Kurdes peuvent empêcher cette tentative d’occupation?
Surtout en 1920, il y a une conspiration internationale contre les Kurdes dans le cadre du traité de Sèvres. Les Kurdes doivent tenir compte du fait que cette conspiration sera répétée. La seule chose qui déjouera cette conspiration est «l’unité nationale».
Le rapport de Mustafa Abdülhalik Renda
Mustafa Abdülhalik Renda est l’une des rares personnes à connaître l’esprit de la rébellion kurde et à avoir étudié les révoltes kurdes. Ce sont des gens de Roumélie (la partie de la péninsule balkanique sous domination ottomane), du Comité de l’Union. Pendant leur séjour à Roumélie et dans les Balkans, ce sont les unionistes qui ont connu la guerre avec les insurgés des Balkans et ont lu le concept de rébellion de la littérature française sur le plan politique. Renda a été trouvée dans différentes parties du Kurdistan de 1913 jusqu’au milieu des années 1920. C’est une personne qui dit ne pas avoir digéré le « kurdisme » de son propre aveux, en parlant de la période allant de la rébellion de Bitlis qui a eu lieu en 1914 à la rébellion de Şêx Said en 1925. Le rapport qu’il a préparé en 1926 est important. Dans le rapport, «Il y a trois districts au Kurdistan. La première de ces régions est le mont Ararat et le ruisseau de Zilan; le deuxième est Sason et le troisième est Dersim ». Ils ont perpétré le massacre de Zilan en 1930. Ils ont perpétré un massacre à Sason en 1935. Ils ont perpétré le massacre de Dersim entre 1937 et 1938.
L’origine du Comité de l’Union
Quand on regarde toutes les révoltes kurdes, on voit que presque tous les commandants turcs qui ont organisé des massacres ou préparé des rapports étaient d’origine thracienne ou balkanique. Comment dois-je lire ceci?
Le lieu où le Comité d’union et de progrès a été créé n’est pas le territoire anatolien, c’est Roumélie. Ces personnes sont principalement des immigrants Roumélie. L’Armée du Mouvement, dont l’Union et les progressistes ont pris le commandement, est arrivée à Istanbul de Thessalonique. Cette équipe s’assure que tous les officiers des quartiers de Thessalonique et Roumélie arrivent à des postes clefs. En fait, ce sont ces cadres qui ont fondé la république kémaliste. En d’autres termes, tout en faisant la promotion du turc anatolien ou d’un officier d’origine kurde, arabe et albanaise promu capitaine; Le régime kémaliste – également lié au fait qu’Ataturk soit originaire de Thessalonique – garantit que les immigrants de Roumélie de l’armée montent jusqu’au grade de général. Ce fut le cas jusqu’aux dernières années.
Première; ce sont des Serbes, Bulgares, etc. islamisés. Ce sont des peuples des Balkans. En d’autres termes, ce sont des personnes issues de familles islamisées il y a plus de 100-200 ans. Il n’y a aucun autre endroit où ces gens peuvent aller. Ils voient l’Anatolie comme une patrie.
De Cevdet Sunay à Fevzi Çakmak, Salih Omurtak, Alpdoğan… Ces personnes sont des officiers de réserve diplômés en tant qu’étudiants militaires, bien avant le génocide de Dersim. Ce sont la génération prometteuse de l’Ittihat Terakki. Ces personnes avaient déjà appris comment le génocide pouvait se faire systématiquement. Cette génération a réalisé le génocide à Zilan en 1930, ils ont théorisé complètement le génocide. Par la suite, ils ont publié des livres éducatifs appelés «guides de recherche de passeurs et de bandits» dans les écoles de gendarmerie. Le but principal de ces livres est de savoir comment tuer des Kurdes et comment faire des massacres. Les directives ont été publiées entre 1930 et 1933. Ils ont été formés au massacre et au génocide dans les écoles de gendarmerie et d’officiers.
L’importance de Nuri Dersimi et d’Alişer
Quelle est l’importance de Nuri Dersimi et Alişer en termes d’histoire kurde?
Contrairement aux intellectuels kurdes, Nouri Dersimi est également un militant. L’anxiété intellectuelle est plus dominante quand on regarde Celadet Ali Bedirhan ou Memduh Selim. Nuri Dersimi est un homme de lutte, d’action. Plus que Seyid Rıza, je pense que Nuri Dersimi n’a pas agit indépendamment d’Alişer. Nuri Dersimi avait un lien politique important avec le Mouvement Xoybun qui était en Syrie. De même, dans son livre, il essaie d’exprimer qu’il a des réseaux de renseignement. À cette époque, nous voyons que le Xoybun existait sous forme d’organisation clandestine presque partout au Kurdistan. En ce sens, je pense que Nuri Dersimi est en fait l’un des rares cadres politiques de la Résistance de Dersim.
Un autre de ces cadres politiques est bien sûr Alişer. Alişer a une ambition. Dans sa lettre de 1920, il apparaît comme un acteur kurde ayant l’intention de porter le fardeau de tout le Kurdistan (avec les sunnites, les alévis et les Êzîdîs) et d’être leur dirigeant. Dans sa lettre, il dit: « J’ai parlé aux Russes au nom de 8 millions de Kurdes ». Quand on regarde la lettre qu’Alişer a écrite en 1920, on voit aussi qu’il a suivi attentivement les travaux de la kurdologie de l’époque.
*Des documents fuités en mai 2019 révélaient que le fondateur de la Turquie, Ataturk avait acheté des armes chimiques à l’Allemagne nazie (1937) pour les utiliser lors du massacre des Kurdes à Dersim.